Cabourg 2015. Jean-Benoît Dunckel (Air): « La musique de film est un art très spécifique »

Posté par kristofy, le 12 juin 2015

Summer de la réalisatrice Alanté Kavaïté (Écoute le temps) est une co-production franco-lituanienne avec les actrices Julija Steponaityté et Aisté Dirziuté. Au montage, on retrouve Joëlle Hache (la fidèle collaboratrice de Patrice Leconte, et monteuse aussi du film Les deux amis de Louis Garrel également à Cabourg) et à la musique Jean-Benoît Dunckel (la moitié du duo Air).

Le musicien Jean-Benoît Dunckel est venu accompagner le film lors de sa projection aux festivaliers de Cabourg. Son groupe Air (en duo avec Nicolas Godin) avait déjà fait des musiques de films, comme Virgin Suicides de Sofia Coppola et la version restaurée du Voyage dans la Lune de Georges Méliès. Jean-Benoît Dunckel, cette fois-ci, est en solo pour Summer :

« J’ai besoin de voir un montage du film, besoin de voir les images, de voir les personnages, pour envisager une musique de film. A partir d’un scénario on ne peut pas imaginer grand-chose. Faire simplement de la musique d’accompagnement ça ne m’intéresse pas vraiment. Il faut que dans le montage du film il y ait de la place pour m’exprimer, de la place pour de la musique qui vienne en plus du reste. Dans ce film, Summer il y a des images de paysages, de forêt, de lac, ça pouvait coller avec le style de musique que je fais. Il y a beaucoup de scènes de romantisme et aussi des scènes d’aéronautique, avec une histoire d’amour et en même temps une histoire d’appréhension du vertige, ça me plaisait beaucoup.
Pour un réalisateur c’est plus facile de travailler avec des musiques pré-existantes, qu’il connaît déjà ou que les spectateurs peuvent connaître. Faire appel à un musicien indépendant c’est aussi prendre plusieurs risques comme des délais ou ne pas aimer la musique qu’il vient de composer… La musique de film c’est un art très spécifique et très singulier.
»

Le film suit le temps d'un été l’ingénue et mystérieuse, Sangaïle, 17 ans, fascinée par les acrobaties des avions, rencontre Austé lors d'un meeting aérien. Austé, qui aime faire des photos et des robes, va conduire Sangaïle à se laisser voir nue émotionnellement. Et lui donner le courage d'aller dans les airs... Summer fait la part belle aux larges cadrages de la nature (arbres, eau, ciel…), tout en faisant aussi des gros plans sur le grain de la peau des personnages (bras, dos, buste…). Onirisme et sensualité vont se rejoindre.

Le film sort en salles le 29 juillet prochain.

Cannes 2011 : Le voyage dans la lune, une fable hallucinante

Posté par vincy, le 11 mai 2011

Monument historique du cinéma, Le Voyage dans la lune est sans aucun doute, avec cette Lune éborgnée par une fusée, l’une des premières images du cinéma inscrite dans l’inconscient collectif. Mais qui a finalement vu le quart d’heure de film de George Méliès ?

Grâce à la restauration de la copie couleur originale (voir actualité du 10 mai), il est désormais possible de juger l’oeuvre dans son intégralité. Elle sera présentée en ouverture du 64e Festival de Cannes ce soir, dans le cadre Cannes Classics.

Sur la forme, on reste épatés par l’ingéniosité des effets visuels de l’époque (nous sommes à la préhistoire du cinéma tout de même) transformant des télescopes en chaises en un clignement d’œil. Si l’on sent la présence de décors peints comme au théâtre, il essaie tout de même de créer des perspectives et du relief. Reconnaissons que l’imaginaire du réalisateur, inspiré par l’inventivité de la révolution industrielle, le récit fantastique de Jules Verne et une foi inébranlable dans les infinies possibilités de la science, est fondateur du cinéma de science-fiction. Bien sûr, rien n’est plausible scientifiquement. Mais ce voyage prend des tournures délirantes qui le rendent hallucinant.

Tantôt burlesque, tantôt coquin (les filles sont des faire-valoir, certes, mais toujours courtement vêtue), cette épopée ne manque pas de dérision. Mais c’est dans l’action que le film se révèle le plus impressionnant : avec ces monstres lunaires aux allures reptiliennes, qui disparaissent en fumée dès qu’on les frappe, le réalisateur filme des scènes de bataille qui ancrent le film dans la catégorie « pur divertissement ».

Et c’est là que l’audace des restaurateurs prend tout son sens. Pour faire le lien entre cet objet du patrimoine et notre regard actuel, ils ont décidé d’y coller la musique électronique du groupe AIR (Virgin suicides). Le voyage dans la lune devient alors comme le château de Versailles accueillant les œuvres de Jeff Koons. La musique se marie à la perfection aux ambiances du film, accentuant même sa dramatisation. Les rythmes ponctuent les gestes et les coups, donnant du relief à un film muet.

L’ensemble a des airs de clips psychédéliques un peu barré. Ce tableau sauvé des eaux est en mouvement perpétuel, agité, un peu flou, et pourtant il nous hypnotise et nous propulse dans un autre monde, parallèle. Pour une fois que le cinéma nous envoie vraiment dans la lune….

__________
voir aussi : Restauration du Voyage dans la lune de Georges Méliès : un Voyage extraordinaire le documentaire de Serge Bromberg ; Le voyage dans la lune, de Georges Méliès : le premier blockbuster de l’histoire du cinéma, l'histoire du film ; et Hugo Cabret, film de Martin Scorsese avec Georges méliès et ses films dans les rôles principaux...

Cannes 2011 : le Festival nous promet la lune (de Méliès)

Posté par Benjamin, le 10 mai 2011

Dans les premières années du 7ème art, deux types de cinéma se sont distingués : le cinéma documentaire, s’inspirant de la vie réelle et créé par les frères Lumières et le cinéma de pur divertissement dans lequel Georges Méliès règne en maître. Cette année, le 64e Festival de Cannes a décidé de mettre à l’honneur ce dernier avec la présentation d’une version colorisée et restaurée du Voyage dans la lune, ce fameux film où la lune est éborgnée par une fusée. Le film sera projeté lors de la soirée d’ouverture mercredi 11 mai, dans le cadre Cannes Classics, pour célébrer les 150 ans de la naissance du réalisateur.

Les cinéphiles que vous êtes se demandent immédiatement comment une version en couleur peut exister de ce film réalisé en 1902, alors que la couleur n’apparaît que bien plus tard dans les années 30. En fait la couleur est ici une peinture rajoutée sur la pellicule. Chaque plan a été peint à la main.

Cette version du film inédite de 16 minutes que l’on croyait perdu a été retrouvée dans la Cinémathèque de Barcelonne et est aujourd’hui en possession de Lobster Films, qui a déjà restauré près de 200 films de George Méliès (sur les 500 existants et que Méliès n’avait pas détruit dans un excès de colère à la fin de sa carrière).

Avec l’aide de la Fondation Groupama Gan pour le cinéma et la Fondation Technicolor pour le Patrimoine du cinéma, ils ont entrepris de redonner vie à ce chef d’œuvre du cinéma. Dans les locaux de la société de Serge Bromberg, des centaines de boîtes contenant des morceaux, des fragments du film sont entreposés. Lorsque le restaurateur, césarisé pour L’enfer d’Henri-George Clouzot, nous a laissé entrevoir ce que contiennent les boîtes en novembre 2010, on se rend compte du travail interminable qui attend les restaurateurs. La pellicule n’est pas seulement abîmée, elle est cassée en mille morceaux. Certains plans (juste un petit carré d’images) peuvent être brisés en une dizaine de morceaux (13 375 pour être précis). Un scan va alors être effectué plan par plan pour d’abord sauvegarder le film puis ensuite entreprendre sa restauration dont le budget s'élève à 400 000 euros. Pendant un an, exclusivement en 2010, le travail de restauration est effectué à Los Angeles, dans les locaux de Technicolor. Un projet titanesque qui est, selon Serge Bromberg, le plus difficile qu’il ait eu à faire en plus de 20 ans de métier : « C’est la restauration la plus complexe et la plus ambitieuse que nous ayons jamais menée, d'autant que ce film des tous premiers temps du cinéma était invisible depuis une centaine d'années. »

Une musique, composée et jouée par le groupe AIR, a également été faite spécialement pour le film, pour faire le lien entre le public d'aujourd'hui et les images d'hier.

La restauration du Voyage dans la lune est un grand pas en avant dans ce domaine car il s’agit d’un des films les plus importants et les plus célèbres de l’Histoire du cinéma. Tout le monde, sans avoir vu forcément le film, connaît cette image si célèbre de la lune, dont le visage est celui d’une femme, avec une fusée venue se cogner dans l’un de ses yeux. Aujourd’hui, c’est un film plus long et en couleur qui pourra être apprécié par les festivaliers. Une chance unique que propose Cannes de redécouvrir l'un des plus grands films de la préhistoire du cinéma. Un monument historique retapé avec brio et audace.