Un Goncourt pour Renoir

Posté par vincy, le 4 juin 2013

Jean Renoir Pascal Merigeau FlammarionL'Académie Goncourt a récompensé une biographie sur l'un des plus grands cinéastes du XXe siècle, Jean Renoir. Sobrement intitulée Jean Renoir cette anthologie signée par Pascal Mérigeau (journaliste au Nouvel Obs), parue chez Flammarion en octobre 2012, avait déjà été distinguée par le Prix du meilleur livre français sur le cinéma 2013 décerné par le Syndicat de la Critique et le  Grand prix SGDL de l'essai 2013 avant de recevoir ce prestigieux Prix Goncourt de la meilleure biographie.

Monument de 1100 pages, le livre est aussi colossal qu'instructif. Ce portrait précis du cinéaste dévoile la face sombre d'un homme indécis, nonchalant, exigeant, perfectionniste même. Mérigeau n'hésite pas à explorer les zones floues de ses opinions fluctuantes (tour à tour anarchiste, communiste, mussollinnien...). Au-delà des anecdotes d'archiviste, Mérigeau décrit les tournages difficiles, les succès et les échecs, et surtout le style de celui qui fut l'ami de tous, le généreux et chaleureux bonhomme qui préférait s'entendre avec tout le monde plutôt que de se fâcher avec certains par idéologie. Le livre n'est pas là pour arrondir les angles d'un créateur qui lui savait contourner les polémiques.

Le livre se lit comme un roman. Le personnage suscite l'empathie tant la tendresse qu'il inspire se lit au fil des pages. Pourtant Renoir est un fieffé menteur, un globe-trotteur citoyen du monde avant l'heure, un immense réalisateur (La grande illusion, La règle du jeu, Le fleuve pour n'en citer que trois), un narcissique qui façonne sa réputation en omettant quelques vérités sur la réalité des faits... Le livre démontre toutes les ambivalences d'un artiste légendaire. Cela le rend humain, alors qu'il est parfois fortement déplaisant. Mais Mérigeau utilise une narration très américaine pour rendre tout cela passionnant.

Les Archives d’Eric Rohmer remises à l’Imec

Posté par vincy, le 13 janvier 2011

"Conformément à la volonté du cinéaste, les archives d'Éric Rohmer ont rejoint les collections de l'Imec", a annoncé aujourd'hui l'institut Mémoires de l'édition contemporain. Tout juste un an après sa mort.

Créé en 1988, l'institut rassemble les fonds d'archives et d'études consacrés aux principales maisons d'édition, aux revues et aux différents acteurs de la vie du livre et de la création.

L'établissement situé à Caen en Normandie a reçu aujourd'hui "plus de 140 boîtes de documentaires et près de 20 000 pièces d'archives qui viennent éclairer la généalogie du cinéma rohmérien, et révèlent notamment l'importance de son activité littéraire dès les années 1940".

Il ne reste plus qu'à traiter les archives et classer le fonds.  «Ce fonds d’une exceptionnelle richesse permet de retracer l’ensemble de la carrière cinématographique et critique » indique le communiqué. Il comprend notamment une importante quantité d'écrits (récits, nouvelles, romans, théâtre, correspondance d’Eric Rohmer avec, notamment, François Truffaut, Jean Cocteau, Jean-Luc Godard ou André Bazin) mais surtout des témoignages «de ses talents de metteur en scène, de photographe, de dessinateur, de concepteur de costumes et de décors, de compositeur de chansons et de musiques.»

L’Imec fait aussi savoir qu’Antoine de Baecque, qui vient de sortir le documentaire sur Truffaut et Godard Deux de la vague,  et Noël Herpe travaillent à une biographie d’Eric Rohmer pour l'éditeur Grasset.

Reprise : Lenny de Bob Fosse, une bio pas lénifiante

Posté par Claire Fayau, le 16 octobre 2010

L'histoire : Après la mort du comique américain le plus célèbre et le plus controversé des années 60, un intervieweur recueille les témoignages de ses proches et tente de retracer sa vie… Au début de sa carrière, en écumant les cabarets du nord-est des États-Unis, Lenny Bruce rencontre Honey, une stripteaseuse qui devient sa compagne. Ensemble, ils créent un duo qui flirte avec le politiquement incorrect, et Lenny devient un provocateur admiré pour ses saillies qui frappent la société américaine avec une insolente méchanceté. À plusieurs reprises, il est arrêté pour propos obscènes. Tout en exaltant sa virulence, ces attaques mettent à jour la personnalité complexe du comique, dévoré par une sexualité débridée et une forte dépendance aux drogues ( In DP)

Notre avis : Lenny, biopic qui pique d'un comique unique en son genre date de 1974, mais n'a pas pris une ride... Bob Fosse signe ici un film sombre, sans concession (comme pouvait l'être Lenny Bruce.) Est-ce un écho à sa propre réflexion sur le monde du spectacle ? En tout cas, la forme du film est troublante, et le vrai et le faux se mélangent : noir et blanc intemporel, allure de faux documentaire, mélange d'interview, d'images d'archives, et de scènes de spectacles (admirablement filmées.)...

L'emploi de Dustin Hoffman est lui aussi troublant de naturel : il incarne superbement le rôle ô combien difficile de Lenny Bruce, père du stand-up américain, entre coup d'éclat et zones d'ombres. Avec sa partenaire féminine,Valerie Perrine, il compose un couple attachant et attaché malgré toutes leurs erreurs...

Mathieu Amalric serait un très grand fan de ce film qui l'a d'ailleurs inspiré pour son dernier film : Tournée. Comme on le comprend.

Un film à voir et revoir en ces temps de politiquement correct où l'humour ravageur est souvent incompris. Pour découvrir le portrait d'un homme qui s'est battu avec des mots contre la pudibonderie . A côté, nos comiques français et les "entertainers" actuels US font figure de Bisounours...

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Lenny de Bob Fosse (1974)
En salles depuis le 13 octobre

Les Runaways : Kristen Stewart dans un biopic rockn’n’roll !

Posté par MpM, le 13 septembre 2010

"Une fille, ça ne joue pas de guitare électrique !"

L’histoire : La rencontre et l’ascension de Joan Jett et Cherie Currie, deux adolescentes rebelles du milieu des années 70 qui vont former l’un des plus célèbres groupes de glam rock féminin : les Runaways.

Notre avis : Cela commence comme une chronique adolescente, où l’on suit le parcours parallèle de deux adolescentes au caractère bien trempé. Joan Jett (Kristen Stewart, bouillonnante) porte un perfecto en cuir et joue de la guitare électrique. Cherie Currie (Dakota Fanning, faussement fragile) fume comme un pompier et se prend pour David Bowie. A travers elles, c’est d’abord le portrait de toute une génération que dresse Floria Sigismondi : looks déments, coiffure seventies, vent de liberté, musique omniprésente (la bande originale est un pur régal, de Bowie à Iggy Pop en passant bien sûr par The Runaways) mais aussi drogue et mal-être.

Puis petit à petit, la grande histoire rejoint la petite. Avec leur énergie et leur volonté, les deux héroïnes montent un groupe de rock’n roll féminin, les Runaways, qui devient rapidement la coqueluche de la jeunesse américaine puis mondiale. Commencent alors les tournées, et avec elles, le cercle infernal de la célébrité et de la drogue.

Construit de manière linéaire, le film évite intelligemment les allers et retours entre présent et passé qui parasitent trop souvent les biopics. Ici, pas de traumatisme originel expliquant les déboires des deux jeunes femmes ni de flash-back explicatif donnant au spectateur l’impression que toute l’histoire était écrite d’avance. On est dans le moment présent, à égalité avec les personnages, et découvrant par leurs yeux les réalités d’un monde qui se fissure.

Cela tient sans doute au fait que c’est avant tout l’aventure collective qui intéresse la réalisatrice. D’ailleurs, elle s’avère moins efficace dans le drame intimiste, et les relations complexes entre Joan et Cherie, Cherie et sa sœur ou encore Cherie et ses parents semblent plus convenues.

Toutefois, ce qui porte le film, c’est bien évidemment le charisme de ses interprètes principales. Kristen Stewart a toute la fougue de la jeune Joan Jett, aussi à l’aise dans les prestations scéniques que dans les séquences plus intimistes. Son duo avec Dakota Fanning apporte beaucoup de charme au film, permettant de jouer sur la complémentarité des deux actrices.

Tandis que Kristen se montre sous un nouveau jour en garçon manqué qui n’a pas froid aux yeux (un rôle relativement éloigné du personnage de Bella dans la saga Twillight), Dakota casse l’image de pré-adolescente qui lui colle à la peau depuis ses débuts, et parvient à être à la fois candide et sexy, vulnérable et déterminée. A elles deux, elles empêchent le film de n’être qu’un biopic de plus en lui apportant une touche supplémentaire de glamour et de rock’n’roll.

Soeur Sourire : pas de quoi avoir la banane !

Posté par Claire Fayau, le 27 avril 2009

soeursourire.jpgL'histoire : "Dominique, nique, nique..." Ce refrain entêtant connut un immense succès international dans les années soixante. Rares sont les Dominique à qui on ne l'a pas chantonné. Mais qui connait la vie de la créatrice, Sœur Sourire (la mal nommée), alias Jeannine Deckers?Le film raconte le destin hors du commun de cette jeune belge, de son ascension dans les charts à sa descente suicidaire aux enfers.

Notre avis: Après Piaf, Mesrine, Sagan, Chanel, voici donc la  biographie filmée de Soeur Sourire, qui avait déjà eu droit à un film sur sa vie et son oeuvre en 1965. Le film s'appelait Singing Nun (La nonne chantante) avec Debbie Singin'  in the Rain Reynolds.

A l'époque, Jeanine Deckers était en état de grâce, et ce film hollywoodien ne devait montrer que le côté plaisant de Soeur Sourire. En 2009, le point de vue est plus réaliste et la reconstitution plus simpliste. Le film 100% belge de Stijin Coninx aborde son homosexualité, ses problèmes de drogue et d 'argent, et sa fin, misérable. On est loin du rêve Hollywoodien.

S'il y a au moins une qualité dans ce film, c'est en effet de ne pas avoir canonisé Jeannine Deckers. En se concentrant sur sa personnalité fragile et ses crises identitaires, il accroche le spectateur avec des facettes cachées, qui compensent l'étirement de cette vie étrange. La  "Star Sourire", Cécile de France, qui prend le voile et la guitare avec ferveur, se sent  possédée par son personnage, aux côtés de Sandrine Blancke, formidable amoureuse - ange gardien, de Marie Kremer, jolie confidente... et la pas si sénile Tsilla Chelton , en doyenne des dominicaines.

Malheureusement, le film est un fourre-tout. Cette valise en carton ne tient pas ses promesses et s'essouffle sur la longueur. On ne vibre (pas) ô ma soeur. Cette réalisation aussi plate que le pays d'orgine ne met pas en relief kes motivations de Jeannine, tellement impulsive qu'on a du mal à la suivre. Certains passages ont recours aux grosses ficelles, effets appuyés pour arracher un sourire ou soutirer une larme. Sans parler des erreurs historiques. Film imparfait, personnage méconnu et attachant, on vous recommande d'appeler un exorciste à la fin pour vous enlever de la tête ce satané refrain Dominique , nique, nique...

Offenbach cancannera à l’écran

Posté par vincy, le 26 août 2008

L'opérette redeviendrait-elle "in" ? Patrick Braoudé (Génial mes parents divorcent!, Neuf mois, et le désastreux Iznogoud) réalisera Cancan, soit la vie et l'oeuvre de Jacques Offenbach, sous le règne de Napoléon III. Avec le ton de Moulin Rouge, l'ambition d'Amadeus, ou dans l'esprit des récents biopics français ?

On voit mal Braoudé dans ce sujet pourtant audacieux, basé sur la rivalité entre Offenbach et son frère.  Un budget assez conséquent a été confié à cette production franco-allemande, où un acteur de chaque nationalité devrait tenir l'un des deux rôles principaux. Le film sera plus opéra ou plus grosse bouffe?

Maradona versus Tyson : le choc des réals

Posté par MpM, le 3 juin 2008

Maradona et KusturicaPour quelle personnalité s’est-on le plus empressé, piétiné, quasi étripé cette année à Cannes ? Angelina Jolie ? Robert de Niro ? Wong Kar Wai ? Vous n’y êtes pas. Les grandes vedettes 2008 étaient plutôt des habitués des stades que des avant-premières, de la sueur et du sang que des paillettes. A ma droite, Diego Maradona, icône mondiale du foot, champion du monde avec l’Argentine en 1986. A ma gauche, Mike Tyson, surnommé « l’homme le plus méchant de la planète », double champion du monde de boxe catégorie poids lourds. Chacun d’entre eux venu défendre un documentaire lui étant consacré : Maradona by Kusturica d’Emir Kusturica pour l’Argentin et Tyson de James Toback pour l’Américain.

Deux ans après la présentation hors compétition du Zidane, un portrait du 21ème siècle de Philippe Parreno et Douglas Gordon, la tendance serait donc revenue aux gros muscles glamours (après celle des acteurs, mannequins et autres participants des émissions de télé-réalité) et aux films à caractère sportif. Pas si étonnant quand on analyse le potentiel cinématographique de destins comme ceux du footballeur prodige guidé par la main de Dieu et du boxeur virtuose capable de mettre KO le diable lui-même. Lorsque la réalité dépasse la fiction et qu’il s’agit de sports susceptibles de fédérer des millions de personnes sur la planète… pourquoi se priver ?

Et les films dans tout ça ? D’un côté comme de l’autre, les réalisateurs ont tenu à éviter le biopic traditionnel, Toback en privilégiant la parole de son personnage (qui se raconte face caméra), Kusturica en se mettant lui-même en scène (à l’écran et dans un monologue incessant en voix-off). Si le film du Serbe mérite son titre (Kusturica y donne un point de vue éminemment personnel sur Maradona), celui de l’Américain aurait pu s’appeler Tyson by Tyson, tant le souci du réalisateur semble avoir été d’accoucher la parole du boxeur. Toback, en effet, n’a pas de message à délivrer : il se contente de montrer, d’écouter et de relier entre eux les points livrés par Tyson. Même s’il nous en apprend long sur sa personnalité, ses doutes et ses démons, son portrait peut sembler en creux. Kusturica, lui, ne nous apprend rien, mais avec flamme et passion. Il dessine à grands traits approximatifs une image multiple de Maradona : révolutionnaire, musicien, Dieu vivant, stratège politique… tout sauf footballeur, et tente de recréer à l’écran le fantasme qu’il porte en lui. Son projet était certainement plus artistique que celui de Toback (à qui il manque indéniablement une vision susceptible de donner de la chair et de la vie à son documentaire), et c’est pourquoi la vacuité de son film déçoit autant. Les grands destins et les petits miracles du sport sont finalement plus difficiles à retranscrire au cinéma qu’ailleurs, de par leur alchimie unique et inimitable. A la moindre erreur de proportions, on tombe soit dans la démesure risible, soit dans l’académisme ennuyeux.