Rhapsodie de Raoul Ruiz

Posté par Morgane, le 28 février 2008

Pour la dernière soirée du festival du documentaire chilien, c’est l’œuvre de Raoul Ruiz, Cofralandes (Rhapsodie chilienne), qui est projetée au cinéma Le Latina.

Raoul Ruiz, à travers ce film qui ne ressemble à aucun autre, se promène, et nous entraîne avec lui, à travers le Chili, ce pays du bout du monde. A la frontière entre le documentaire et la fiction, le réalisateur joue énormément avec la mise en scène et l’absurde. Son film s’ouvre sur une manifestation de pères Noël jurant protection à leurs barbes blanches. Puis un défilé de cafetiers survient, suivi de près par deux cortèges, l’un de portes et l’autre d’aveugles. Etrange tout cela, non ? Un homme téléphone avec sa télécommande, des visages sont cachés, un petit train traverse maisons et jardins et des publicités où il est inscrit "tenemos que hablar – Dios" sur fond noir sont placardées dans les rues. Les situations qui paraissent insensées se poursuivent entre elles. Les images s’imbriquent les unes dans les autres, l’une chassant peu à peu l’autre.

A travers ce film où les souvenirs défilent sur fond de poèmes populaires, chansons classiques du Chili, chants d’oiseaux mais aussi voix, comme celle de Pinochet lorsqu’il attaque le palais de la Moneda, Raoul Ruiz nous montre à voir un pays, son pays. Il nous propose ses différents visages, ses secrets, ses recoins. Son jeu où l’absurde se mêle à des situations du quotidien donne naissance à des situations des plus cocasses mais rend aussi le documentaire difficilement compréhensible. Toutes ces images qui se succèdent semblent accessibles uniquement aux Chiliens ou aux grands passionnés de ce pays. Dommage, les secrets du Chili ne seront révélés qu’à un public averti et connaisseur.

Un documentaire pas comme les autres

Posté par Morgane, le 25 février 2008

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Dans Ningun Lugar en Ninguna Parte, José Luis Torres Leiva ouvre grand les portes de Valparaiso. Le réalisateur, qui présente ici sa première œuvre, porte un regard très particulier sur cette ville qui ne parait ne ressembler à aucune autre.

Avec ce documentaire des plus original, sans paroles ni témoignages, le spectateur devient alors simple observateur, errant dans les rues de Valparaiso au milieu de ses habitants. La caméra, souvent posée au coin d’une rue, regarde passer les gens. Des gros plans sur des visages quasi immobiles laissent place à des photos en noir et blanc. Des rues vides succèdent à des scènes pleines de vie mais sans aucune parole distincte. Un barbier, une fac, un terrain vague ; mais la rue reste le théâtre principal de ce documentaire dans lequel déambuler semble être le principal mot d’ordre.

José Luis Torres Leiva filme le quotidien d’une manière qui surprend car sa manière est très simple. Sans discours, il fait vivre cette ville, lui rend son âme. Les scènes de tous les jours deviennent alors cocasses du fait que l’on s’y attarde un peu trop. La musique devient un personnage à part entière avec laquelle le réalisateur joue comme au temps du cinéma muet.

Documentaire très contemplatif, Ningun Lugar en Ninguna Parte déconcerte au début et enchante par la suite. Une belle, mais trop rare, façon de parler d’un lieu…

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Interview avec le cinéaste

La mémoire qui se souvient

Posté par Morgane, le 22 février 2008

Le titre de ce documentaire parle de lui-même. La mama de mi abuela lo conto a mi abuela, traduisez, la mère de ma grand-mère l’a raconté à ma grand-mère. Dans ce film, il est question de mémoire, celle qui passe et se transmet de génération en génération. Celle que la compagnie de théâtre Camino tente de réveiller au sein de Villa Alegre, village situé à 300km de Santiago, perdu entre vignes et collines.

Le projet de cette compagnie de théâtre est le suivant : monter un spectacle avec l’aide des villageois comme sources de l’histoire, mais aussi acteurs de celle-ci. Tous sont alors conviés à confier les secrets de Villa Alegre. Nombreuses légendes refont surface. Ainsi, le diable qui vole l’âme côtoie la boulangère jetée dans son four et la légende du taureau aux cornes d’or et à la queue argentée vivant dans un nuage de brouillard. D’autres, en revanche, s’attardent plutôt sur la réalité, leur réalité, leurs conditions de vie, leur exploitation par les grands propriétaires et leur abandon par le gouvernement actuel.

La caméra suit le parcours de chacun dans les dédales de sa mémoire. Après le spectacle, chaque villageois revient sur cette expérience pas comme les autres. Le film avance, se déroule suivant un fil pas toujours très clair. Le documentaire tombe parfois dans un style un peu brouillon, mais le film n’en ressort que plus humain.

Le Cas Pinochet

Posté par Morgane, le 22 février 2008

Avec ce film, le thème de la dictature revient en force. Patricio Guzman se penche sur Le Cas Pinochet (réalisé en 2004), sur cette période noire de l’histoire chilienne qui n’appartient pas seulement au passé. Le pays semble avoir beaucoup de difficultés à accepter, à regarder la réalité en face. Réalité très dure que relatent certaines victimes de la dictature dans le film. Victimes de la torture, familles de personnes « disparues », elles ont toutes cette dignité au fond des yeux et leur vengeance est d’ « être encore en vie » et de s’être relevées.

Patricio Guzman leur a donné la parole, mais pas uniquement à eux. Il a aussi laissé s’exprimer la justice espagnole et anglaise, juges et avocats, ainsi que des amis et proches du général Pinochet. Les différents points de vue sont exprimés même si l’on est conscient devant ce documentaire que la caméra penche plus d’un côté que de l’autre. Le long et lent processus de la machine judiciaire est à l’image du travail de mémoire. Ce dernier est nécessaire pour avancer, aller de l’avant et créer un avenir. Le film révolte, choque. Il ne cherche pas à tirer la larme. Au contraire, il tend à faire réfléchir sur l’état du monde, son fonctionnement et notamment sa grande absurdité.

Un film coup de poing qui frappe juste.

C’est parti pour une grande semaine chilienne !!!

Posté par Morgane, le 20 février 2008

19 février, le cinéma Le Latina ouvre ses portes à la 2ème édition du festival du documentaire chilien dont la sélection est signée Patricio Guzman. Cette année, trois D donnent le ton : Documentaire, Dictature, Démocratie.

Le travail de mémoire annoncé commence dès l’ouverture du festival sur un air révolutionnaire avec le film Actores Secundarios de Pachi Bustos et Jorge Leiva. Malgré un mode télévisé où les images se succèdent sur un rythme effréné et où la musique prend parfois trop de place, ce petit bijou reste exceptionnel de par son propos, notamment son travail de mémoire sur la culture politique. Le film revient dans les années 80, sur les traces de ces jeunes lycéens (qui étaient pour certains à peine plus âgés de 12 ans) qui ont contribué « à la chute de la dictature ». Cette génération s’est « appropriée la rue toute seule » sur fond de slogans tels que Seguridad para estudiar, Libertad para vivir.

Les réalisateurs ont retrouvé certains acteurs de cette époque qui reviennent avec beaucoup d’humour sur une période qui fut très dure. On regarde ces personnages se regarder eux-mêmes 20 ans auparavant, revenir sur les pas de leurs mémoires. Certains d’entre eux gardent un goût amer, d’autres, au contraire, ont continué la lutte et sont fiers d’appartenir à cette génération. Ils ont en tout cas tous un point commun : un grand recul sur la politique actuelle et leur propre engagement.