Les Molières
priment les Césars
Les Molières, cérémonie encore plus soporiphique
que les Victoires et les César, deviennent une sorte d'annexe au
7ème Art. Il y a toujours eu des acteurs de l'écran qui
se délectaient sur les planches. Mais la 16ème édition
montre à quel point les paserelles entre les deux arts sont de
plus en plus naturelles. Et il en sera de même bientôt entre
la télévision et le cinéma.
Annie Girardot, triple césarisée (dont le second rôle
féminin cette année), sera d'avance la reine du cumul avec
un Molière d'honneur, en plus de sa nomination à titre de
meilleure comédienne. Autre césarisée 2002, Rachida
Brakni (meilleur espoir féminin dans Chaos) se voit favorite parmi
les révélations théâtrales féminines
pour son interprétation à la Comédie Française
dans Ruy Blas. Jean-Paul Roussillon (nommé au César du meilleur
second rôle masculin) se voit cité parmi les meilleurs comédiens
de théâtre de l'année. Quant à André
Dussollier - dans son one-man show poétique - déjà
César du meilleur second rôle masculin (et nommé au
César du meilleur acteur), il se voit lui aussi cité parmi
les meilleurs comédiens. Les César, simple répétition
des Molières? Pas seulement. De nombreuses comédiennes et
comédiens se retrouvent nommés aux Molières alors
qu'ils sont souvent ignorés des César.
Clémentine Célarié, Annie Grégorio, Wojtek
Pszoniak, Philippe Clay, ou encore la fille de Marlène Jobert,
Eva Green se voient finalement mieux reconnues pour leur présence
scénique. L'exception serait bien entendu Muriel Robin, qui a débuté
et triomphée en solo sur les planches, a connu le succès
au cinéma (Les Visiteurs II, Marie-Line qui lui a valu une nomination
de meilleure actrice aux César), et se voit citée meilleure
comédienne dans une pièce moderne (La Griffe A71).
Mais la véritable nouveauté, et interrogation, de cette
année, c'est bien le poids du cinéma dans la création
théâtrale. Une pièce de répertoire, Bent, a
été reprise cette année. Ce classique sur la Shoah
et les étoiles roses avait donné un film, en sélection
à Cannes, en 97. Mais le plus original est l'adaptation de deux
films - radicalement différents - en pièce "originale".
L'immense succès de Michel Leeb dans le rôle de Robin Williams,
alias Madame Doubtfire, fera de cette "création" un classique du
boulevard, à coup sûr. Il s'agit de l'une des pièces
comiques retenues cette année. Cette comédie hollywoodienne
des années 90 s'est transformé en foire à rire, ciblant
ainsi un public populaire. Le même théâtre a proposé
cette année, dans une plus petite salle, les Monologues du Vagins
et : une pièce féministe et une autre à orientation
gay.
La pièce qui a reçu le plus de nominations - 9 - n'est autre
que La petite boutique au coin de la rue. Un film de Ernst Lubitsch (une
des meilleures comédies du maître), remaké par Tom
Hanks et Meg Ryan dans You've Got a mail, s'est transformé en succès
surprise dans un théatre de Montparnasse. Le cinéma, source
d'inspiration? Chaque art se nourrit de l'autre. Et parfois avec génie.
La soirée en elle-même, et le palmarès, n'offrent
que peu d'intérêt. C'est hélas une courte fenêtre
dans l'année pour que le théâtre arrive dans tous
les foyers. La télévision a fortement réduit sa programmation
de spectacles. Surtout, on regrettera que cette nuit des Molière
ne fasse pas plus de place à la danse, aux improvicateurs et aux
spectacles de la rue. Les Spectacles Vivants semblent malgré tout
enfermés dans un musée où seul le verbe a le dernier
mot.
VinCy / 03.04.02