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Palmarès
- Palme d'or court métrage Festival de Cannes (86)
- Nomination César du meilleur film (77)
- Ours d'argent Festival de Berlin (72)
- Prix Jean Vigo (62)

Filmo sélective
- Montparnasse-Pondichéry (94)
- Le bal des casse-pieds (92)
- La Gloire de mon père, Le château de ma mère (90)
- Le jumeau (84)
- Courage fuyons (79)
- Nous irons tous au paradis (77)
- Un éléphant ça trompe énormément (76)
- Le retour du grand blond (74)
- Salut l'artiste (73)
- Le Grand blond avec une chaussure noire (72)
- Alexandre le bienheureux (67)
- Monnaie de Singe (65)
- La Guerre des boutons (61)
- Signé Arsène Lupin (59)
- Les Hommes ne pensent qu'à ça (54)

 

LE BIENHEUREUX AU PARADIS

Yves Robert n'a sans doute jamais eu les honneurs que le cinéma sait tant donner à ses créateurs. Trop populaire, sans doute. A la lecture des réactions posthumes, on peut sentir un certaine gêne doublée d'une compassion. Le malaise vis-à-vis des auteurs de comédies est flagrant lorsqu'ils sont vivants. Leur mort ne fait que culpabilisier le snobisme des élites.
Cet homme de gauche a passé l'arme à gauche. Mort à 81 ans, ce producteur, scénariste, comédien et réalisateur, et mari de Danielle Delorme, était un acteur doué et attachant; il se révéla un cinéaste populaire et sans reconnaissance. Il adaptait Pergaud ou Pagnol, ou filmait les déboires de français moyens dans des situations cocasses. Mais il insufflait toujours une vision un brin romantique, doucement nostalgique, légèrement émotive. Sans verser dans les larmes, il aimait les sentiments plus grands que soi. Ce cinéma candide et très français - même dans l'humour - n'avait pourtant rien de niais. Les réalisations étaient soignées, et le jeu des acteurs (son vrai talent résidait sans aucun doute dans la direction des comédiens), l'obsession du rythme, lui permettaient de divertir sans lasser, tout en nous faisant oublier une technique sans brio. Ses films font encore le bonheur des soirées télévisuelles.
Son bonheur et sa tendresse se transposaient naturellement dans ses oeuvres, qu'il façonnait comme un artisan. Il a ainsi créé son pinocchio, Pierre Richard - et le personnage maladroit qui fit de lui une star. Bedos, Mastroianni, Deneuve, Rochefort, Noiret, Brasseur, Blier, Dussollier et Miou-Miou furent tous entre ses mains et aujourd'hui gardent des souvenirs inoubliables de ce perfectionniste et prince du burlesque.
En tant que comédien, il ne tournait plus beaucoup. On se souviendra de sa moustache, de son air bourru, de ses yeux pétillants derrière ses lunettes dans La Crise (Serreau), Garçon (Sautet), Le Juge et l'Assassin (Tavernier), Section Spéciale (Costa-Gavras), et quand il était plus jeune chez Varda (Cléo de 5 à 7), Claude Autant-Lara (La jument verte), Jean Boyer (Nina), René Clair (Les grandes manoeuvres), Marcel Carné (Juliette ou la clé des songes).
Né en 1920, dans le paisible val de Loire, avec un père dentiste, il avait débuté à 22 ans dans les cabarets et les théâtres de Lyon. Son premier film de comédien date de 48. Il passera derrière la caméra pour un court métrage en 51 (Les bonnes manières). Les hommes ne pensent qu'à ça sera son premier long. Il a 33 ans.
Ce sera cette voie là qui le conduira au paradis avec La Guerre des boutons, en 61. D'après le célèbre roman de Louis Pergaud, ce film d'enfants sera son plus gros succès, avec près de 10 millions de spectateurs. Un classique des cours d'écoles. En 67, il fait l'éloge de la fainéantise dans Alexandre le Bienheureux où Noiret excelle face à l'ambitieuse Marlène Jobert. Le chien y a un rôle important et joue très bien. Nouveau hit. Mais c'est avec son Grand Blond et sa chaussure noire, qu'il marque les esprits cinéphiliques. Film culte, co-scénarisé avec Francis Veber (dont la filiation est évidente) se dote d'un casting chic et choc (Darc, Carmet, Blier, Rochefort, Richard...), d'une musique entêtante, et de scènes absurdes qui donneront à ce Grand blond aura le droit à une sequel exotique. Le premier opus offrira malgré tout plus de plaisirs, des dialogues de cons ("On tourne en rond, merde on tourne en rond") à la chûte de rein dénudée de Mireille Darc.
Tous ses films semblent voués au carton (au minimum 2 millions de spectateurs). Avec sa comédie sociale de quadras déjà gauche caviar (en plein Giscardisme), Un éléphant ça trompe énormément et sa suite Nous irons tous au paradis, il frappe là encore en plein coeur. Et impose des scènes que la mémoire collective ne peut effacer. Il aime pointer les failles de ces grands enfants devenus adultes. Les hommes ne pensent qu'à ça (l'argent, les femmes...).
Les années 80 seront moins fastes : les comédies moins réussies, les films de souvenirs maladroits. Mais en 90, après le succès de Berri et de son Jean de Florette, il prend le risque d'adapter Pagnol et son enfance ensoleillée. La Gloire de mon père, Le château de mon père l'amène en territoire inconnu : le film presqu'historique, l'épopée romanesques, des acteurs qui ne font pas partie de sa famille, un scénario quasi intouchable. Le triomphe, sa gloire, seront au rendez-vous (10 millions de spectateurs au total). Robert est presque consacré. Il fera deux petits tours avant de s'en aller.
Son seul travail majeur depuis sa dernière réalisation en 94 s'incarnera dans La Gueville, sa société de production, à qui l'on doit un polar (Fréquence Meurtre), du grand spectacle (Himalaya, Le Peuple Migrateur) ou même des comédies (Les malheurs d'Alfred, Le distrait). Il quitte ainsi ce bal des casse-pieds pour rejoindre son paradis, ses copains. En espérant que eux, au moins, là haut, salueront l'artiste.

Vincy / 10.05.02  


 

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