L’instant Court : Bunker, réalisé par Paul Doucet

Posté par kristofy, le 6 novembre 2011, dans Courts métrages, Films, L'instant court.

BunkerComme à Ecran Noir on aime vous faire partager nos découvertes, alors après le court-métrage Pixels réalisé par Patrick Jean, voici l’instant Court n° 52.

Avant que la Contagion de Steven Soderbergh contamine nos écrans à partir du 9 novembre prochain, sauve qui peut. Se retrancher dans un bunker semble d'ailleurs la meilleure solution pour éviter d’être infecté. Mais si on y est seul, cela change tout... C'est en tout cas l'expérience que fait Marie, l'héroïne de l'Instant court de la semaine.

Voila donc Bunker réalisé par Paul Doucet. Ce court-métrage, qui pourrait presque être l’introduction d’un long ambitieux, révèle un jeune cinéaste prometteur…

Le réalisateur Paul Doucet nous commente l’expérience du tournage de Bunker :

Ecran Noir : On remarque comme un décorum nostalgique du passé alors qu’il s’agit d’une histoire typique de science-fiction futuriste, pourquoi cette ambiguïté ?
Paul Doucet :
En fait, Bunker est une adaptation non officielle de l'univers du jeu vidéo Fallout (ndr : le joueur évolue dans un univers post-apocalyptique d’une civilisation uchronique), un peu remanié à ma sauce. Et s'il y a bien un point qui marche dans le jeu, c'est son côté rétrofuturiste : de la science fiction basée sur des technologies un peu vieillottes. J'ai donc essayé de représenter la chose à ma manière, avec une petite touche française via Fréhel dont les chansons font maintenant partie du domaine public. Le grand avantage que je vois à faire de la sorte, c'est qu'en brouillant les pistes temporelles, on rend le film plus intéressant et moins "daté". Il n'y a rien qui ne vieillisse aussi vite que les films très/trop ancrés dans leur époque, avec sa technologie. Il suffit de regarder à quel point Matrix était novateur il y a 10 ans et limite has been aujourd'hui pour s'en convaincre... Donc c'était un vrai choix conscient et assumé. Mais j'aurai aimé qu'on aille encore plus loin dans la représentation visuelle de cet univers, ce qu'on n'a pas pu faire faute de temps.

EN : Bunker semble construit de manière très précise, avez-vous suivi un storyboard très découpé ou est-ce qu’il y avait de la place pour une certaine improvisation ?
Paul Doucet :
Ouh là... Il faut savoir que Bunker était mon premier court métrage. Donc même si je savais ce qu'était un storyboard et un découpage, de là à être capable d'en faire un bon... il y a un sacré pas. J'avais deux-trois idées sur ce que je voulais puisqu'on était allé faire un repérage quelques mois avant. J'avais prévu initialement un découpage tellement mal foutu qu'il y avait limite un plan par seconde. Alors l'association TNT et mon chef op Antoine Carpentier m'ont conseillé de revoir totalement ma copie vu que nos contraintes lumières nous obligeaient à tourner au maximum une quinzaine de plans par jour. Sur les lieux, avec Randiane Naly en train de jouer, des choix se sont fait très naturellement. Mais le premier et le dernier plan du film, ainsi que quelques autres étaient vraiment voulus depuis le début, avec mon découpage foireux.

EN : Dans quelle mesure les modestes moyens réunis ont eu une influence sur le tournage ? 
Paul Doucet :
A la base, Bunker est né car j'avais écrit plusieurs projets intournables (entre autre parce que le script était lamentable) car trop complexes. Je suis donc revenu à la base, à savoir un huis-clos. Et je me suis dit qu'on pouvait pousser le bouchon encore plus loin avec un seul acteur à l'écran. Partant de cette idée, l'idée du film est venue relativement vite. Et finalement c'est un concept qui marche bien (comme pour Buried et son acteur dans un cercueil pendant 1h30). Par contre, quitte à payer plus cher, je voulais tourner dans un vrai bunker. Je trouve que trop de courts amateurs ont de belles images, de bons acteurs... mais donnent l'impression d'avoir été tournés chez tata Martine. Avec une seule actrice à l'écran, le bunker devenait un personnage à part entière. Donc non, même si le film a été entièrement payé de ma poche, j'ai eu tout ce que je voulais. Entre autre via l'association TNT qui m'a épaulé en m'apportant des moyens techniques, comme la caméra RED qu'ils venaient d'acquérir.

EN : Bunker est impressionnant et d’autant plus crédible avec le rendu final, parlez-nous un peu de la postproduction…
Paul Doucet :
Je pense que pour l'ambiance, j'ai eu la chance de tomber sur un excellent compositeur, François Rousselot, qui a su trouver exactement la tonalité qu'il fallait au film. Mon monteur son sur le film a également fait de l'excellent boulot en créant une ambiance bien spécifique. Pour l’étalonnage, vu qu'on avait tourné en RED, avec pas mal de matos lumière, il aurait été dommage de faire un étalonnage foireux. Donc on a pris le temps de faire un truc très propre. Le montage a pris pas mal de temps, non pas par sa complexité mais parce que Pierre Victor Bainier qui l'a fait bossait sur des projets payés en parallèle. Donc pas vraiment de difficultés, à part de devoir attendre, ce qui est un enfer pour un hyperactif comme moi...

EN : Quelles ont pu être vos influences en terme de films apocalyptiques ou de lectures qui parlent de la fin du monde ?   
Paul Doucet :
Le jeu Fallout :)   Depuis un certain temps je pense transformer le script de Bunker en un long métrage. Je suis super emmerdé par The Divide réalisé par Xavier Gens, car apparemment Xavier y a fait du super boulot. J’ai vu les 5-6 premières minutes et la toute dernière bande-annonce, j'ai l'impression que mes idées partent sur une trajectoire vraiment très similaire, même si de mon côté je compte enfermer une seule personne, et non un petit groupe. Donc merde. Mais j'espère que son film The Divide va bien marcher, car on manque vraiment de post apo' réussi ces derniers temps (j'ai trouvé La Route pas mal mais sans plus, et trouvé que Le Livre d'Eli frôlait le nanar...).

EN : Qu'en est-il de votre nouveau film Exterminatus avec Jérôme Le Banner (ndr : champion de kick-boxing et acteur dans Babylon A.D., Scorpion...)?
Paul Doucet :
Exterminatus a été tourné en août. Nous sommes actuellement en plein montage, avant d'attaquer une longue phase de postprod car le film est vraiment bourré d'effets spéciaux. Et quand je vois le niveau de qualité atteint par Welcome to Hoxford de Julien Mokrani, ça motive pour tenter de faire un truc aussi propre et carré. Autant dire qu'on a du pain sur la planche. Bizarrement il a été relativement facile d'avoir Jérôme Le Banner sur le film. J'ai eu la chance d'avoir un petit coup de pouce de Julien Séri qui avait bossé avec lui sur Scorpion et quelques pubs Nintendo, qui m'a transmis son contact. Il a dit oui sans même lire le script, juste parce que l'énergie du projet lui plaisait. Et il a été une véritable crème à gérer. Toujours pro, toujours prêt, même après des journées entière de baston avec 30 kilos d'armure sur le dos. Pour moi, le défi en terme de réalisation est de faire un vrai mini film, très américain dans l'esprit. Bunker était un film personnel mais un galop d'essai. Une Histoire de Famille était mon film 'français'. Exterminatus est celui où j'ai vraiment pris le plus de risques... car c'est vraiment casse gueule de vouloir faire du Hollywoodien sans en avoir les moyens.

EN : Le CNC va organiser une nouvelle opération ‘Le jour le plus Court’ pour promouvoir le format court, avec une journée spéciale le 21 décembre, qu’en pensez-vous ?
Paul Doucet :
Il y a un double problème. Le premier est qu'en effet en France la diffusion de courts métrages est très mauvaise. A part quelques chaînes, quelques émissions spécialisées et quelques projections qui n'attirent quasiment que les équipes des films en question... L'autre problème est une question d'éducation du public. Le plus parfait exemple en est Bunker, qui n'a fait que de tout petits festivals en France, alors que le S+F de Trieste et le London Sci Fi Festival (deux des plus gros festivals Science Fiction) me l'ont demandé sans même que je l'y inscrive..., et que la version sous-titrée que j'ai mise en ligne cartonne en terme de "vues". De la même manière que l'offre pléthorique de films français, majoritairement médiocres, dissimule les quelques bons qui se cachent dans le tas, je pense que beaucoup de courts sont produits en France et qu'il devient ardu pour les sélectionneurs de repérer les projets hors norme. Maintenant ce genre d'initiatives est importante, mais je doute qu'elle change grand chose...

Crédits photo : Julie Lefort et image modifiée d’après un extrait du film Bunker.

crédits photos à Julie Lefort

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