Inabouti mais élégant, The skycrawlers de Mamoru Oshii

Posté par MpM, le 4 septembre 2008, dans Avant-premières, Critiques, Festivals, Films, Personnalités, célébrités, stars, Venise.

The sky crawlers

On n’avait plus de nouvelles de Mamoru Oshii depuis la sélection d’Innocence à Cannes en 2004, son avant-dernier film (Tachigui : the Amazing Lives of the Fast Food Grifters), déjà présenté en compétition à Venise il y a deux ans, n’ayant toujours pas fait l’objet d’une sortie en France. The skycrawlers aura peut-être plus de chance. Inspiré d’un roman en six volumes de Mori Hiroshi, ce film se situe dans un monde ressemblant étrangement au nôtre, où la guerre est devenue une sorte de divertissement opposant deux compagnies privées. Les pilotes sont des "Kildren", des adolescents qui ne vieillissent jamais et consacrent leur vie à des combats aériens vertigineux amplement médiatisés.

Pendant plus de la moitié du film, on suit l’un de ces pilotes, Yuichi Kannami, dans la nouvelle base où il a été affecté. Le scénario alterne alors scènes banales du quotidien (dont l’ambiance infiniment morne laisse entrevoir le malaise qui règne parmi les pilotes) et combats spectaculaires dans les airs. Le contraste est saisissant entre l’apathie dont ils font preuve lorsqu’ils sont à la base (ils ne font rien d’autre qu’attendre) et l’énergie qui les anime dès qu’ils sont aux commandes de leurs engins. Mamoru Oshii a d’ailleurs choisi d’utiliser deux techniques d’animation différentes selon les situations : les séquences intimistes sont réalisées à la main et en 2D tandis que celles des combats bénéficient de la technologie 3D générée par ordinateur. Indéniablement, cette dernière offre au film ses plus beaux moments visuels avec des ballets aériens extrêmement fluides et réalistes qui emportent le spectateur au cœur de l’action. On est moins convaincu par l’animation plus basique des personnages, stylisés et peu expressifs.

Une lourdeur narrative qui pèse sur l'oeuvre 

Mais la plus grande déception se situe dans l’histoire elle-même, finalement très ténue. L’exposition des personnages et du contexte est très longue et un peu vague, tandis que la répétition des scènes quotidiennes (destinées à décrire l’état d’esprit des pilotes) se prolonge au-delà du nécessaire. Le réalisateur laisse sur sa faim à la fois le spectateur avide d’action et celui qui attend vainement qu’une intrigue se noue. C’est seulement dans le dernier tiers du film que se dégagent enfin les thèmes essentiels, véritablement passionnants, mais trop tardifs pour être correctement développés. On est pourtant en plein dans le sillon creusé par Oshii avec des films comme Ghost in the shell, Innocence ou Avalon. Les personnages principaux ne sont plus des cyborgs mais des êtres génétiquement modifiés dans le but de remplir une fonction bien précise. Mais que se passe-t-il quand ils vivent assez longtemps pour exister au-delà de cette fonction, et surtout pour commencer à s’interroger sur eux-mêmes ?

La question de la part de l’humain en chacun est toujours prégnante chez Oshii, tout comme sa volonté de dresser un parallèle avec la société actuelle. Il stigmatise notamment l’obsession des pays riches pour la jeunesse, mais aussi le désarroi qui frappe une génération n’ayant rien à attendre ni espérer, et rien non plus à craindre ou redouter. Ses personnages vivent ainsi dans une temporalité floue constituée d’un présent éternellement répété, comme une malédiction les condamnant à reproduire inlassablement les mêmes gestes sans espoir d’évolution. C’est ce manque d’espoir que le réalisateur tente de combattre en proposant une lecture positive de cette existence apparemment vaine : "même si la route est la même, on peut toujours y voir de nouvelles choses", déclare son héros avant de prendre son destin en mains. Autrement dit : à chacun de s’extraire de ce "monotone purgatoire" dans lequel la société nous enferme, aussi confortable soit-il. Malheureusement, en ne développant cette théorie que dans les tous derniers moments du film, et en expédiant trop rapidement les enjeux qui en découlent, Mamoru Oshii laisse un profond sentiment d’inabouti...

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