Le cinéma brésilien perd Nelson Pereira dos Santos (1928-2018)

Posté par vincy, le 22 avril 2018

Le cinéaste brésilien Nelson Pereira dos Santos est mort le 21 avril à l'âge de 89 ans. Né le 22 octobre 1928, il est considéré comme le père du mouvement Cinema Novo. Il a aussi été le premier réalisateur élu à l'Académie brésilienne des lettres, en 2006.

A ses débuts, il a été journaliste avant de découvrir la Cinémathèque française à Paris et de rencontrer Henri Langlois. Il tourne alors son premier court documentaire, Juventude en 1950, un portrait des jeunes communistes est-allemands. Dès 1954, avec Rio, 40 Graus, il dépeint la réalité sociale de son pays, inscrite dans une histoire mouvementée et une pauvreté omniprésente, que ce soit dans les métropoles ou les zones rurales du Nordeste. Il rompt ainsi avec un cinéma brésilien coloré, entre romances et comédies. Inspiré du néoréalisme italien, faisant la jonction avec la Nouvelle Vague française, le Cinema Novo, durant près de vingt ans, aura comme figure de proue des réalisateurs aussi prestigieux que Carlos Diegues, qui sera à Cannes le mois prochain, Ruy Guerra, et Joaquim Pedro de Andrade.

Les grands festivals européens n'ont jamais cessé de présenter son œuvre. A Cannes, il est en compétition avec Sécheresses (Vidas secas) en 1964, son film le plus emblématique d’après le roman éponyme de Graciliano Ramos. Il présentera sur la Croisette L'aliéniste en 1970, L'amulette d'Ogum (O Amuleto de Ogum) en 1974 et Mémoires de prison (Memórias do Cárcere), toujours adapté d'un roman de d’après Graciliano Ramos, et présenté en ouverture de la Quinzaine des réalisateurs en 1984. Le film obtient le prix FIPRESCI. Sa dernière visite cannoise est hors compétition avec La musique selon Antonio Carlos Jobim en 2012.

A Berlin, il est quatre fois en compétition avec Fome de Amor en 1968, Qu'il était bon, mon petit Français!, film historique aux allures de documentaires, sur les débuts de la colonisation du Brésil (1971), La boutique aux miracles (Tenda dos Milagres) (1977) et La troisième rive du fleuve (A Terceira Margem do Rio) (1994).

Il adaptait souvent des romans pour trouver ses histoires. Depuis le débit des années 200, il était retourné au documentaire. Son regard critique sur la société, parfois cruel, avec des images à la lumière crue et une caméra tenue à l'épaule, illustrait la vivacité des personnages dans un monde souvent désolé. Intellectuel et engagé (très à gauche), sa dernière fiction, Brasilia 18% (2006) explorait la corruption politique, le meurtre de témoins et le blanchiment de monnaie dans une société brésilienne pourrie. Douze ans plus tard, son sujet est toujours d'actualité. Il dénonçait les injustices et accompagnaient les mouvements de la jeunesse, oscillait entre cinéma abstrait et humour séducteur. Mariant littérature et cinéma, Nelson Pereira dos Santos était sans doute un peu utopiste...

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Cannes 70 : 2012, l’année du Brésil

Posté par cannes70, le 23 mars 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-56. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .


La Semaine de la Critique vient d'annoncer le nom du président de son jury 2017 : Kleber Mendonça Filho. Avec ses courts-métrages et son premier long, Les Bruits de Recife, il s'est rapidement imposé comme l'un des cinéastes les plus vibrants du cinéma contemporain, filmant magnifiquement son pays, avec une profondeur politique et sociale forte et un attachement à des personnages féminins qui résistent aux vicissitudes du monde qui les entoure et s'ancrent dans les lieux dans lesquels elles évoluent. Un ressenti conforté par son deuxième long-métrage, Aquarius, avec Sonia Braga, l'une des plus grandes actrices de l'Histoire du cinéma brésilien, qui trouvait là l'un de ses plus beaux rôles.

Le film est hélas reparti bredouille de la compétition officielle mais le cinéaste a de grandes chances d'être le premier à succéder à son compatriote Anselmo Duarte qui est, jusqu'à présent, le seul brésilien titulaire d'une Palme d'or avec La Parole donnée en 1962. Trois ans plus tôt, Orfeu Negro, très brésilien dans son «essence» artistique, recevait les mêmes honneurs, mais cette adaptation du mythe d'Orphée est l'oeuvre d'un cinéaste français (Marcel Camus) qui représentait la France.

L'an dernier encore, le documentaire Cinema Novo d'Eryk Rocha, dédié à ce mouvement révolutionnaire brésilien, fut présenté à Cannes Classics, recevant du jury de l'Oeil d'or le trophée du meilleur documentaire présentés lors du festival. Profitons de cette invitation à Kleber Mendonça Filho pour évoquer en premier lieu une année marquante pour le cinéma brésilien à Cannes : 2012 lorsque le Brésil fut honoré en tant que « pays invité » par la direction du festival.

Cinq générations réunies le temps d'une édition

Toutes les générations furent réunies, au moins virtuellement, durant les douze journées de cette 65e édition. Le vétéran de l'édition était l'un des plus grands et des plus vénérables représentants de ce cinéma : Nelson Pereira Dos Santos, né en 1928. Il était le co-réalisateur (avec Dora Jobim) d'un documentaire sur un autre grand nom du pays : The Music According to Antonio Carlos Jobim. La musique et les chansons de l'auteur des chansons Garota de Ipanema (alias The Girl from Ipanema) ou Desafinado et autres succès de la Bossa Nova s'enchaînaient dans un montage enlevé et brillant, avec des versions venues de tous pays dont la France (représentée par Lio et Henri Salvador!), les Etats-Unis avec Sarah Vaughan, Judy Garland, Ella Fitzgerald, Frank Sinatra, Sammy Davis Jr, Gerry Mulligan, Errol Garner ou Oscar Peterson mais bien sur du Brésil, avec Chico Buarque, Vinicius de Moraes (auteur de la pièce qui a inspiré Orfeu Negro, déjà mis en musique par Jobim) ou Carlinhos Brown. Aucune lassitude dans ce pot pourri, malgré la répétition des thèmes en de multiples versions, de la plus magique à la plus ringarde.

Évidemment, il ne s'agit pas de l'oeuvre la plus marquante de Nelson Pereira dos Santos qui a commencé à tourner au milieu des années 50 et avait déjà réalisé un autre documentaire, biographique, sur Jobim : A Luz do Tom. Il a participé à la compétition officielle à quatre reprises, avec notamment Sécheresses (Vidas Secas) en 1963, un chef d'oeuvre sur la misère dans les campagnes, inspiré par le néo-réalisme italien ou L'Aliéniste en 1970, satire politique dans laquelle tous les habitants d'une ville de bord de mer finissent par se retrouver dans un asile. Dans un entretien à l'AFP en 2012, Nelson Pereira dos Santos, déclarait : «Il est important que le cinéma aujourd'hui soit pluriel, à la différence de l'époque du Cinema Novo quand il y avait une polarisation thématique parce que nous devions combattre la dictature et montrer la réalité d'un Brésil que la censure voulait cacher».

La présentation de ce documentaire musical avait eu lieu en sa présence mais aussi en celle de ses compatriotes Karim Aïnouz (né en 1966, membre du jury Cinéfondation et courts-métrages) reconnu pour ses portraits de marginaux courageux, dont Madame Satã (Un Certain regard, 2002) et Carlos Diegues. Né en 1940, il est l'un des derniers grands noms du Cinema Novo encore en activité, présent à trois reprises en compétition officielle, notamment avec Quilombo en 1984. Il était présent cette année-là en tant que président du jury de la Caméra d'or mais aussi pour accompagner son film Xixa da Silva (1976) à Cannes Classics, section de patrimoine où l'on retrouvait aussi le documentaire Cabra Marcado para Morrer d'Eduardo Coutinho. Lire le reste de cet article »

5 raisons de ne pas aller voir Going to Brazil

Posté par redaction, le 23 mars 2017

Going to Brazil est un film signé Patrick mille, en salles depuis hier. A la vue du film, ona préféré ne pas perdre trop de temps. Le pitch est digne, comme souvent ces derniers temps, d'un article de magazine féminin, mixé avec le concept désormais très recherché du Very Bad Trip: "La folle aventure de trois copines invitées au mariage de leur meilleure amie au Brésil (hello Babysitting 2, non mais franchement on a combien d'amis qui ont les moyens de faire leur mariage au Brésil?!, ndlr). À peine arrivées à Rio, elles tuent accidentellement un jeune homme trop insistant (oh le méchant autochtone! Le harcèlement mérite-t-il une peine capitale?!, ndlr). Dès lors, tout s'emballe...!"

Bon déjà dans le dossier de presse, on avait un peu peur. Le comédien - cinéaste Patrick Mille, qu'on aime plutôt bien, se justifiait à coup de clichés: "Je voulais tourner à l’étranger, et je suis fou de Rio et du Brésil, qui me fascine depuis que je suis petit. J’aime les Brésiliens, leur musique, leur cinéma, leur Histoire, bien sûr leur football donc je suis allé trouver Dimitri Rassam, et je lui ai dit : c’est une comédie avec des filles, il leur arrive des bricoles , et c’est au Brésil. C’est comme ça que j’ai vendu mon film". Petite pensée aux scénaristes qui triment pour vendre leur belle histoire au fin fond du Cotentin.

Il choisit donc un casting sexy, plus jeune que dans la première version du script. Vanessa Guide, Alison Wheeler, Margot Bancilhon et Philippine Stindel ont l'avantage d'être très jolies, drôles, et pas chères.

Cependant, comme on vous l'a promis, on a décidé de vous dire pourquoi ce film ne mérite guère qu'on s'y attarde. On peut toujours y voir du énième degré dans certains gags ou certaines séquences: l'ensemble laisse un arrière-goût désagréable pour les 5 raisons suivantes.

1. Cette manie de mal jouer sur les clichés. Les Brésiliens aiment la chirurgie et l'Amérique du Sud est connue pour ses histoires de corruption. Le film ne va pas plus loin que ça et joue avec des stéréotypes datés en espérant que ça va rendre le scénario un peu plus crédible. Sauf qu'au final, on se dit que ça se passe certes au Brésil mais que l'histoire aurait pu être transposée n'importe où ailleurs, tant qu'il y a une plage, des jeunes gens beaux et riches et de la corruption !

2. Les personnes principaux sont des femmes mais c'est sexiste et misogyne. Le film explique que : 1) si tu te fais larguer, c'est forcément de ta faute (si tu es une femme) ; 2) pour être épanouie, il faut que tu baises et donc que tu sois baisée par un mec (le sexe lesbien n'étant apparemment pas une option) ; 3) les Françaises sont des cochonnes donc on peut tout faire avec elles, elles seront toujours partantes — même dans le cas d'un viol ; 4) si un mec te largue c'est sans doute parce que tu baisais mal ; 5) en cas de grossesse, ton corps est avant tout un réceptacle qui n'est plus tien mais appartient au père de l'enfant (surtout s'il est riche).

3. C'est souvent raciste. Oh ce racisme est légèrement et bien dissimulé. Mais nous n'avons pas manqué les multiples blagues raciales qui ne sont pas forcément drôles et les rares filles de couleur dans le film sont réduites à des rôles de pseudo militaires qui sont aussi des esclaves sexuelles.

4. La scène musicale est mal introduite, mal jouée et mal mise en scène. La bande de filles arrive dans une maison pleine de monde et leur hôte se lance dans un grand numéro de transformisme qui amène à une scène pro-partouze. Et comme si ça ne suffisait pas, le playback de la scène est absolument dégueulasse !

5. Il y a un mauvais traitement des corps. Les femmes sont nues pour signifier du désir sexuel, la nécessité de se reproduire ou d'arriver à la jouissance (du côté de l'homme) alors que les rares hommes nus le sont juste pour évoquer une forme d'état naturel, de retour à un mode de vie simple.

Mon film de l’année : Aquarius, œuvre libertaire et anti-libérale

Posté par vincy, le 26 décembre 2016

Parmi la quinzaine de films marquants cette année, c'est Aquarius, la fresque intime et politique de Kleber Mendonça Filho, qui me vient immédiatement à l'esprit. Sans doute parce qu'il allie parfaitement deux états d'esprit qui ne son pas dans l'air du temps. Un personnage principal, Clara, magnifié par une Sonia Braga impériale qu'on avait perdu depuis plusieurs années, revendiquant sa liberté de penser, de vivre, affirmant à la fois sa place conquise en tant que femme, assumant pleinement son indépendance, se désolant du conservatisme ambiant, et constatant que ses victoires du passé (sur le racisme, le sexisme, les droits fondamentaux) sont plus vulnérables qu'elle ne le croyait. Et puis il y a sa lutte, sa résistance même, contre un ordre établi, corrompu et cupide, déshumanisé et cynique. La destruction de son immeuble n'est pas qu'un symbole dans ce conflit. C'est un avertissement.

Ironiquement, l'histoire du film a croisé l'histoire du Brésil cette année avec un "coup d'état" institutionnel et une succession de démissions et de poursuites judiciaires dans le système politique, tous bords confondus. La crise évoquée dans Aquarius n'est qu'une infime représentation des symptômes qui gangrènent le développement du pays. D'ailleurs le pouvoir en place a fait pression pour qu'Aquarius ne représente pas le Brésil aux Oscars. Ces ultra-libéraux n'ont pas supporté la contestation des artistes et l'opposition des équipes du film (jusque sur les marches de Cannes) à leur hold-up sur la présidence et le gouvernement.

Mais ce qui épate avec cette épopée d'une veuve pleine de vigueur contre des promoteurs véreux est ailleurs: dans des séquences hors-limites, dans ce récit ample et multi-dimensionnel, dans cette incarnation chaleureuse d'une famille éclatée. Tel un feuilleton, d'une folle intelligence, on suit le temps qui passe, les rebondissements de cette sale affaire, entre le calme et les tempêtes, le sexe cru et le carpe diem. Mais si les répliques sont franches, si les nus sont frontaux, tout est contourné avec une mise en scène qui maîtrise parfaitement ses limites, n'allant jamais trop loin dans la critique, la satire, le mélo, le drame ou la dénonciation manichéenne. Car au bout de cette bataille, il y a la volonté de croire qu'on peut changer les choses, qu'on peut refuser le fatalisme. Le film est aussi riche dans sa complexité que son personnage est radieux dans l'adversité.

Evidemment, ce ne sera pas forcément le cas, et c'est là toute la beauté de l'immoralité. Après tout Aquarius fait l'éloge du désir, du souvenir, de la conscience, de la transmission. Mais c'est aussi un manifeste qui rappelle les points faibles de cette liberté tant aspirée dans un monde profondément chaotique où la loi du plus fort est aussi celle du plus riche, où l'ignorant, l'inconscient et l'aveugle sont soumis aux règles dictées par les puissants. Et malgré le propos sombre, l'œuvre demeure lumineuse de bout en bout. Pourtant, cet immeuble Aquarius est une utopie qu'on détruit. Mais tant qu'il y aura des Clara pour se tenir debout, danser et baiser comme elle en a envie, alors tout n'est sans doute pas perdu.

Mes autres coups de cœur : Mademoiselle et Carol pour leur esthétisme hypnotisant et le soufre immoral de leurs liaisons dangereuses, Ma vie de Courgette et Quand on a 17 ans car dans les deux cas Céline Sciamma prouve qu'elle traduit les émotions et sentiments de la jeunesse avec une justesse impressionnante, Diamant noir parce qu'il s'agit assurément du meilleur film noir de l'année, genre snobé par le cinéma francophone, Mekong Stories et L'ornithologue pour leurs audaces narratives où spiritualité, sexualité et nature s'entrelacent merveilleusement et Manchester by the Sea car il s'agit de loin du plus beau drame familial de l'année, aussi sobre et pudique que ténu et tragique.

Hector Babenco (1946-2016) en liberté dans les champs du seigneur

Posté par vincy, le 14 juillet 2016


Hector Babenco est mort à 70 ans dans la soirée du mercredi 13 juillet, à Sao Paulo (Brésil), annonce confirmée par Denise Winther, associée du cinéaste dans HB Films.

Né à Mar del Plata en Argentine le 7 février 1946, le réalisateur, scénariste et producteur brésilien a été l'une des figures de proue du cinéma latino-américain des années 1970 et 1980.

Il a commencé sa carrière en réalisant O Fabuloso Fittipaldi en 1973, documentaire sur le pilote automobile brésilien Emerson Fittipaldi. Deux ans plus tard, il réalise son premier long métrage de fiction intitulé O Rei da Noite. Son deuxième long métrage, Lucio Flavio en 1977 remporte le prix du meilleur film au Festival de Sao Paulo. Mais c'est en 1981 qu'il se fait remarquer avec un film réaliste sur un enfant abandonné et l'environnement carcéral brutal, Pixote, la loi du plus faible. Le film reçoit un Léopard d'argent à Locarno et le prix du meilleur film en langue étrangère des critiques de Los Angeles et ceux de New York. Avec ce film, le cinéaste rompt avec le cinéma Novo et inscrit le cinéma brésilien dans un registre presque documentaire, dont Walter Salles et Kleber Mendonça Filho sont les actuels héritiers. Le film est considéré comme une référence aujourd'hui.

Suite à ce succès international, il réalise Le Baiser de la femme araignée (Kiss of the Spider Woman). En compétition au Festival de Cannes, Babenco sera aussi le premier cinéaste latino-américain nommé à l'Oscar du meilleur réalisateur. Adaptation du roman éponyme de Manuel Puig, le huis-clos dans une cellule en pleine période de la dictature en Argentine se focalise sur Molina, un étalagiste homosexuel arrêté pour détournement de mineurs, évoque chaque soir de vieux films romantiques à son compagnon d'infortune, Valentin, un prisonnier politique. A la manière d'un Borges en littérature, Babenco évade ses "prisonniers" grâce à un univers fantasmagorique. Le film vaut à William Hurt l'Oscar du meilleur acteur et le Prix d'interprétation masculine au Festival de Cannes mais aussi à Sonia Braga (récemment à Cannes pour Aquarius) une reconnaissance internationale et Raul Julia. Ce drame à la fois intime et allégorique est sans aucun doute son chef d'œuvre tant il synthétise toutes ses obsessions: la souffrance des minorités, l'étouffement des déviants et rebelles, l'humanité qui transcende l'animosité.

Il enchaîne avec un film hollywoodien, Ironweed, histoire d'un couple de SDF - lui alcoolique, elle en phase terminale, qui vaudra à Jack Nicholson et Meryl Streep, une nomination aux Oscars chacun. Puis tourne En liberté dans les champs du seigneur, qui met en scène le conflit entre les Indiens d'Amazonie et "l'homme blanc", toujours avec un casting américain. Il revient en Amérique du sud avec Cœur allumé, flirtant toujours entre aspiration artistique, folie et huis-clos. Babenco aimait opposer la liberté individuelle, celle qui est dans nos têtes, à des systèmes concentrationnaires ou tyranniques. C'est ainsi qu'en 2003, il revient en compétition à Cannes avec Carandiru, prison gigantesque brésilienne où un médecin décide de mener un programme de prévention contre le sida. Le propos est humaniste mais le lieu n'est pas anodin puisque cette prison a réellement vécu l'un des pires massacres en centre pénitencier (111 morts). Le film emporte la plupart des grands prix du continent sud-américain dans différents festivals.

Par la suite, il ne réalise que deux films, El pasado en 2007, avec Gael Garcia Bernal, inédit en France malgré une sélection à Toronto, et My Hindu Friend, l'an dernier, avec Willem Dafoe.

Hector Babenco fut aussi membre du jury du Festival de Cannes en 1989 et de la Mostra de Venise en 1998.
Filmographie

Cannes 2016: Cinema Novo remporte le Prix de L’Oeil d’or du meilleur documentaire

Posté par vincy, le 21 mai 2016

Le 2e prix de l'Œil d’or, qui récompense le meilleur documentaire toutes sélections confondues, a été décerné à Cinema Novo du brésilien Eryk Rocha. Présenté à Cannes Classics, ce film-essai explore poétiquement le mouvement le plus important de l'Amérique latine au cinéma, à travers les pensées de ses principaux auteurs: Nelson Pereira dos Santos, Glauber Rocha, Leon Hirszman, Joaquim Pedro de Andrade, Ruy Guerra, Walter Lima Jr., Paulo César Saraceni, entre autres. L'an dernier, c'était un film chilien, Allende, mi abuelo Allende (Au-delà d'Allende, mon grand-père), qui avait remporté le prix. 17 documentaires étaient sélectionnés cette année.

L'Œil d’or a aussi décerné une mention spéciale à The Cinema Travelers (Inde), de Shirley Abraham et Amit Madheshiya, et également présenté à Cannes Classic. Une fois par an, les cinémas itinérants apportent la magie des films jusque dans les villages reculés de l’Inde. Sept décennies plus tard, tandis que leurs camions et leurs projecteurs tombent en ruine et que les bobines de films se font rare, leur public a été détourné par une technologie numérique enjôleuse. Filmé sur cinq années, Les Cinémas voyageurs accompagnent un exploitant astucieux, un forain bienfaisant et un réparateur de projecteurs non-conformiste, qui portent un magnifique fardeau – continuer de faire marcher les derniers cinémas itinérants au monde.

L’Œil d’or - Le Prix du documentaire a été créé en 2015 par la Scam avec la complicité du Festival de Cannes et en partenariat avec l’Ina.

Cannes 2016: Qui est Kleber Mendonça Filho?

Posté par vincy, le 19 mai 2016

Observateur de la société brésilienne, et notamment de la classe moyenne, passionné de foot mais néanmoins très critiques vis-à-vis des événements sportifs internationaux organisés dans son pays, Kleber Mendonça Filho est aussi un touche à tout: critique de cinéma, ingénieur du son, journaliste, programmateur, documentariste et bien entendu cinéaste. Né en 1968 à Récife, dans le "Nordeste" du pays, il a vécu au Royaume Uni durant son adolescence. A 43 ans, il cesse de se disperser et décide de réaliser enfin un film, Les Bruits de Récife, qui sort en 2012, et qui récolte une dizaine de prix.

Il s'était fait la main sur des documentaires et des courts expérimentaux, travaillant sur plusieurs supports techniques. Son cinéma social cherche à restituer une réalité brésilienne souvent éloignée des clichés.
Chez lui les démons du Brésil ne sont jamais loin et la tension est aussi sociale que psychologique. De la même manière, il rejette un formatage de l'image et s'attache à créer un style propre à sa culture. Fondamentalement engagé, Kleber Mendonça Filho revendique son identité brésilienne et rejette le système incestueux des médias et des grandes fortunes de son pays. Avec son épouse, il a créé la société de production Cinemascopio, qui lui permet d'accompagner ses projets en toute indépendance. Avec Cinemascópio, l'objectif est de produire aussi les films des autres, amis ou confrères, qui partagent le même point de vue.

Grand défenseur du court métrage, il vient cependant de terminer un deuxième long, Aquarius, en compétition au Festival de Cannes, où une retraitée lutte contre des promoteurs immobiliers pour conserver son appartement dans une vieille résidence des années 1940. Il aussitôt enchainer avec la préparation de Bacurau, co-réalisé avec Juliano Dornelles, son chef décorateur.

Plutôt du côté de Dilma Rousseff, nul ne doute que son cinéma sera aussi vu sous l'angle politique, lui qui oppose si bien un urbanisme dévorant à un individu enfermé, un consumérisme tentant à une tentation violente, une société qui n'en a pas finit avec l'esclavagisme à l'horreur économique aux allures kafkaiennes.

Cannes 2016: Nos retrouvailles avec Sonia Braga

Posté par vincy, le 17 mai 2016

Pour ceux qui n'étaient pas nés, Sonia Braga, 65 ans, a été révélée au public français dans un soap brésilien, Dancin' Days, diffusé aux débuts de Canal +, au milieu des années 80. Lorsque l'actrice a tourné ce feuilleton, elle avait déjà dix bonnes années de carrière cathodique. Son nom s'était déjà imposée parmi les vedettes latino-américaines après la telenovela Gabriela (1975). Le cinéma s'était alors très vite intéressé à cette jeune femme, longiligne, aux allures de divas, et très talentueuse. Ainsi, en 1976, elle est l'héroïne de Dona Flor et ses deux maris, de Bruno Barreto. Film érotique censuré, ce fut un énorme succès au Brésil. Mais c'est en 1985 que Sonia Braga va se faire connaître d'un public international avec Le baiser de la femme araignée d'Hector Babenco. Film politique sulfureux, ce Baiser est en compétition au Festival de Cannes et vaut à Sonia Braga une nomination aux Golden Globes américains. L'année suivante elle est même invitée à être membre du jury du festival de Cannes. Femme fatale, elle séduit Hollywood (jusqu'à faire la couverture de Playboy tout de même) et devient l'une des rares actrices de son pays à exporter son talent chez les Gringos.

Ainsi on la retrouve dans Milagro de Robert Redford, Pleine lune sur Parador de Paul Mazursky (et deuxième nomination aux Golden Globes), La Relève de Clint Eastwood, et même quelques téléfilms pour la télévision américaine (dont The Burning Season de John Frankenheimer, qui lui vaut une nouvelle nomination aux Golden Globes). Durant presque dix ans, Sonia Braga ne tourne plus qu'aux Etats-Unis.

Hélas, au début des années 2000, elle se perd et nous la perdons de vue. On peut bien la croiser dans un épisode de Sex and the City, de Law and Order, des Experts: Miami ou d'Alias, le début de millénaire est fait d'apparitions, de seconds rôles, de séries B ou de films oubliés. Après une carrière flamboyante, la Braga s'éteint à petits feux. Elle commence à être honorée pour sa carrière, qui est loin derrière elle désormais. Sa volupté et sa séduction s'étiolent et n'attirent plus les cinéastes. Pourtant, elle-même l'avoue, sa beauté n'a jamais été un argument. Elle était "la moche" du cinéma brésilien" selon elle. Capable de perdre dix kilos pour obtenir le rôle de Titea do Agreste de Carlos Diegues (qu'elle a produit). Car, avouons-le, Sonia Braga est restée sexy, ne lui en déplaise. Et la revoir sur la Croisette, en compétition, avec le deuxième long métrage, Aquarius, d'un réalisateur de la nouvelle génération du cinéma brésilien, Kleber Mendonça Filho - nous ravit. Un rôle "moderne", réaliste, loin de l'image qu'elle a véhiculé tout au long de ses années.

Bilan 2015: 106 millions d’entrées dans le monde pour le cinéma français

Posté par vincy, le 18 janvier 2016

"Pour la 3e fois en seulement 4 ans, les films français franchissent le seuil des 100 millions de spectateurs à l’international. Avec 106 millions d’entrées et 600 millions d’euros de recettes dans les salles étrangères, le cinéma français célèbre en 2015 sa 3e meilleure année hors de ses frontières depuis plus de 20 ans" annonce Unifrance en guise de bilan annuel pour l'exportation des films produits majoritairement en France. Mais pas forcément en langue française. 42,6 millions de ces entrées à l'international concernent des films en langue française (un bond de 22% tout de même en un an).

Toujours plus d'entrées à l'international qu'en France

106 millions d'entrées soit 600 millions d'euros de recettes (soit une baisse de 12% par rapport à 2015), c'est un double exploit quand on compare avec les 72,5 millions d'entrées pour les films français en France. Notons que les films d'animation représentent 20% des entrées internationales.

En 2015, 515 films français ont été exploités dans les salles étrangères. Il y a désormais plus d'entrées à l'étranger qu'en France et ce pour la deuxième année consécutive. C'est aussi le troisième meilleur score en 20 ans. L'Asie devient la première zone d’exportation des films français en 2015, devant l’Europe occidentale et l'Amérique latine (avec 22,3 millions d’entrées) a dépassé l'Amérique du nord.

Isabelle Giordano, directrice générale d’UniFrance, se félicite de ces bons scores: "Ces bons résultats à l’international confortent notre place de deuxième exportateur mondial et sont la preuve que notre écosystème est efficace et que cela vaut la peine de valoriser la diversité de nos talents. Les films français sont les seuls à être ainsi appréciés aussi bien sur les marchés internationaux que dans les grands festivals."

L'animation en force

Trois films d'animation se sont classés parmi les dix films les plus vus à l'étranger: Le Petit Prince, Astérix le domaine des dieux et Mune, le gardien de la lune ont séduit aussi bien des spectateurs européens, chinois, brésiliens, mexicain que russes. C'est une année record pour le genre, même si les films d'animation d'auteur ont eu plus de difficultés à s'imposer. "En 2e place du classement annuel, avec 15 millions d’entrées, Le Petit Prince devient le plus grand succès d’animation française à l’international depuis 20 ans" rappelle Unifrance.

Leader toutes catégories, une production Luc Besson une fois de plus, qui succède à Lucy (vainqueur 2014 par K.O.). Le 3e volet de la saga Taken attire à lui seul 40% des spectateurs de productions françaises sur la période: 44 millions de spectateurs dont 10,7 millions aux Etats-Unis et au Canada anglophone et 5,4 millions en Chine et un million d'entrée dans 10 pays différents.
Suivent Le Petit Prince (15 millions avec des records historiques au Brésil et au Mexique) et Le Transporteur - Héritage (10 millions dont 4 millions en Chine et 2 millions aux États-Unis et au Canada anglophone), soit trois films en langue anglaise. C'est donc la comédie La Famille Bélier (devant la continuation de la carrière historique de Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ?, près de 10 millions de spectateurs étrangers au total), qui remporte la palme du film francophone le plus vu dans le monde en 2015.

La Famille Bélier (3,5 millions) a établit un record de fréquentation pour un film en langue française en Colombie (537 000 entrées), détrônant Intouchables, en plus de séduire 500 000 spectateurs en Italie, 430 000 en Allemagne, 380 000 en Espagne ou encore 150 000 au Québec.

Grand succès francophone de l’année 2014 (3,9 millions d’entrées en Allemagne notamment), Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? est le leader français en Espagne en 2015, avec 830 000 entrées supplémentaires pour 1,3 million d’entrées cumulées.

Pour la première fois, l’Asie devient la première zone d’exportation des films français en 2015. Avec 28,9 millions d’entrées, la zone capte plus d'une entrée sur quatre du cinéma français sur la période. Autre fait historique, la Chine se place au même niveau que les États-Unis et le Canada anglophone en attirant près de 15 millions de spectateurs en 2015. 3,5 millions de Japonais et 2,2 millions de Coréens se sont rendus en salles pour voir des films français en 2015.

Avec 25,6 millions de spectateurs, l’Europe occidentale repasse donc au 2e rang des zones d’exportation du cinéma hexagonal en 2015, avec deux points noirs: une année plutôt timide en Allemagne (4,7 millions d’entrées) et une situation toujours alarmante au Royaume-Uni. L’Italie est le seul pays européen à se hisser dans le top 5 de l’année, avec 5,2 millions de spectateurs. Cependant, l’Europe occidentale est, cette année, avec l’Europe centrale et orientale, la zone la plus favorable aux films en langue française, avec près de 60% des spectateurs recensés pour ces films.

Avec 22,3 millions d’entrées, 2015 marque une année charnière pour le cinéma français en Amérique latine, qui dépasse ainsi l'Amérique du nord. Le cinéma français y réalise des records de fréquentation au Mexique (9,4 millions d’entrées / +76% par rapport à 2014), au Brésil (5,3 millions / +44%) et en Colombie (2,4 millions / +116%), les 2 premiers accédant ainsi au top 5 de l’année devant l’Italie.

Enfin, l’Amérique du Nord passe en quatrième position des zones d’exportation des films français en 2015, faute de succès écrasants au box office, à l’image de Lucy l’année précédente. Le cinéma français subit surtout la désaffection globale du public nord-américain pour les films en langue étrangère et les films art et essai (lire aussi le bilan 2015 du box office en Amérique du nord). Sils Maria, Timbuktu ou encore Le Sel de la terre sont des exceptions.
Au Québec, la fréquentation avoisine les 900 000 entrées, dont près de 200 000 pour Astérix le domaine des dieux, le plus grand succès de langue française depuis Intouchables. Là encore, pas de quoi se réjouir dans un marché qui devrait être "acquis" au films en langue française.

Le Petit Prince cartonne dans le monde, du Brésil à la Chine

Posté par vincy, le 17 octobre 2015


Le Petit Prince n'a certes pas été un immense succès en France avec 1,8 million de spectateurs. On est loin des 3 millions de spectateurs d'Astérix et le Domaine des dieux, carton de l'animation française l'an dernier ou de Pourquoi j'ai pas mangé mon père avec ses 2,4 millions de spectateurs. Et très loin des scores des productions hollywoodiennes comme Les Minions (6,4 millions d'entrées), Vice-Versa (4,3 millions d'entrées), ou Les pingouins de Madagascar (2,4 millions d'entrées).

Pourtant le film de Mark Osborne cartonne à l'étranger. Déjà sorti dans huit pays, le film a attiré, selon les données d'Unifrance, 3,2 millions de spectateurs. Soit 12,36 millions d'euros de recettes. C'est le 3e plus grand succès en 20 ans pour une production majoritairement française dans le secteur animé, derrière Arthur et les Minimoys et Igor. L'an dernier, Minuscule avait séduit 2,2 millions de spectateurs à l'étranger. Mune, le gardien de la lune, sorti à l'étranger avant la France, a déjà attiré 1,5 million de spectateurs à l'international et Astérix et le Domaine des Dieux frôle les 3 millions.

Au Brésil, Le petit Prince a battu le record d'entrées pour un film français, tous genres confondus, avec 1,8 million de spectateurs (plus que Lucy!). Il a aussi réalisé de très bons chiffres en Pologne, en Turquie et en Argentine.

Le film est sorti en Chine hier, vendredi 16 octobre. Il est déjà 3e du box office avec sur près de 1300 écrans.

Le 6 novembre ce sera au tour du Mexique, le 21 novembre du Japon, le 3 décembre de l'Italie, le 10 décembre de l'Allemagne, le 11 septembre de l'Espagne et le 24 décembre de la Russie.