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Filmo

1995 Le Garçu
1991 Van Gogh
1987 Sous le Soleil de Satan
1985 Police
1983 A nos amours
1980 Loulou
1979 Passe ton bac d'abord
1974 La Gueule ouverte
1972 Nous ne vieillirons pas ensemble
1971 La Maison de bois (TV)
1970 L'enfance nue
1960/1969 courts métrages : L'amour existe, Janine, Maître Galip, Jardins d'Arabie, Pehlivan, Byzance, Village d'enfants.

 

LE GARCU CHEZ SATAN

Triste nouvelle d'hiver. Un cinéaste, un créateur même, contesté mais adulé, rare mais intense, est mort. Né pendant l'été, celui de 1925, dans l'entre deux guerres, dans la taciturne Auvergne.
Maurice Pialat n'était pas réputé facile. Le réalisateur avait des rapports complexes, affectifs, susceptibles, exigeants de loyauté, et pas seulement avec les comédiens. ila même son double "lumineux", Claude Berri, ami et ennemi, frère et beau frère. Tout cela masque l'authenticité de son oeuvre, éclairée.
Seulement 10 longs métrages. Pourtant il a eu le grand chelem : Prix Louis Delluc, César du meilleur film, Prix Jean Vigo, Palme d'Or. En 87, Sous le Soleil de Satan, contesté par une partie des festivaliers, reçoit le prestigieux honneur. Montand, président du jury, a imposé un film français en tête du palmarès. Un film cru, rigoureux, sans concession. Il reçoit des huées et non des bravos et rétorquera : "Vous ne m'aimez pas, je ne vous aime pas non plus." Tel est le malentendu continuel entre Pialat et ses collègues du cinéma.
Il y a trois périodes cinématographiques. Les années 60 avec ses courts métrages, les années 70, de L'enfance nue à Loulou. Il se laisse pousser la barbe. Puis il réalisera 5 films (son dernier date de 1995) à la fois bruts et somptueux. Son vrai désir de cinéma sera pourtant contrarié par un système qu'il ne comprend pas, avec lequel il ne veut pas se compromettre. Profondément pessimiste, il se plaignait souvent d'être oublié, d'être mal aimé. La difficulté à monter un film après l'échec financier du Garçu sera symptomatique de cet état dépressif.
Depuis Loulou, son cinéma a changé. Il fait du Pialat, et l'avoue lui-même. Parce qu'il parlait de lui aussi : son cinéma est relativement auto-biographique. Les rapports humains sont mis en scène dans des situations extrêmes (exclusion, maladie, mort, aliénation, ...). Des duels de comédiens, des sentiments à nus. Comme il tourmentait ses amis, comme il voulait tuer les gens avec sa caméra. Il ne leur laissait pas une seule chance de s'en tirer. Il vire par amour, il retrouve par dépit ou envie, il se fache pour ne pas exprimer son admiration, pour ne pas être dépendant. Seul rescapé de toute cette (més)aventure, Depardieu, son double, son rôle à l'écran. On le croit héritier de Bresson, mais son cinéma explore davantage de voies. Il voulait être peintre, avait été formé aux Beaux Arts. Bien sûr cela explique Van Gogh, mélange de folie et de fascination, de création et de doute, de couleurs et de ténèbres. Auto-portrait. Mais cela justifie aussi pourquoi il filme tant la peau démaquillée, les matériaux, les tissus, et même les mélange.
Ce qui n'a certainement pas aidé le réalisateur est d'être "panthéonisé" de son vivant. On le citait souvent comme le plus grand cinéaste français. Il a fait tourné Jobert, Huppert, Bonnaire, Marceau, Pailhas, Yanne, Depardieu et Dutronc. Les souvenirs sont variés. Pourtant le spectateur retient la mini jupe rouge de Sandrine Bonnaire (à ses débuts), la pate de la peinture dans la paume de Van Gogh ou les plans majestueux de Satan. Car Pialat était perfectionniste et savait tirer le meilleur de ses collaborateurs.
Le personnage, anticonformiste, pouvait être poli naturellement et difficile à vivre, "rugueux, insatisfait des autres et de lui-même" (Gilles Jacob), parce qu'il s'agit d'un être de contradiction. D'un créateur autodestructeur. Il était différent, son cinéma aussi, mais ne laissait pas indifférent. Son cinéma, encore moins. "J'aime un cinéma où il se passe quelque chose d'humain" avouait-il. Cet homme qui n'arrivait pas à mentir ne cherchait qu'à restituer une vérité, parfois simple, et donc si compliquée à reproduire. Il filmait les misérables, les âmes damnées, les êtres perdus, les anges déchus. Il se voyait ainsi. Dans ses derniers entretiens requiem, il considérait qu'aucun de ses films n'étaient bons, qu'il se foutait de la postérité. Après tout, dans son cinéma, il jouait des conventions. Reste que e cinéma français vient de perdre un immense cinéaste.

Vincy / 11.01.03  


 

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