Né en Turquie le 15 octobre 1920, Henri Verneuil est décédé le 11 janvier 2002. Un siècle traversé avec la caméra. Un siècle où il n'aura jamais pu vraiment se remettre de son exil forcé d'Arménie.
D'abord journaliste, ce grand ami d'Aznavour, devînt cinéaste en 1952, avec La table aux crevés. 7 ans plus tard, grâce à la star ultra-populaire qu'est Fernandel, il obtient son premier succès avec La vache et le prisonnier, chouchouté par de nombreux programmeurs TV. Il avait été pourtant remarqué dans le film Les amants du tage, avec la star du Fado, Amalia Rodriguez.
Mais c'est en 62, avec Le Singe en hiver, Mélodie en sous-sol et 100 000 $ au soleil, qu'il laisse sa marque dans un cinéma populaire, divertissant, basé sur des scénarii solides et des acteurs en acier. Il réunit des castings impressionnants : Belmondo, Gabin, Ventura, Delon, Blier. Des gueules au service de dialogues ciselés à la précision, des histoires de flouze dignes des meilleurs "Série Noire". Un cinéma viril.
Dans Le singe en hiver, Belmondo, Gabin et Flon, ont chacun des moments inoubliables de cinéma, de délire éthylique, finissant en apothéose par un feu d'artificie surréaliste, repris par Van Dormael 30 ans plus tard. Il prolonge cette veine du polar et du film hormonal avec Week-end à Zuydcoote, La bataille de San Sebastian, Le clan des Siciliens. Les années 60 seront ses meilleures, artistiquement, et il parviendra à acquérir une réputation internationale.
Définitivement, sa carrière sera "attachée" à celle de Belmondo. Dans Le casse, sommet du genre, il lui adjoint Omar Sharif et Nicole Calfan (sublime), en pleine Grèce, si proche de ses origines. Avec Peur sur la ville, il donne ses lettres de noblesse aux cascades de Bébel (celle du métro est anthologique), et mélange serial killer et action, dans un film qui reflète bien la noirceur du cinéma policier de l'époque. Enorme hit, il rempilera avec Le corps de mon ennemi, dans le veine des films politiques, quand le patronnat était patriarcal, provincial. Belmondo affronte Blier, sous les beaux yeux de Pisier, et nous fait découvrir une France profonde à deux vitesses, où l'immense Michel Beaune nous la joue pute trav. Il fera aussi tourner Montand (I comme Icare) et Dewaere (avec Jeanne Moreau, dans Mille milliards de $). Il concluera sa filmographie "non autobiographique" en 84, avec Les Morfalous, où Bébel s'éclate avec des chars dans le désert. Le succès annonce aussi le chant du cygne, malgré une réplique culte (un mari qui s'électrocute en pissant inspire cette phrase à Laforët : "C'est bien la première fois qu'il fait des étincelles avec sa bite").
Au début des années 90, il achève sa carrière de 37 films, avec Mayrig et 588 rue Paradis, deux volets autobiographiques racontant son enfance, son arrivée en France. Hommage à la communauté arménienne, pas encore reconnue par le Parlement français génocidée par les Turcs, le film, puis la série TV, ont repris ses mémoires écrites.
Il fut nommé à l'Académie des Beaux-Arts en 2000, et avait été récompensé par un César d'honneur pour l'ensemble de son oeuvre en 96.
Son cinéma était unique, un des rares à imposer le respect dans le genre (polar, action) en France, donnant quelques uns des plus grands rôles aux plus grands comédiens de son époque. Incroyable conteur, il fut nommé à l'Oscar du meilleur scénario pour Le mouton à 5 pattes

Vincy / 11.01.02