[2019 dans le rétro] Les 50 films qu’il fallait voir en 2019 (4/5)

Posté par redaction, le 29 décembre 2019, dans Cannes, Films, Venise, bilan 2019.

Douleur et gloire de Pedro Almodovar

Il y a une forme de triple mise en abime: un réalisateur et son double, un cinéaste et son œuvre, le cinéma et la vie. Douleur et Gloire est un grand Almodovar. Par sa richesse narrative, sa complexité psychologique, par ce tour de force où Antonio est Pedro et Banderas incarne son mentor. Histoire d'une dépression, d'un mal-être physique et psychique, d'une panne d'inspiration. Une panne sexuelle finalement. Une impuissance à retrouver le désir. Tout un chemin pour y parvenir, en fouillant dans l'enfance (jusqu'à la scène la plus érotique de l'année), en retrouvant les "éloignés", en cherchant ce qu'il peut encore raconter. Ce drame lumineux et sombre, coloré et noir, est presuqe un tableau de maître. Une peinture des sentiments.

La cordillère des songes de Patricio Guzmán

Patricio Guzman conclut sa trilogie entamée en 2010 avec Nostalgie de la lumière et complétée en 2015 avec Le Bouton de nacre par une réflexion puissante sur les réalités contrastées du Chili. Il poursuit ainsi son travail de mise en lumière et de documentation de l’Histoire de son pays, et notamment des années noires de la dictature, tout en annonçant prophétiquement les récentes manifestations populaires réclamant une société plus égalitaire. “Le système de Pinochet perdure aujourd’hui” déplore justement l'un des protagonistes. D'où la nécessité de témoigner, toujours plus impérieuse, qui ne cesse d'animer le réalisateur, et  l'amène une nouvelle fois à “confronter les hommes, le cosmos et la nature” dans un film-expérience unique et indispensable.

Cutterhead de Rasmus Kloster Bro

Au nord de l’Europe il y a aussi des films remarquables. Du Danemark est venu ce claustrophobe Cutterhead de Rasmus Kloster Bro. Il y a un chantier en profondeur dans le sol pour creuser un tunnel, il y a un accident qui emprisonne dans un réduit de quelques mètres une photographe avec deux ouvriers qui parlent une autre langue. Pas de nourriture, l’oxygène baisse comme les chances de survivre, la lutte que pour soi, avec et contre les deux autres commence. L’angoisse qui monte est filmée au plus près des visages pour oppresser aussi le spectateur, avec des dilemmes à faire suffoquer la morale.

Us de Jordan Peele

Après le succès de Get Out, Jordan Peele était largement attendu au tournant. Un acteur comique qui a surpris la critique avec un thriller horrifique peut-il vraiment surprendre deux fois ? Force est de reconnaître qu’à 40 ans, celui que l’on a découvert dans la série Key & Peele semble au sommet de son art. Grâce à une Lupita Nuyong’o plus impressionnante que jamais, il signe avec Us un sublime film d’horreur sur une Amérique qui a peur de son ombre. Une manière de figurer la dualité qui repose en chaque citoyen ainsi que les traumatismes du passé. Une vraie réussite !

Le voyage du prince de Jean-François Laguionie

Avec malice et ironie, le merveilleux Jean-François Laguionie se moque de nos lâchetés, de notre mesquinerie et de notre étroitesse d'esprit dans un film d'aventures tout public qui est à la fois poétique et drôle. Impossible, en découvrant cette société régie par la peur et le consumérisme, terrorisée à l'idée qu'il existe d'autres peuples que le leur, de ne pas penser à la tragédie qui se joue quotidiennement en Méditerranée et à notre indifférence complice.

Yesterday de Danny Boyle

Tout le monde a oublié l’existence des Beatles, tout le monde sauf Jack... C’est écrit sur les différentes affiches du film : la comédie feel-good par les créateurs de Slumdog millionaire et de Love actually. C’était l’équation idéale : film britannique, Richard Curtis et Danny Boyle derrière, devant les yeux, la révélation Himesh Patel (qu'on retrouvera dansTenet de Christopher Nolan), Lily James et même le chanteur Ed Sheeran. Et dans les oreilles le souvenirs des chansons des Beatles. Peut-être plus musical que romantique Yesterday est en effet la comédie de l’année qui fait sortir de la salle avec un grand sourire.

Chambre 212 de Christophe Honoré

Christophe Honoré ne nous a jamais fait autant rire et sourire. Il signe là un film proprement emballant sur le couple, la fidélité, l'émancipation féminine, inversant ainsi les codes ancestraux du Vaudeville, rompant avec le sexisme et le patriarcat. Ici sont convoqués les rois de la screwball comedy américaine, Bernard Blier , Woody Allen, Alfred Hitchcock et autres grands maîtres du huis-clos surréaliste où les répliques fusent comme des balles pour toucher l'autre ou se protéger des attaques. Chiara Mastroianni trouve son plus beau rôle dans une chorale à quelques voix dissonantes. Un film à la croisée des chemins d'un couple, hors des sentiers battus cinématographiques, passant par des chemins de traverse narratifs. Un petit régal.

Avengers : Endgame d’Anthony et Joe Russo

Au rayon des blockbusters offerts par Disney cette année, il y en a deux qu’il ne fallait pas manquer. Le Roi Lion et Avengers : Endgame. Si le premier a surpris par son hyper-réalisme, c’est bien le second qui a été le centre d’attention de toute la sphère cinéphile au printemps. Entre ceux qui détestent cette surenchère d’effets spéciaux et ceux qui raffolent de ce divertissement inimaginable sans pop corn, la bataille a fait rage sur les réseaux sociaux. Du quatrième Avengers, nous retiendrons néanmoins la capacité de Disney et Marvel à rassembler un nombre incroyable d’acteurs nommés ou victorieux aux Oscars et leur intérêt pour la notion même d’héritage. Dans un monde où les divisions sont de plus en plus visibles et les extrêmes de plus en plus populaires, Avengers : Endgame a rappelé à ceux qui en doutaient encore que l’union fait la force et que le choix de ses ennemis est aussi important que sa stratégie d’attaque. Drôle et émouvant, le « final » des Avengers ouvre de nouvelles portes — que l’on ne voyait pas jusque-là.

Marriage story de Noah Baumbach

Il n'y a pas eu de meilleur divorce depuis des lustres. Noah Baumbach ausculte avec précision l'effondrement d'un couple et le système qui va détruire ce qu'il restait d'amour. Avec une intelligence de la mise en scène et une excellence du jeu d'acteurs, Marriage Story nous hante longtemps grâce à l'émotion et la colère qu'il dégage, tout en s'offrant des intermèdes légers et des scènes lourdes de symboles. De petits défauts mignons liés à la routine aux grands combats pour leur survie individuelle, les époux Barber nous semblent familier.Leur histoire est aussi poignante que splendide, banale qu'universelle.

Le lac aux oies sauvages de Diao Yinan

L'envoûtement est immédiat tant l'esthétique du film nous hypnotise. Sous ses allures de polar, ce film noir et tragique, qui en utilise tous les codes, va se révéler tourbillonnant et sans répit. Les eaux de ce lac ne sont pas calmes. L'atmosphère est moite et sanglante, l'intrigue inquiétante et imprévisible. Diao Yinan emprunte à tous ses confrères chinois,d e Jia Zhangke (Boney M remplace les Pet Shop Boys) à Wong Kar-wai (dans ce pas de deux romantique et mutique), en passant par Johnnie To (pour les scènes collectives violentes). Son ambition formelle prend le pas sur le récit, et avec son minimalisme intense, conduit à un film à multiples dimensions sur la Chine, sans acrifier le romanesque.

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