Mon film de l’année : Okja de Bong Joon-ho, fable virtuose et film refuge

Posté par kristofy, le 27 décembre 2017

Vendredi 19 mai dans le Palais du Festival de Cannes: la première projection du matin est celle du nouveau film très attendu Bong Joon-ho, tout se passe bien dans la salle Debussy (c’est en salle Lumière qu’il y a eu des sifflets surtout à cause d’un incident technique de lever de rideau pendant le début), et en sortant on a tous un peu les yeux qui brillent. Alors que la croisette était agitée par la question de juger si un film Netflix (donc sans impôts payés en France ni participation au CNC pour le financement du cinéma, et sans sortie en salles…) peut ou ne doit pas être récompensé, une réponse est trouvée vers 11h : ce film, Okja, pourrait mériter d’être au palmarès. Il y a eu ensuite diverses tentatives pour faire en sorte que le public puisse le découvrir dans certaines salles de cinéma soit avec un visa temporaire soit avec des projections gratuites (contrecarrées par l’opposition des exploitants). Avec ce nouveau poids lourds de la production/diffusion, rien n’est réglé et on reparlera de nouveau de la chronologie des médias et d’éventuelles sorties simultanées en salles à propos du prochain film de Martin Scorsese The Irishman. Autre problème avec Netflix: l’absence du film en dvd/bluray. Bref, ce coup de cœur n’a rien à voir avec Netfli. Okja mérite simplement d'être cité dans les grands films de l'année.

Pourquoi Okja ? La jeune actrice Ahn Seo-hyun est épatante, Jake Gyllenhaal est impayable en guignol, et Tilda Swinton est encore métamorphosée avec le rôle de deux sœurs. Et puis il y a, bien entendu, l’énorme Okja, adorable avec son regard attendrissant. L’histoire démarre avec le calme d’une vie traditionnelle dans une campagne coréenne pour se déplacer jusqu’au capitalisme outrancier d’une corporation agro-alimentaire à New-York. Une fiction qui ne serait pas tellement éloignée du réel : mensonges à propos des OGM, violence des coups de matraque des policiers contre des manifestants altermondialistes, un immense abattoir qui ressemble un peu à un camp d’extermination… On peut être indigné par le cynisme verbal de l’industriel (Tilda à propos des consommateurs : ‘si c’est pas cher, ils mangeront’), bouleversé par la torture faite aux animaux (Okja est violée pour être inséminée), touché par le sauvetage d’un bébé cochon à la fin. Bong Joon-ho réalise avec brio une longue séquence d’action longue d’une dizaine de minutes avec une gamine poursuivant un camion conduit par des activistes qui kidnappe ce gros cochon convoité, jusqu'au carnage à la Marx brothers dans un centre commercial provoquant une panique générale…

Pour résumer au plus simple l’histoire de Okja : un enfant a pour meilleure amie une créature qui est capturée par des scientifiques qui vont lui faire du mal. Oui c’est un peu la trame narrative du célèbre ET de Steven Spielberg, comme un archétype de film-refuge. Bong Joon-ho est parvenu ici à nous exalter avec du spectaculaire, à nous faire vibrer avec du suspens, à nous émouvoir avec du merveilleux, et même à faire vibrer notre corde sensible prête à verser une larme. Ce film Okja a tout d’une aventure qui touche notre imaginaire de grand enfant.

Les autres films marquants de l'année

Le film de chorégraphie : romantique en plans larges avec la comédie musicale La La Land de Damien Chazelle ou sanglant ultra-découpé avec le film de sabre Blade Of The Immortal de Takashi Miike. La mise en scène c’est aussi mettre des corps en mouvements.

Le film français : le corps affaibli a besoin de médicaments contre le sida dans 120 battements par minute de Robin Campillo et de viande humaine pour assouvir un besoin cannibale dans Grave de Julia Ducournau, même si la mort plane le sexe reste une pulsion de vie. Quand il faut s’afficher ou se cacher de la société...

Le ‘blockbuster’ passé inaperçu : vu dans quelques festivals mais malheureusement pas sorti en salles Their Finest (Une belle rencontre) de Lone Scherfig a tous les atouts : réalisé par une femme, une histoire féministe avec la production d’un film durant la guerre, avec Gemma Aterton qui n’avait pas été valorisée ainsi depuis longtemps, et Bill Nighy très drôle qui joue avec son image. C’est le gros film britannique de l’année qui aurait dû rassembler.

Le film surfait : 2017 a été catastrophique pour des grands réalisateurs qui ont fait des films décevants comme Happy end de Michael Haneke, Valérian et la Cité des mille planètes de Luc Besson, Song to song de Terrence Malick, D’ après une histoire vraie de Roman Polanski, Creepy de Kiyoshi Kurosawa… 2017 a été également cataclysmique pour les comédies françaises à leur pire niveau comme Faut pas lui dire, Si j'étais un homme, Telle mère telle fille, Bad buzz, Loue moi, Mission pays basque.. :-(

L'objet filmique non identifié : Retour en 1983 avec le clip musical en forme de court-métrage Thriller pour lequel Michael Jackson avait demandé au réalisateur John Landis d’en faire un loup-garrou. Considéré comme le meilleur clip de tous les temps, il a été restauré avec une conversion en 3D pour quelques projections évènementielles avec son making-of (après le festival de Venise) Thriller 3D + Making Michael Jackson's Thriller (14 + 45 minutes).

9 visages à ne pas manquer en 2018: Ophélie Bau

Posté par kristofy, le 27 décembre 2017

Ophélie Bau est encore une inconnue, mais ce ne sera plus le cas au printemps 2018 avec la sortie du nouveau film d'Abdellatif Kechiche Mektoub, My Love (chant 1). Encore une fois, le réalisateur se montre un directeur de casting et un révélateur de nouveaux talents qui a l'oeil. C'est le premier film pour de nombreux jeunes dont Shaïn Boumedine, Lou Luttiau, Alexia Chardard. Déjà présenté en compétition lors du festival de Venise, Mektoub, my love (chant 1) se révèle être autant un marivaudage de dialogues et de corps qu’un épisode de la chronique d’une famille. On a vraiment été séduit par le film, et en particulier par sa révélation absolue: Ophélie Bau'.

Amine arrive de Paris pour des vacances avec sa famille, il surprend Ophélie et Tony en train de faire l’amour, il reste derrière une fenêtre à les regarder avant de sonner pour parler à Ophélie, après le départ de Tony. Alors qu’il y a éventuel projet de mariage avec un militaire, celle-ci avoue qu’elle le voit depuis longtemps... Dès l'ouverture du film, l'actrice impose un corps sensuel. Mais passé ce moment elle devient surtout le visage (et la voix) d'un des personnages forts autour duquel s'articule le film, et derrière lui c'est le talent d'actrice de Ophélie Bau qui irradie. Premier rendez-vous avec elle au cinéma au mois de mars, avant d'autres moments où la retrouver.

Après tout c'est à Kechiche que l'on doit les découvertes de Sara Forestier, Hafsia Herzi et Adèle Exarchopoulos.

2017 dans le rétro: 7 leçons à retenir du box office

Posté par vincy, le 27 décembre 2017

La fréquentation est plutôt stable un peu partout dans le monde. Même si ce n'est pas une année portée par un record ou un phénomène, le cinéma continue d'être populaire, une sortie incontournable (pour les jeunes et les seniors essentiellement), et ce malgré le prix du billet qui augmente année après année et la concurrence d'autres loisirs visuels (du smartphone aux jeux vidéos).

Le cinéma d'animation, vecteur fédérateur

Le film d'animation reste le secteur fédérateur par excellence, attirant les enfants et donc les parents. Aux Etats-Unis, le genre s'essouffle un peu cette année, même si 5 films dépassent les 100 millions de dollars. Des deux côtés de l'atlantique en tout cas, Moi, Moche et méchant 3 domine. Ce film franco-américain est le seul à être dans le Top 10 nord-américain et est en position de leader annuel en France en étant d'ailleurs le seul film à avoir séduit plus de 5 millions de spectateurs. Il est aussi le seul film animé à avoir récolté plus d'un milliard de dollars de recettes dans le monde, cap franchi par trois autres films cette année. Même si l'année fut décevante pour Pixar, et même si certains films n'ont pas trouvé leur public à hauteur des attentes, le genre a de beaux jours devant lui puisqu'au niveau mondial 6 films dépassent les 300M$ (dont le japonais Your Name). En France, le cinéma d'animation local a souffert, ne s'imposant qu'avec Sahara (1,1 million d'entrées) et Le grand méchant renard (650000 entrées). Mais les productions américaines continuent de plaire: Baby Boss, Cars 3 et Coco ont franchit la barre des 2 millions de spectateurs.

Les super-héros, un peu moins musclés

Ils sont toujours là, année après année. 2017 n'a pas fait exception. Wonder Woman, Les Gardiens le Galaxie, Spider-Man, Thor, Logan, Justice League squattent la moitié des places du Top 12 américain. Les trois premiers ont même empoché plus de 300M$. Ils étaient 4 l'an dernier. Au niveau mondial, Spider-Man reste le plus populaire (880M$), devant les Gardiens de la Galaxie, Thor et Wonder Woman, tous au dessus des 800M$, tous dans les 10 meilleures recettes de l'année. Mais en 2016 Captain America avait ramassé 1,15 milliard de dollars! Plus nombreux mais moins rentables et un peu moins forts... En France, le genre est populaire mais n'atteint pas le phénomène remarqué ailleurs. Cette année, Les gardiens de la galaxie ont été les seuls à fédérer plus de 3 millions de spectateurs (mais en réalisant un score moindre que le champion de l'an dernier Deadpool). Thor, Spider-Man, Logan et Wonder Woman ont été bimillionnaires. En revanche Justice League a été un échec.

La comédie toujours rentable

C'est le genre qui cartonne partout dans chaque pays, à défaut de savoir s'exporter. Aux Etats-Unis, la seule comédie qui est parvenue à s'offrir un succès est Girls trip (115M$). Année après année, la comédie américaine ne trouve plus son public. Un ou deux films percent miraculeusement depuis 2014. Maintenant l'humour est partout (animation, super-héros, action et même dans Star Wars). Aucune comédie n'a su s'imposer mondialement. A l'inverse, en Europe, cela reste le genre dominant. En France, sur les 16 films millionnaires nationaux, 10 sont des comédies. A commencer par le premier film français de l'année, Raid Dingue (4,6 millions de spectateurs). Dany Boon confirme son statut de star du rire. Mais il est serré de près par le duo Philippe Lacheau/Tarek Boudali, tous deux derrière Alibi.com (3e film français) et Epouse-moi mon pote (5e film français). Les deux films sont surtout les plus rentables de l'année. Parmi les films rentables on retrouve d'autres comédies millionnaires: Il a déjà tes yeux, Le sens de la fête, L'ascension et C'est tout pour moi!. Le grand perdant de l'année, finalement, c'est Kev Adams, qui aligné les bides.

Le chauvinisme, valeur sûre

Le cinéma national reste prépondérant dans des pays comme la Chine, le Japon, la Corée du sud, la France ou les Etats-Unis. Aux USA, hormis les films bollywoodiens ou chinois pour les publics concernés, le seul film en langue étrangère à avoir récolté plus de un million de dollars est le dessin animé Your Name. Les Américains ne vont plus voir de films sous-titrés, et le cinéma étranger devient réservé à quelques villes. En France, temple de la cinéphilie, seulement 6% des entrées concernent un film qui n'est ni américain ni français. Là aussi on constate un désintérêt pour les cinémas d'ailleurs, même quand ils sont récompensés à Cannes ou aux Oscars. Mettons à part Paddington 2 et Big Foot Junior, deux films familiaux européens, le succès étranger le plus populaire de l'année, est un thriller égyptien: Le Caire Condientiel (380000 entrées).
Le spectateur français est chauvin. Quand il n'est pas attiré par les productions hollywoodiennes, il aime les films français: 5 dépassent les 2 millions de spectateurs. 16 sont millionnaires avec l'arrivée en dernière minute du Brio et de Santa & Cie. Les 36 autres sont américains.

Le drame du drame

C'est l'autre enseignement des tendances annuelles. le drame, qu'il soit mélo, spectaculaire ou de genre, fait moins recette. On peut toujours ajouter Logan, avec son aspect western crépusculaire, il n'en reste pas moins qu'hormis Dunkerque, d'un certaine manière Get Out et Split, et bien entendu Wonder, l'année ne fut pas drôle pour les drames. Ce sont aussi les quatre seuls films dramatiques, qui ont réussi à s'exporter. En France, le drame subit aussi un désintérêt. La La Land, Dunkerque et Lion ont trouvé leur public. Au revoir là-haut a limité la casse avec près de 2 millions de spectateurs. Les films familiaux (Un sac de billes, L'école buissonnière) ou Patients (qui ne manque pas d'humour) ont su se frayer un chemin vers le succès. Mais pour beaucoup d'autres, ce fut la déconvenue. Comme la comédie, ça se joue de plus en plus à pile ou face et la rentabilité est aléatoire.

Le film d'auteur en danger

Trop de films? Certes, mais pour être sur de limiter le risque, les distributeurs sont obligés de multiplier les sorties. Près de 20 distributeurs ont ainsi placé leurs espoirs sur plus de dix films chacun cette année. Aujourd'hui le film d'auteur est un succès entre 150000 et 50000 entrées, quand avant on s'enthousiasmait dès que l'un d'eux passait le million et que la norme était entre 500000 et 1 million. Cette année, mis à part La La Land, Dunkerque et Au revoir là-haut bénéficiant de gros budgets (y compris marketing), le film d'auteur est rare au box office. Le film d'art et essai est quasiment inexistant. Pas étonnant alors que le champion annuel soit 120 battements par minute (815000 entrées), loin devant Ôtez-moi d'un doute (680000) et Moonlight (565000). Petit paysan suit avec 515000 entrées. Et ça s'arrête là. Il y a urgence à revoir la manière dont ces films sont promus, y compris à la télévision.

La concentration des pouvoirs

Enfin, c'est une année où tout se fusionne, se concentre, se grossit. Pathé et Gaumont vont devenir un seul réseau. CGR avale Cap' Ciné. La Disney absorbe la Fox. Sans compter les studios qui se piquent leurs décideurs et leurs talents. Les nouveaux ennemis sont pour les circuits comme pour les studios Facebook, Google, Apple, Netflix, Amazon... On réalise bien que cette concentration en amont se déverse aussi en aval. 2017, encore plus que les années précédentes, c'est une histoire de parts de marché. Les films événements (Star Wars, La belle et la bête, Ça, The Fate of the Furious...) focalisent l'attention jusque dans les médias les plus réputés pour leur diversité et leur indépendance. Le public se rue en masse dès les premiers jours pour voir ses films, tuant de facto tous les autres. Aux Etats-Unis, 23 films ont récolté plus de 40 millions de $ (20 en 2016) durant leurs trois premiers jours, parfois en s'octroyant jusqu'à 85% des recettes totales du week end. En France 23 films ont attiré plus de 700000 spectateurs dans les salles en cinq jours, s'accaparant en moyenne 30 à 40% des tickets vendus durant cette période. Cela tue la diversité, et par conséquent la carrière des films fragiles. Il est là aussi urgent que l'on régule l'offre pour ne pas finir avec une distorsion de concurrence fatale.

9 visages à ne pas manquer en 2018: Tye Sheridan et Hannah John-Kamen

Posté par wyzman, le 26 décembre 2017

Dire que Tye Sheridan et Hannah John-Kamen ont des parcours différents est un doux euphémisme. A 21 ans, le premier semble destiné à un très bel avenir. Lui est né au Texas et a été élevé par une mère propriétaire d'un salon de beauté et un père coursier chez UPS ; elle est un pur produit anglais de 28 ans, passionnée de danse. Elle a d'ailleurs longtemps pratiqué le jazz, la salsa et les claquettes. Tandis que Tye Sheridan a décroché son premier rôle dans un film de Terrence Malick largement applaudi par la critique (The Tree of Life), les amateurs de jeux vidéo connaissent surtout Hannah John-Kamen pour sa voix, qu'elle a notamment prêtée Dark Souls 1 et 2.

Salué pour ses performances dans Mud, Joe, Entertainment ou Dark Places, Tye Sheridan a vécu une année 2017 plus que trépidante. Après s'être parfaitement approprié le personnage de Cyclope dans X-Men Apocalypse, on lui a demandé de rempiler tandis que le drame militaire The Yellow Birds et le thriller Grass Stains lui ont permis d'asseoir son statut d'étoile montante du cinéma indépendant. De son côté, Hannah John-Kamen peut se vanter d'avoir écumé les séries de qualité : Misfits et Black Mirror en 2011, White Chapel et The Hour en 2012, Cucumber et Banana en 2015. L'an dernier, vous avez pu la voir entre autres dans Killjoys, The Tunnel et même Game of Thrones.

Mais c'est bien en 2018 que ces deux-là exploseront. Normalement. Dès le 28 mars, ils seront à l'affiche Ready Player One, le nouveau film de science-fiction de Steven Spielberg, adapté du roman éponyme. Mise en ligne il y a une semaine, la bande annonce a déjà été vue par plus de 12 millions de curieux. S'il faudra patienter jusqu'au 31 octobre pour retrouver Tye Sheridan sous les traits de Cyclope dans X-Men : Dark Phoenix, notez bien que Hannah John-Kamen, elle, sera le 14 mars aux côtés d'Alicia Vikander dans le reboot de Tomb Raider et le 18 juillet dans Ant-Man et la Guêpe ! De quoi les transformer pour de bon en idoles des jeunes.

2017 dans le rétro: les séries qu’il fallait voir !

Posté par wyzman, le 26 décembre 2017

2017 touchant presque à sa fin, il est temps pour nous de faire un tour sur ce que cette année nous a offert en termes de séries. Qu'elles soient nouvelles ou de retour, bonnes ou extrêmement bonnes, les séries qui suivent ont marqué 2017. Scénarios atypiques, personnages captivants, intrigues impressionnantes... Ces programmes ont été largement commentés, souvent à juste titre. Pour éviter toute jalousie, nous les avons rangées par ordre alphabétique.

13 Reasons Why - saison 1 (Netflix). Mise en ligne le 31 mars, le show créé par Brian Yorkey et adapté du roman de Jay Asher a longtemps été présenté comme "la série de Selena Gomez", simple productrice. Centré sur les 13 cassettes qu'une adolescente harcelée et violentée (Hannah) laisse à l'un de ses amis (Clay), 13 Reasons Why a permis de mettre en lumière l'important taux de suicide chez les adolescents. La mise en scène est impeccable, à l'instar de la bande originale. Mais c'est bien le jeu de ses acteurs (Dylan Minnette, Katherine Langford, Alisha Boe, Brandon Flynn, Miles Heizer) qui en a fait le teen show le plus réaliste que l'on ait jamais vu. Intense et dense, 13 Reasons Why reviendra en 2018 pour une deuxième saison qui ne s'intéressera plus directement au calvaire de Hannah mais aux répercussions des viols et des accusations de viol de la première salve d'épisodes. Si vous ne l'avez pas commencée, un conseil : foncez !

American Gods - saison 1 (Starz). Mêlant drame et fantasy, American Gods est l'un des plus gros ovnis de l'année. Un ancien détenu (Ombre) devient le garde du corps d'un étranger rencontré dans un avion (Voyageur). Ensemble, ils vont sillonner les Etats-Unis à la recherche d'anciens dieux et de personnages issus du folklore afin de mener une lutte sans merci contre Internet, les médias, l'automobile, etc. Vous l'aurez compris, American Gods est une série sacrément barrée mais qui a le mérite de nous offrir des scènes de sexe d'anthologie. A l'image de cette scène onirique entre Omid Abtahi et Mousa Kraish qui a nécessité d'être retournée. Pour info, c'est la première fois que deux hommes musulmans ont un rapport aussi explicite à la télévision américaine. Après avoir "trouvé où étaient les trous", l'équipe d'American Gods s'est vantée d'avoir tourné la scène de sexe la plus chaude depuis Sense8.

Big Little Lies - saison 1 (HBO). Niveau sexe, la série écrite par David E. Kelley et réalisée par Jean-Marc Vallée n'a pas démérité. Portée par Reese Witherspoon, Nicole Kidman et Shailene Woodley, Big Little Lies s'intéresse au quotidien bouleversé de trois mères de famille (Madeline, Celeste, Jane) après qu'un meurtre a eu lieu au cours d'une soirée caritative. Ecriture précise, réalisation soignée, Big Little Lies n'a eu de cesse d'être commentée et évoquée par la presse et sur les réseaux sociaux en raison des scènes de sexe sulfureuses et violentes de Nicole Kidman et Alexander Skarsgard ainsi que pour la relation toxique qu'ils ont ont brillamment mise en scène. Nommée 6 fois aux Golden Globes, 5 fois aux Critics's Choice Awards et 4 fois aux SAG Awards, Big Little Lies peut se vanter d'avoir décroché 16 nominations aux derniers Emmy Awards. Un phénomène qui n'est pas sans rappeler Game of Thrones et qui a valu à ce qui ne devait être qu'une mini-série une saison 2...

Dear White People - saison 1 (Netflix). Pour s'assurer que la série adaptée de son film serait entre de bonnes mains, Justin Simien a fait appel à la crème de la crème : lui-même. Aidé à la réalisation par Barry Jenkins (Moonlight), Justin Simien a poursuivi ce qu'il avait entamé trois ans plus tôt. Sa série traite ainsi des rivalités et crises identitaires entre étudiants blancs et noir sur le campus de Winchester. Plus poussée et aboutie que le film, la série Dear White People a le mérite d'avoir su changer quelques acteurs-clés : Tessa Thompson laisse place à Logan Browning, Tyler James Williams est remplacé par DeRon Horton tandis que Gabe n'est plus joué par Justin Dobies mais par John Patrick Amedori. Plus que jamais ancrée dans la réalité, Dear White People propose même une parodie de Scandal plus vraie que nature !

Game of Thrones - saison 7 (HBO). La série la plus commentée de ces dernières années était de retour cet été pour une salve réduite d'épisodes. Au lieu des traditionnels 10 épisodes, ce sont finalement 7 sacrés bébés qui ont tenu les fans captivés. Marquée par des hacks de HBO et des leaks d'épisodes, cette septième saison a vu se produire la mort des Frey, la mise à mal des Sand, l'alliance de Daenerys avec les frère et sœur Grejoy ainsi que le retour au pouvoir de Cersei Lannister. Handicapée par des sauts temporels majeurs, cette fournée a été l'occasion d'assister à la naissance d'une romance longtemps rêvée par les fans et à la mort d'un personnage on ne peut plus haï. Suivi par plus de 12 millions d'aficionados, le dernier épisode a quant à lui offert à HBO un record d'audience ainsi que les prémisses d'une saison 8 immanquable en 2019.

How to Get Away with Murder - saisons 3 et 4 (ABC). Constamment bousculés par la performance exceptionnelle de Viola Davis, on en oublie souvent que celle-ci est épaulée par une brochette d'acteurs au talent certain et qui portent également le programme. Brillants et courageux, les scénaristes ont signé des intrigues sensationnelles : disparition d'un personnage principal, grossesse compliquée, destruction d'une carrière, réhabilitation, etc. Tout ça en gardant le même ton, très sombre, et en explorant davantage leurs personnages plus complexes les uns que les autres. Sur une chaîne nationale américaine, cela a tout du jamais-vu !

Riverdale - saisons 1 et 2 (The CW). Disponible sur Netflix au lendemain de sa diffusion en prime-time, on oublie souvent que Riverdale est bien une série de The CW, la chaîne qui nous a offert entre autres Gossip Girl, 90210, The Vampire Diaries, Arrow, The 100 et Jane The Virgin. En s'intéressant aux aventures d'Archie Andrews, un adolescent beau gosse qui vit dans une ville paisible jusqu'à la mort de Jason Blossom, autre lycéen populaire, Riverdale a offert au teen soap un virage twinpeaksien. Bourrée d'imperfections voire d'incohérences, Riverdale est tout de même parvenue à générer de véritables débats sur le body shaming, les agressions sexuelles et la drogue auprès des adolescents. Avec son esthétique rétro et ses acteurs au physique de mannequin, Riverdale offre une dose hebdomadaire de fous rires et de moments WTF.

Star Trek Discovery - saison 1 (CBS All Access). Produit d'appel de la plateforme de streaming de CBS, DIS (pour les fans) est la 7e série issue de l'univers Star Trek. Située une dizaine d'années avant l'action de la série originale, Star Trek Discovery a fait du bruit en raison de son casting diversifié : héroïne noire, femme capitaine asiatique, couple homosexuel, romances interraciales, etc. Semblable à un Stargate sur le plan de la narration, la série de Bryan Fuller (Hannibal, American Gods) et Alex Kurtzman (Edge of Tomorrow, La Momie) a rapidement su trouver son public. Les 9 premiers épisodes ont été proposés sur le même modèle que Riverdale (diffusion sur le site-mère puis le lendemain sur Netflix) tandis que les 6 prochains arriveront début 2018.

Stranger Things - saison 2 (Netflix). Une chose est sûre, la série de science-fiction horrifique aura fait le bonheur des internautes. Complètement fans de la première saison, ils sont jetés en masse sur la seconde, certes moins réussie mais tout aussi captivante. Le Démogorgon laisse cette fois place à des créatures plus nombreuses et plus dangereuses... Avec ses influences et ses références aux univers créés par Steven Spielberg, John Carpenter ou encore Stephen King, Stranger Things a su brasser un public large. Les plus de 30 ans y voient un retour en enfance quand les moins de 30 ans y ont trouvé un objet rétro, loin de la politisation actuelle des programmes audiovisuels. Si Winona Ryder risque de voir son rôle de mère un brin folle lui coller à la peau pendant un moment, retrouver "Onze" et sa bande d'amis demeure un régale.

The Good Fight - saison 1 (CBS All Access). Série dérivée de The Good Wife, le premier bébé de la plateforme de streaming de CBS n'a pas tardé à dépasser sa grande sœur. Plus féministe et audacieuse, The Good Fight est parvenue en seulement 10 épisodes à éclipser The Good Wife en travaillant plus frontalement sur la limite entre bien et mal et sur l'importance d'avoir la loi de son côté. Grâce à Rose Leslie (Game of Thrones) et Justin Bartha (Very Bad Trip), l'intrigue principale s'est offerte un coup de jeune quand la réalisation et l'écriture ont gardé sobriété et finesse. Plus politique que jamais, The Good Fight débute avec la victoire de de Donald Trump. Une victoire vécue "en direct" par Christine Baranski, la véritable star de The Good Wife qui a bien fait de patienter le temps d'avoir sa propre série. La saison 2 débute le 4 mars 2018.

Outre ces 10 séries, d'autres ont également retenu notre attention. A commencer par House of Cards ! Si les frasques de Kevin Spacey ont sonné la fin de la série, la cinquième saison a permis à Claire Underwood de monter encore et toujours en puissance. Et ça, on ne peut que valider - surtout lorsque l'on sait que c'est désormais son interprète, la géniale Robin Wright qui tiendra les reines de la sixième et ultime saison. A côté, Legion a parfaitement tenu la route. Nouvelle série Marvel diffusée sur FX, le programme de Noah Hawley s'est attiré les grâces de la presse spécialisée américaine. L'autre série Marvel à ne pas manquer, c'est bien évidemment Runaways, dont la saison est actuellement en cours de diffusion sur Hulu. Produite par Josh Schwartz et Stephanie Savage (Gossip Girl, Dynasty), Runaways dispose d'un rythme bien à elle et d'acteurs au charme certain.

Cette année, il ne fallait pas non plus manquer Mindhunter, la nouvelle-née de Netfix signée Joe Penhall, réalisée en partie par David Fincher et produite par Charlize Theron. Très loin de son rôle de gay trentenaire à la recherche du grand amour, la star de Looking Jonathan Groff se mue ici en agent du FBI particulièrement couillu. Toujours à la recherche d'un nouveau hit pouvant combler prendre la relève de Game of Thrones, HBO a dégainé The Deuce, drame historique issue de l'esprit de David Simon (The Wire, Treme). The Deuce s'intéresse à la montée du porno dans le New York des années 1970. Au casting, on retrouve James Franco et Maggie Gyllenhaal. Les amateurs d'action pure seront déçus, les historiens ravis.

Enfin, impossible de ne pas évoquer la série féministe de cette année : The Handmaid's Tale. Adaptée du roman éponyme, la série de Bruce Miller raconte comment, dans un futur proche, une secte a pris le pouvoir aux Etats-Unis et tente de lutter contre le faible taux de natalité en catégorisant les femmes, démises de leur statut de citoyenne. Dure mais nécessaire, le programme a fait un tabac dans les mêmes cérémonies de remises de prix que Big Little Lies !

Mon film de l’année: A beautiful day de Lynne Ramsay, polar elliptique et flottant

Posté par MpM, le 26 décembre 2017

Lorsqu'on a vu A beautiful day pour la première fois (à Cannes, en toute fin de festival), il s'appelait encore You Were Never Really Here (Tu n'as jamais vraiment été là) comme le roman de Jonathan Ames dont est inspiré le film. Un titre envoûtant, mystérieux, presque fantomatique. Et c'est bien l'impression que nous avait fait le quatrième long métrage de Lynn Ramsay : un poème visuel, quasi expérimental, où se succèdent de manière hypnotique plans nocturnes et plans urbains, plans de pluie et gros plans sur le visage de Joaquin Phœnix, plans moyens embrassant la mère et le fils et plans sous-marins aux échos déchirants ou encore flashbacks minimalistes de quelques secondes pour évoquer l'emprise du passé. On a rarement vu un polar aussi elliptique et flottant à la beauté littéralement sidérante.

Lynne Ramsay revient à l'essence d'un cinéma principalement esthétique et sensoriel, ultra formaliste, dans lequel les cadres et les éclairages enrichissent plus sûrement l'intrigue que les (rares) dialogues, et où la musique ample et frénétique de Jonny Greenwood est en osmose permanente avec le récit et les émotions qu'il suscite. Le motif du héros solitaire, violent et torturé, n'a rien de neuf. Mais elle s'en empare avec une singularité fulgurante, revisitant les scènes d'action et les explosions brutes de violence, presque systématiquement laissées hors champ, et jouant avec les codes du genre intégrés par le spectateur.

Si A beautiful day nous a fait une telle impression, hantant littéralement toute notre année cinématographique, c'est probablement parce qu'il réunit tout ce que l'on cherche dans un film : une démarche formelle assumée, un jeu réflexif sur les conventions du cinéma, la volonté de transcender un genre presque banal pour l'amener à une dimension supérieure. Sans oublier le sous-texte éminemment politique qui renverse les attentes pour aller vers un polar plus crépusculaire que jamais, mais féministe, ironique et lucide sur son époque. Lynne Ramsay filme peut-être la fin du monde tel qu'on l'a connu, pris dans un déclin cauchemardesque inéluctable, mais elle le fait avec une énergie créatrice qui vient contredire le pessimisme de son propos.

Les autres films marquants de l'année

Le film d'animation : Psiconautas d'Alberto Vasquez, un film envoûtant, ironique et puissant qui porte un regard au vitriol sur une société qui a perdu le sens des réalités.

Le film français : 120 battements par minute de Robin Campillo, un film politique, engagé et militant qui raconte, sans pathos, ni voyeurisme, la terrible période de propagation de l'épidémie du sida . On aura rarement filmé de cette manière l’angoisse irrépressible de la mort et le choc inacceptable de la perte.

Le blockbuster : Thor Ragnarok de Taika Waititi, pour ses histoires de familles toujours plus tordues et son auto-dérision qui fait du bien.

Le film surfait : The square de Ruben Östlund, improbable Palme d'or qui assène (et rabâche) sa thèse avec la subtilité d'un 38 tonnes.

L'objet filmique non identifié : la saison 3 de Twin Peaks, signée David Lynch himself, est probablement ce qu'on a vu de plus cinématographiquement abouti et enthousiasmant cette année, avec une richesse narrative, esthétique et visuelle qui laisse loin derrière à peu près tout le monde.

9 visages à ne pas manquer en 2018: Fantine Harduin

Posté par vincy, le 25 décembre 2017

Fantine Harduin passera le cap des 13 ans ce mois de janvier. La jeune comédienne belge de Mouscron, née dans une famille d'artistes, est une actrice précoce, maîtresse dé cérémonie dès son enfance. A 8 ans, elle entame son premier tournage. Elle devient vite une professionnelle. cérébrale, réfléchie, presque trop mature pour son âge: "Je sais que c’est du cinéma et qu’il n’y a rien de vrai dans tout ça, même si c’est un peu la réalité du monde d’aujourd’hui. Je sais que c’est de la fiction et qu’à la fin de la journée, c’est moi qui rentre à la maison."

Vue dans la série Engrenages, aperçue dans Les Nouvelles Aventures d'Aladin, remarquée dans Le Voyage de Fanny, Fantine Harduin s'offre les marches de Cannes l'an dernier avec Happy end de Michael Haneke. Inquiétante et innocente, presque trop jeune pour le rôle, elle vole la vedette aux vétérans et, avec Jean-Louis Trintignant, sauve le film grâce à deux séquences ambivalentes et intimement intenses.

En 2018, Fantine Harduin changera de registre avec deux films radicalement différents: Dans la brume, aux côtés de Romain Duris et d'Olga Kurylenko, film de genre apocalyptique de Daniel Roby. En salles le 4 avril. Puis dan le nouveau film de Philippe Faucon où elle interprète Celia, la fille d'Emmanuelle Devos dans Amin. Et qui pourrait la faire revenir sur la Croisette.

9 visages à ne pas manquer en 2018: Alden Ehrenreich

Posté par wyzman, le 24 décembre 2017

A 28 ans, Alden Ehrenreich a ce qu'on appelle communément une carrière cinématographique atypique. Élevé en Californie auprès d'un père comptable et d'une mère décoratrice d'intérieur, Alden Ehrenreich dispose d'origines autrichiennes, hongroises, russes et polonaises. Passionné de théâtre, ses rêves le mèneront à l'Université de New York... où il n'achèvera pas ses études ! Mais coup de bol, Steven Spielberg le repère lors d'une bar mitsva, alors qu'il fait le pitre avec la fille de celui-ci dans une vidéo diffusée pour l'occasion.

Par la suite, les choses s'enchaînent assez rapidement. Steven Spielberg lui trouve un agent qui lui-même lui décroche des rôles dans Supernatural et Les Experts. Le bouche-à-oreille faisant effet, les Coppola se jettent sur lui. Francis Ford le fait jouer dans Tetro puis Twixt tandis que Sofia lui offre un petit rôle dans Somewhere. Les millenials se souviennent de lui à cause de son rôle dans Sublimes créatures tandis que les fans de Woody Allen le voient en éternel beau-fils de Cate Blanchett dans Blue Jasmine. Et malgré la pluie d'éloges et de nominations pour sa participation en acteur plouc dans Ave, César ! c'est bien 2018 qui devrait marquer un tournant dans sa carrière.

En effet, le garçon tient le rôle-titre de Solo : A Star Wars Story, le prochain coup d'éclat de l'ultime usine à rêves qu'est devenu Disney. Si le casting compte en son sein Donald Glover (Atlanta), Emilia Clarke (Game of Thrones), Woody Harrelson (Hunger Games) et Thandie Newton (Westworld), c'est bien sur les épaules d'Alden que reposent tous les espoirs. Car après le carton extraordinaire du Réveil de la Force, le succès critique de Rogue One et le sursaut créatif des Derniers Jedi, Disney veut continuer son sans-faute. Et pour être sûre que tout se passe sur des roulettes, la production a rapidement engagé un coach pour parfaire le jeu d'Alden, encore un peu trop théâtral pour le personnage... Verdict le 23 mai 2018 !

2017 dans le rétro : 10 courts métrages français qui ont marqué l’année

Posté par MpM, le 24 décembre 2017

Après avoir fait un tour d’horizon des films plébiscités en festival, il est temps de se mouiller en proposant une liste forcément subjective des autres courts métrages qu’il fallait absolument voir cette année. Pour commencer, voici donc les dix (autres) films français qui ont marqué 2017 !

After school knife fight de Caroline Poggi et Jonathan Vinel


Chronique adolescente stylisée et élégante, After school knife fight est un film au romantisme fou qui explore ce moment bref où notre monde intime est sur le point de basculer. Pour la bande d'amis au centre du récit, c'est déjà la fin d'une époque, dont chacun a conscience à sa façon. Caroline Poggi et Jonathan Vinel captent à la fois l'exaltation radicale de la jeunesse, et la nostalgie anticipée de ce qui n'est pas encore passé.

Les bigorneaux d'Alice Vial


Magnifique portrait de femme, entre rires et larmes, dérision et réalité sombre, Les bigorneaux est un film doux amer sur la nécessité de prendre son envol. On est désarmé par la sensibilité de la narration, qui nous cueille par surprise, et évoque avec pudeur la question de la féminité comme des liens filiaux.

Chose mentale de William Laboury


En 2016, William Laboury était en compétition à Clermont Ferrand avec Fais le mort et Hotaru, qui ont tous deux remportés un prix. Cette année, il propose une œuvre complexe et envoûtante qui transcende en même temps le motif du huis clos inquiétant, celui du glissement vers le fantastique et les codes de la comédie romantique. Coup de foudre.

Des hommes à la mer de Lorris Coulon



L’un des plus beaux films français vus cette année se déroule dans un bateau de pêche où cohabitent quelques marins venus d’horizons différents. Le hasard fait basculer ce qui ressemblait à un regard quasi documentaire sur un univers âpre et rude vers un film de piraterie qui fait l’éloge des chemins de traverse et de la liberté. C’est une contagieuse invitation au voyage et au lâcher-prise que lancent les personnages au spectateur. Non seulement Lorris Coulon propose un film singulier et envoûtant d’une grande beauté formelle, mais ce faisant il aborde à sa manière les réalités sociales, économiques et humaines d’un monde ultra-globalisé.

Diamenteurs de Chloé Mazlo

Chloé Mazlo (César du meilleur court métrage en 2015 avec Les petits cailloux) est de retour avec une oeuvre hybride captivante qui utilise un matériau intime pour raconter un conte apparemment anodin aux accents pourtant universels. Il s'agit en effet de dresser un parallèle sidérant entre le processus qui transforme un diamant brut en pierre ultra formatée, et celui qui fait de même avec les êtres humains. Avec le ton décalé qui est le sien, puisant dans ses images familiales, la réalisatrice nous livre du monde une vision singulière qui est d'autant plus sidérante qu'elle est aussi cruelle que juste.

Les enfants partent à l'aube de Manon Coubia

Une oeuvre forte et puissante, tout en retenue, qui porte un regard sensible sur la relation complexe, ténue et intime, entre une mère et son fils devenu chasseur alpin, peut-être sur le point de partir au combat. A travers cette dernière journée qu'ils passent ensemble, on devine l'inévitable douleur de la séparation à laquelle doit s'ajouter l'angoisse de la disparition.

(Fool time) job de Gilles Cuvelier

Gilles Cuvelier propose une fable clinique et désespérée sur un homme contraint d'accepter un travail terrifiant pour nourrir sa famille. Sa mise en scène ultra précise et son sens aigu de l'ellipse permettent d'avancer implacablement vers un trouble de plus en plus palpable. L'épure du récit, le choix du noir et blanc et l'actualité brûlante du contexte social du film lui confèrent une dimension quasi prophétique qui n'en est que plus glaçante.

Hédi et Sarah de Yohan Manca


À quel moment une histoire d’amour bascule-t-elle dans l’obsession malsaine ? Construit en deux volets, qui adoptent chacun le point de vue d’un des personnages, le film explore le mécanisme et les conséquences de ce qui, d'un amour déçu, se mue en harcèlement violent. Entre cet homme qui se transforme en bourreau, et cette femme qui refuse de se vivre en victime, se joue alors une tragédie vibrante, portée par deux comédiens exceptionnels, Judith Chemla et Thomas Scimeca.

Orogenesis de Boris Labbé

Orogenesis fait de nous les témoins de la genèse du monde en reproduisant à l'écran le processus supposé de la création des montagnes. On est tout simplement fasciné, incapable de détacher nos yeux de ces mouvements incessants des plaques qui s'étendent et se contractent dans une transe hallucinatoire. Le son, magnifiquement travaillé par Daniele Ghisi, apporte une résonance physique quasi intime à ce qui n'est rien moins que le dévoilement (bouleversant) de nos origines à tous.

Le visage de Salvatore Lista


C’est l’histoire d’une fascination. Celle d’un homme pour une femme rencontrée par hasard, mais aussi celle du réalisateur pour une actrice, puis peu à peu celle du spectateur pour un personnage. On ne peut s’empêcher de penser que ce film n’aurait pu exister sans Solene Rigot, qui est de tous les plans, et se livre à la caméra en un abandon sacrificiel. On est tout aussi captivé par les contours de cette fascination que par celle qui l’exerce si mystérieusement. Comme s’il fallait se dépêcher de capter cet indescriptible aura avant qu’il ne disparaisse.

Les Arcs 2017 couronne Lean on Pete de Andrew Haigh

Posté par MpM, le 23 décembre 2017

C'est Lean on Pete, le nouveau film d'Andrew Haigh, déjà acclamé pour 45 ans en 2015 et Week-end en 2011, qui a triomphé au 9e festival de cinéma européen des Arcs.  Basé sur un roman de Willy Vlautin, il raconte l'histoire de Charley, un adolescent de quinze ans, qui se prend de passion pour Lean on Pete, un cheval de course appartenant à son employeur.

Andrew Haigh poursuit dans la veine du récit intimiste qui a fait son succès, mais le situe dans les vastes paysages de l'Ouest des Etats-Unis qui lui apportent une certaine ampleur. Si la trajectoire du personnage principal a des accents déchirants, la construction de l'histoire elle-même laisse grandement à désirer. On a l'impression d'un film qui voudrait aborder tous les sujets et tous les styles à la fois, multipliant les rebondissements dramatiques plus ou moins convenus, et les digressions inutiles. Lean on Pete mélange ainsi road movie traditionnel, portrait d'un pays au fil des rencontres archétypales du personnage (les vétérans, les laissés pour compte...),  film initiatique et même mélodrame. Cela fait beaucoup pour un seul film, qui paraît de ce fait très long et un peu indigeste, malgré quelques beaux passages.

Le jury, présidé par la réalisatrice française Céline Sciamma et composé de la comédienne belge Natacha Régnier, du réalisateur hongrois László Nemes, du compositeur russe Evgueni Galperine, de la comédienne française Clotilde Courau, de la réalisatrice franco-lituanienne Alanté Kavaïté et de l'acteur et réalisateur franco-tunisien Sami Bouajila, n'en a toutefois pas jugé ainsi, et remet quatre prix (sur six) au film : Flèche de Cristal, Prix d'interprétation masculine (Andrew Plummer), meilleure musique originale (James Edward Baker) et meilleure photographie (Magnus Nordenhof Jonck). Il a également choisi de récompenser Nico, 1988 de Susanna Nicchiarelli (Grand prix du jury) et Mademoiselle Paradis de Barbara Albert (Prix d’interprétation féminine pour Maria-Victoria Dragus).

A noter que deux autres films ont tiré leur épingle de la compétition : La Mauvaise Réputation de Iram Haq, prix du public et mention spéciale du jury jeune, ainsi que The Captain- L’Usurpateur, de Robert Schwentke qui reçoit le prix du jury jeunes, le Prix 20 Minutes d’Audace et une mention décernée par le jury de la presse.

Enfin, côté courts métrages, c'est un de nous chouchous de 2017 qui a séduit le jury présidé par le réalisateur Rémi Bezançon, et composé de la comédienne Frédérique Bel, le réalisateur Nicolas Bary, la comédienne Alysson Paradis, le réalisateur Morgan Simon, le comédien Swann Arlaud, et le programmateur Laurent Guerrier : le très beau Los Desheredados de la réalisatrice espagnole Laura Ferrès.

Le palmarès complet

Flèche de Cristal
Lean on Pete de Andrew Haigh

Grand Prix du Jury
Nico, 1988 de Susanna Nicchiarelli

Prix d’interprétation féminine
Maria-Victoria Dragus dans Mademoiselle Paradis de Barbara Albert

Prix d’interprétation masculine
Andrew Plummer dans Lean on Pete de Andrew Haigh.

Prix de la meilleure musique originale
James Edward Baker pour Lean on Pete de Andrew Haigh.

Prix de la meilleure photographie
Magnus Nordenhof Jonck pour Lean on Pete de Andrew Haigh

Prix du Public
La Mauvaise Réputation de Iram Haq

Prix de la Presse
Arrhythmia de Boris Khlebnikov.
Mention spéciale pour The Captain- L’Usurpateur, de Robert Schwentke

Prix 20 Minutes d’Audace
The Captain - L’Usurpateur de Robert Schwentke

Prix Cineuropa
Sonate pour Roos de Boudewijn Koole

Prix du Meilleur court-métrage
Los Desheredados de Laura Ferrès
Mention spéciale pour Koropa de Laura Henno.

Prix du Jury Jeune
The Captain - L’Usurpateur de Robert Schwentke
Mention spéciale pour La Mauvaise Réputation d’Iram Haq.