Berlin 2013 : Raoul Peck, Haïti et l’assistance humanitaire

Posté par vincy, le 7 février 2013

Documentaire présenté dans le cadre de la sélection Berlinale Speciale, Assistance mortelle est un choc. On savait les ravages qu'avait causé le tremblement de terre il y a trois ans sur ce pays, l'un des plus pauvres du monde. Mais Raoul Peck, haïtien de 60 ans , directeur de la prestigieuse Fémis, membre du jury à Berlin en 2002 puis à Cannes l'an dernier , ancien Ministre de la culture de son pays, a réussit à filmer l'envers du décor : la reconstruction du pays, "la bulle financière" des "institutions humanitaires" (églises, ONG, agences de coopération...") et les dommages structurels qu'elles causent sur le pays.

L'assistance humanitaire réagit en fonction d'un système très codé, qui révulsera les donateurs de tous les pays. Non pas que l'argent n'est pas employé, mais il est gâché, dispersé, et souvent peu utile. Le portrait de ces généreuses personnes qui ont foi dans leur mission est ébranlé par le cirque politique qui palabre mais ne résout rien. Le cumulard Clinton, les stars comme Sean Penn et Angelina Jolie servent à attirer l'attention d'occidentaux égocentriques. Mais sur place, c'est une autre affaire. Haïti n'est pas plus peuplé que Paris, ce n'est qu'une grosse métropole pauvre du tiers-monde. Les puissances occidentales, les organismes bilatéraux et multilatéraux, les ONG font comme si le gouvernement n'existait pas, comme s'ils n'écoutaient pas les réels besoins à pourvoir, pensant qu'une maison préfabriquée sans cuisine ni toilettes vaut mieux qu'une tente.

Un documentaire choc mais un film presque doux

Raoul Peck n'est jamais agressif, violent, ni même joueur. Il donne la parole aux puissants et aux miséreux, aux bienfaiteurs et aux citoyens engagés, parfois révoltés. Il teinte même son discours de belles phrases, littéraires, bien écrites, même quand il s'agit d'ironiser sur un ancien dictateur, accueillit comme une star people malgré son passé de tortures et d'exactions en tous genres. Il filme les faits, et leur donne parfois une dimension cinématographique.

Les choses pourraient en être autrement. Mais les donateurs auraient sans doute trop à perdre : Haïti souffre d'avoir une image de pays corrompu, ingouvernable... Peck, heureusement, ne fait pas que pointer la caméra sur les absurdités d'un tel système ; il ne fait pas qu'écouter les doléances d'haïtiens qui ne demandent qu'à réorganiser tout ce bordel pour leur bien commun ; il montre  aussi à quel point cette île est belle, et ses habitants dévoués, parfois festifs, abattus mais pas anéantis.