[2019 dans le rétro] Le cinéma américain, des comics mais pas de comiques

Posté par vincy, le 25 décembre 2019

Cette année fut celle où Disney fut roi en son royaume. Avec 7 des 10 plus gros succès de l'année en Amérique du nord (dont les cinq plus grosses recettes de l'année), le studio a écrasé la concurrence. Au-delà de ce triomphe glorieux, le box office américain annuel , toujours dominé par les majors Disney, Warner, Sony et Universal, révèle avant tout une appétence pour les franchises, remakes et autres reboots.

Car si on prend les près de 30  films ayant dépassé les 100M$ de recettes avant Noël, le nombre de films non rattachés à une "marque" (suite, remake, adaptation, reboot, univers) est assez faible: Us (175M$), Once upon a time in Hollywood (141M$), Hustlers (105M$) et Le Mans 66 (102M$). Ne soyons pas défaitistes: des succès moindres mais rentables comme Yesterday ou A couteaux tirés rassurent par leur nostalgie d'un cinéma en voie de disparition tout en s'appuyant sur une histoire "originale". De même que les plus de 20M$ de recettes pour Parasite permet d'enrayer la chute des films en langue étrangère au box office, même si le Bong Joon-ho se retrouve dans les mêmes eaux que des films d'art et d'essai tels Judy, Jojo Rabbit, La Favorite (sorti en fin d'année 2018), L'adieu (The Farewell) ou The Peanut Butter Falcon.

Le public américain pour des films originaux ou différents est de moins en moins nombreux. Les masses préfèrent les héros de comics, les Disney revisités et les films d'animation. Où est la comédie et même la comédie romantique? Beaucoup plus bas qu'avant: le rire culte de demain ne trouvera pas ses modèles en 2019 malgré les jolis succès du remake d'Intouchables, The Upside, de Good Boys ou encore de Yesterday.

Côté film d'action, hors Star Wars et comics, il n'y a que les franchises Fast & Furious et John Wick qui parviennent à s'imposer, autant dire de la série B vite consommée. C'est bien en flirtant avec l'horreur que Us, It: Chapter Two et Glass réussissent à séduire les jeunes. Les adultes ont malgré tout poussé quelques films vers le succès: Hustlers, Downton Abbey, Rocketman et Le Mans 66 ont largement trouvé de quoi remplir les salles.

Irréalité et illusions

La jeunesse américaine se forge sa culture cinématographique avec des univers pops et irréels. L'image de synthèse est reine. Qu'on nous fabrique des animaux de la savane ou un éléphant de cirque, une cité arabe ancestrale ou un royaume imaginaire fantasy, qu'on nous virevolte le toujours très populaire Spiderman au dessus de Venise, Prague ou Londres ou qu'on nous fasse passer d'une planète à une autre dans les Avengers, carton phénoménal de l'année, qu'on rajeunisse des acteurs d'un autre temps ou qu'on dope en muscles un ado super-héros (Shazam!), il n'y a plus de réalité, ni même de réalisme. Tout est mirage, illusion. Quelle différence finalement entre un vieux jouet trimballé dans une boutique d'antiquités, le tout modelé en 3D, et des contrées nordiques et mythologiques où rien n'est authentique?

Certes, Avengers: Endgame, Le roi Lion, Toy Story 4, Captain Marvel, Spider-Man: far from Home, Aladdin, La Reine des neiges 2, Shazam!, Maléfique 2 et Dumbo ont attiré les foules du monde entier. Mais de quel monde parle-t-on? Pas de celui dans lequel on vit. L'imaginaire est désormais codé aux ordinateurs, la psychologie des personnages résumée à des conflits binaires, leur trajectoire connue d'avance. A ce titre La Reine des neiges 2 et Toy Story 4 font encore figure d'exception dans la production formatée. En dehors de The Joker, aucun n'a tenté sa chance dans une réalité et même une complexité d'enjeux. Et encore la réalité du Joker est située dans les 70s, comme celle du Tarantino date de la fin des 60s. Il n'y a que deux films contemporains, qui ne cherchent pas à tricher avec un genre ou avec des effets spéciaux, à avoir trouvé leur public: Us et Hustlers, qui explorent la face sombre de l'Amérique, comme un miroir où l'on ne veut pas se voir.

Lourdes pertes

Ceci dit, les effets spéciaux et les univers fantasy ne riment pas toujours avec un carton au B.O. Alita Battle Angels, Godzilla: King of the Monsters, Men in Black: International, X-Men:Dark Phoenix, Terminator: Dark fate, Midway, Gemini Man, Hellboy sans oublier le reboot de Charlie's Angels sont autant de fiascos financiers, malgré la surenchère en actions et autres explosions. Les films de genre, notamment surnaturels ou d'horreurs, sont bien mieux amortissables, et continuent de drainer le public ado dans les salles. Côté flops, hormis Disney, tous les studios ont été touchés. L'animation a eu des destins plus contrastés. Dragons 3, Comme des bêtes 2 et dans une moindre mesure The Lego Movie 2 ont résisté sans épater. Mais Monsieur Link, Abominable, Angry Birds Movie 2, Le parc des merveilles et Uglydolls se sont plantés.

Même les vétérans n'ont plus la cote, à l'instar de Clint Eastwood et, Sylvester - Rambo - Stallone, et quelques gros castings ont été snobés par le public (The Goldfinch, Tolkien, The Dead don't die, Brooklyn Affairs).

Le spectacle prime, et surtout le spectacle prévisible. On pourrait espérer une certaine fatigue ou lassitude pour les superhéros. Mais en voyant les fans se ruer sur Star Wars: L'ascension des Jedi, on comprend vite qu'il y a encore de l'avenir aux univers mythiques et spectaculaires. Disney, que ce soit avec Avengers ou Star Wars, répond à une demande en offrant aux fans ce qu'ils veulent plutôt que de prendre des risques et déplaire. Cette décennie s'achève ainsi avec la fin de la saga des Skywalker et d'Iron Man et avec un tournant vers un nouveau modèle de "consommation" du cinéma aux Etats-Unis.

Car on peut se rassurer sur la vitalité du cinéma américain. Ad Astra de James Gray ou Green Book de Peter Farrelly (dont une grande partie du succès a été réalisée en janvier et février) sont à des années lumières, mais ils démontrent encore qu'il peut y avoir des films populaires, avec des stars, et des sujets dramatiques. Bref, des films "à l'ancienne". Cela reste des exceptions. Car le cinéma américain, en dehors de biopics pour acteurs en manque d'Oscars et d'adaptations de livres classiques pour producteurs visant la statuette, voit son économie bousculée.

Netflix, studio de l'année

Trois des meilleurs films de l'année ont été diffusés exclusivement sur Netflix: Marriage Story, The Irishman, qui aurait été visionné par plus de 30 millions d'abonnés, et Uncut Gems. Et c'est sans compter les autres productions événementielles de la plateformes qui ont ponctué toute l'année, de The Highwaymen à Triple frontière, de The King à The Laundromat, sans oublier Le garçon qui dompta le vent et Les deux papes. Netflix devient ainsi le studio le plus courtisé de l'année.

Dans le même temps, on note aussi la raréfaction des films américains dans les compétitions des grands festivals: Berlin ne présentait aucun film américain dans la course à l'Ourse d'or. Cannes a hérité par fidélité du Tarantino et d'un film d'Ira Sachs plus européen que new yorkais. Quant à Venise, qui n'est devenu qu'un tremplin pour les Oscars, il y avait deux films Netflix, Ad Astra et le Joker, auréolé d'un Lion d'or.

Produit hybride par excellence - cinéma un zest politique, un vilain issu de comics, un portrait d'aliéné - ce Joker est finalement le symptôme de cette année US. Un phénomène de société, un carton côté recettes et un film de studio qui dévie du genre en lui donnant une tonalité dramatique et humaine inattendue. Ce Joker aura sauvé l'année de la Warner et la réputation des vieux studios hollywoodiens, tout comme, Once Upon a Time in Hollywood de Tarantino, hymne nostalgique à cette époque où les studios de cinéma se voyaient doubler par une nouvelle vague de réalisateurs et une télévision conquérante.

Nouveau monde

De cette année 2019, le cinéma américain ressort riche et puissant. Pour les cinéphiles, c'est une autre histoire: quelques films brillants, mais beaucoup moins passionnants que certaines séries. Il est presque dommageable de voir que des œuvres singulières, la crème du cinéma indépendant, comme The Lighthouse, Give Me Liberty, The Climb, soient à ce point ignorés du public, même si on se console en prenant du plaisir grâce aux vétérans.

Le cinéma américain semble comme un géant aux pieds d'argile, dominateur mais fragile. Mais justement: avec leur force et ses dollars, les studios ne cherchent plus à marquer l'époque mais bien à battre des records et remplir les caisses pour satisfaire leurs actionnaires. Le consommateur sera toujours roi. Sur les réseaux et dans la plupart des sites qui publient leur liste des films les plus attendus de l'année, les (gros) films américains monopolisent l'attention. Cercle vicieux. Il ne faudra pas se plaindre su le cinéphile n'a plus que Netflix et quelques intrépides auteurs pour se consoler. Ceci dit, les réalisateurs ont accepté cette réalité, en sacrifiant le grand écran, pourvu qu'ils aient les moyens d'avoir le budget nécessaire et le final cut. De cette nouvelle économie, naîtront peut-être de nouvelles narrations et de nouveaux talents. Ou alors une industrie fordiste alignant les suites et les remakes, comme autant d'avatars.

Broadway – Hollywood: Cats, fiasco emblématique?

Posté par vincy, le 24 décembre 2019

On a longtemps cru à un renouveau de la comédie musicale au cinéma depuis les succès de Moulin Rouge de Baz Luhrmann et Chicago de Rob Marshall au début des années 2000. Les studios américains ont donc relancé le genre, pensant que la convergence des contenus allaient être une formule gagnant-gagnant entre Broadway et Hollywood.

Or, les rares films musicaux qui ont cartonné sont des "musicals" de cinéma (La La Land, The Greatest Showman ou même A Star is Born si on étend la définition) ou des biopics de chanteurs (Bohemian Rhapsody, Rocketman, Ray). L'originalité semble mieux payer.

Les seules comédies musicales qui ont cartonné à la fois sur scène et sur les écrans sont Mamma Mia!, aux airs disco-pops, qui a d'ailleurs eu l'honneur d'une suite créée pour le cinéma, Hairspray, complètement déjanté et rock, et Les Misérables, malgré des critiques plus que mitigées.

Pour le reste, c'est une série de fiascos. Et la sortie de Cats, dont on vous épargnera notre critique, en est l'épiphénomène. Ce ratage visuel (qui pouvait espérer que des personnes grimées en chat allaient être beau à voir, surtout avec un livret assez barbant?) a d'ailleurs du revoir sa copie trois jours après sa sortie américaine. Les effets spéciaux semblaient imparfaits, et le réalisateur Tom Hooper a renvoyer une nouvelle version aux exploitants. Cela ne sauvera pas le film à 100M$ de budget hors-marketing. Un comble pour un "musical" mythique, créé en 1982, et qui a vendu 73 millions de tickets dans le monde.

Cela fait plusieurs hits de Broadway qui échouent dans leur transposition au cinéma. Champion des musicals, Le Fantôme de l'Opéra (130 millions de spectateurs au théâtre) n'a rapporté que 150M$ au box office mondial. Même Evita, avec Madonna, avait fait mieux dans les années 1990. Nine, malgré son casting cinq étoiles, n'a récolté que 50M$ au BO mondial. The Producers et Rent, deux gros succès primés sur les planches ont été des flops à un peu plus de 30M$ en recettes cumulées. A chaque fois, critiques et professionnels ont été virulents sur ces versions déjà oubliées.

On est très loin de l'âge d'or où brillaient dans les années 1960-1970 My Fair Lady, Funny Girl, Un violon sur le toit, Jesus Christ Superstar, Hair et bien entendu West Side Story. A ce titre, il sera intéressant de voir le sort qui sera jeté au remake de West Side Story par Steven Spielberg, dans un an. Une dizaine de projets sont en préparation, dont le fameux Wicked. Nul ne doute que le mariage entre Broadway et Hollywood pourrait tourner au divorce si ces deux films se plantaient au box office.

[2019 dans le rétro] Un cinéma mondial toujours très hollywoodien

Posté par vincy, le 24 décembre 2019

Si on ne regarde que le box office, l'état des lieux du cinéma mondial pourrait être désespérant avec les 10 plus grosses recettes pour des films américains, dont 6 pour le studio Disney, qui au passage a battu un record historique de 10 milliards de dollars de recettes sur l'année (avant même l'arrivée de Star Wars).

Cette hégémonie des titres américains est encore plus frappante quand on remarque qu'ils réalisent tous de 60 à 77% de leurs recettes hors Amérique du nord. Seuls le cinéma chinois parvient à se faire une petite place dans le Top mondial avec quatre films, le film d'animation Ne Zha (700M$), The Wandering Earth (700M$), My People, My Country (430M$) et The Captain (410M$). On peut y ajouter 4 autres films dans le Top 50. L'essentiel des recettes proviennent cependant du marché chinois. Ce partage américano-chinois des recettes internationales laissent peu de place aux autres cinématographies. Hormis les très anglais Downton Abbey (188M$) et Yesterday (151M$), aucun film européen ne parvient à rivaliser avec les mastodontes des deux empires économiques.

Il y a heureusement des succès qui réjouissent. Ainsi Parasite qui a su cumuler plus de 125M$ de recettes. L'Asie confirme d'ailleurs ses bonnes performances avec des cartons comme les japonais Les enfants du temps - Weathering With You (180M$), Detective Conan (116M$) et One Piece: Stamped (80M$) ou le sud-coréen Extreme Job (120M$).

C'est évidemment beaucoup plus que les 68M$ (dont 15,5M$ à l'étranger soit près de 3 millions d'entrées, dont un tiers en Allemagne) de Qu'est-ce qu'on a encore fait au bon Dieu?, leader français de l'année. Même Anna de Luc Besson, traditionnellement le champion à l'export, n'a réussit à récolter que 30M$ au global (4 millions d'entrées). Le cinéma français n'a d'ailleurs pas brillé à l'international. Rares sont les films qui ont attiré plus de 500000 spectateurs à l'extérieur des frontières et ce sont surtout des sorties de 2018 qui ont cartonné (Astérix et le secret de la potion magique, Mia et le lion blanc, Ghostland). Il y a une exception avec Minuscule 2, qui est d'ailleurs le plus gros succès français en Chine de l'année.

Pour finir avec les chiffres, Douleur et Gloire (35M$) est l'un des rares films européens non anglophones à avoir su trouver son public dans plusieurs pays, y compris aux Etats-Unis. Le cinéma espagnol est aussi un des seulss qui résiste au déferlement américain avec trois films locaux classés dans le top 20, là où l'Italie n'en place qu'un et l'Allemagne deux.

Cependant, si les recettes donnent Hollywood vainqueur par K.O., la qualité des films est ailleurs. Pas étonnant que des films comme Parasite, Douleur et Gloire, J'ai perdu mon corps, Les Misérables, Portrait de la jeune fille en feu se retrouvent classés dans les palmarès ou nommés dans les grandes cérémonies hollywoodiennes, et pas seulement dans la catégorie meilleur film étranger.

Car, avant tout, on a vu des propositions cinématographiques fabuleuses et enthousiasmantes, encourageantes même d'un point de vue de cinéphiles. Il suffit de voir le singulier Synonymes de l'israélien Nadav Lapid, l'un des films les plus originaux et jubilatoires de l'année, Ours d'or audacieux à Berlin. Qui fait écho, étrangement au film palestinien It must be Heaven de Elia Suleiman. Deux hymnes à la paix à travers l'exil, sur fond d'humour absurde. Dans la même veine drôlatique, n'oublions pas Tel Aviv on fire de Samej Zoabi, qui a séduit un peu partout en Occident.

Du côté asiatique, l'année fut riche. Outre Parasite, carton mondial (mais seulement 5e du box office local avec 10 millions d'entrées, la Corée du Sud maintient son statut à part avec le phénomène Extrême Job de Lee Byeong-heon (16 millions d'entrées), le beau succès d'Exit de Kee Sang-geun ou le remarqué Le Gangster, le Flic et l'Assassin de Lee Won-tae. Au Japon, les productions nationales ont aussi brillé, même si peu se sont exportées, et si il s'agit essentiellement de films de genre. First Love (Hatsukoi) de Takashi Miike, Au bout du monde de Kiyoshi Kurosawa et surtout le très beau Asako I & II de Ryusuke Hamaguchi ont montré malgré tout que le cinéma japonais conservait une belle variété de talents. Le cinéma chinois exporté est surtout un cinéma de festivals. C'est avant tout l'interdiction de voyager de One second de Zhang Yimou qui a frappé les esprits. Il n'empêche, quatre des grands films orientaux de l'année sont venus de l'Empire du milieu: Un grand voyage vers la nuit de Bi Gan et Les Éternels de Jia Zhangke, tous deux à Cannes en 2018, So long my son de Wang Xiaoshuai, primé à Berlin et le splendide polar Le lac aux oies sauvages de Diao Yi'nan, en compétition à Cannes en mai. Toujours à Cannes, en provenance d'une région qui a donné peu de grands films cette année, Pour Sama de Waad al-Kateab, documentaire syrien, est sans doute l'une des œuvres les plus bouleversantes de l'année.

Le cinéma latino-américain a été plus contrasté, et plus engagé aussi: féminisme, homosexualité, autoritarisme... les réalisateurs s'attaquent de front aux problèmes de leur pays, que ce soit l'effrayant Tremblements de Jayro Bustamente, le grandiose Bacurau de Juliano Dornelles et Kleber Mendonça Filho, le sublime La Vie invisible d'Eurídice Gusmão de Karim Aïnouz ou le saisissant Companeros d'Alvaro Brechner. On a aussi en tête les images de La Cordillère des songes de Patricio Guzmán, de Nuestras Madres de César Díaz, de La flor de Mariano Llinás et de L'Ange de Luis Ortega.

Plus au nord, au Québec, l'année fut morose, en qualité le plus souvent, et en recettes, désespérément. Ainsi, malgré deux films, Xavier Dolan n'a pas retrouvé ses succès d'antan, repartant sans prix de Cannes, et finissant l'année avec deux flops. Son ancienne actrice, Monia Chokri sortait aussi son premier film, La femme de mon frère, sans plus de succès. La Chute de l'empire américain de Denys Arcand est sorti dans l'indifférence malgré un sujet dans l'air du temps, tandis que le canadien Guest of Honour d'Atom Egoyan a déjà été oublié à Venise. Au Québec, seul un film a été un gros hit cette année, la comédie Menteur avec 590000 entrées. Louise Archambault avec Il pleuvait des oiseaux a cependant confirmé sa bonne cote avec 200000 entrées. La femme de mon frère (76500, 3e), Matthias et Maxime (44500, 4e), le très beau Jeune Juliette (32200, 5e), The Death & life of John F. Donovan (21700, 8e) révèlent l'extrême faiblesse du cinéma québécois sur son propre territoire.

Enfin, le cinéma européen se porte bien. Même si de grands noms comme Ken Loach, Fatih Akin, les frères Dardenne ont déçu, sans doute parce qu'ils persévèrent dans la même veine, en s'orientant vers un discours de moins en moins généreux ou surprenants. Ce n'est pas qu'une question de goût puisque même leurs fans n'ont pas vraiment suivi.

Le cinéma européen reste producteur de grands films, exportés, récompensés, applaudis. La Favorite de Yórgos Lánthimos en fut l'emblème cette année, avec un triomphe hollywoodien en plus d'un gros succès public international. Au sud, des cinéastes réputés comme Marco Bellocchio (Le traître), qui symbolise un renouveau du cinéma italien auquel on peut raccrocher Martin Eden Pietro Marcello, Pedro Costa (Vitalina Varela, Leopard d'or à Locarno), Costa Gavras (Adults in the Room) prouve que, malgré la télévision, le cinéma résiste bien. C'est surtout le cinéma espagnol est le plus en forme avec des films aussi divers El reino de Rodrigo Sorogoyen, Viendra le feu d'Oliver Laxe, Yuli d'Icíar Bollaín, Petra de Jaime Rosales... L'Europe centrale et de l'Est n'est pas en reste avec des œuvres comme Sunset de Laszlo Nemes, Une grande fille de Kantemir Balagov, le formidable Dieu existe, son nom est Petrunya, de Tenona Strugar ou encore Les siffleurs de Corneliu Porumboiu. Sinon, du très émouvant Et puis nous danserons (And Then we Danced) de Levan Akin au très étrange Border d'Ali Abbassi en passant par L'audition d'Ina Weiss, L'œuvre sans auteur de Florian Henckel von Donnersmark, Yesterday de Danny Boyle, Noureev de Ralph Fiennes, c'est là encore l'éclectisme qui prime, mais surtout il s'agit de la quête d'une narration spécifique, s'affranchissant de limites morales et plaidant pour une liberté de création. Même s'ils ne trouvent pas un public aussi large qu'on pouvait l'espérer.

Une grande partie de ces films sont des coproductions françaises, principal soutien financier des auteurs. Il en est ainsi également des deux films au féminin venus d'Afrique, Atlantique de Mati Diop, Grand prix du jury à Cannes, film sénégalais dans l'âme, et Papicha de Mounia Meddour, film algérien dans sa chair.

On finira ce tour du monde avec quelques films d'animation qui là aussi se distinguent dans leur proposition esthétique. Funan de Denis Do, Bunuel après l'âge d'or de Salvador Simo, Les enfants de la mer de Ayumu Watanabe, La fameuse invasion des Ours en Sicile de Lorenzo Mattoti. A eux quatre, ils démontrent que le cinéma n'est pas qu'un produit formaté, même dans l'animation. Chaque pays revendique finalement sa part d'exception culturelle, sa personnalité dans un monde où les images sont encore trop américaines.

[2019 dans le rétro] Le cinéma français entre gris clair et gris foncé

Posté par vincy, le 23 décembre 2019

Une belle année pour le cinéma français? Côté festivals et prix internationaux, c'est indéniable. Rarement la production française n'a autant brillé à Berlin, Cannes, Venise et Hollywood. A Berlin, la coproduction franco-israélienne de Nadav Lapid, Synonymes, a raflé l'Ours d'or, tandis que Grâce à Dieu de François Ozon repartait avec le Grand prix du jury. A Cannes, deux premiers films ont récolté les honneurs - Les Misérables de Ladj Ly, prix du jury, Atlantique, coproduction franco-sénégalaise signée Mati Diop, Grand prix du jury - en plus d'un prix du scénario pour Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma et de la mention spéciale pour Elia Suleiman et son It Must be Heaven. Et à Venise, J'accuse de Roman Polanski a été sacré par un Grand prix du jury tandis qu'Ariane Ascaride a été couronnée pour son rôle dans Gloria Mundi. On peut ajouter l'excellent parcours dans les palmarès du film d'animation de Jérémy Clapin, J'ai perdu mon corps. Avec les films de Sciamma, Ly et Diop, ils fait partie des films en vogue actuellement dans les bilans de fin d'année aux USA.

Le ciel se couvre de quelques nuages clairs quand il s'agit des entrées de tous ces films acclamés par les professionnels et la critique. J'accuse et Les Misérables ont dépassé les 1,3 million d'entrées et Grâce à Dieu a séduit plus de 900000 spectateurs. Tous les autres ont plus ou moins limiter la casse avec des scores honnêtes dans le circuit art et essai, sans réaliser d'exploit.

Dans un contexte favorable - la fréquentation des salles de cinéma connaît une belle hausse cette année en France, à plus de 200 millions de tickets -, le cinéma français n'affiche que 33-34% de part de marché. Un seul film français se classe dans les 10 films les plus vus. Quatre films français ont dépassé les 2 millions d'entrées. La variété paye, mais elle ne fédère que très peu. 15 films hexagonaux sont millionnaires, ce qui n'est pas su mal, et 26 au total ont franchi la barre des 700000 spectateurs. Ce n'est pas un mauvais score en soi.

Il est surtout intéressant de constater que la comédie française ne paye plus forcément. Certes, Qu'est-ce qu'on a encore fait au bon Dieu? est le seul film français populaire de l'année (6,7M d'entrées), le seul à se placer dans le Top 10 d'ailleurs. Mais les autres comédies avec castings de comiques - Nicky Larson, Inséparables, All Inclusive, Chamboultout, Tanguy le retour... - ont largement déçu. Le potentiel est plutôt du côté des seniors (C'est quoi cette mamie?!, surprise estivale, Joyeuse retraite!, surprise hivernale, comme quoi la ponctuation paye), d'une écriture plus engagée (La vie scolaire, Hors-normes, Alice et le maire) voire de la comédie féminine et sociale (Les invisibles, Rebelles), beaucoup mieux rentabilisées.

Si la comédie ne fait plus automatiquement recette (la faute à une formule sans doute trop éculée), les drames et les grandes destinées retrouvent des couleurs avec des hits comme Nous finirons ensemble, de Guillaume Canet, malgré un box office bien moindre que Les petits mouchoirs, Au nom de la terre, avec Guillaume Canet  qui a séduit 20 fois plus de spectateurs en province qu'à Paris, Le chant du loup, avec une bonne dose de suspens et d'action, Donne-moi des ailes dans le registre familial, La belle époque à l'ambition plus romanesque, Le mystère Henri Pick et Venise en Italie, sur un mode plus divertissant, L'incroyable histoire du facteur Cheval, presque tragique ou avec un peu moins de succès mais pas mal de bon buzz, Mon inconnue, dans une veine fantastique, Le daim dans un style déjanté, et Les crevettes pailletées et sa joyeuse ambiance gay-friendly.

Tous ces films ont trouvé leur public, en restant fidèle à leur genre. Hélas, hormis Minuscule 2, aucun film d'animation français n'a rivalisé avec les productions américaines; idem pour les thrillers ou les films d'horreur. Le public français reste classique pour ne pas dire conservateur dans ses choix. De plus en plus d'ailleurs. Seuls quatre films non américains ou non français ont attiré plus de 700000 curieux. Aujourd'hui, un film d'auteur à 300000 spectateurs est considéré comme un succès.

C'est de là que proviennent les orages à venir. Des distributeurs baissent le rideau. Les quatre majors américaines captent une entrée sur deux cette année. UGC peut se consoler avec le Bon Dieu, Pathé avec le Canet et Gaumont avec Nakache-Tolédano, aucun distributeur indépendant français n'a réussi à dépasser les 2 millions d'entrées avec un film, à l'exception de Diaphana avec Au nom de la terre.

Comme tous les ans, les fiascos sont nombreux, certains plus lourds que d'autres. Et c'est d'ailleurs le prototype de la comédie à la française, Le dindon - un vaudeville, deux têtes d'affiche (Dany Boon, qui s'offre son plus gros bide, et Guillaume Gallienne), un énorme budget de 14M€ - qui s'est planté magistralement. Comme quoi il n'y a pas de recettes.

L'autre gros flop de l'année c'est Isabelle Huppert. Omniprésente avec 4 films à l'affiche, la star n'a pas séduit avec ses variations de femme névrosée que ce soit dans Greta (137000 entrées), Frankie (67000), Blanche comme neige (60000) ou Une jeunesse dorée (10000). Trop répétitive? En tout cas depuis Elle en 2016, l'actrice n'a jamais réussi à attirer les cinéphiles.

Ils ont été nombreux à se prendre un mur, de Convoi exceptionnel de Bertrand Blier à Made in China, de Ibiza, avec Clavier, à Persona non grata, de Roubaix une lumière d'Arnaud Desplechin à Fête de famille, de J'irai où tu iras de Géraldine Nakache à Playmobil le film, d'Anna de Luc Besson à Trois jours et une vie, de Mon chien stupide d'Yvan Attal à Just a Gigolo en passant par l'éternel Lelouch et Les municipaux trop c'est trop. Et justement, ils se tous sentis de trop.E t soyons complètement déprimants avec les ratages de Lucie Borleteau (Chanson douce), Michel Denisot (Toute ressemblance) et Amanda Sthers (Holy Lands).

En tout cas, les échecs n'épargnent ni les grandes vedettes ni les comédies, ni les films de genre, ni les talents découverts à la télévision. On trouve surtout regrettable de voir que les films d'animation pour adultes soient confrontés à un plafond de verre (autour de 300000 entrées) ou que les documentaires manquent de visibilité même quand ils sont acclamés. On s'interroge sur la manière dont les films français sont promus, sur l'absence de réponse des spectateurs à des cinéastes comme Klapisch, Jolivet, Pascal Thomas ou Bonitzer, ou sur l'absence de curiosité pour des jeunes talents comme Sébastien Betbeder (Debout sur la montagne) ou Judith Davis (Tout ce qu'il me reste de la révolution), ou sur l'indifférence face à des films noirs récompensés ou audacieux (Sympathie pour le Diable, L'intervention, Nevada). On peut regretter que des films bien faits, bien joués, et intéressants n'aient pas rempli les salles.

On se console avec des jolies rencontres, celles où on se fiche de la quantité pour se réjouir de leurs qualités, comme Perdrix ou Les hirondelles de Kaboul. Au moins, ils illustrent la diversité de la production française, et parfois révèlent quelques talents prometteurs. Car l'année 2019 restera sans doute comme l'une des plus éclectiques et les plus surprenantes de la décennie pour le cinéma français. C'est ça l'amour, comme le titre du film de Claire Burger, auréolé de prix et 100000 spectateurs au compteur. Ou encore le très singulier et enthousiasmant Ne croyez surtout pas que je hurle de Frank Beauvais. Des hauts et des bas, là où ne les attendait pas. Et si c'était la fin du règne du rire, pour revenir à celui des belles histoires contemporaines?

les hirondelles de kaboul

Le problème est sans doute ailleurs. Le ticket de cinéma vaut parfois très cher. Mais surtout les moins de 25 ans ne représentent plus que 28 % des entrées alors que les plus de 50 ans, autrefois minoritaires, fournissent 44 % des entrées. D'où le succès des comédies à casting senior d'ailleurs. Ce vieillissement du public est une bonne chose pour les films du milieu qu'ils soient français ou étrangers. Malheureusement, le fait que les jeunes concentrent leurs sorties cinéma sur les blockbusters américains, largement dominateurs cette année, et préfèrent désormais occuper leurs loisirs aux séries et aux jeux vidéos, peut conduire dans les années à venir à un bouleversement de la cinéphilie dont on mesure encore trop faiblement l'impact sur la création. Il faudra toute la force du système - festival de Cannes, CNC, exploitants - pour que cette génération pas encore tout à fait perdue, retrouve le désir d'aller au cinéma pour voir autre chose que des super-héros.

Star Wars IX: carton au USA, déception en France, fiasco en Chine

Posté par vincy, le 20 décembre 2019

Star Wars: l'ascencion de Skywalker devrait être le succès annoncé, malgré des critiques plutôt tièdes. Le film a déjà ramassé 40M$ au box office nord-américain lors des avant-premières d'hier soir. C'est un peu moins qu'Avengers:Endgame, ultime épisode de la franchise lui aussi, que les deux derniers Star Wars et que le dernier Harry Potter. Pour son premier week-end, les analystes prévoient un démarrage entre 170M et 200M$, ce qui ne sera, cependant, pas un record de la saga là encore.

A l'international, en deux jours, ce neuvième film de la Guerre des Etoiles a déjà rapporté 59M$ dans 46 pays. La faute aux grèves? En France, le film n'a attiré que 391 283 entrées sans avant-premières mercredi, sorti dans 731 salles, soit beaucoup moins que les épisodes VII (619 200 entrées) et VIII (503 727 entrées).

L'exception est cependant ailleurs, du côté de la Chine, deuxième marché mondial. Le film n'a récolté que 6,2M$ depuis mercredi, battu en plus par trois film locaux: le polar Sheep without a Sheperd (60M$ en une semaine), le film d'arts martiaux IP Man 4 (14M$ pour sa sortie ce vendredi) et la romance Only Cloud Knows (4,6M$ en une journée). L'Ascension de Skywalker devrait finir dernier de la nouvelle trilogie au final avec un cumul estimé à 18M$. Pas de quoi rivaliser avec les 615M$ d'Avengers:Endgame.

Ce flop démontre que le phénomène Star Wars, né en Occident il y a plus de 40 ans, n'a pas su s'imposer dans l'Empire du milieu. Si le box office du Réveil de la force y a été honorable (126M$), avec un bon premier week-end (52M$), la suite, Les derniers Jedi, s'effondrait déjà (29M$ le premier week-end, 43M$ au total).

La force faiblit, mais en Chine, elle semble carrément inexistante.

Avec les fêtes, le succès reste de toute façon assuré, qu'il batte ou non des records. Depuis la relance de la saga il y a vingt ans, les recettes mondiales fluctuent entre 650M$ et 2,1 milliards de $ (Le réveil de la Force). L'enjeu pour Disney est qu'il fasse aussi bien que Les derniers Jedi (1,3 milliards de $) pour sauver la face. Cependant, après le semi-échec de Solo, il devient crucial de trouver la bonne formule pour relancer l'univers mythique imaginé par George Lucas dans les années 1970. Sinon les Skywalker vont se faire traiter de Boomers.

[J'accuse] Polanski sur la sellette, des séances annulées et des élus qui veulent censurer

Posté par vincy, le 19 novembre 2019

Après son exclusion des Oscars, Roman Polanski pourrait être évincé des organisations professionnelles françaises. Depuis les révélations de Valentine Monnier, qui accuse le cinéaste de l'avoir violée dans les années 1970 alors qu'elle avait 18 ans, le malaise se répand dans toute la profession. Cela n'empêche pas son dernier film, J'accuse de prendre la première place du box office cette semaine avec 376000 spectateurs en 5 jours, soit son meilleur démarrage en plus de 30 ans. Le film fait déjà quatre fois mieux que le résultat final de sa précédente réalisation, D'après une histoire vraie, et a également dépassé le box office total de La Vénus à la fourrure, sorti en 2013.

Reste que la polémique enfle. la Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs (ARP) a décidé d'instituer de nouvelles règles : tous membres condamnés ou poursuivis pour des infractions sexuelles conduiront à la suspension du réalisateur. "Quarante ans se sont passés entre la première affaire qui concerne Roman Polanski et aujourd’hui. Je pense que le monde a beaucoup changé en quarante ans. Les crimes sont les mêmes, mais la façon dont ils sont perçus a énormément changé" a déclaré le président de l'ARP, Pierre Jolivet. Clairement, il a précisé que Roman Polanski serait concerné par une suspension.

Le changement de statut sera proposé au vote lors de la prochaine assemblée générale; dont la date n'a pas encore été fixée.

Depuis la prise de parole d'Adèle Haenel, concernant le réalisateur Christophe Ruggia, qui devrait être prochainement exclu de la SRF, le milieu du cinéma tente de réagir pour lutter contre le harcèlement sexuel. Le nom de Polanski est autrement plus symbolique, de par sa notoriété et la multiplicité des affaires qui le visent. La SRF, justement, a, par la voix de Rebecca Zlotowski, membre du Conseil d'administration et co-créatrice du Collectif 5050, "aussi appelé, aux côtés d’autres organisations d’auteurs et du Collectif 5050, à des États généraux sur les questions des abus sexuels et des harcèlements dans notre industrie, dans le but d’aboutir à une charte, un code de conduite commun, et des mesures spécifiques." L'Académie des César refuse toujours de s'exprimer sur ce cas.

Cependant, pour l'instant, ce sont les exploitants qui sont en première ligne sur le front. L'avant-première de J'accuse au mythique Champo, un des rares cinémas dirigé par une femme, Christiane Renavand, a ainsi été annulée par une manifestation de féministes. D'autres militantes féministes ont fait interrompre puis annuler des séances à Rennes et à Saint-Nazaire ce week-end.

Censure politique en Seine-Saint-Denis

Et ce n'est pas fini puisque cet après-midi, nous avons appris que les élus d'Est Ensemble, intercommunalité qui regroupe 9 villes, ont ordonné, contre l'avis des cinémas, la déprogrammation de J'accuse dans les six sites qu'elle gère à Pantin (le Ciné 104), Bagnolet (le Cin'Hoche), Bondy (le Ciné Malraux), Bobigny (l'Ecran Nomade), Romainville-Noisy le Sec (le Trianon) et Montreuil (le Méliès). Cette décision fait suite à la réclamation de la maire socialiste de Bondy, Sylvine Thomassin, et a été soutenue par l'ensemble des groupes politiques: "On est effarées que l'administration des salles se permette une telle diffusion, sans demander ce que les politiques en pensent" a-t-elle expliqué. On est effaré que des élus se croient encore autorisé à interdire un film. Il s'agit d'un cas inédit de censure "officielle".

[Censure. Nom féminin, du latin censura. Examen préalable fait par l'autorité compétente sur les publications, émissions et spectacles destinés au public et qui aboutit à autoriser ou interdire leur diffusion totale ou partielle. (En France, les films doivent comporter un visa de censure, le visa d'exploitation, délivré par le ministre de la Culture après avis d'une commission.]

Le président d'Est Ensemble, le socialiste Gérard Cosme, a cependant communiqué qu'il "paraissait peu crédible et peu souhaitable que la programmation relève d'un comité d'élus ou même du président", choisissant ainsi "la liberté de programmation artistique" aux établissements. Un revirement radical, qui va à l'encontre du vote des élus qu'il préside donc. Sagement, il refuse donc de déprogrammer le film mais demande aux cinémas d'organiser "un débat en présence des associations et des élus qui le souhaitent et qui se sont exprimés en faveur de la déprogrammation". Or, les directeurs des cinémas n'ont pas attendus les élus pour débattre autour du film et du cinéaste.

Dans le cadre de la projection du film de Polanski, deux débats étaient prévus au Méliès: "Choisir de voir ou non le dernier Polanski ?", avec les associations féministes Nous Toutes et Collage Féminicide et "L'Affaire Dreyfus et l'antisémitisme d'hier et d'aujourd'hui" avec la Ligue des Droits de l'Homme. Adèle Haenel avait elle-même initié et milité pour des débats encadrant le film.

Avant l'annulation de la déprogrammation, le directeur artistique du Méliès, Stéphane Goudet s'était exprimé sur Facebook pour alerter ceux qui ne prennent pas la mesure d'une telle censure: "Nous demandons dès à présent à nos élus la liste des cinéastes dont nous n'aurons plus le droit de programmer les films et la définition de leurs critères. Un comité de vérification de la moralité des artistes programmés est-il prévu, puisque la liberté individuelle des spectateurs n'est pas suffisante ? L'interdiction doit-elle être étendue aux délits, et si oui lesquels ? Nous souhaitons également savoir quel sort sera réservé aux écrivains et peintres condamnés pour crimes dans les bibliothèques d'Est Ensemble. Selon toute vraisemblance, les livres de Céline et Althusser, les DVD de Max Linder, Brisseau, voire Woody Allen (plus besoin ici de décision de justice), les disques de Michael Jackson et les ouvrages sur Le Caravage et Gauguin devraient être retirés des rayonnages."

Lire aussi : Voir ou ne pas voir « J’accuse »

L’empire Disney, le jedi Scorsese et la guerre des toiles

Posté par vincy, le 14 novembre 2019

Les années se suivent et se ressemblent. Depuis 2010, Disney a dominé le box office nord américain annuel sept fois dont les trois dernières années grâce à Pixar, Star Wars et Marvel. Cette année, on prend peu de risques à se dire que l'année terminera sur le triomphe de La Reine des neiges 2, Star Wars épisode IX ou le dernier Avengers qui surclasse tout le monde pour le moment. La domination en 2019 est indéniable: les quatre premières places du box office avec Avengers:Endgame, Le Roi Lion, Toy Story 4, Captain Marvel (et un peu plus loin Aladdin dans le Top 10. Toutes les licences du groupe cartonnent. Disney c'est 40% des recettes en salles en Amérique du nord.

Dans le monde, sept films ont dépassé le milliard de dollars de recettes, dont cinq sont distribués par le groupe. La domination est totale. Maléfique 2 s'offre même une place dans le Top 15, effaçant le semi-échec de Dumbo. Moins de sorties, mais elles cartonnent toutes ou presque.

Une entrée sur cinq est pour Disney en France

La France ne fait pas exception. Le groupe s'arroge une part de marché de 22%. Une entrée sur cinq est pour Disney. Le plus gros succès de l'année c'est Le Roi Lion. Trois des cinq plus gros succès sont des films du groupe. Ils sont 8 dans le Top 20 (tous au dessus de 2 millions d'entrées).

Ce n'est pas terminé puisque, aux USA, Star Wars est déjà le film le plus demandé pour les fêtes si on prend en compte les achats de tickets pré-réservés. Et La Reine des Neige 2 est deuxième, battant tous les records, déjà détenus par les films d'animation de Disney (remakes en "prises de vues réelles" inclus).

En rachetant Pixar, Marvel et Star Wars au prix fort, puis la Fox en début d'année, Disney n'a quasiment plus de concurrents. Enfin presque. Warner Bros a prouvé qu'elle pouvait jouer à jeu égal côté comics avec le Joker. Universal peut compter sur la franchise Jurassic Park/Jurassic World. Et Sony a Spider-Man. Mais aucun groupe n'a la panoplie de blockbusters/franchises de Disney.

10 millions d'abonnés à Disney +

En se lançant la semaine dernière sur le marché du streaming avec Disney +, elle affronte désormais Netflix sur un créneau plus familial et en voulant séduire les fans des sagas propriétaires. Fort de son catalogue et de quelques nouveautés, Disney + a annoncé hier avoir eu déjà 10 millions d'abonnés aux USA (ça reste six fois moins que Netflix sur les Etats-Unis). Le réchauffement climatique a pris cher avec une demande plus forte que prévue, qui a même provoqué un bug paralysant le système. Disney + vise de 60 à 90 millions d'abonnés d'ici cinq ans aux USA. La plateforme sera lancée en Europe fin mars.

D'un côté, on peut être admiratif de cette industrialisation du divertissement, qui conquiert toute la planète (hormis la Chine, puisque le plus gros succès n'est que 14e du box office annuel). De l'autre, on peut s'agacer d'une telle emprise de l'empire sur le cinéma.

Scorsese attaque

On a beaucoup glosé sur les propos de Martin Scorsese à propos des films Marvel. "J’ai dit que j’avais essayé d’en regarder quelques uns et qu’ils n’étaient pas pour moi, qu’ils me semblaient plus proches des parcs d’attraction que des films tels que je les ai connu et aimé au cours de ma vie, et qu’au final je ne pensais pas que c’était du cinéma." A-t-il vraiment tort? Bien sûr qu'il y a de bons films dans l'écurie Marvel (Thor: Ragnarok, Black Panther...). Or, ce qu'il dit est ceci : "Le fait que les films eux-mêmes ne m’intéressent pas relève du goût personnel et du tempérament. Je sais que si j’étais plus jeune, si j’avais grandi plus tard, je serais sans doute excité par ces films, et peut-être que j’aurais envie d’en réaliser un moi-même. Mais j’ai grandi quand j’ai grandi et j’ai développé un sens des films (ce qu’ils étaient et ce qu’ils pouvaient être) aussi éloignés de l’univers Marvel que ne peut l’être la Terre par rapport à Alpha du Centaure."

Notre culture du cinéma se forge avec les films que l'on va voir. Dans les années 1980, on pouvait mettre Le dernier empereur de Bernardo Bertolucci ou L'Ours de Jean-Jacques Annaud en couverture des magazines de cinéma. Des films comme Le nom de la rose, Out of Africa, Amadeus attiraient près de 5 millions de spectateurs (ce que peu d'adaptations de comics réussissent). Hormis Indiana Jones, les Belmondo et Star Wars, il n'y avait aucune franchises qui dépassaient les 4 millions d'entrées. Les années 1990 ont sensiblement connu le même faste pour la diversité du cinéma (y compris américain). Les cinéastes étaient les stars, voire des marques, à l'instar d'Hitchcock.

Les auteurs en perdition

Ces cinéastes n'ont pas disparu. Prenons la définition de Scorsese: "le cinéma était une histoire de révélation (révélation esthétique, émotionnelle et spirituelle). Il s’agissait de personnages, de la complexité des gens et leurs contradictions, et parfois leurs natures paradoxales, la façon dont ils peuvent se blesser et s’aimer les uns les autres et se retrouver soudainement face à eux-mêmes." On peut coller à cette définition des noms comme Pedro Almodovar, Ken Loach, Bennett Miller, Paul Thomas Anderson, Steve McQueen, Wes Anderson, Hirokazu Kore-eda, Bong Joon-ho... Mais force est de constater, qu'ils dépassent rarement les deux millions d'entrées en France et les 30M$ de recettes aux USA.

En revanche, la définition de Scorsese ne correspond en effet pas trop aux films Marvel (mais davantage à Star Wars ou aux Pixar ou même à La Reine des neiges 2), dont les relations interpersonnelles sont assez superficielles le plus souvent, toujours très chastes, et prévisibles à coup sûr. Divertir n'est pas le problème. Spielberg en a toutes les compétences. Hitchcock savait très bien le faire. Bong Joon-ho maîtrise parfaitement l'alliage entre récit, discours et formalisme sans ennuyer le spectateur.

"60 ou 70 ans plus tard, on regarde toujours ses films en s’émerveillant. Mais est-ce qu’on y retourne pour les frissons et les chocs ? Je ne le pense pas. Les décors de La Mort aux trousses sont incroyables, mais ils ne seraient qu’une succession de compositions dynamiques et élégantes et de coupes sans les émotions douloureuses qui sont au centre de l’histoire ou l’absolu perdition du personnage de Cary Grant" explique Scorsese. Ce qui pose la question: Marvel sera-t-il regardable dans vingt, trente ans? Ce n'est pas l'objectif. Disney fabrique une machine à rêves, et les réinventent au gré des époques et des technologies (confère Le Roi Lion, double triomphe à 25 ans d'intervalle dans deux formats).

Prêt à la consommation

"Beaucoup des éléments qui définissent le cinéma tel que je le connais se retrouvent dans les films Marvel. Ce qu’on n’y trouve pas, c’est la révélation, le mystère, ou un véritable danger émotionnel. Rien n’est en danger. Les films sont faits pour satisfaire des demandes bien précises, et ils sont conçus comme des variations autour d’un nombre de thèmes fini. On appelle ça des suites, mais en réalité ce sont des remake, et tout ce qu’il y a dedans a été officiellement autorisé parce qu’on ne peut pas faire autrement. C’est la nature d’un film de franchise moderne : études de marché, tests auprès du public, validations, modifications, nouvelles validations, et nouvelles modifications jusqu’à ce que ce soit prêt à être consommé" explique le réalisateur de Taxi Driver.

On est alors loin d'une expérience inattendue, d'une histoire que le cinéma va "grandir", d'un style singulier qui peut nous émerveiller. Ce que pointe Scorsese c'est l'uniformisation. "Pourquoi ne pas laisser les films de super-héros et les autres films de franchise tranquille ? La raison est simple. Dans beaucoup d’endroits dans ce pays et autour du monde, les films de franchise sont désormais le choix principal quand vous choisissez d’aller voir quelque chose sur grand écran. C’est un temps périlleux pour l’expérience cinéma, et il y a de moins en moins de salles indépendantes. L’équation s’est retournée et le streaming est devenu le premier canal de distribution. Cela dit, je ne connais pas un réalisateur qui ne veut pas créer des films pour le grand écran, qui soient projetés en salle devant un public."

La série, nouveau territoire des auteurs

Son dernier film, The Irishman, n'a été rendu possible que grâce à l'argent de Netflix. Il ne sera pas forcément vu en salles. Tous les films d'auteurs accusent une baisse de fréquentation régulière depuis des années. On parle davantage des séries que des films, à l'exception de quelques phénomènes ou dans le contexte d'une actualité chaude. Mais finalement, nos esprits, notre culture, notre vision du monde et des gens, se construisent avec des films spectaculaire, coûteux, dont on connait la fin, et avec des séries, bien plus audacieuses, plus riches, plus imprévisibles, qui, d'ailleurs, attirent de plus en plus d'auteurs et de réalisateurs.

"Certaines personnes dans ce business sont totalement indifférents à la question de l’art et à la prise en compte de l’histoire du cinéma, ce qui est à la fois dédaigneux et confiscatoire : une combinaison létale. La situation, malheureusement, c’est ce que nous avons maintenant deux champs séparés distinctement : d’un côté le divertissement audiovisuel mondial, de l’autre le cinéma. Ils se croisent encore de temps en temps, mais ça devient de plus en plus rare. Et je crains que la domination financière de l’un est utilisée pour marginaliser et même rabaisser l’existence de l’autre" rappelle le cinéaste.

La détestation du risque

Il est inquiétant que The Irishman n'ait pas trouvé de studio et de distributeur en salles, pas même la Warner capable de signer un chèque pour n'importe quel Eastwood et un chèque en blanc pour n'importe quel Nolan. The Irishman était trop long, trop cher. Difficile à rentabiliser car , "peu importe avec qui vous faites vos films, le fait est que les écrans de la plupart des multiplexes sont occupés par les films de franchise" explique Scorsese. La "disparition du risque" et celle de l'artiste devraient nous inquiéter.

Car Disney, aussi imposant soit son succès, n'est pas à l'abri des attaques. Les récents déboires sur Star Wars - les réalisateurs de Solo évincés en plein tournage, les auteurs de Game of Thrones qui quittent le navire... -, les échecs de la Fox - X-Men notamment - et les tergiversations autour de Spider-Man - le studio, trop gourmand, a failli laisser lui échapper le super-héros pour ses franchises Marvel - montrent que le Royaume n'est pas invincible. Mais aussi que la machinerie peut se gripper au contact des artistes et des visionnaires. C'est un peu la parabole de Le Mans 66 quand les cadres dirigeants de Ford veulent imposer leur système industriel à la "start-up" ingénieuse et inventive de Carroll Shelby qui sait que, sans prise de risques et sans un pilote génial, on ne gagne pas une course. (Nota bene: le film produit par la Fox est distribué par... Disney).

A cela s'ajoute des retours dubitatifs sur certaines productions. La version en prises de vues réelles de La Belle et le Clochard (pour Disney +) n'a pas séduit la critique américaine. Et la série Le Mandalorian ne les a pas plus convaincus. Mais ces deux "produits" suffisent à séduire pour attirer des millions de foyers sur la plateforme. Et Disney produit de bons films, parmi les plus attendus chaque année. Ce désir de cinéma "populaire" n'est pas négligeable, alors que jeux vidéos et séries TV prennent de plus en plus de temps dans la consommation de produits culturels. C'est ce qui explique les synergies/convergences dans les contenus (une marque déjà connue est plus facile à vendre) et une démultiplication des supports (streaming, salles, etc...). La belle facture de La Reine des Neiges 2 le prouve encore. Le savoir-faire du groupe est indéniable et ses succès démontrent qu'il a opté pour la bonne stratégie. Pour combien de temps?

Spider-Man: Sony fait plier Marvel

Posté par vincy, le 28 septembre 2019

Plus d'un mois après le divorce entre Sony et Marvel autour de Spider-Man, la situation a été renversée, par surprise. Le super-héros, dont l'usage cinématographique est réservé à Sony (Marvel touche une petite partie des recettes en salles et la totalité des recettes de produits dérivés), va pouvoir apparaître dans les films de l'univers cinématographique Marvel de Disney.

Un accord a été trouvé. Marvel a sans doute ravalé une partie de ses ambitions (le studio voulait la moitié des recettes en salles). Selon Variety Disney/Marvel financera 25% du prochain film Spider-man (pour 25% des recettes) et le super-héros pourra revenir dans un film du MCU.

Spider-Man est l'un des rares super-héros populaires à avoir survécu aux Avengers. Et sa franchise vient tout juste de redémarrer, avec succès. Sans doute, était-il prévu que le jeune homme apparaisse encore dans le nouveau cycle Marvel, qui se lancera avec Black Widow et Les Eternels l'an prochain.

Le prochain Spider-Man sortira le 16 juillet 2021, et l’acteur Tom Holland en sera toujours son interprète. Cet accord n’empêchera pas Sony de continuer de décliner son propre univers Spider-Man, qui comprendra Venom 2, Sinister Six et Morbius.

Si Sony est largement vainqueur côté finances, Marvel réussit à imposer le producteur vedette des récents triomphes du studio, Kevin Feige, également coproducteur des deux Spider-Man de Sony.

Avec plus d’un milliard de recettes (et 200M$ de profits pour Sony), Spider-Man : Far from home, sorti en juillet, est la pépite du studio nippo-américain. Après son D23 en août, où les fans de Marvel ont clairement exprimé leur mécontentement et où Tom Holland a été accueilli comme un super-héros sacrifié, Disney a du revoir sa copie : le rapport de force n’était pas en sa faveur.

Deauville 2019: les destins inégaux des Grands prix du jury

Posté par vincy, le 14 septembre 2019

Deauville va remettre son 25e Grand prix à l'occasion de sa 45e édition. Les jurys successifs du festival du cinéma américain ont su parfois flairer des talents aujourd'hui bien installés à Hollywood - Jeff Nichols, Damien Chazelle, Chloé Zhao pour les plus récents -, couronner des films désormais cultes - Hedwig en tête de liste -, ou anticiper des gros succès publics - Dans la peau de John Malkovitch, Little Miss Sunshine, Whiplash... Surtout, pas mal de ces grands prix ont été nommés aux Oscars quelques mois plus tard. Si ce n'est pas vraiment le festival normand qui les a découverts (souvent les films passent d'abord par Sundance, Tribeca, SXSW ou même Cannes), il a contribué à la montée du buzz pour des œuvres aussi variées que Collision (Oscar du meilleur film), Maria, pleine de grâce, The Messenger, Les bêtes du sud sauvage, Whiplash etc...

Côté box office français, le résultat est plus inégal. Certains films qui ont reçu le Grand prix du jury n'ont même pas eu le droit d'une sortie en salles: c'est le cas de Case départ (What Alice Found) de A. Dean Bell (2003), The Messenger de Oren Moverman (2009), et de 99 Homes de Ramin Bahrani (2015). Cela interroge à la fois sur l'impact des festivals, aussi prestigieux soient-ils, sur la prudence des distributeurs dans un marché de plus en plus concentrés sur les importantes productions.

Pourtant à regarder les 21 films sortis en salles, il y a eu quelques destins heureux dans les salles, avec un film millionnaire, trois autres au dessus des 500000 entrées. Mais la plupart de ces films indépendant américains, qu'ils soient feel-good ou appréciés par l'élite critique ont séduit moins de 70000 spectateurs. Ce qui ne retire rien à leurs qualités. On peut aussi voir le verre à moitié plein: sans un grand prix dans un festival aussi médiatisé que Deauville, on doute que des film de Tom DiCillo, Thomas McCarthy, Jeff Nichols, Kelly Reichardt ou Ira Sachs aient attiré autant de français dans les salles. Si ce n'est pas le critère essentiel, cela reste un soutien non négligeable dans la promotion. Mieux, il y a quelques excellents films dans ce palmarès...

Car ce que l'on constate dans ce tableau - aux films très variés dans leurs styles comme dans leurs genres, avec ou sans stars - n'est pas lié à une grande époque ou un déclin éventuel. les années 2010 se portent d'ailleurs plutôt mieux que les années 1990.

Année Film Entrées
2006 Little Miss Sunshine 1129000
1999 Dans la peau de John Malkovich 717000
2014 Whiplash 640000
2005 Collision 554000
2012 Les Bêtes du sud sauvage 288000
2004 Maria, pleine de grâce 237000
1995 Ça tourne à Manhattan 235000
2008 The Visitor 230000
2011 Take Shelter 201000
2016 Brooklyn Village 117000
2017 The Rider 95000
2018 Thunder Road 77000
2010 Mother and Child 70000
2000 Girlfight 66000
2002 Long Way Home 65000
2013 Night Moves 56000
1996 En route vers Manhattan 53000
1997 Sunday 40000
1998 Et plus si affinités 40000
2001 Hedwig and the Angry Inch 37000
2007 The Dead Girl 15000

Marvel Studios perd Spider-Man

Posté par vincy, le 21 août 2019

Dans un premier temps, Marvel a annoncé sa phase IV au dernier Comic-con en juillet, avec Black Widow, Les Eternels, un nouveau Docteur Strange et un Thor au féminin, etc.... Puis Disney a révélé il y a quelques jours que les super-héros de la Fox passaient sous l'autorité de Marvel Studios. Pourtant, là c'est le plus populaire de ses super-héros qui va échapper à la galaxie Disney/Marvel.

En effet, Sony, propriétaire de Spider-Man a rejeté l'accord proposé par Disney. Par conséquent, Spider-Man n'intègrera aucun des films à venir de Marvel, et devra se concentrer sur ses nouveaux super-héros.

Ce n'est pas si affolant pour Disney, qui, avec le producteur Kevin Feige, a rendu Marvel leader du box office après son acquisition en 2009. Spider-Man n'a intégré le Marvel Cinematic Universe que depuis 2016, quand Sony a choisi Tom Holland pour succéder à Tobey Maguire et Andrew Garfield. Et, dans la phase IV, on voyait mal comment le jeune homme allait éventuellement s'intégrer aux projets confirmés. Enfin, l'absence de Spider-Man ne sera pas plus importante que celles d'Iron Man ou de Captain America.

Pour Sony, l'enjeu était différent. Les 8 films de la saga depuis le premier Sam Raimi de 2002 ont rapporté près de 6,5 milliards de dollars dans le monde. Tous les films ont récolté plus de 190M$ aux USA. Le dernier Spider-Man est le seul film du studio avec Skyfall (James Bond) a avoir cumulé plus d'un milliard de dollars dans le monde. Quant au film d'animation Spider-Man: New Generation, il a récolté un Oscar face aux Pixar en février. Autant dire que Sony ne va pas lâcher ses droits cinématographiques de si tôt.

Mais depuis 2015, Sony et Marvel ont signé un accord historique pour permettre à Spider-Man d'intégrer l'univers Marvel: il apparaît sous les traits de Tom Holland dans le dernier Captain America, les deux derniers Avengers et les deux Spider-Man de Sony ont intégré l'histoire du MCU dans la chronologie des faits. Le tout contre 5% des recettes qui vont à Marvel Studios.

Une franchise étendue chez Sony

Disney a été sans doute trop gourmand. En demandant à Sony de participer davantage au financement des futurs films de Spider-Man et de recevoir la moitié des recettes, et en voulant se mêler beaucoup plus des histoires de super-héros, le studio a froissé son concurrent, qui entend garder le contrôle de sa pépite. Sony profite aussi de l'arrêt de la saga Avengers. Disney a donc décidé brutalement de rompre le contrat en cours, en guise de "représailles".

Les deux prochains films prévus contractuellement avec le réalisateur John Watts et l'acteur Tom Holland se feront donc à l'écart de Marvel. Et Sony a d'autres projets (notamment la suite de Venom et un film sur Morbius).

Officiellement, Sony est déçu de ce désaccord public. La question est de savoir si, sans Kevin Feige aux manettes, et sans l'expertise Marvel, Spider-Man va continuer d'être aussi rentable, alors que le reboot et sa suite avec Andrew Garfield ont été décevants au box office. Sony plaide que la véritable raison est l'emploi du temps surchargé du dirigeant de Marvel Studios, qui va devoir gérer la phase IV du MCU, l'intégration de la Fox et les séries TV pour Disney +.