Quel cirque ! Un programme d’animation enchanteur et insolite

Posté par MpM, le 11 octobre 2017

Ce n'est pas encore Noël, et pourtant Malavida nous gâte au-delà du raisonnable cette semaine avec Quel cirque !, un programme enchanteur de trois courts métrages réunis autour du thème du cirque, et issus de la grande école d'animation tchèque de la seconde moitié du XXe siècle.

Formant un ensemble cohérent, les trois films sont véritablement à destination de tous les publics, à partir de trois ans, et tellement captivants, voire émouvants, que des spectateurs adultes peuvent y aller sans hésiter, même s'ils n'ont pas d'enfants à accompagner.

Le premier film, Le petit parapluie, est réalisé par Bretislav Pojar en 1957. Cet animateur tchèque collaborateur de Jirí Trnka est connu pour sa virtuosité technique. Il a été récompensé à plusieurs reprises à Cannes (prix du film de marionnettes pour Un verre de trop en 1953, grand prix du court métrage pour Balablok en 1973 et prix du jury animation - court métrage pour Boom en 1979). Le petit parapluie, également sélectionné à Cannes en 1957, met en scène un personnage connu du grand public tchèque, Ole ferme l’œil, conçu par Trnka pour ses illustrations des Contes d’Andersen. Il est ici détourné de sa fonction première (aider les enfants à s'endormir) pour se transformer en une sorte de Monsieur Loyal facétieux et tout-puissant qui donne vie aux jouets de la maison et leur intime de se livrer à des numéros de cirque.

On est évidemment frappé par la poésie et la délicatesse de l'animation, notamment lorsque le personnage crée un Pierrot fait de bulles aériennes qui s’anime soudain, ou que des dragons de papier deviennent de terribles fauves à dompter. C'est ainsi tout un monde onirique qui apparaît ainsi sous nos yeux, le temps d'une unique représentation, magnifié par le travail de précision de Pojar, qui anime les marionnettes devant la caméra à l'aide d’une tringle, d’une gaine, d’une tige ou de fils en nylon translucides (l'un d'entre eux apparaît fugacement dans une scène) et combine ce premier plan avec une animation à plat et des ombres en arrière-plan.

Deux cœurs en piste de Zdenek Ostrcil est à la fois le film le plus récent du programme (1983), et le seul à ne pas être réalisé en volume. Le cinéaste, qui fut un proche collaborateur à la fois de Karel Zeman et de Hermina Tyrlova, choisit ici une animation image par image, en plans fixes, qui joue sur les échelles de plans pour donner un sentiment de dynamisme à l'action.

Très découpé, utilisant le montage alterné et les plans de coupe, le film raconte avec humour et légèreté une histoire d'amour contrariée entre l'acrobate et le clown du cirque. Plein de gags visuels, tournant en ridicule le "méchant" du récit, un monsieur Loyal fantoche à souhait, c'est clairement le film le plus comique du programme, ode à irrévérence, à la liberté d'esprit et à l'insouciance.

Enfin, Monsieur Prokouk acrobate de Karel Zeman et Zdenek Rozkopal reprend un personnage créé par Zeman en 1946 pour une série de films éducatifs dans lesquels il « découvre » qu’il est bon de modérer sa consommation d’alcool, de recycler ou de faire des économies. Il est donc surprenant, et par avance réjouissant pour le public, de le retrouver en acrobate dans un cirque itinérant. D'autant que Monsieur Propouk s'avère tout à fait à son aise dans cet univers où il présente un numéro époustouflant de patinage en duo avec un lion...

Dès la séquence d'ouverture, une parade d'embarcations toutes plus décalées les unes que les autres, on pénètre dans un monde insolite et humoristique qui mêle les prouesses visuelles à une très grande fantaisie. Les situations cocasses se succèdent, et détournent les attentes du spectateur : le lion danse avec la tête de son partenaire dans la gueule, il mange avec un couteau et une fourchette, le clown jongle avec un piano... La fin délivre malgré tout un message éducatif (afin de rester fidèle au personnage) qui passe d'autant mieux qu'il est distillé avec une bonne dose de second degré, à l'image du film lui-même. L'animation est évidemment remarquable, si fluide et naturelle qu'elle laisse totalement la place aux clins d’œil visuels et aux facéties du scénario.

C'est déjà une chance énorme que de pouvoir (re)découvrir ces chefs d'oeuvre de l'animation tchèque sur grand écran, mais en plus, un très beau dossier pédagogique permet de travailler sur les différents niveaux de lecture des films avec les plus jeunes, leur présentant à la fois des jeux et des informations pour mieux comprendre le principe du cinéma d'animation et, par extension, apprendre à lire et analyser l'image animée. Une occasion incontournable d'initier les jeunes cinéphiles au langage cinématographique tout en découvrant la féerie enchantée d'un monde du cirque, magnifié et même réinventé avec une fantaisie qui n'a rien perdu de son acuité.

Bretislav Pojar (1923-2012) : L’ours et les oursons en deuil

Posté par vincy, le 13 octobre 2012

Bretislav Pojar, réalisateur de films d'animations tchèque connu pour ses films de marionnettes, est mort vendredi 12 octobre à Prague, cinq jours après son 89e anniversaire, selon l'agence CTK. Il avait réalisé la séquence du rêve dans L'Ours de Jean-Jacques Annaud.

Né le 7 octobre 1923 à Susice, il entre au studio d'animation tchèque "Bratri v Triku" dirigé par le marionnettiste, cinéaste, illustrateur et peintre Jiri Trnka (1912-1969).

Il commence à réaliser ses propres films au début des années 50 avec Une chaumière en pain d’épices. Un verre de trop en 1954 reçoit une mention au Festival de Cannes, où il sera également récompensé en 1972 (meilleur court métrage pour Balablok) et en 1979 (prix du jury du court métrage pour Bum).

Auparavant il avait remporté le grand prix à Annecy en 1960 avec Le Lion et la Chanson. Berlin lui avait également décerné le prix du meilleur court métrage pour Pyschocratie en 1969.

Bretislav Pojar avait fait une incursion dans le long métrage avec Les Aventures dans la baie d’or (1955). Ses plus grands succès restent le cycle des Oursons (en France, les courts ont été compilés sous le titre de Monsieur et Monsieur).

Il a longtemps travaillé au Canada avant de revenir dans son pays. Auteur de 70 films d'animation, il a reçu à Karlovy-Vary en 2007 un Globe de cristal pour sa contribution artistique exceptionnelle au cinéma mondial.