Arras Film Festival 2015 : l’Irlande et les braquages à l’honneur

Posté par MpM, le 28 juin 2015

Arras 2015On peut dire que le Arras Film Festival a du nez. L'an passé, il a ouvert sa 15e édition avec un petit film français a priori sans ambitions, qui s'est révélé le grand succès de l'hiver, comptabilisant plus de 7 millions de spectateurs.

La famille bélier, car c'était bien lui, est donc né à Arras... et s'il est peut-être l'exemple le plus spectaculaire, il est loin d'être le premier. Preuve s'il en fallait que cette semaine arrageoise est devenue au fil des ans le grand festival de l'automne, où sont dévoilés les films importants des mois à venir.

En 2014, la manifestation a ainsi proposé 45 avant-premières dont Foxcatcher, L'enquête, Les souvenirs, La prochaine fois je viserai le coeur, Mr Turner... En tout,  plus de 38 000 spectateurs se sont pressés à l'une de ses 331 projections, ce qui représente 4000 entrées de plus qu'en 2013.

Alors que l'édition 2015 se prépare (elle aura lieu du  6 au 15 novembre), on connaît déjà les thématiques des deux rétrospectives traditionnelle : "l'Irlande, d'un conflit à l'autre" et "Braquages en tous genres". De quoi permettre, comme chaque année, un cycle historique et un autre plus "léger", prétexte à proposer de savoureux films de genre.

Pour le reste de la programmation, et notamment la fameuse compétition européenne et les très attendues avant-premières, il faudra attendre la rentrée pour en savoir plus. Mais on peut d'ores et déjà certain que festival saura dégoter (avant tout le monde) les pépites de la saison 2015-2016.

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16e Arras Film Festival
Du 6 au 15 novembre 2015
Site de la manifestation

Arras 2014 : Fair Play et The fool se partagent les prix

Posté par MpM, le 17 novembre 2014

fairplayDurant cette 15e édition du Arras Film Festival, la compétition européenne a mis en avant des sujets forts, très narratifs, dans lesquels les aspects plus formels restent souvent au second plan, discrets et efficaces.

Il y avait là plusieurs candidats solides pour un grand prix : Aces d'Alfonso Zarauza (Espagne) qui observe les effets de la crise à travers le regard d'une mère célibataire qui devient manœuvre dans le bâtiment ; Quod erat demonstrandum d'Andrei Gruzsniczki (Roumanie) sur les exactions du régime Ceausescu ; Monument to Michael Jackson de Darko Lungulov (Serbie) qui dresse un portrait pessimiste et ironique sur la Serbie actuelle...

Atlas d'or pour Fair play

C'est finalement Fair Play d'Andrea Sedlackova (République tchèque) qui a remporté l'Atlas d'or décerné par Solveig Anspach et ses jurés (Jean-Luc gaget, Sophie Guillemin, Anamaria Marinca et Miel van Hoogenbemt). L'histoire d'une jeune athlète dopée à son insu par les autorités de son pays et dont la mère, sympathisante de l'opposition au régime, se révèle prête à tout pour permettre à sa fille d'émigrer.

Basé sur une construction dramatique assez classique, le film fonctionne sur le plan narratif tout en restant assez convenu dans son rythme, son montage et ses rebondissements. Exactement le genre d'objet qui, à défaut de déchaîner les passions cinématographiques, est suffisamment consensuel pour séduire un vaste public.

Triplé gagnant pour The fool

The fool, l'autre grand gagnant de la compétition, aurait pu faire office de favori tant sa mise en scène sèche, son rythme âpre, son sujet brûlant en faisait le candidat idéal à la récompense suprême.

Au lieu de quoi, il décroche l'Atlas d'argent de la mise en scène, le prix du public et le prix du jury jeunes. Difficile de faire plus unanime. Ce troisième long métrage de Youri Bykov (The major) est une tragédie implacable sur la corruption des élites et le sort cruel réservé à ceux qui tentent de s'opposer au système. Malgré sa véhémence un peu appuyée, c'est une œuvre dense, à la noirceur vertigineuse, qui propose sur la compromission et le cynisme une réflexion dénuée de toute complaisance.

Comme dans The major, ce qui intéresse Youri Bykov, c'est d'observer celui qui ose s'élever contre tous et de le confronter à ses propres contradictions. Les chevaliers blancs, chez le réalisateur russe, ne sont guère récompensés de leur intégrité.

Quod erat demonstrandum et Pause en embuscade

quod erat demonstrandumEnfin, deux autres films sont mentionnés au palmarès : le roumain Quod erat demonstrandum qui a convaincu le jury critique avec son noir et blanc élégant et sa lenteur étudiée de thriller totalement intériorisé.

Un film au fond assez classique, pour ne pas dire académique, qui ne prend guère de risques, tout en racontant une histoire tristement convenue de dictature politique. Et puis l'étonnante comédie sentimentale Pause, pleine d'humour et de musique country sensible, qui a reçu une mention spéciale.

Si les palmarès sont parfois décevants, celui de cette 15e édition s'avère au contraire équilibré et évident. Il était impossible de passer à côté de The fool, et son triplé final est à l'image de sa domination sur la compétition. La grande homogénéité du reste des films, en termes de propositions et de style, a permis au jury professionnel de jouir par ailleurs d'une grande souplesse pour les autres prix. Son choix témoigne d'une envie d'éclectisme mais aussi d'exigence, parfaitement à l'image de l'édition 2015.

Le palmarès complet

Atlas d’Or
Fair Play d'Andrea Sedlackova (République tchèque)

Atlas d’Argent de la mise en scène
The fool de Youri Bykov (Russie)

Prix du public
The fool de Youri Bykov (Russie)

Prix Regards jeunes/ région Nord-Pas de Calais
The fool de Youri Bykov (Russie)

Prix de la Critique
Quod erat demonstrandum d'Andrei Gruzsniczki (Roumanie)

Mention spéciale
Pause de Mathieu Urfer (Suisse)

Prix Arrasdays
Free till dawn de Iris Elezi et Thomas Logoreci (Albanie)
The tree de Hafsteinn Gunnar Sigur?sson (Islande)

Arras 2014 : focus sur le « jeune cinéma français »

Posté par MpM, le 13 novembre 2014

terre battueDans le cadre de sa section "Découvertes européennes", le 15e Arras Film Festival propose un focus sur le jeune cinéma français à travers quatre premiers longs métrages qui offrent un aperçu éclectique de la jeune production hexagonale contemporaine.

S'il s'avère relativement artificiel de chercher à tout prix des points communs entre Bébé tigre de Cyprien Vial, Terre battue de Stéphane Demoustier, Fidelio, l'odyssée d'Alice de Lucie Borleteau ou encore Vincent n'a pas d'écailles de Thomas Salvador, on peut déceler dans chacun des films le désir de s'ancrer dans son époque ainsi qu'une dynamique d'écriture qui force l'intérêt.

Ainsi, Terre battue raconte le combat parallèle d'un homme au chômage qui essaye de monter sa propre entreprise et celui de son fils de onze ans pour accéder à son rêve : devenir joueur de tennis professionnel. Un conte moderne qui questionne l'obsession de la réussite et les mécanismes de transmission familiaux.

Dans un registre tout aussi social,  Bébé tigre suit le parcours d'un adolescent du Penjab qui essaye de travailler pour envoyer de l'argent à sa famille restée au pays tout en poursuivant une scolarité normale. Au-delà d'un destin particulier, c'est un système que décortique Cyprien Vial. Avec beaucoup de mesure, il montre la part d'ombre et de lumière de tous les protagonistes, à commencer par le passeur qui fournit de petits boulots au jeune homme, et amène le spectateur à comprendre la complexité d'une situation aux nombreuses ramifications.

A contrario, Fidelio, l'odyssée d'Alice, s'éloigne nettement des questions sociales pour aller vers un ton plus initiatique. L'héroïne y est second mécanicien sur un cargo. Seule femme dans un monde d'hommes, elle mène sa vie comme une barque, au gré des courants. Un très beau manifeste du désir féminin et du droit des femmes à assumer leur appétit sexuel, presque traité comme un huis clos tantôt oppressant, tantôt joyeux.

Enfin, Vincent n'a pas d'écailles Vincent n'a pas d'écaillesest de loin le film le plus étrange du quatuor. Une œuvre presque organique, avec très peu de dialogues, qui parle de la différence, de l'amour et de la nature sur fond de supers pouvoirs dignes des blockbusters américains. Quasiment un (anti ?) film de supers héros qui joue avec les codes du genre tout en suivant sa propre ligne directrice.

Recherche formelle et cinéma engagé

Si les deux premiers longs métrages sont formellement plus classiques, les autres proposent un cinéma plus sensoriel, assez découpé, qui prend le temps de saisir une ambiance ou une scène. Curieusement, des séquences aquatiques se font écho de l'un à l'autre, véhiculant un même bonheur simple de ne faire qu'un avec les éléments. Ils témoignent d'une véritable recherche formelle de la part de leurs auteurs ainsi que d'une envie de faire un cinéma plus personnel, et de ce fait plus singulier.

A rebours, Terre battue et Bébé tigre se veulent plus engagés, presque militants. Stéphane Demoustier fait le portrait d'une classe moyenne désorientée par la disparition de tout ce en quoi elle croyait et critique les nouvelles valeurs à la mode : la célébrité, l'argent facile, le succès à tout prix. Surtout, ne pas être un loser. Cyprien Vial dépeint lui une France telle qu'on aimerait la voir plus souvent dans l'actualité : celle d'une intégration réussie et d'une communauté humaine où personne ne sert de bouc émissaire pour expliquer les maux contemporains. Une France invincible parce qu'unie, mais dénuée de tout angélisme ou candeur.

Entre les quatre films, on peut avoir des inclinations ou au contraire des réticences.  Certains semblent plus aboutis, d'autres plus originaux. Mais les opposer serait improductif, tant le cinéma français a besoin de tous ses talents, quel que soit le stade de maturation où ils se trouvent actuellement. Dans ce focus, c'est une parcelle de l'avenir du cinéma national qui se joue. Et sans présager de cet avenir, on peut d'ores et déjà se réjouir pour cette parcelle-là.

Arras 2014 : Michel Hazanavicius et Bérénice Béjo présentent The Search

Posté par MpM, le 12 novembre 2014

Hazanavicius et Bejo

Le réalisateur oscarisé Michel Hazanavicius (OSS 117, The artist) et l'actrice Bérénice Béjo (ici en compagnie de Nadia Paschetto, directrice du Festival et Eric Miot, délégué général) étaient de passage au Arras Film Festival ce mercredi pour présenter leur nouveau film, The Search, qui sortira en salles le 26 novembre prochain.

Le film, qui a été remonté et amputé d'un quart d'heure depuis sa présentation à Cannes en compétition officielle, s'inspire très librement du long métrage éponyme de Fred Zinnemann sorti en 1948 (Les anges marqués en français). Il aborde la seconde guerre en Tchétchénie à travers le destin de quatre personnages qui y sont directement confrontés : un soldat russe enrôlé de force, un jeune garçon tchétchène qui a perdu sa famille, sa sœur qui le cherche partout et une Française chargée de mission pour l'Union européenne.

Avant de rencontrer le public venu nombreux pour assister à la projection, le cinéaste nous a accordé un entretien dont voici un extrait :

"Ce qui m'a donné envie de faire ce film, c'est le rapport que j'ai pu avoir avec la Tchétchénie. J'ai ressenti à un moment le besoin de raconter cette histoire-là dont peu de gens ont parlé finalement. Le succès inattendu de The Artist a fait que je n'avais plus vraiment d'excuses pour ne pas le réaliser. Par rapport au film existant [The search de Fred Zinnemann], en fait, j'avais envie de parler de la Tchétchénie, mais je ne savais pas trop quoi faire, pour des questions de légitimité notamment. Jusque-là, j'ai fait du cinéma plutôt léger... Et puis je suis tombé sur ce film et j'ai trouvé que c'était une bonne approche. Et voilà, je m'en suis inspiré, et je me le suis réapproprié. Ce qui était important, c'était d'avoir une approche humaine. On ne peut pas faire l'économie de la violence quand on parle d'une guerre, notamment de celle-là, il fallait donc que j'aille voir aussi du côté des soldats russes, des bourreaux, des victimes, des observateurs étrangers. C'était aussi une manière de rester un peu à distance, de ne pas être dans une empathie hyper mélodramatique par rapport aux personnages. "

Photo : Marie-Pauline Mollaret

Arras 2014 : 3 questions à Frédéric Tellier pour L’affaire SK1

Posté par MpM, le 10 novembre 2014

Parmi les nombreuses avant-premières proposées lors de cette 15e édition du Arras Film Festival, L'affaire SK1 de Frédéric Tellier, avec Raphaël Personnaz, Nathalie Baye et Olivier Gourmet, revient avec une grande sécheresse scénaristique sur la très longue enquête ayant mené à l'arrestation de Guy Georges pour le meurtre et le viol de six jeunes femmes entre 1991 et 1998.

A mille lieues des polars traditionnels, ou des séries télévisées haletantes, c'est-à-dire sans effets spectaculaires et avec une grande rigueur narrative, le film retrace dix années d'une enquête complexe et chaotique durant laquelle les enquêteurs suivirent de nombreuses fausses pistes, impuissants face à une violence qui les dépassait.

Retour avec Frédéric Tellier,  qui signe ici son premier long métrage, sur la manière dont il a abordé ce fait divers tragique.

Ecran Noir : Réaliser L'affaire SK1 ressemble à un défi, à la fois sur le fond, à cause de son sujet, mais aussi sur un plan plus formel...

Frédéric Tellier : C'est en effet un défi de traiter cette histoire. C'est une énorme charge émotionnelle car l'histoire est très récente. On en a peu parlé. Les parents des victimes pour la plupart sont encore en vie. C'est une grosse responsabilité, effectivement.  A partir de là, mon parti pris était d'être le plus simple possible pour être dans la vérité des personnages, justement, et surtout pas la travestir par une imagerie trop forte. Je ne sais pas si j'ai pensé à comment me différencier des autres du point de vue policier. Peut-être parce que j'ai jamais vraiment eu l'impression que c'était un film policier mais plutôt un film d'enquête. Mais ce serait vrai aussi sur la partie procédurale. En fait, je n'y ai pas trop pensé. Il y avait une dramaturgie naturelle à cette histoire, très cinématographique. On écrirait ça en fiction, on dirait que c'est très chargé, mais c'est la vraie vie qui s'est déroulée comme ça. Ces deux lignes s'entrechoquent en permanence puisqu'il y a la ligne de l'enquêteur et la ligne de l'avocate qui a défendu Guy Georges dix ans plus tard. Malgré cette différence de temporalité, ces deux lignes s'entrechoquent tout le temps. Ca révise un peu de soi-même le procédé narratif qui pose plus une question centrale qui est celle du mal. Comment le mal est géré par la société, par l'être humain. Comment on digère ça ? Comment on décrypte ça ? Comment on vit avec ça ?

EN : Justement, comment avez-vous décidé de ces deux lignes narratives qui induisent de fréquents allers et retours entre les époques ?

FT : C'est une histoire qui est très longue, qui a pris dix années pleines entre 1991 et 2001. Pourquoi les faire s'entrechoquer ? Mon idée c'était vraiment de raisonner autour du mal, c'est ça qui m'obsède : essayer de comprendre le mal. Cette histoire me travaillait beaucoup. Comment on s'organise pour vivre avec ça ? J'avais pas tant envie de raconter une histoire de comment un flic s'en sort et ensuite de comment est jugé le coupable, que de mélanger les deux. Peut-être que ça fait un film exigeant au sens péjoratif, parce que ce n'est pas linéaire, en même temps c'est l'impression que moi j'avais de cette histoire. Qu'elle était très compliquée, très exigeante. J'ai essayé de rendre ça. Je ne sais pas si j'y suis arrivé. Moi ce qui m'intéressait c'était de mélanger un peu les points de vue pour avoir une réflexion un peu centrale sur le mal. Les convictions, les doutes, les impasses dans lesquelles allaient les enquêteurs, et en parallèle de se projeter dix ans après dans les impasses où allaient à nouveau les avocats alors qu'il y avait déjà une instruction aboutie. Et de voir finalement que le mal impacte un peu tout le monde de la même façon, qu'on ait déjà arrêté le gars ou qu'on ne sache pas qui il est. C'est vrai qu'à la fin ça fait un film policier, mais avec cette responsabilité d'une histoire très récente, d'où peut-être pour moi la nécessité de le traiter de manière particulière.

EN : On sent une réelle volonté de ne pas faire de Guy Georges un monstre absolu. Comme il est dit dans le film, "d'aller chercher l'homme derrière le monstre"...

FT : Une affaire comme ça, ce serait la travestir que de ne pas l'aborder le plus modestement possible, par la base, en se disant "qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi on en est arrivé là ?". Et pour être honnête, on le sent bien, quand on commence à écrire. Notre parti-pris était choisi dès le départ. On était du côté des victimes. On était dans cette grande émotion. Et Guy Georges a été condamné. On a lu des rapports médico-psychologiques, on n'a aucun doute sur l'horreur des faits. Pourtant, au fil de l'écriture, on a ressenti l'honnêteté, le besoin d'honnêteté de parler de son enfance parce que ce serait malhonnête de ne pas le faire. Tous les enfants maltraités dans leur enfance ne deviennent pas des criminels, mais il y a peu de criminels qui ont eu une enfance parfaitement heureuse. Il y a bien un moment où il faut parler de ces choses-là, sans prendre parti.

Arras 2014 : 5 bonnes raisons de ne pas rater la 15e édition

Posté par MpM, le 8 novembre 2014

Jusqu'au 16 novembre, Arras vit au rythme du cinéma français et international. Invités, débats, découvertes, avants-premières, afters musicaux... Les raisons de participer à cette 15e édition du Festival ne manquent pas, on vous en liste cinq forcément un peu subjectives.

* La compétition européenne. Chaque année, c'est l'événement phare du festival. On a envie d'écrire : quels que soient les films. Qu'ils soient bons ou mauvais, ils donnent en effet un aperçu précieux de l'offre cinématographique européenne de l'année. Et souvent, ils permettent de véritables surprises, voire des coups de cœur, à l'image de The girl from the wardrobe de Bodo Kox en 2013, Teddy bear de Mads Matthiesen en 2012, A trip de Nejc Gazvoda en 2011, etc.

* La présence de Stephen Frears et Asia Argento, qui animeront tous deux des leçons de cinéma, et à qui des rétrospectives sont consacrées. Quel bonheur de revoir sur écran Prick up your ears, Les arnaqueurs, My beautiful laundrette... ! Et belle surprise également que de découvrir avant tout lemonde L'incomprise, étonnant film (que l'on devine autobiographique) de la réalisatrice italienne, qui sort en salles le 26 novembre.

* Deux sections thématiques qui font la part belle au films du patrimoine. Pour "la grande guerre", Abel Gance, Bertrand Tavernier,  Stanley Kubrick, Joseph Losey... sont convoqués. Côté "ItalianAmerican", les festivaliers pourront de régaler avec Le parrain, La fièvre du samedi soir ou encore Mean streets et Les affranchis.

* Un focus sur l'Europe de l'Est. L'occasion de découvrir qu'à l'est, il ne cesse d'y avoir du nouveau, avec des films venus de Slovénie, Géorgie, Bulgarie, République tchèque... dont on se souviendra un jour qu'on les avait découverts à Arras.

* La mise en lumière du prix Lux. Pour la première année, le festival propose au public de découvrir les trois films qui concourent pour le prix décerné chaque année par le Parlement européen. Au programme, Ida de Pavel Pawlikowski, Bande de filles de Celine Sciamma et L'ennemi de la classe de Rok Bicek. Les spectateurs sont même amenés à participer au vote.

Sans oublier qu'à toutes ces excellentes raisons s'ajoute un argument de poids : l'Arras Film Festival propose des rencontres et des échanges dans une ambiance à la fois conviviale, détendue et joyeuse. Parce qu'il n'est pas nécessaire de prendre un ton docte pour parler de cinéma d'auteur et qu'il n'y a rien non plus de honteux à proposer un cinéma populaire, toutes les visions du cinéma se complètent et se réconcilient à Arras le temps d'une communion générale autour des films. Le tout grâce à la magie toujours renouvelée du grand écran.

Arras 2013 : le Slovaque Juraj Lehotsky reçoit l’Atlas d’or

Posté par MpM, le 18 novembre 2013

L'homogénéité de la compétition 2013 du Arras Film Festival, où chaque film semble avoir naturellement trouvé sa place, avait de quoi donner du fil à retordre aux différents jurys chargés de distinguer leur favori. Pas simple en effet de choisir parmi neuf œuvres de grande qualité mais aux sensibilités, influences et univers extrêmement divers.

Miracle et The girl from the Wardrobe

miracleLe grand jury, présidé par le réalisateur Philippe Faucon, et composé de Geoffroy Grison, Corinne Masiero, Anna Novion et André Wilms, semble ainsi avoir fait le grand écart entre un grand prix assez classique et un prix de la mise en scène beaucoup plus inventif et original.

Le premier, Miracle de Juraj Lehotsky (Blind loves) suit avec subtilité le parcours chaotique d'Ela, une adolescente perturbée enfermée dans une maison de correction. Le récit, assez relâché, alterne temps morts et moments d'accélération, avec à la clef pas mal de sensationnalisme gratuit. On a plus l'impression d'un film fourre-tout que d'une grande chronique adolescente.

Le deuxième film récompensé par le jury, girl from wardrobeThe girl from the Wardrobe de Bodo Kox, est au contraire la chronique fine et délicate d'une rencontre entre plusieurs solitudes, ainsi que d'une relation fraternelle profonde et pudique.

Jacek veille en permanence sur Tomek, son frère souffrant de graves troubles neurologiques, ce qui l'oblige à jongler avec ses obligations professionnelles et sa vie sentimentale. Lorsqu'il confie Tomek à sa voisine d'en face, la mystérieuse Magda, une relation singulière se noue entre les trois êtres à la dérive.

La poésie troublante du film, qui mêle l'ultra-réalisme du décor à des touches de fantastique issu des hallucinations de l'héroïne, en fait une œuvre complexe à la grande beauté formelle et à la tonalité douce amère pleine de nuances. Le film a d'ailleurs séduit le jury de lycéens qui lui décernent également leur prix.

Chasing the wind et West

Chasing the windLa critique, elle, a arrêté son choix sur un autre récit familial (définitivement le thème phare de cette 14e édition) beaucoup plus classique, Chasing the wind de Rune Denstad Langlo, qui raconte comment, après le décès de sa grand-mère, une jeune femme renoue avec son grand-père et son ancien petit ami.

Un récit étonnamment esquissé, presque statique, composé de scènes ultra courtes et quotidiennes formant, en creux, le portrait d'une femme qui se réconcilie avec son passé. A l'opposé du long métrage qui a reçu la mention spéciale du même jury de la critique, West de Christian Schwochow, un thriller politique feutré sur la paranoïa contagieuse propre à l'époque de la guerre froide.

Kertu et Le grand cahier

Le public, lui, s'est laissé séduire par kertuune histoire d'amour hors norme, le très touchant Kertu de Ilmar Raag qui, s'il en fait parfois un peu trop dans les rebondissements, parvient à rendre crédible (et bouleversant) ce coup de foudre entre deux êtres blessés par la vie, qui trouvent soudain en l'autre les ressources nécessaires pour prendre leur existence en mains.

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Arras 2013 : la famille et les êtres solitaires au coeur de la compétition

Posté par MpM, le 17 novembre 2013

arras 2013Pour sa 14e édition, l'Arras Film Festival proposait une compétition européenne composée de neuf longs métrages inédits venus d'Europe du Nord et de l'Est. Curieusement, la famille semble cette année au cœur des préoccupations des cinéastes qui représentent la cellule familiale dans tous ses états, et notamment dans ce qu'elle a de plus dysfonctionnel.

On retrouve ainsi à plusieurs reprises la figure du père indigne, soit tyran, soit faux démiurge, soit tout simplement absent. Dans The disciple d'Ulrika Bengts (Finlande), par exemple, le gardien de phare terrorise ses enfants et sa femme avec sa rigueur extrême et son autorité implacable.

Dans Terku d'Ilmar Raag (Estonie), le père de la jeune héroïne utilise un mélange de violence et de fausse douceur pour l'amener à lui obéir pleinement. Ces hommes ne sont pas présentés comme des monstres, mais simplement comme des êtres qui ne supportent aucune contradiction. Persuadés de savoir ce qui est bon pour leurs enfants, ils tracent pour eux un avenir tout écrit.

Impardonnables absents

Les pères absents ne sont pas plus idéalisés : celui de Miracle de Juraj Lehotsky (Slovaquie) a quitté sa famille peu de temps après la naissance de sa fille, celui de West de Christian Schwochow (Allemagne) est soupçonné d'être un traître. Dans Chasing the wind de Rune Denstad Langlo (Norvège), le père mort a laissé à sa fille un immense sentiment de culpabilité. Le personnage de The japanese dog de Tudor Cristian Jurgiu (Roumanie), lui, ne pense même pas à prévenir son fils, parti vivre au Japon, que sa mère est morte.

Dans The priest's children de Vinko Bresan (Croatie), les pères ne veulent tout simplement pas être pères, mais se retrouvent mis devant le fait accompli à cause des manipulations d'un prêtre nataliste. Quant au père des deux jumeaux mis en scène dans Le grand cahier de Jonas Szasz (Hongrie), il veut éloigner ses enfants pour les protéger, mais ne fait que les livrer à la violence la plus absolue. Absent lorsqu'ils ont le plus besoin de lui, il finit par devenir pour eux un parfait étranger.

A la dérive

Car l'autre thématique qui traverse la compétition est la description de personnages à la dérive, solitaires ou franchement paumés, qui recréent à leur manière une famille d'adoption à leur image. Au centre de Kertu, il y a ainsi cette rencontre lumineuse entre une jeune femme psychologiquement fragile et un coureur de jupons invétéré, alcoolique et atteint d'un cancer. Leur histoire d'amour, désarmante de simplicité et de sincérité, balaie les préjugés, et, malgré une certaine facilité de scénario, renvoie surtout à l'idée que ce qui réunit est toujours plus fort que ce qui sépare.

The girl from the wardrobe de Bodo Kox (Pologne) montre aussi la communion d'esprit entre un jeune homme atteint de graves troubles neurologiques et une jeune femme suicidaire. La poésie troublante du film, qui mêle l'ultra-réalisme du décor à des touches de fantastique issu des hallucinations de l'héroïne, rend palpable la connexion muette qui se fait entre ces deux êtres hors du monde.

Dans le même esprit, la jeune orpheline de Chasing the wind renoue après dix ans d'absence avec son ancien petit ami, veuf et désabusé ; les deux adolescents de The disciple s'unissent contre l'adversité ; les deux frères du Grand cahier sont reliés par un lien si fort qu'il en devient terrifiant ; le petit garçon de West, qui vient de quitter la RDA pour la RFA, cherche auprès d'un compatriote accusé d'espionnage la figure paternelle qui lui manque.

Un autre mode de communication

Un certain espoir semble ainsi émerger de ces différents films qui montrent, malgré une incommunicabilité presque endémique (le père de The japanese dog ne parle plus à son fils depuis dix ans, le grand père de Chasing the wind n'adresse pas la parole à sa petite fille, le frère malade de The girl from the wardrobe ne peut plus s'exprimer, les enfants de Kertu ou The disciple n'ont pas le droit à la parole face à leur père...), qu'il est toujours possible d'atteindre l'autre, même par un biais atypique. Le prêtre zélé de The priest's children ne finit-il pas par trouver (très ironiquement) des complices prêts à l'aider dans son entreprise de repeuplement de l'île ?

La dominante humaine de ces différents longs métrages est comme le révélateur à la fois d'un repli sur l'intime (peu de grands sujets de société sont abordés, au contraire des festivals habituels) et d'une volonté de remettre l'individu en tant qu'être social au centre du récit. L'exemple du Grand cahier est à ce titre éloquent : privé de reconnaissance et de chaleur humaine, les personnages se replient sur eux-mêmes et sombrent dans une violence pire que celle qui leur est infligée.

La fenêtre ouverte sur le monde par la compétition 2013 semble alors le reflet saisissant d'une société qui aspire à se recentrer sur l'essentiel (sa propre humanité) avant d'affronter les mutations et les révolutions d'un monde qui lui échappe.

Arras 2013 : retour en vidéo sur le jour 5 du festival avec Jérôme Salle, réalisateur de Zulu

Posté par MpM, le 14 novembre 2013

Invités : Jérôme Salle, Stan Collet et Caryl Férey pour Zulu.

Merci à l'équipe du quotidien vidéo du Arras Film Festival.
Propos des invités recueillis par Marie-Pauline Mollaret et Jovani Vasseur.

Arras 2013 : retour sur les découvertes européennes

Posté par MpM, le 13 novembre 2013

2 automnesL'édition 2013 du Arras Film Festival proposait une sélection de films européens formant un instantané passionnant de la jeune création contemporaine, avec curieusement une prédominance pour la comédie et une tendance palpable à vouloir réinventer le cinéma.

Le chef de file de ce courant est évidemment Sébastien Betbeder qui, avec 2 automnes, 3 hivers, signe un film formellement audacieux dressant le portrait saisissant d'une génération de trentenaires à la fois nourris par l'art et la culture et en même temps assez indécis par rapport à leur propre vie.

La liberté de ton surprenante du réalisateur lui permet de se démarquer de la pure comédie (représentée assez platement par le très caricatural Brasserie romantique de Joël Vanhoebrouck) sans tomber dans le travers du film expérimental qui laisse tout le monde perplexe.

Un créneau d'ailleurs admirablement occupé joypar l'énigmatique Joy du Grec Elias Giannakakis, qui est sans doute l'ovni de ce 14e festival arrageois.

Dans un noir et blanc ultra-soigné, on suit une femme quasi mutique dans sa fuite en avant à la radicalité  presque poétique. Les lents fondus au noir qui séparent chaque séquence, le magnétisme de l'actrice et l'âpreté de la narration donnent à ce portrait en creux la beauté envoûtante d'une œuvre brute et désespérée.

Les autres films s'ancrent dans une veine plus classique, quoi que particulièrement efficace en ce qui concerne le biopic suédois Valse pour Monica de Per Fly, d'excellente tenue et servi à merveille par la chanteuse Edda Magnason.

Même chose pour la comédie politique Viva la liberta de Roberto Ando, avec un Toni Servillo plus savoureux que jamais dans le double rôle d'un homme politique dépressif et de son frère jumeau à peine sorti de l'hôpital psychiatrique.

D'une vie à l'autre Mais le grand choc de cette section reste probablement le thriller politique allemand D'une vie à l'autre réalisé par Georg Maas, qui mêle habilement l'ambiance anxiogène du film d'espionnage traditionnel avec le récit d'événements réels survenus pendant la deuxième guerre mondiale, la séparation d'enfants nés de pères allemands de leurs mères norvégiennes.

Un film intelligent et vertigineux qui prouve au passage la grande vitalité d'un cinéma allemand tentant d'explorer autrement les traumatismes de son passé.

Mais on n'a probablement pas fini d'être séduit par le cinéma européen puisque les découvertes se poursuivent à Arras jusqu'au 17 novembre, avec dès jeudi 14 le début de la compétition européenne. Ce sont en tout neuf longs métrages inédits venus de Slovaquie, de Croatie, de Finlande ou encore d'Estonie qui concourent pour l'Atlas d'or et espèrent trouver rapidement un distributeur français.