Annecy 2020: « Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary » couronné

Posté par vincy, le 20 juin 2020

La 44e édition du Festival international du film d'animation d'Annecy était en ligne, mais cela ne l'a pas empêché de proclamer aujourd'hui son palmarès.

C'est un film français, en salles le 14 octobre, qui a triomphé avec le Cristal du court métrage. Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary de Rémi Chayé succède ainsi à J'ai perdu mon corps. Plus généralement, l'animation européenne a triomphé cette année même si quelques titres asiatiques et nord-américains ont pu récupérer quelques prix, notamment le Cristal du meilleur court-métrage pour le canadien Physique de la tristesse.

Cristal du long métrage
Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary de Rémi Chayé (France-Danemark) - Sortie le 14 octobre 2020, photo

Prix du jury
The Nose or the Conspiracy of Mavericks d'Andreï Khrzhanovski (Russie)

Mention du jury
Kill It and Leave this Town de Mariusz Wilczynski (Pologne)

Prix du jury Contrechamp
My Favorite War d'Ilze Burkovska Jacobsen (Lettonie-Norvège)

Mention du jury Contrechamp
The Shaman Sorceress
de Jae-huun Ahn (Corée du Sud)

Cristal de la meilleure œuvre VR
Minimum Mass de Raqi Syed et Areito Echevarria (France-Nouvelle-Zélande)

Mention spéciale du jury
Battlescar – Punk Was Invented by Girls de Martin Allais et Nicolas Casavecchia (Etats-Unis-France)

Cristal du court métrage
Physique de la tristesse de Theodore Ushev (Canada)

Prix Jean-Luc Xiberras de la première œuvre
The Town d'Yifan Bao (Chine)

Prix du jury
Homeless Home d'Alberto Vázquez (France-Espagne)

Mentions du jury
Genius Loci d'Adrien Merigeau (France) et Freeze Frame de Soetkin Verstegen (Belgique)

Cristal pour un film de commande
Traveler de Daniel Almagor et Raman Djafari (Allemagne) pour Lucky Chops

Prix du jury
Greenpeace : Turtle Journey de Gavin Strange (Royaume-Uni)

Cristal pour une production TV
L’odyssée de Choum de Julien Bisaro (Belgique-France)

Prix du jury pour un spécial TV
The Tiger Who Came to Tea de Robin Shaw (Royaume-Uni)

Prix du jury pour une série TV
Undone : The Hospital de Hisko Hulsing (Etats-Unis)

Cristal du film de fin d'études
Naked
de Kirill Khachaturov (Russie)

Mention du jury
Sura de Hae-Ji Jeong (Corée du Sud)

Prix du jury
Pile de Toby Auberg (Royaume-Uni)

Prix du court métrage "Off-Limits"
Serial Parallels
de Max Hattler (Allemagne-Hong Kong)

Cannes 2020: 11 courts en lice pour une Palme d’or

Posté par vincy, le 19 juin 2020

Le Festival de Cannes a annoncé les onze films pour sa compétition court métrage, issus de 12 pays différents, pour un programme cumulé de 2h24. Cinq réalisatrices font partie de cette Sélection officielle 2020.. La Palme d’or sera remise cet automne. La date et le jury seront dévoilés plus tard.

Cette année, le comité de sélection du Festival de Cannes a reçu 3810 courts métrages, en provenance de 137 pays différents.

I am afraid to forget your face de Sameh Alaa (Égypte) - 15’ - Egypte, France, Belgique, Qatar
Filles bleues, peur blanche de Marie Jacotey & Lola Halifa-Legrand (France) - Animation - 10’ - France (photo)
Motorway65 de Evi Kalogiropoulou (Grèce) - 14’ – Grèce
Sudden Light de Sophie Littman (Royaume-Uni) - 14’ - Royaume-Uni
Son of Sodom de Theo Montoya (Colombie) - Documentaire - 15’ - Colombie, Argentine
Camille sans contact de Paul Nouhet (France) - 15’ - France
O Cordeiro De Deus (L’agneau de Dieu) de David Pinheiro Vicente (Portugal) - 15’ – Portugal, France
Shiluus de Lkhagvadulam Purev-Ochir (Mongolie) - 13’ – Mongolie, Royaume Uni
Benjamin, Benny, Ben de Paul Shkordoff (Canada) - 7’ - Canada
Stéphanie de Leonardo Van Dijl (Belgique) - 15’ - Belgique
David de Zachary Woods (États-Unis) - 11’ - États-Unis

Annecy 2020 – le film du jour : Ghosts de Park Jee-Youn

Posté par MpM, le 18 juin 2020

Puisque cette année, Annecy se déroule en ligne, Ecran Noir se fait votre guide parmi les différentes sections et vous aide à savoir ce qu'il ne faut surtout pas rater ! Pour les plus pressés, nous mettons en lumière chaque jour un film qui nous semble indispensable. Pour les autres, nous ajoutons quelques conseils supplémentaires à grapiller dans le même programme. Et enfin, pour les plus gourmands, on va plus loin avec des idées de films, hors festival, à regarder en ligne pour prolonger le plaisir...

C'est le programme 5 qui nous occupe aujourd'hui, avec en premier lieu Ghosts de la réalisatrice coréenne Park Jee-Youn, une étude assez cynique des rapports de couple. Le personnage principal est une femme mûre vivant en couple avec un homme perpétuellement représenté sous les traits d'un nageur (bonnet de bain et lunettes incluses). Leur univers consiste principalement en une grande pièce (inondée) qui fait à la fois office de chambre à coucher et de cuisine. Il se décline dans des tons de noir, de gris et de blanc, avec parfois des aplats de couleurs localisés.

Le couple vit donc ensemble sans vraiment se voir, devenus "fantômes" l'un à l'autre, et au monde en général. Le réalisatrice joue alors sur un mélange d'images allégoriques et de situations absurdes pour ausculter cet effet du temps et de l'existence sut les êtres. Le décor dans lequel évolue les personnages se fissure, ou en tout cas semble sans cesse inviter à regarder au-delà : des brèches dans le sol, une fente par lequel on regarde, et même un trou béant dans le crâne de l'un des protagonistes. Le personnage féminin ne cesse de vouloir sonder ces cavités / orifices : au départ, elle glisse son oeil par une fente, puis se penche sur différents trous dans le sol. "Qui est là ?" demande-t-elle à plusieurs reprises.

On ne sait exactement où conduisent ces ouvertures, mais elles semblent sans cesse ramener dans l'appartement du couple, ou en tout cas dans son intimité. Différentes dimensions se croisent ainsi dans des scènes de plus en plus étranges et décalées, peuplées d'apparitions spectrales : un poisson géant qui flotte dans la chambre, des nuées de nageurs qui dansent, volent ou plongent, et des corbeaux omniprésents, comme s'ils étaient parfaitement à leur place.

Les dialogues, rares, hésitent eux-aussi entre ironie et cliché. "Alors, heureuse ?" glisse le nageur à sa compagne avant de la caresser presque mécaniquement, jusqu'à ce que sa main traverse son corps. Un autre dialogue faussement éthéré singe les habituelles envolées sentimentales. Quand au plus bel échange du film, il se joue entre deux femmes, et se traduit métaphoriquement par des gouttelettes jaillissant de leur bouche pour venir se percuter dans l'air. Par ces temps de covid, ça fait frémir, mais on adore cette vision d'un dialogue qu'on imagine de sourds, et qui se finit d'ailleurs par un acte de violence. Difficile d'en dire plus sans gâcher complètement le plaisir de spectateur, si ce n'est que l'ambiance du film, et sa manière de jouer sur des motifs récurrents et ironiques, nous ont pas mal emballés.

On se laissera ensuite tenter par My galactic twin Galaction de Sasha Svirsky, parodie d'une séance de "pitch" d'un court métrage de science fiction survitaminé et fourmillant d'idées visuelles. Au fur et à mesure, le réalisateur raconte donc ce qu'est son scénario, une histoire compliquée de jumeau galactique et de terribles ennemis extraterrestres à combattre, tandis que les images partent de plus en plus en roue libre. C'est un délire de collages, de couleurs et de trouvailles kitsches. Il y a même une sorte de chanson. A la fin, on apprend (avec désarroi) que le projet est finalement devenu une version ultra épurée et schématique de ce grand n'importe quoi intersidéral. Si l'on était mauvais esprit, on dirait que cela nous évoque (brillamment) les effets de bord induits parfois par le système de financement du cinéma français.

Autre film qui vaut le détour dans le programme, Friend of a friend de Zachary Zezima, qui met son esthétique ronde et ultra colorée, très pop, au service d'une histoire ambivalente d'agression sexuelle, de vengeance et d'attirance-répulsion. Le réalisateur sonde les coeurs, les âmes et les corps au sein d'un étrange trio constitué d'une femme, de son petit ami, et de l'homme qui a tenté de l'agresser, persuadé qu'il lui avait fait des avances. Le réalisateur ne donne aucune réponse, mais pose des questions dérangeantes autour de la notion de consentement et de la part de violence, réelle ou symbolique, que comportent les relations humaines, amoureuses ou amicales.

Enfin, No, I don't want to dance de Andrea Vinciguerra et Yo de Begona Arostegui complèteront agréablement ce tour d'horizon du dernier programme de la compétition officielle. Le premier met en scène des situations absurdes au cours desquelles un geste d'appel à l'aide est interprété comme un mouvement de danse. C'est sans prétention et plutôt drôle, quoique cruel. Et en plus le film est disponible sur la page vimeo du réalisateur, on vous invite à le découvrir ci-dessous :

Le second est une plongée d'abord joyeuse, puis de plus en plus effrayante dans le quotidien (trop) bien réglé d'un homme qui ne se remet pas d'avoir vu un panneau indiquant "parc" au milieu de son parc préféré. Il se met alors à tout étiqueter avec une constance qui aurait pu être glaçante, si le film n'avait pas choisi de rester sur un registre faussement comique, et surtout terriblement bavard.

Pour compléter cette séance de visionnages (on vous rappelle que l'accréditation pour le festival reste ouverte à tous, à partir de 15 euros), n'hésitez pas à vous rendre sur la page vimeo de Sasha Svirsky, d'Andrea Vinciguerra sur celle de Zachary Zezima, dont on vous invite à découvrir ci-dessous le film It's a date.

Le Festival Côté Court commence aujourd’hui en ligne et en accès libre

Posté par MpM, le 17 juin 2020

C'est déjà la 29e édition du Festival Côté Court de Pantin, manifestation consacrée comme son nom l'indique aux films courts et moyens. Si l'événement a lieu cette année en ligne, comme la majorité des festivals du printemps, il n'en présente pas moins 132 courts métrages répartis en 5 sections : Compétition Fiction, Compétition Essai / Art vidéo, Compétition Prospective Cinema, Écrans libres et Panorama. Cette dernière section est elle-même divisée en trois : fiction, documentaire et animation. On notera que "fiction" est généralement le nom que les gens venant de la prise de vues continues donnent à leurs films, afin de les distinguer absolument de l'animation, bien que cette dernière puisse, comme chacun sait, être soit fiction, soit documentaire, soit même hybride.

A l'exception de ce classique problème d'appellation, on se réjouira de pouvoir découvrir assez facilement (chaque programme étant disponible pendant 6 jours) un échantillon non négligeable de la production française de courts des 18 derniers mois. En compétition "fiction", on note la présence de certains de nos films préférés de l'an passé, tels que Sapphire Crystal de Virgil Vernier et Un Adieu de Mathilde Profit, mais aussi Journey Through a Body de Camille Degeye qui était à Cannes en 2019 et Sole Mio, l'avant-dernier court de Maxime Roy (le réalisateur ne chôme pas, il a eu le temps depuis de boucler un autre court et un premier long). On vous recommande aussi Miss Chazelles de Thomas Vernay et Massacre de Maïté Sonnet qui ont déjà pas mal fait parler d'eux auparavant.

En compétition "Essai / Art vidéo", ne passez pas à côté de l'incontournable Clean With Me (After Dark) de Gabrielle Stemmer, étonnant film de montage sur des femmes se filmant en train de faire le ménage de manière frénétique, qui débouche sur une réflexion passionnante sur la place des femmes dans la société contemporaine. Il faudra aussi voir À l’entrée de la nuit d’Anton Bialas (qui était à Berlin), Bab Sebta de Randa Maroufi (primé notamment à Winterthur), 1998 de Sigrid Bouaziz et Shanzhài Screens de Paul Heintz. Sans oublier les nouveaux films de Bertrand Mandico (Extazus), Patrick Bokanowski (Vers Syracuse), Antonin Peretjatko (Mandico et le TopsychoPor) ou encore Marie Losier (Which is Witch ?).

Plus globalement, le festival est aussi l'occasion de (re)découvrir Electric Swan de Konstantina Kotzamani (prix du court métrage du syndicat de la critique), Jusqu’à l’os de Sébastien Betbeder, Genius Loci d’Adrien Mérigeau, L’Heure de l’ours d’Agnès Patron ou encore Douma Underground de Tim Alsiofi. Mais aussi d'assister à des rencontres (virtuelles) en direct avec Marie Losier, Virgil Vernier, Bertrand Mandico, Antonin Peretjatko ou encore Sigrid Bouaziz.

Le Festival se clôturera le 27 juin avec l'annonce du traditionnel palmarès. A noter enfin que si tous les films sont accessibles gratuitement, il est possible de faire un don libre pour soutenir la manifestation.

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Côté Court, 29e édition
Edition en ligne du 17 au 27 juin

Annecy 2020 – le film du jour : Carne de Camila Kater

Posté par MpM, le 16 juin 2020

Puisque cette année, Annecy se déroule en ligne, Ecran Noir se fait votre guide parmi les différentes sections et vous aide à savoir ce qu'il ne faut surtout pas rater ! Pour les plus pressés, nous mettons en lumière chaque jour un film qui nous semble indispensable. Pour les autres, nous ajoutons quelques conseils supplémentaires à grapiller dans le même programme. Et enfin, pour les plus gourmands, on va plus loin avec des idées de films, hors festival, à regarder en ligne pour prolonger le plaisir...

On se penche aujourd'hui sur le programme 1 de la compétition officielle de courts métrages qui propose une sélection riche et dense de films marquants à ne surtout pas rater. Le plus saillant est sans doute Carne, premier court métrage de Camila Kater, sélectionné à Locarno en 2019, un documentaire qui donne la parole à cinq femmes d'âges et d'origines différentes, livrant chacune l'expérience intime et personnelle qu'elles ont de leur corps. La métaphore de la "viande", filée de bout en bout, renvoie sans cesse à la manière dont la société considère le corps des femmes : objets destinés au plaisir d'autrui, qu'il soit purement esthétique ou carrément sexuel, et à la reproduction.

On est donc enthousiasmé par la spontanéité avec laquelle chacune des cinq interlocutrices se livre sur des sujets généralement tabous ou juste totalement inexistants. Il y a une adolescente qui raconte la détestation de sa mère pour son corps qui ne correspond pas aux critères de beauté en vigueur. Une autre parle de ses premières règles, et du formidable sentiment d'appartenance qui l'a accompagnée. Une femme trans pointe l'hypersexualisation permanente de la femme noire, et l'intolérance brutale qui la suit partout. Une femme plus mûre aborde le passage de la ménopause et dénonce comment, parce qu'elle est lesbienne et sans enfants, on a voulu la priver de son utérus. Enfin, une comédienne désormais âgée de 79 ans donne une vision peu orthodoxe de la vieillesse, qui n'est pas nécessairement un naufrage.

L'animation change en fonction des chapitres, tantôt illustrative et presque naïve, tantôt complètement abstraite, jouant avec les représentations visuelles que l'on a généralement du corps. Si ce travail formel est souvent très expressif, synthétisant en quelques images les grandes idées sous-tendues par chaque récit, on peut malgré tout reprocher au film son rythme trépidant, presque frénétique. On aurait aimé qu'il ménage des moments de pause dans les témoignages aussi denses que passionnants, laisse l'image exister au-delà du texte et le spectateur respirer à l'intérieur de chaque partie, pour mieux accompagner chaque femme dans sa démarche. Mais qui sait, peut-être cet excellent concept pourra-t-il s'étoffer, ou se décliner à l'avenir sous une forme plus longue, car ce qui est certain, c'est que Carne est loin d'épuiser son sujet.

Au sein du même programme, 4 films ont retenu notre attention. D'abord, il y a Genius Loci d'Adrien Mérigeau, autre premier court métrage dont nous avons déjà eu l'occasion de vous parler lors de son passage à Clermont-Ferrand. Une errance narrative syncopée qui donne l'impression d'imiter les volutes du jazz, improvisant en toute liberté, ajoutant ici des images à peine esquissées qui se superposent au plan ; là, au contraire, dépouillant  le cadre de tout détail superflu. Une esthétique changeante qui est le reflet des émotions de son héroïne, et des sensations qu'elle traverse face à la vitalité invisible du monde.

Autres films pour le moins attendus, les nouveaux courts métrages de Kaspar Jancis, Kosmonaut, et Niki Lindroth von Bahr, Something to remember. Le premier oscille entre humour noir et mélancolie profonde dans son portrait d'un vieux cosmonaute qui continue de vivre comme s'il était dans l'espace. Il y a à la fois le personnage de la fille totalement indifférente (elle vérifie juste avec un miroir que son père respire encore, avant de s'éclipser sans un mot), du bébé casse-cou qui frôle de multiples accidents domestiques et du gendre scotché à son téléphone, et celui, magnifique, de ce vieil homme solitaire, enfermé dans son passé (on aura compris que son présent ne vaut pas tellement le déplacement) et qui, après avoir été un héros, est devenu un fardeau.

Dans le second, Niki Lindroth von Bahr poursuit sa veine de comédie musicale nihiliste avec des animaux coincés dans les mêmes situations désespérantes que les humains : un petit pigeon visite un zoo vide en chantant une étrange comptine sur la diable, un escargot médusé vérifie sa tension chez le médecin, des insectes travaillant au CERN supplient Dieu de leur donner "quelque chose dont se souvenir". C'est à la fois désespéré et ironiquement drôle, exactement comme l'existence.

Enfin, on avait également envie de souligner Time O' the signs de Reinhold Bidner qui dresse un portrait si brutal de nos vies numériques, vaines et abrutissantes, qu'il nous donne envie de déconnecter pour se consacrer à des choses importantes (comme voir plus de courts métrages sur la plate-forme d'Annecy). La critique est relativement facile et pas forcément d'une grande subtilité, mais le geste esthétique est réussi, avec de très beaux plans, et une manière plutôt efficace de capter l'air du temps.

Pour terminer, nous vous invitons à découvrir Kosmonaut et Something to remember directement sur le site d'Arte pour ceux qui ne sont pas accrédités pour Annecy Online, mais aussi à revoir d'autres films de Kaspar Jancis sur sa page Vimeo ainsi que Bath House de Niki Lindroth von Bahr également disponible en ligne. Adrien Merigeau a lui aussi une page Vimeo, sur laquelle on trouve notamment Old Fangs, réalisé à la fin des années 2000 avec Alan Holly, et que nous vous offrons ci-dessous.

Annecy 2020 – le film du jour : Physique de la tristesse de Theodore Ushev

Posté par MpM, le 15 juin 2020

Puisque cette année, Annecy se déroule en ligne, Ecran Noir se fait votre guide parmi les différentes sections et vous aide à savoir ce qu'il ne faut surtout pas rater ! Pour les plus pressés, nous mettons en lumière chaque jour un film qui nous semble indispensable. Pour les autres, nous ajoutons quelques conseils supplémentaires à grapiller dans le même programme. Et enfin, pour les plus gourmands, on va plus loin avec des idées de films, hors festival, à regarder en ligne pour prolonger le plaisir...

En ce premier jour, une évidence, un film dont on vous disait déjà tout le bien que l'on pensait en novembre dernier : Physique de la tristesse de Theodore Ushev, disponible dans la compétition de courts métrages dite "L'officielle" n°4.

Il s'agit incontestablement de l'un des courts métrages incontournables de l'année passée, dont la carrière a brillamment commencé à Toronto (prix du meilleur court métrage). Un film-somme intime et introspectif, qui frôle les 30 minutes de plaisir cinématographique pur.

Adapté du roman Physique de la mélancolie de l'écrivain bulgare Gueorgui Gospodinov, il s'agit d'un récit à la première personne qui fait écho avec acuité à la propre vie du réalisateur, et plus généralement de quiconque a connu l'exil, le désenchantement et la nostalgie de l'enfance. "J’avais l’impression d’y trouver, non seulement ma propre vie, mais celle de toute une génération également", explique Theodore Ushev, qui a lui-même quitté la Bulgarie pour le Québec à la fin des années 90.

Il est réalisé dans une technique d'animation unique que le cinéaste est le premier à mettre au point, celle de la peinture à l'encaustique. Jouant sur la perpétuelle métamorphose de l'image et sur la dualité lumière-obscurité, ce récit poignant nous entraîne dans les souvenirs d'un narrateur qui se remémore son enfance et sa jeunesse, tout en évoquant le déracinement et la mélancolie prégnante de ceux qui ne se sentent chez eux nulle part.

A voir dans le même programme, et c'est là aussi un incontournable, 10 000 ugly Inkblots, le nouveau film du réalisateur russe Dmitry Geller (primé à Annecy en 2001 avec Hello from Kislovodsk) : qui raconte les retrouvailles entre deux artistes ne s'étant pas vus depuis longtemps. Le titre fait référence à un tableau du peintre chinois paysagiste du XVIIe siècle, Shitao, réalisé à l'encre de Chine et au lavis, qui représente un paysage dans une forme presque abstraite, annonçant plusieurs siècles à l'avance le pointillisme comme le travail de Pollock.

Le récit s'attache principalement au trajet des deux hommes, et à leur attente à un passage à niveau, racontés par un mélange de plans relativement traditionnels sur les deux personnages et sur ce qui les entoure, et de passages beaucoup plus graphiques qui jouent sur l'esquisse des lignes et des fameuses tâches d'encre du titre. On est comme happé par ce travail de recherche sur le trait, la texture et les nuances de noir de ces éléments basiques qui reviennent aux origines du dessin, et se succèdent au rythme entêtant d'une musique jazzy presque stridente.

Autre film très attendu, Homeless home d'Alberto Vazquez signe le retour du réalisateur culte de Decorado et Psiconautas. Il nous entraîne dans un univers d'heroic fantasy parodique et désespéré, dans lequel nos propres maux (reproduction sociale, quête de soi-même, violence endémique) apparaissent comme dans un miroir grossissant. Comme toujours avec le cinéaste espagnol, le résultat est à la fois d'une noirceur extrême et d'une drôlerie grinçante et irrésistible.

Enfin, on vous conseille également Rivages, premier court produit de Sophie Racine, film sensoriel et immersif qui prend le temps d'observer la nature en action : des oiseaux dans le ciel, des herbes agitées par le vent, la mer qui se précipite sur des rochers... Le trait est extrêmement délicat, précis et sensible, et propose une oeuvre à la fois graphique et contemplative qui prend le contrepied d'un cinéma parfois excessivement narratif.

Et pour prolonger la (re)découverte de ces films et de leurs auteurs, nous vous encourageons à revoir Decorado et Sangre de Unicorno d'Alberto Vazquez et à vous pencher sur la travail de Theodore Ushev proposé sur le site de l'ONF ainsi que sur celui de Dmitry Geller, disponible sur sa page Vimeo. Nous vous invitons également à aller sur la page de Sophie Racine, où l'on trouve notamment son très beau premier court métrage, réalisé lors de ses études à la Cambre : L'échappée, à voir ci-dessous.

Annecy 2020 : une édition en ligne ouverte à tous

Posté par MpM, le 12 juin 2020

Puisqu'une édition physique était impossible, le Festival d'Annecy se tiendra donc en ligne du 15 au 30 juin prochain. L'ambiance électrique du festival, les rencontres, les retrouvailles avec la petite planète animation, les fondues au champagne et le lac nous manqueront. Voir les films sur grand écran, aussi.

Mais à quelque chose malheur est bon puisque cette année, la manifestation s'offre au monde entier par le biais d'accréditations grand public au tarif attractif de 15 euros. L'occasion de mettre le festival à la portée de tous, ou presque, et d'apporter le cinéma d'animation sous toutes ses formes jusque dans votre salon.

En plus des différentes compétitions de courts métrages dévoilées en avril dernier, l'accréditation permettra de découvrir une grande partie des deux compétitions de longs métrages : 12 films sur 20 pourront en effet être regardés intégralement sur la plate-forme. Pour des questions de droits, il ne sera possible de découvrir que des extraits des autres, ainsi que des making-off ou vidéos de présentation.

Parmi les films sélectionnés cette année, on retrouve Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary de Rémi Chayé (dont on vous parlait ici), Petit Vampire de Joan Sfar, Lupin III The First de Takashi Yamazaki ou encore Kill it and leave this town de Mariusz Wilczynski, qui avait fait sensation à Berlin en février dernier. Pour des raisons logiques de calendriers, des films très attendus comme Josep d'Aurel (Label Cannes 2020) ou La Traversée de Florence Miailhe (dont la sortie a été reportée à 2021) ne sont pour leur part pas présents cette année... Il faudra donc s'armer une nouvelle fois de patience avant de les découvrir.

Les festivaliers frustrés pourront se consoler (et probablement voir naître de nouveaux motifs de frustrations) avec les Work in Progress et les Preview, qui mettent en avant des films en train de se faire, présentant notamment les différentes étapes de fabrication et parfois des images inédites. En l'occurence, il y a de quoi faire avec Insula d'Anca Damian, Interdit aux chiens et aux Italiens d'Alain Ughetto (dont on vous parlait ici), Le Sommet des Dieux de Patrick Imbert, Sirocco et le royaume des courants d'air de Benoit Chieux, Wolfwalkers de Tomm Moore et Ross Stewart ou encore Inu-Oh de Masaaki Yuasa.

Enfin, les festivaliers pourront aussi découvrir la compétition VR, des programmes spéciaux, dont l'incontournable sélection What The Fuck qui réunit des films "décloisonnés, décomplexés et libres", et assister (virtuellement) aux différentes leçons de cinéma : "la violence sexuelle en animation" par les frères Blies (Zero impunity, découvert l'an dernier), Conversation entre Henri Selick et Bruno Coulais, Conversation avec Dean DeBlois...

Pour compléter cette offre pléthorique, les courts d'animation fleurissent un peu partout sur la toile. Dès maintenant, Arte propose sept films en avant-première, dont Something to remember, le nouveau film de Niki Lindroth von Bahr (The Burden, Cristal en 2017). Le magazine en ligne Bref mettra lui-aussi le Festival à l'honneur dès le 17 juin à travers plusieurs films sélectionnés et primés lors des éditions précédentes. Enfin, Format Court proposera à partir du 15 juin sa propre sélection de films passés par Annecy disponibles gratuitement en ligne, dont trois qui concourent cette année : No I don't want to dance de Andrea Vinciguerra, Mashrou' Leila "Radio Romance" de Vladimir Mavounia-Kouka et Catgot de Tsz Wing Ho.

De son côté, Ecran Noir vous fera vivre la manifestation au plus près, avec des conseils quotidiens sur les films à ne pas louper, et un guide des courts métrages d'animation à découvrir facilement sur la toile. Pour commencer, on ne résiste pas à la tentation de partager avec vous un court métrage étudiant présenté l'an dernier à Annecy dans la sélection What The Fuck : We are Future shock de Zohar Dvir avec rien de moins que Jesus Christ et Elvis Presley aux côtés d'un grizzli, d'un chat qui fume et de poissons volants.

Cannes 2020 : un programme d’accompagnement Hors Les Murs pour la Semaine de la Critique

Posté par MpM, le 4 juin 2020

L'impossibilité de tenir une édition physique du Festival de Cannes n'a pas empêché la Semaine de la Critique de poursuivre son travail d'accompagnement des jeunes cinéastes à travers un "programme d’accompagnement Hors Les Murs" consistant en une sélection réduite de cinq longs et dix courts métrages.

Les longs métrages qui ont reçu le label « Semaine de la Critique 2020 » seront ainsi accompagnés lors de leur présentation en avant-première et de leur sortie dans les salles françaises. Les films francophones (4 sur les 5) seront présentés dans le cadre d’une carte blanche Semaine de la Critique au Festival du Film Francophone d’Angoulême qui se tiendra du 28 août au 2 septembre prochain.

Les courts bénéficieront d’avant-premières à la Cinémathèque française ainsi que de projections à la Cinémathèque tchèque et à New York, et seront également diffusés en ligne du 19 au 25 octobre 2020 sur la plateforme Festival Scope. Les réalisatrices et réalisateurs sélectionné.e.s auront par ailleurs la possibilité de participer au programme "Next Step" qui a pour but de les accompagner dans leur passage au long métrage.

Parmi les films sélectionnés, que l'on a hâte de découvrir dans les mois à venir, on retrouve le premier long métrage d'une réalisatrice dont on suit le parcours depuis longtemps : Chloé Mazlo, César du meilleur court métrage d'animation en 2015 avec Les Petits cailloux, et dont on avait notamment beaucoup aimé le film Diamenteurs. Son film Sous le ciel d'Alice, écrit une nouvelle fois en duo avec Yacine Badday, réunit Alba Rohrwacher et Wajdi Mouawad et mêle prise de vues continues et animation.

On retrouve également dans ce "programme d’accompagnement" Nuée, le premier long métrage de Just Philippot, dont le court Acide avait beaucoup impressionné en 2018 ; le deuxième long métrage de Naël Marandin (La Marcheuse), La Terre des hommes, avec notamment Olivier Gourmet et Jalil Lespert ; et De l'or pour les chiens, le premier long d'Anna Cazenave Cambet qui avait été révélée à Cannes en 2016 avec son court Gabber lover.

Le cinquième et dernier film "labellisé" est britannique : After love de Aleem Khan, dont le court métrage Three Brothers avait été nommé aux BAFTA en 2014.

Côté courts métrages, beaucoup de promesses, et quelques noms déjà repérés ailleurs comme Aya Kawazoe (The elephant died, We don't go home), Jan Roosens & Raf Roosens (Copain sélectionné à Cannes en 2015), Teymur Hajiyev (The Wound, Shanghai, Baku, Salt, pepper to taste ) et Ismaël Joffroy Chandoutis (Ondes noires, Swatted).

Longs métrages labellisés

After love de Aleem Khan
De l'or pour les chiens d'Anna Cazenave Cambet
La Nuée de Just Philippot
Sous le ciel d'Alice de Chloé Mazlo
La Terre des hommes de Naël Marandin

Courts métrages labellisés

August 22, This Year de Graham Foy
Towards Evening de Teymur Hajiyev
Dustin de Naïla Guiguet
Forastera de Lucía Aleñar Iglesias
Good Thanks, You? de Molly Manning Walker
Humongous! de Aya Kawazoe
Maalbeek de Ismaël Joffroy Chandoutis
Marlon Brando de Vincent Tilanus
Menarca de Lillah Halla
White Goldfish de Jan Roosens et Raf Roosens

Retour sur la 66e édition du Festival de courts métrages d’Oberhausen

Posté par MpM, le 4 juin 2020

La situation sanitaire a au moins un avantage, celui de rendre accessible à tous un certain nombre d'événements et manifestations ayant choisi de passer en version dématérialisée. On a ainsi pu découvrir courant mai le Festival du court métrage d'Oberhausen (Allemagne) qu'il ne nous avait jamais été donné de couvrir. En préambule, évidemment, rien ne vaut l'expérience d'un festival physique, avec des séances en salles, et surtout des rencontres et des échanges à la fin de chaque journée (autour d'un verre, ou pas, chacun fait ce qu'il veut).

Mais même dans la solitude de son salon, cette 66e édition d'Oberhausen fut riche et captivante, minutieusement organisée pour une découverte on-line, avec des publications régulières de programmes disponibles pendant 48h et des courtes interviews venant éclairer la plupart des films en compétition. Elle fut surtout particulièrement inspirante pour tous ceux qui s'intéressent au cinéma sous toutes ses formes.

Car autant le dire tout de suite, la programmation d'Oberhausen ne ressemble pas exactement à celle de la plupart des festivals de courts métrages que l'on a l'habitude de fréquenter. Bien sûr, on y trouve plusieurs compétitions (internationale, allemande, et régionale, cette dernière étant consacrée aux films d'école), des focus sur des auteurs tels que Maya Schweizer et Philbert Aimé Mbabazi Sharangabo, de nombreux programmes jeunesse pour tous les âges, de 3 à 16 ans, mais surtout une grande quantité d'autres programmes proposant notamment des cartes blanches à des fonds d'archives spécialisés tels que Cyland Video Archive ou des distributeurs spécialisés dans le cinéma expérimental et les vidéos d'art tels que LIMA aux Pays-Bas, Filmform en Suède et Light Cone en France.

Une offre foisonnante et riche de films singuliers et "à la marge" qui était tout à fait au diapason d'une compétition internationale elle-même très axée sur des choix de cinéma audacieux. Se refusant résolument à être un simple best of des "meilleurs" courts des derniers mois (c'est-à-dire de ceux ayant déjà tourné partout), la compétition réunissait en effet un mélange hétéroclite et passionnant de films étranges et hors-normes mêlant documentaires conceptuels, installations vidéo, essais expérimentaux et recherches formelles radicales. La narration n'était pas forcément le maître mot de la majorité de ces oeuvres mais on y sentait un intérêt pour le geste de cinéma, une réflexion sur le médium, un regard privilégié porté sur l'instant.

Expériences immersives

Quelques films, notamment, amenaient le spectateur à faire l'expérience particulière, souvent immersive, presque physique, d'un lieu donné. C'est le cas de Chris Kennedy qui, dans The Initiation Well (Canada), descend à l'intérieur d'un puits d'initiation portugais et nous en fait éprouver la réalité circulaire, mouvante, presque floue, qui rend le lieu et ceux qui le visitent fantomatiques et insaisissables. On a le même sentiment face à Junkerhaus de Karen Russo (Allemagne) qui nous emmène dans la résidence de l'artiste Karl Junker. Méditation sur le lieu plus qu'explication sur sa construction, le film donne vie à ses étranges sculptures par des jeux de lumière et de projection.

Dans un style plus documentaire, mais toujours dénué d'explications superflues, A Thin Place de Fergus Carmichael (Royaume Uni) plonge le spectateur dans les célébrations du solstice d'été sur la colline de Glastonbury Tor (Angleterre) et lui fait vivre l'expérience d'une joyeuse communion collective sur fond de mythologie celtique et de nouvelles technologies. Josef Dabernig, lui, nous emmène chez le dentiste. Heavy Metal Detox (Autriche) est en effet un cauchemar éveillé pour ceux que l'idée même de la roulette met au supplice. Dans un noir et blanc glaçant, le film montre avec une distanciation ironique, mais malaisante, différents actes de chirurgie dentaire qui nous ont semblé intolérables (mais c'est très personnel).

Problématiques environnementales

D'autres thématiques plutôt classiques se dégageaient également de cette sélection, traitées elles-aussi sur un mode décalé, formaliste ou conceptuel. Plusieurs films abordaient par exemple des problématiques environnementales, à l'image de Extrañas Criaturas de Cristóbal León et Cristina Sitja (Chili), qui sous forme de conte, dans une esthétique rétro volontairement naïve et un style d'animation ouvertement artisanal, met en scène des animaux confrontés à la destruction de leur forêt par leurs voisins humains, contraints d'expliquer à ces "étranges créatures" ce qu'est le concept d'habitat.

Camera Trap de Chris Chong Chan Fui (Malaisie) met quant à lui en parallèle des images vieilles de plus de cent ans (celles du photographe et inventeur du zoopraxiscope Muybridge) et d'autres contemporaines, prises dans les forêts tropicales de Borneo. S'y côtoient ainsi des animaux confinés auxquels le procédé de Muybridge redonne le mouvement et d'autres surpris dans leur habitat naturel, saisis par l'indiscrétion de "pièges photographiques" se déclenchant automatiquement. Le film, qui était à l'origine une installation, met ainsi subtilement en parallèle la manière dont notre rapport aux animaux et à la nature en général a changé en l'espace d'un siècle.

Enfin, L’eau faux de Sverre Fredriksen et Serge Onnen (Pays-Bas) est une parabole sur le cycle de l'eau, observant et retranscrivant ce cycle dans sa dimension la moins naturelle possible, celle de l'eau en bouteille. Mélangeant prise de vues continue et animation, le film est un objet déroutant, tantôt abstrait, tantôt grotesque, qui questionne le paradoxe d'un élément constitutif du cycle naturel de la vie transformé en vulgaire bien de consommation.

Transmissions

Dans un autre registre, les questions de transmission, notamment de l'histoire commune des minorités éthniques, étaient elle aussi au centre de plusieurs films, tels que O Jardim Fantástico de Tico Dias et Fábio Baldo (Brésil), dans lequel une institutrice veut inciter ses élèves à renouer avec leurs racines et à découvrir les secrets d'une réalité cachée à travers le rituel de la consommation de Ayahuasca. Dans Oursons de Nicolas Renaud (Canada), c'est un Canadien natif qui témoigne de son existence dans la Réserve de Lorette, et de la manière dont les habitants (appartenant aux Hurons-Wendats) ont peu à peu été chassés par le gouvernement local au profit de "clubs" réservés aux élites.  A travers ses souvenirs et son expérience, il interroge la disparition progressive de l'identité de son peuple.

Le film ( ( ( ( ( /*\ ) ) ) ) ) de Saúl Kak et Charles Fairbanks (Mexique) observe quant à lui la vie dans un petit village du Chiapas où s'est réfugiée la communauté zoque suite à l’éruption du volcan Chichonal. Sans commentaires, mais avec un sens aigu du montage, le film nous plonge dans l'ambiance presque pittoresque des annonces publicitaires crachées par les hauts parleurs, sur fond de contexte électoral et de revendications liées à l'exil forcé de tout un peuple.

Le cinéma comme sujet

Il faut enfin relever la multiplicité des films portant un regard réflexif sur leur propre forme, et sur le média cinéma en général. On a déjà parlé de Camera trap de Chris Chong Chan Fui, qui juxtapose les procédés de Muybridge avec sa propre pratique consistant à animer image par image les photographies prises par des cellules automatiques posées telles des pièges dans les forêts de Borneo. We Still Have to Close Our Eyes de John Torres (Philippines) réunit des images prises dans les lieux et décors d'autres films en train de se tourner à Manille (ceux de Lav Diaz, Erik Matti, Dodo Dayao, Joel Ferrer et Dan Villegas), proposant une fiction étrange et fantomatique sur les dérives d'une application permettant à l'utilisateur de prendre le contrôle de véritables personnes, les dirigeant à sa guise comme des avatars de jeu vidéo. Une dystopie inquiétante dont toute ressemblance avec le régime autoritaire du président Dutertre n'est évidemment pas fortuite, doublée d'une plongée troublante dans les coulisses du cinéma philippin.

Hacer una Diagonal con la Música d'Aura Satz (Royaume Uni) est un documentaire que l'on pourrait qualifier de plus traditionnel, bien qu'il s'ouvre sur une porte qui grince. C'est un portrait fascinant de la compositrice électroacoustique argentine Beatriz Ferreyra qui explique, démonstration à l'appui, et avec humour, comment elle collectionne les sons, à la recherche de ceux dont elle aura un jour besoin pour recomposer un élément sonore particulier. Avec Patentti Nr. 314805, Mika Taanila (Finlande)  fait en quelque sorte écho à ces recherches sur le son, puisqu'il a exhumé des séquences tournées en 1914 par Eric Tigerstedt avec son invention alors révolutionnaire; le photomagnétophone permettant d'enregistrer les images et le son simultanément. La guerre l'a malheureusement empêché de voir reconnaître son procédé. Ce que l'on voit dans Patentti Nr. 314805, ce sont des ondes noires matérialisant les voix et les bruits qui nous parviennent du passé, de manière désormais banale, tant nous y sommes habitués, et en réalité comme par miracle.

Enfin, A Month of Single Frames de Lynne Sachs, qui a d'ailleurs remporté le Grand Prix du Jury, est un dialogue à travers le temps entre les images tournées par la réalisatrice Barbara Hammer lors d'une résidence de réalisation en 1998 et le travail effectué sur ces images par la réalisatrice Lynne Sachs vingt ans plus tard, à la demande de Barbara Hammer qui était malade. Le film mêle les recherches expérimentales de Barbara Hammer, le journal tenu par la cinéaste à l'époque, et qu'elle lit en voix-off, mais aussi des scènes contemporaines et des commentaires de Lynne Sachs ajoutés directement sur l'image. La nature joue un rôle primordial dans ces images, gorgées de soleil et de couleurs, mais aussi de la simplicité chère à Barbara Hammer. On sent en filigrane le temps qui passe, et la solitude à la fois féconde et mélancolique de la créatrice. On comprend pourquoi le jury a été séduit par la combinaison des recherches formelles de Barbara Hammer et du regard porté a posteriori sur son travail, proposant un duo à deux voix à vingt ans d'écart.

Plus de 130 films au festival en ligne « We are one »

Posté par vincy, le 26 mai 2020

Organisé par le festival Tribeca à New York, le festival "We are one : a global film festival" - qui regroupe 21 festivals de la planète dont Annecy, Berlin, Cannes, Locarno , San Sebastian, Sundance et Venise - proposera du 29 mai au 7 juin des séances gratuites sur Youtube (Tout le programme sur le site).

Sur environ 135 films, on dénombre 34 longs métrages. Parmi eux, seront diffusés plusieurs films ayant brillé dans différents festivals: 45 Days in Harvar, Air Conditioner, Amreeka, Bridges of Sarajevo, Eeb Allay Ooo, Late Marriage, Mystery Road, Ticket of No Return...

Il y a au total 23 films d'animation, principalement grâce à Annecy, et 33 films documentaires dans la programmation. On retrouvera entre autres les premiers courts métrages de Dreamworks Animation, les courts métrages animés en avant-première que sont Shannon Amen de Chris Dainty et Le cortège de Pascal Blanchet et Rodolphe Saint-Gelais. Cannes a opté pour les courts métrages de sa 72e édition (Anna, Butterflies, The Distance Between The Sky And Us - Palme d'or du court -, The Jump...)

Et on pourra aussi voir des films en réalité virtuelle, des web séries et des documentaires.

"La plupart de ces titres feront des débuts au cours du festival, avec une programmation composée de plus de 100 films, dont 13 premières mondiales, 31 premières en ligne et cinq premières internationales en ligne" précise le communiqué.

Enfin, des conversations et masterclasses seront organisées avec des personnalités comme Francis Ford Coppola, Jane Campion, Nadav Lapid, Steven Soderbergh, Guillermo del Toro, John Waters, Claire Denis, Diego Luna, le duo acteur-réalisateur Song Kang-ho et Bong Joon-ho, Ang Lee avec Hirokazu Kore-eda ou encore Jackie Chan.