Poitiers : focus sur Brises d’Enrique Ramirez, prix du jury étudiant

Posté par MpM, le 16 décembre 2008, dans Courts métrages, Festivals, Poitiers.

brisesUn homme marche sans s’arrêter dans la rue, traverse la route, s’engage dans un bâtiment imposant. La caméra le suit, le précède, l’accompagne. Un impressionnant plan séquence de 10 minutes qui nous mène au travers de la Maison du Gouvernement chilien, du sud vers le nord. En chemin, on croise des gardes, une femme dans un bassin rempli d’eau, des chiens errants. En surimpression, une voix-off égraine des bribes de souvenirs, de pensées, de sensations. C’est un choc, à la fois esthétique et émotionnel. Même sans identifier tous les symboles, on sent confusément le poids de l’Histoire qui pèse sur Brises. D’où l’absolue nécessité de rencontrer Enrique Ramirez, son réalisateur, étudiant d’origine chilienne en deuxième année à l’école du Fresnoy (Tourcoing).

Où avez-vous tourné Brises ?
Enrique Ramirez : J’ai obtenu l’autorisation de tourner dans la Maison du Gouvernement chilien, qui a été détruite pendant le coup d’état de Pinochet puis reconstruite. Cela m’a pris un an d’avoir cette autorisation… et je l’ai eue seulement la veille du tournage. Cet endroit se visite mais seulement dans un sens : du nord vers le sud, c’est-à-dire de <la Place de la Constitution vers la Place de la Citoyenneté. Moi, je voulais aller dans l’autre sens, commencer par le côté interdit.

Pourquoi ?Enrique Ramirez
E.R. : Je trouve ça incroyable que l’on soit en démocratie, que les portes soient ouvertes au public… mais que malgré tout on ne puisse pas choisir le sens de la visite, ou revenir en arrière dans le bâtiment. C’est symbolique du fait qu’au Chili, on essaye d’oublier l’Histoire. Or c’est important pour construire une nouvelle histoire de ne pas oublier le passé ! D’où l’idée de traverser la Maison du Gouvernement qui est un lieu symbolique pour tous les Chiliens. Elle évoque à la fois la guerre civile, la mort d’Allende et le retour à la Démocratie. La traverser, c’est comme traverser l’Histoire. C’est aussi pour cela que l’eau est un élément important dans le film : l’eau nettoie, mais la seule chose que l’on ne peut pas nettoyer, c’est la mémoire.

Vous ne donnez dans le film ni explications sur la signification du lieu ni rappels historiques…
E.R. : J’ai voulu faire le film pour les Chiliens mais aussi pour ceux qui ne connaissent pas notre histoire, que cela fonctionne pour les deux grâce à un travail sur l’imaginaire et les sensations. Et puis la guerre, l’histoire, la mémoire, les gens qui disparaissent… tous les pays connaissent cela ! J’ai voulu donner cette portée universelle au film, d’où l’absence d’explication. Le texte est plutôt autobiographique, il évoque des images de l’enfance qui peuvent parler à tout le monde. Moi, j’ai grandi avec la dictature et ça me paraissait un peu normal car je n’avais rien connu d’autres ! Ce n’est que des années après que j’ai compris ce qui s’était réellement passé.

Comment s’est concrètement passé le tournage ?
E.R. : Nous avions l’autorisation de tourner une matinée. Je n’étais pas sûr que nous aurions le temps de faire deux prises… mais finalement ça a été possible, et c’est la seconde qui est dans le film. Comme le palais est dans la rue principale de Santiago, il n’était pas possible d’arrêter le trafic. Mais j’aime bien travailler comme ça, avec les passants qui font partie du film. J’aime bien le hasard… le fait de ne pas tout contrôler. C’est pour cela que j’aime les plans-séquences.

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A voir : le palmarès complet des Rencontres internationales Henri Langlois.
A noter : Brises sera diffusé le 27 décembre à 20h dans le cadre de la manifestation Dans la nuit les images au Grand Palais à Paris.

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