Alain Resnais, Carrosse d’or à titre posthume

Posté par vincy, le 18 avril 2014

alain resnaisLe 15 mai prochain, la Société des réalisateurs français décernera à titre posthume le Carrosse d'or à Alain Resnais. La remise du prix se déroulera durant la cérémonie d'ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs, au Festival de Cannes. Un peu plus tôt dans la journée, la Quinzaine diffusera le court métrage Le chant du Styrène suivi du long métrage Providence.

Resnais est mort le 1er mars dernier. C'est la première fois que la récompense, qui rend hommage à un cinéaste pour les qualités novatrices de ses films, pour son audace et son intransigeance dans la mise en scène et la production, distingue un réalisateur décédé.

Les précédents récipiendaires de ce trophée sont par ordre chronologique depuis 2002 : Jacques Rozier, Clint Eastwood, Nanni Moretti, Ousmane Sembene, David Cronenberg, Alain Cavalier, Jim Jarmusch, Naomi Kawase, Agèns Varda, Jafar Panahi, Nuri Bilge Ceylan et Jane Campion.

1922. Alain Resnais. 2014. Fin.

Posté par vincy, le 2 mars 2014

alain resnaisL'un des plus grands cinéastes français de ses cinquante dernières années, Alain Resnais, né le 3 juin 1922 à Vannes, est mort le 1er mars 2014 à Paris à l'âge de 91 ans. Appelant à des funérailles nationales comme Fellini en avait reçu de l'Italie, Gilles Jacob, président du Festival de Cannes, a réagit sur tweeter : "Alain n'est plus, nous sommes orphelins: le cinéma français, le cinéma tout court. Il a passé sa vie à chercher et à trouver. Il est vivant."

Il voulait être comédien. Il est devenu un Maître du cinéma européen. Il commence comme monteur, juste après la seconde guerre-mondiale. Dans les années 40 et 50, il réalise des courts et moyens métrages documentaires : Van Gogh, Gauguin, Guernica et en 1956, Nuit et brouillard, premier film de référence sur les camps de concentration.

En 1959, il réalise son premier long métrage, Hiroshima mon amour, suivit de L'Année dernière à Marienbad en 1961. Les récits sont déstructurés, la poésie omniprésente. Il devient l'un des représentants du Nouveau cinéma, brisant les codes narratifs classiques. Mais, contrairement à de nombreux cinéastes, il n'écrit pas ses scénarios. Cela ne l'empêche pas d'être considéré comme un grand auteur, changeant de style, de genre, film après film, jusqu'à déconcerter ou dérouter les cinéphiles avec un cinéma très expérimental où la peinture, la bande dessinée, la musique, la peinture et le théâtre pouvaient déconstruire un film artistiquement, le transformant parfois en concept.

En 18 films, il fait appel aux plus grands pour lui écrire ses films, de Marguerite Duras à Alain Robbe-Grillet, de Jorge Semprún à Jean-Pierre Bacri et Agnès Jaoui, en passant par Jean-Michel Ribes. Derrière les artifices et parfois même un formalisme factice ou trop stylisé, Resnais savait valoriser ses comédiens, les fidèles comme les vedettes, avec un cadrage parfait, sans faute, et un montage précis. Qu'il évoque la mort ou le rêve,  la difficile appréhension de la vie ou l'art, l'impossible harmonie permanente des couples ou le conditionnement des classes (principalement la bourgeoisie), Resnais était le cinéaste de la mélancolie mais aussi de la joie, de la jeunesse et de l'envie. Celle d'aimer, de boire, de chanter, de se risquer sur des territoires inexplorés. Il était un aventurier du 7e art. Un curieux capable d'adapter les thèses d'un biologiste (Mon oncle d'Amérique), un fait divers réel (Stavisky)  ou une pièce d'Henry Bernstein (Mélo).

Avant-gardiste jusqu'au bout

Malade, Resnais, chevelure blanche et lunettes noires, n'était pas au dernier Festival de Berlin, où son ultime film, Aimer, boire et chanter, a remporté le prix Alfred Bauer, qui récompense, ô ironie!, les cinéastes avant-gardistes. Son producteur Jean-Louis Livi, qui venait d'annoncer que le cinéaste préparait son prochain film, a officialisé son décès. Il n'y aura plus de prochain film. Thierry Frémaux, directeur général du Festival de Cannes, s'en est désolé sur l'antenne de France Info : "Ce n'est pas tant qu'Alain Resnais est mort, c'est qu'il n'y aura plus de films d'Alain Resnais". Resnais tire sa révérence avec une oeuvre inclassable, iconoclaste, audacieuse et théâtrale, un hymne à la vie, comme tous ses récents films, chacun bravant la Mort.

Du nouveau roman à la comédie musicale, de la fantaisie au drame, le cinéaste puisait son inspiration dans des "vaudevilles" où le mouvement disparaissait au profit d'une mise en scène figée. Mais chaque plan devenait un tableau. Chaque scène se transformait en photographie. Rien n'était naturaliste, ni même naturel. Comme si l'art devait métamorphoser la réalité, comme si l'esprit était plus fort que les mots.

Cinéaste du rêve. Réalisateur de l'irréel. Il était le témoin, hors-champs, et racontait ce qu'il voyait, à sa manière, usant d'astuces populaires comme une chanson de variété (On connaît la chanson) ou une case de bande dessinée (I Want to Go Home) pour traduire les inconscients embrouillés des personnages.

Il y a un mystère Resnais. L'homme était fantomatique. L'artiste, incontestablement, était singulier. Un joueur. Il avait abordé le cinéma avec des oeuvres romantiques (et cérébrales) puis politiques (Muriel ou le Temps d'un retour, La guerre est finie) mais avait rapidement bifurqué vers la comédie et parfois l'absurde (Mon oncle d'Amérique, Smoking / No smoking, Les herbes folles) et même le délire d'une nuit d'ivresse (Providence). Resnais était aussi un voyageur. Il se transportait dans d'autres mondes (comme les héros des "comics" qu'il affectionnait tant). Sa vie était finalement un roman.

L'amour comme seul moteur

Et justement rien de plus emblématique que ce film qu'il réalise en 1983, avec pour la première fois Sabine Azéma devant sa caméra : La vie est un roman est l'histoire de ce comte Forbek (comment ne pas y voir un double du cinéaste) qui propose une expérience pour vivre un état de bonheur permanent, à condition d'être enfermé, totalement, "déconditionné" en oubliant son passé, rééduqué en sélectionnant tout ce qui est harmonieux. Tout ce beau schéma s'écroule avec l'intrusion de l'amour et de la passion. Si tous ses films sont formellement différents, chacun d'entre eux raconte la même chose : cette quête perpétuelle de la jeunesse, cette envie permanente d'être aimé et d'aimer.

Alain Resnais quitte le monde réel. Il laisse derrière lui une oeuvre qu'on analysera longtemps dans les écoles de cinéma. Son palmarès est impressionnant : Oscar du meilleur court métrage (Van Gogh), trois César du meilleur film (Providence, Smoking / No Smoking, On connaît la chanson), deux César du meilleur réalisateur (Providence, Smoking / No Smoking) et six autres nominations dans cette catégorie, deux fois Prix Jean Vigo (Les statues meurent aussi, Nuit et brouillard), Lion d'or à Venise (L'Année dernière à Marienbad), Lion d'argent de la meilleure mise en scène à Venise (Coeurs), trois fois Prix Louis-Delluc (La guerre est finie, Smoking / No Smoking, On connaît la chanson), Grand prix du jury à Cannes (Mon oncle d'Amérique) et Prix exceptionnel du jury pour Les Herbes folles et l'ensemble de son œuvre, deux fois Ours d'argent à Berlin pour la meilleure contribution artistique (Smoking / No Smoking et pour On connaît la chanson et l'ensemble de sa carrière).

D'abord marié avec Florence Malraux, la fille d'André Malraux, il partageait depuis la fin des années 80 la vie de Sabine Azéma, qu'il a épousée en 1998.

Insatiable jouisseur, le promeneur aimait la vie, la légèreté et la grâce. Discret et modeste, il rappelait que "Faire des films c'est bien mais voir des films c'est encore mieux".

Alain Resnais mérite-t-il un traitement de faveur?

Posté par vincy, le 11 février 2014

sabine azema andré dussollier berlinale 2014

Alain Resnais était présenté à la presse présente à la Berlinale lundi 10 février. Aimer, boire et chanter, sa dernière "fantaisie" comme on aime définir ce genre d'ovni théâtral cinématographique, est en compétition.

La conférence de presse réunissait son fidèle producteur Jean-Louis Livi et les acteurs Sabine Azéma, Sandrine Kiberlain, André Dussolier et Hippolyte Girardot.

En l'absence de Resnais, malade, Livi s'est donc fait le porte-parole d'une colère "saine", trouvant  la situation du financement d'oeuvres comme celles de Resnais "terriblement désolante" et "absolument indigne". Il ajoute même que c'est "injuste que des créateurs comme Alain Resnais ou Roman Polanski aient du mal à réaliser ce qu'il ont envie de réaliser".

Il invoque donc le rayonnement de la France (qui pourtant n'est pas vraiment en péril comparé aux cinémas d'ailleurs). Il ose même appelé "de tous (ses) voeux l'administration française du cinéma afin d'aider autant que faire se peut de tels artistes".

Un vaudeville immobile pour le cinéma

Et pourquoi pas un cinéma d'Etat avec des réalisateurs "officiels" dans ce cas là? Et sur quels critères on les choisit? La gloire passée? La notoriété dans les festivals? Car, Aimer Boire et Chanter aurait été signé de n'importe quel autre cinéaste que Resnais, il n'aurait certainement pas été en compétition à Berlin : la sélection Panorama accueille de nombreux films "expérimentaux" dans son genre. Car cette adaptation est bien une expérimentation, sorte de mise en abyme d'une pièce de théâtre où des comédiens répètent un rôle tout en batifolant dans un vaudeville un peu désuet et très conservateur. ici les décors sont des rideaux peints, la plupart des situations décrites par les dialogues sont hors-champs et l'aspect général oscille entre le théâtre, le dessin (qui introduit les lieux) et la vidéo (notamment quand les visages sont incrustés dans un fond d'écran zébré). Quelque chose entre son bien plus intéressant Smoking/No Smoking et une bande dessinée verbeuse. C'est parfaitement cadré. La mise en scène respecte une grammaire sans fautes. C'est tout aussi immobile (le mouvement de caméra est réduit à son stricte minimum et les personnages sont souvent figés). C'est daté, dépassé malgré un formalisme qui se veut moderne, et étouffant.

Cette "fantaisie" aura coûté 6 millions d'euros : un budget correct pour un film français, sachant que les récents films du cinéaste n'ont jamais été rentable. Comme le dit Azéma, "il fait un cinéma particulier, très ambitieux". Pourquoi oublier d'invoquer l'âge du capitaine, et sa santé fragile, qui est une donnée non négligeable quand des financiers s'engagent sur un film? Mais peu importe. Resnais est un grand réalisateur, c'est indéniable. Il veut tourner, c'est honorable.

Réclamations de mauvais goût

Que Resnais soit en situation précaire personnellement, on peut s'en désoler. Que son cinéma ne soit pas "mainstream", on ne peut que s'en féliciter. Libre à chacun d'aimer ou pas. La critique est partagée, certains adorent, d'autres détestent. Certains riaient, d'autres dormaient.
Mais qu'on exige un statut particulier pour un réalisateur (au détriment, forcément d'autres talents, d'autres styles) ou qu'on vienne se plaindre publiquement de problèmes d'argent devant la presse internationale alors que le cinéma français est considéré comme  privilégié (il suffit de voir l'état du cinéma espagnol, anglais ou italien), c'est un peu grossier. Voire de mauvais goût.
Car après tout, parce que c'est Resnais il a un traitement de faveur : la compétition à Cannes ou à Berlin, des têtes d'affiche, une médiatisation disproportionnée par rapport à ce genre de films, qui, répétons-le, participe activement à la diversification du cinéma. Godard ou Oliveira, pour ne citer que deux vétérans respectables et respectés, ou encore Greenaway et ses expériences esthétiques, sans oublier les nombreux anciens grands cinéastes au chômage technique ou reconvertis sur le petit écran, tous ces grands noms n'ont pas eut le droit forcément à tous ces honneurs, cette liberté, cette chance pour chacun de leurs derniers films.

Alors pourquoi Resnais et pas un autre? Paradoxe suprême de l'absurdité du raisonnement du producteur : rJean-Louis Livi a annoncé que, malgré tout cela, ils préparaient ensemble "son prochain" film.

Hiroshima, mon amour ressort en salles : le jeu de l’amour et de la mort

Posté par jules, le 16 juillet 2013

hiroshima mon amour emmanuelle riva

Cela retentit comme une déclaration passionnée. Pourtant en réalité ni le livre de Duras, ni le film de Resnais en découlant ne sont des déclarations d’amour. Ce sont des témoignages hybrides où les extases temporelles se mêlent et s’entre-répondent, où tendresse et désir riment avec douleur du souvenir.

C’est une plongée dans les déchirures intimes d’une femme qui raconte son aventure avec un soldat allemand pendant la seconde guerre mondiale et assimile la souffrance des étreintes brisées à la catastrophe d’Hiroshima et en parle comme si elle portait ce drame.

Alain Resnais, pour son talent intimiste et sa subtilité en matière sentimentale paraissait tout indiqué pour le scénario qui deviendra en 1960 l’oeuvre-cicatrice de Marguerite Duras. Ironiquement, Resnais souhaitait, à l'origine que Sagan lui écrive son film...

L’action se situe en 1957, soit quatorze ans après l’explosion de la bombe atomique, tout y est : la souffrance, la mort, l’amour et leur explosif mélange dans la folle mélancolie d’une femme (la prodigieuse Emmanuelle Riva).

Les sentiments se trouvent dès lors confondus : la femme a aujourd’hui pour amant un homme japonais et c’est à lui qu’elle raconte son histoire avec ce soldat allemand, aujourd’hui décédé. Le temps est ainsi dédoublé, passé et présent se rencontrent dans cette intime idylle qui nous est donnée à voir à l’écran et qu’elle revit au travers de sa relation avec ce second amant. Elle aime Hiroshima, car, dit-elle «la douleur est son Eros».

Avec ce premier long métrage de fiction, Alain Resnais réussit un véritable exercice de style avec cette adaptation littéraire en réussissant à composer une mise en scène à la fois charnelle et sensuelle, à retranscrire une ambivalence qui parcoure l’oeuvre de Duras dans son entièreté. «Morte d’amour à Nevers, je n’arrive pas à trouver la différence entre ce corps mort et le mien».

Emmanuelle Riva, diction envoûtante, incarne le texte de Duras aussi bien dans la parole que dans la chair. De 1959 à 2012, de la maladie d’amour chez Resnais en 1959 à la maladie mortelle chez Haneke en 2012 dans le bien nommé Amour, elle est toujours bien vivante.

Héroïne cinématographique en crypte, semblant elle-même habitée par un cadavre vivant.

Il y a trois ans, Emmanuelle rassembla les photographies qu'elle avait prises lors du tournage du film en 1958 : images de la ville d'Hiroshima, de ses rues, de ses enfants, accompagnées d'une correspondance d'Alain Resnais à Marguerite Duras écrite à l'époque : Tu n'as rien vu à Hiroshima est publié chez Gallimard.

Le film ressort en salles le 17 juillet 2013 en version restaurée 4K (grâce au concours de L'Imagine Ritrovata à Bologne). Présenté hors compétition (pour ne pas déplaire aux Américains) à Cannes en 1959, modeste succès, il a traversé le temps. Il a été projeté à Cannes Classics en mai dernier.

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site internet du film

Cannes 2013 : Demy, Cocteau, Resnais, Clément parmi les chefs d’oeuvres de Cannes Classics

Posté par vincy, le 29 avril 2013

affiche cannes 2013 © agence bronxCannes Classics c'est l'occasion de revoir des chefs d'oeuvre du 7e art, en version restaurées, sauvées de l'usure des anciennes pellicules par le numérique. Les films sélectionnés seront projetés en présence de ceux qui les ont restaurés et, quand ils sont encore vivantsde ceux qui les ont réalisés ou interprétés.

Cette année, 20 longs métrages et 3 documentaires, en 35mm, DCP 2K ou DCP 4K, sont à l'honneur.

Invitée d'honneur, la blondissime  Kim Novak présentera la copie restaurée de Vertigo (Sueurs froides) d’Alfred Hitchcock. De même, "pour rendre hommage à Joanne Woodward (dont la présence reste à confirmer)" selon le communiqué du Festival, co-égérie en compagnie de son mari Paul Newman sur l’affiche de la 66e édition, Shepard & Dark, de Treva Wurmfeld (2013), sera intégré à la sélection. Woodward a produit le film documentaire, auquel participe Sam Shepard.

Par ailleurs, pour célébrer les cinquante ans de la mort de Jean Cocteau, président des jurys cannois de 1953 et 1954, une soirée spéciale sera dédiée à l'artiste avec la projection de La Belle et la Bête. Opium, comédie musicale réalisé par Arielle Dombasle sera présentée dans ce cadre.

Sans oublier, pour fêter le centenaire du poète de "la négritude", Aimé Césaire, Cannes projettera Simeon, d'Euzhan Phalcy.

Outre ces célébrations, le Festival se rendra surtout hommage à lui-même avec des films primés par une Palme d'or ou d'autres prix, un film indien (centennaire du cinéma indien oblige), des oeuvres qui ont fait sensation sur la Croisette...

La dernière corvée d'Hal Ashby ; Goha de Jacques Baratier ; Le dernier empereur 3D de Bernardo Bertolucci ; Manille de Lino Brocka ; La Reine Margot de Patrice Chéreau ; Plein Soleil de René Clément ; Les parapluies de Cherbourg de Jacques Demy ; La Grande Bouffe de Marco Ferreri ; L'apprentissage de Duddy Kravitz de Ted Kotcheff ; Cléopâtre de Joseph L. Mankiewicz ; Le Joli Mai de Chris Marker et Pierre Lhomme ; Le goût du Sake d'Yasujiro Ozu ; Charulata de Satyajit Ray ; Hiroshima, mon amour d'Alain Resnais ; Lucky Luciano de Francesco Rosi ; Borom Sarret de Ousmane Sembène ; Fedora de Billy Wilder ; Le désert des tartares de Valerio Zurleni ; et le film collectif Visions of Eight d'Youri Ozerov, Milos Forman, Mai Zetterling, Claude Lelouch, Arthur Penn, Michael Pfleghar, John Schlesinger, Kon Ichikawa.

On peut ajouter deux documentaires produits cette année : Con la pata quebrada de Diego Galan et A story of Children and Film de Mark Cousins.

Enfin, Cannes Classics s'invite au Cinéma de la plage avec les copies restaurées de films populaires (et pour la plupart excellents) : Jour de fête de Jacques Tati ; Le mécano de la General de Buster Keaton ; Les Oiseaux d'Alfred Hitchcock ; Le grand bleu de Luc Besson ; Le tombeur de ces dames de Jerry Lewis (qui sera honoré dans la sélection officielle) ; L'homme de Rio de Philippe de Broca ; Monte là-dessus de Fred C. Newmeyer et Sam Taylor.

Alain Resnais : « Aimer, boire, chanter » et filmer

Posté par vincy, le 3 avril 2013

Aimer, boire, chanter. Tel est le titre du nouveau film d'Alain Resnais, dont le tournage démarre aujourd'hui, le 3 avril.

Son 21e long métrage est l'adaptation de la pièce d'Alan Ayckbourn, Life of Riley (voir notre actualité du 16 mai 2012). Le scénario a été écrit par Alex Réval, Laurent Herbiet (tous deux ont déjà scénarisé les deux derniers films du cinéastes, Les herbes folles et Vous n'avez encore rien vu) et Jean-Marie Besset (metteur en scène, auteur et traducteur de pièce de théâtre).

Pour les trois couples qui s'entrecroiseront, Resnais a choisi des fidèles comme Sabine Azéma et André Dussollier, des réguliers tels que Michel Vuillermoz et Hippolyte Girardot, et des nouvelles têtes dans son univers, Sandrine Kiberlain et Caroline Silhol.

Le budget est confortable (7 millions d'euros). Le film a reçu l'avance sur recettes du CNC. Distribué par Le Pacte, il devrait sortir dans les salles d'ici la fin de l'année et pourrait être à Berlin en 2014.

Vous n'avez encore rien vu avait été présenté à Cannes en compétition en 2012. Snobé aux Césars, le film a également été un échec cuisant au box office avec 160 000 spectateurs (en comparaison Les herbes folles avait séduit 466 000 spectateurs). Tout cela n'empêchera pas le ColCoa Film Festival de Los Angeles (15-22 avril) de lui réserver un focus, avec la projection de plusieurs de ses films. La réputation du maître est intacte...

150 millions d’euros en moins pour le CNC : la numérisation des films menacée

Posté par vincy, le 29 septembre 2012

L'Etat va ponctionner 150 millions d'euros dans les caisses du CNC (voir notre actualité d'hier). Et cela pourrait avoir un impact sur le chantier de la numérisation des oeuvres du patrimoine, qui vient de commencer.

Eric Garandeau, président de l'institution, a déclaré au Monde : "Ces 150 millions d'euros, c'est justement la réserve dont nous disposons pour dresser l'inventaire des oeuvres, les restaurer et les numériser. Cette enveloppe sert aussi à soutenir le passage au numérique des petites salles de cinéma, et des circuits itinérants. Ces chantiers risquent de passer à la trappe, ou bien il va falloir ralentir le calendrier, et rééchelonner les contrats." La cinémathèque en ligne, qui est un outil d'éducation artistique, ne semble pas menacée.

Deux formes d'aides existent pour la numérisation des films. Le grand emprunt et le dispositif du CNC pour les films dont la rentabilité n'est pas assurée (voir notre actualité du 21 mars dernier). A en croire le CNC, cette aide aux films vulnérables pourraient faire les frais de la baisse du budget du CNC.

Il faut compter en moyenne 100 000 euros pour restaurer et numériser un film (les aides s'étalent entre 40 et 90 milles euros). En juillet, des films comme Le Joli Mai de Chris Marker, Jour de fête, Playtime et Mon oncle de Jacques Tati, Avoir vingt ans dans les Aurès de René Vautier, Peau d'âne de Jacques Demy ou encore Jacquot de Nantes d'Agnès Varda avaient été retenus lors de la première session.

Cette semaine, la deuxième session vient de rendre son verdict. Le groupe d'experts d'aide à la numérisation des œuvres du CNC a décidé d'aider 16 longs métrages, de 45 000 euros à 150 000 euros : L'homme de Rio et Les tribulations d'un chinois en Chine de Philippe de Broca, Le carrosse d'or de Jean Renoir, Hiroshima mon amour d'Alain Resnais, Shoah de Claude Lanzmann (le plus cher), L'assassin musicien et em>Les enfants du placard de Benoît Jacquot, et 9 films de Robert Guédiguian (dont Marius et Jeannette). Six courts métrages sont également concernés (dont certains signés d'Alain Cavalier ou Cyril Collard).

Toute une filière en danger

C'est autant de travail pour les laboratoires mentionnés dans les dossiers : Eclair, Digimage, Mikros et l'italien Immagine Ritrovata. Des industries techniques qui souffrent depuis quelques années (on se souvient du feuilleton autour de la faillite de Quinta Industries l'an dernier). La réduction du chantier de numérisation, lancé en grande pompe en mai au Festival de Cannes, aurait des conséquences sur l'emploi et la filière toute entière alors que la France dispose d'un véritable savoir-faire dans le domaine.

Surtout, alors que l'Hadopi est en voie de disparition (budget réduit pour l'an prochain, mission Lescure pour trouver d'autres solutions), c'est l'offre légale (et sa diversité) qui est menacée. Or, le gouvernement actuel a fait de cette offre légale un pilier essentiel de sa lutte contre le piratage.

Eric Garandeau, dans un récent discours, rappelait que "Le basculement dans le "tout numérique" est synonyme de mondialisation totale, immédiate : une simple vidéo postée sur un réseau social acquiert une audience potentiellement mondiale... ou peut rejoindre le cimetière des oeuvres jamais vues car jamais visibles sur les moteurs et les portails." Un film du patrimoine qui n'est pas numérisé est un film qui part au cimetière.

Cela n'empêchera pas le CNC de tenir sa prochaine session le 15 novembre. Les dossiers doivent être déposés au plus tard le 15 octobre. Mais combien de films seront retenus? Et en 2013, quel sera le programme...?

L’artisan bricoleur Chris Marker a soufflé sa dernière bougie (1921-2012)

Posté par vincy, le 30 juillet 2012

Chris Marker est mort le jour de son anniversaire, hier, 29 juillet 2012, le jour de ses 91 ans. Dans un tweet, Gilles Jacob, président du Festival de Cannes, lui a immédiatement rendu hommage : "Esprit curieux, cinéaste infatigable, poète amoureux des chats, vidéaste, personnage secret, immense talent, sommes orphelins de Chris Marker."

Christian François Bouche-Villeneuve, alias Chris Marker, gârce à ses documentaires et films expérimentaux, a profondément influencé le cinéma mondial. Il a commencé en coréalisan avec Alain Resnais Les Statues meurent aussi (1953). Il fut aussi directeur de collection chez un grand éditeur, écrivain, illustrateur, traducteur, intellectuel, réalisateur, photographe, éditeur, philosophe, essayiste, critique, poète, artiste vidéaste, professeur à la Fémis, voyageur, communiste, existentialiste (il a eu Sartre comme professeur), résistant, moraliste... Ses photos avaeint aussi fait l'objet d'expositions (y compris aux Rencontres d'Arles).

Son cinéma, singulier et poétique, s'est affirmé au moment où la Nouvelle vague cherchait une nouvelle voie narrative : Dimanche à Pékin (1956), Lettre de Sibérie (1957), Description d’un combat (1961), Cuba Si (1961). Il témoigne d'un monde en pleine guerre froide, entre Guerre du Vietnam et Mai 68, luttes gauchistes et pouvoirs communistes...

C'est évidemment avec La Jetée (1962), montage cinématographique composé de photos fixes qu'il inventa un style et une nouvelle écriture cinématographique.La durée total des rushes e ce photo-roman était de 55 heures! Le film sera culte et inspirera de nombreux cinéastes et sera la base du scénario Twelve Monkeys (L'armée des douze singes) de Terry Gilliam.

En 1963, avec Pierre Lhomme, il coréalise son premier long métrage, Le joli mai (prix de la meilleure oeuvre au Festival de Venise).you

Dans les années 70, il réalisera La Solitude du chanteur de fond (sur Yves Montand, en 1974), Le fond de l’air est rouge (1977), Junktopia (César du meilleur cout métrage), Sans Soleil (1983), A.K. , film sur le tournage de Ran, d’Akira Kurosawa (1985), Mémoires pour Simone (1986), en hommage à Simone Signoret, sa grande amie et sa protectrice, L’Héritage de la Chouette (1989), Le Tombeau d’Alexandre (1993), Level Five (1997), Le Souvenir d’un avenir (2003), et enfin dernier court-métrage réalisé en 2007 Leila Attacks.

La Cinémathèque française lui a immédiatement rendu hommage : "Grand moraliste, Chris Marker avait le regard d’un ethnographe engagé, soucieux de styliser son écriture cinématographique. Ecrivain, photographe, auteur de nombreux collages qu’il envoyait à ses amis de par le monde, au Japon, en Amérique et partout ailleurs, en se servant des nouvelles technologies et d’Internet, grand voyageur solitaire, Chris Marker, figure libre et souveraine, aimait entretenir le mystère sur sa personne, refusant d’être photographié ou de présenter ses propres films."

"Dans le monde cinématographique de Marker, tout se tient : l’individuel et le collectif, le présent et la mémoire, l’intime et le spectaculaire des luttes, le bricolage et la haute technologie, la « petite forme » (la danse sublime de l’éléphant sur une musique de Stravinsky pendant les quatre minutes de Slon Tango, 1993) et la grande histoire (Le fond de l’air est rouge, L’Héritage de la chouette). Du grand art à l’échelle d’un seul homme" poursuit le communiqué.

Dans un entretien à Image & Son en 1963, Resnais disait de lui : "Chris Marker me paraît un personnage fascinant, à ma connaissance unique au monde. Je ne connais personne qui puisse avoir à la fois ce sens des problèmes politiques contemporains, ce goût du beau, cette espèce de joie devant la culture et devant l'art, cet humour ; et qui arrive, lorsqu'il fait un film à ne se séparer d'aucune de ces tendances." Il avait été son assistant réalisateur sur Nuit et brouillard.

Il a également collaboré avec Costa Gavras (L'aveu, photographe de playeau), Jorge Semprun (Les deux mémoires, monteur, ingénieur du son), Patrico Guzman et Alexandre Sokourov (producteur) , Arielle Dombasle (conseiller artistique avec Eric Rohmer sur Les Pyramide bleues). Sans oublier ses innombrables participations (devant la caméra ou à d'autres format comme les vidéo-clips).

Sur Youtube, il diffusait des vidéos sous le pseudo de Kosinki.

Alain Resnais prépare (déjà) son prochain film

Posté par vincy, le 16 mai 2012

Alors que Vous n'avez encore rien vu, son nouveau film, est attendu lundi en compétition au Festival de Cannes, Alain Resnais prépare déjà son prochain film. Aimer, boire et chanter sera une comédie, adaptée de la pièce d'Alan Ayckbourn Life of Riley. Il s'agit de l'une des plus récentes pièces du dramaturge anglais, sa 74e en 50 ans, montée en 2010. Resnais avait déjà transposé au cinéma des pièces de l'auteur britannique : Smocking/No Smocking en 1993 (d'après Intimate Exhanges) et Coeurs en 2006 (d'après Private fears in public places).

Au magazine Variety, le producteur du film, Jean-Louis Livi a promis un film dans la veine de Smocking/ No Smocking, à l'époque scénarisé par le duo Agnès Jaoui/Jean-Pierre Bacri. Resnais, cette fois-ci écrit son scénario avec Laurent Herbiet, avec qui il a déjà travaillé sur Les herbes folles et Vous n'avez encore rien vu.

Le tournage devrait débuter début 2013.

Le temps du silence pour Jorge Semprun (1923-2011)

Posté par vincy, le 8 juin 2011

Déporté. Résistant. Communiste. ministre sous un gouvernement socialiste. Espagnol. Français membre de l'Académie Goncourt. Engagé toujours. Citoyen à jamais. Ecrivain sur le tard (mais quel écrivain!). Dramaturge. Biographe (on lui doit un document magnifique sur son ami Yves Montand). Jorge Semprun était tout cela à la fois. Né à Madrid 13 ans avant de devoir s'exiler pour cause de Franco, son ennemi. Mort à Paris ce mardi soir.

C'était aussi un homme de cinéma. L'ami de Montand certes, mais aussi celui de Costa-Gavras.

Il a d'abord collaboré, en 1966, avec Pierre Schoendoerffer, écrivain et cinéaste : Objectif : 500 mllions, avec Bruno Cremer. La même année, il écrit le scénario du film d'Alain Resnais, La guerre est finie, avec Yves Montand et Genviève Bujold. semprun est cité pour l'Oscar du meilleur scénario. le film remporte le Prix Louis-Delluc.

En 1969, il signe Z pour Costa-Gavras, avec Montand, Irene Papas et Jean-Louis Trintignant. Toujours des films politiques, s'insurgeant contre les dictatures. Deuxième nomination à l'Oscar du meilleur scénario. Le film récolte l'Oscar du meilleur film étranger et deux prix à Cannes. L'année suivante il signe l'adaptation de L'aveu, toujours de Costa-Gavras, encore avec Montand, et aussi Simone Signoret.

L'attentat en 1972, avec Trintignant, Jean Seberg et Michel Piccoli, marque ses début,s avec le réalisateur Yves Boisset. Là encore, la rébellion, l'insurrection, l'actualité post-coloniale inspirent celui dont le parcours et la création ne font qu'un.

Il réalise un documentaire en 1974, Les deux mémoires. Cannes sélectionne Stavisky, d'Alain Resnais, avec Jean-Paul Belmondo. Huées qui seront réparées cette année avec une Palme d'or pour l'acteur. Charles Boyer recevra le prix d'interprétation masculine au festival. Le film n'est d'ailleurs pas raté et reste l'un des plus gros succès du cinéaste.

Costa-Gavras le réengage pour Section spéciale, en 1975, avec Michael Lonsdale et Louis Seigner. Cannes encore, avec un prix de la mise en scène.Semprun écrira ensuite Une femme à sa fenêtre (avec Romy Schneider et Philippe Noiret), Les routes du Sud, de Joseph Losey (avec Montand et Miou-Miou) ou encore K, d'Alexandre Arcady (avec Patrick Bruel et Marhe Keller).

Un seul de ses livres sera porté à l'écran, par Jacques Deray : Netchaiev est de retour, incarné par Vincent Lindon, en compagnie d'Yves Montand, dont ce sera l'avant-dernier film.

Semprun a été membre du jury du festival de Cannes en 1984. Jamais sa ferveur et son espoir de voir un monde plus humaniste ne l'avaient quittés, malgré les déchirures du siècle qu'il a subies et les blessures qu'il n'a pas pu panser. Il laisse des scénarios d'une grande intelligence, non dénué d'action et de tension humaine. Des histoires universelles qui reflétaient nos civilisations destructrices, et les forces qui s'y opposent.