L’instant zappette: Dear Black people, arrêtez de mourir dans les séries!

Posté par wyzman, le 30 août 2015

*Si vous n'aimez pas les spoilers, ne lisez pas les lignes qui suivent !* L’événement de la semaine passée était sans aucun doute le lancement de Fear The Walking Dead, le spin-off en forme de prequel de la série que l'on ne présente plus : The Walking Dead. Également diffusée sur AMC le dimanche soir, la nouvelle série en chantier a réussi son lancement puisqu'ils étaient pas moins de 10,1 millions d'Américains à suivre ce qui va être une véritable hécatombe. Si aujourd'hui, nous sommes amenés à vous parler de ce pilote, ce n'est pas pour sa qualité (relative) ou pour vous donner de multiples raisons de regarder la série mais pour évoquer l'un de ses désagréments : le traitement des personnages noirs.

Annoncée et teasée depuis des mois, Fear The Walking Dead a la particularité d'être portée par des acteurs d'origines ethniques diverses style United Colors of Benetton. La série suit en effet les péripéties d'une famille recomposée. Nick et Alicia sont les enfants (blancs) de Madison. Celle-ci est en ménage avec Travis, lui-même incarné par l'acteur néo-zélandais et de couleur Cliff Curtis. Travis a déjà eu un enfant, Chris, avec Liza, une hispanique. Le meilleur ami de Nick, Calvin, est un jeune Afro-Américain. Idem pour Matt, le petit copain d'Alicia. De la diversité, en veux-tu en voilà ! Malheureusement, si producteurs et scénaristes tenaient ici le bon bout, ils se sont littéralement vautrés au moment d'écrire les prémisses de ce qui va être un bain de sang. Explications.

Dans ce genre d'exercice (le pilote d'une série d'horreur), il est évident qu'il faut un, voire plusieurs morts. Dans Fear The Walking Dead, Calvin, l'ami de Nick, s'avère être son dealer et donc le responsable de son bad trip de la veille. Et un cliché, un ! Plus encore, après une altercation qui mène à la mort de Calvin, celui-ci se retrouve transformé en zombie. Ne nous demandez pas où est la logique, nous nous posons également la question. Mais peu importe ! Transformé, Calvin s'attaque à la mère de Nick avant d'être écrasé par le pick-up familial à de multiples reprises. Et le pilote s'achève sur Calvin, bien amoché, mais encore prêt pour un autre round. Quant à Matt, le petit copain noir d'Alicia, il lui fait faux bond lors d'un rencard et, Fear The Walking Dead oblige, nous supposons qu'il lui est arrivé quelque chose de grave. Comprenez une attaque de zombie.

Questions : pourquoi toujours commencer par sacrifier le personnage noir ? Est-il plus facilement dispensable qu'un autre personnage ? Sa mort est-elle moins signifiante et plus appropriée au moment de lancer une série ? Nous posons la question. Et visiblement, nous ne sommes pas les seuls. Forbes s'amuse déjà à dire que, dans la mesure où le principal du lycée d'Alicia est également un Afro-Américain, on pouvait s'attendre à ce qu'il soit tué et/ou transformé dès le pilote. En face, HitFix fait le parallèle avec The Walking Dead qui, depuis ses débuts, a pris la mauvaise habitude de donner aux personnages Afro-Américains des "storyline minimes juste avant qu'ils ne soient amenés à mourir". Et là, le doute s'empare de nous. L'action de Fear The Walking Dead se situe à Los Angeles, une ville qui compte 4 millions d'habitants intra-muros dont seulement 10% de Noirs. S'il ne fait aucun doute que la série montrera des personnages noirs succomber (ne nous leurrons pas), les scénaristes ne sont pas pour autant allés piocher dans les 49% d'Hispaniques présents à Los Angeles lors du recensement de 2010.

Si la série veut s'affranchir de The Walking Dead, elle a tout intérêt à faire preuve de plus de réalisme ! Hors de toute volonté de politiser son propos, il s'agit d'un simple conseil. Dans Fear The Walking Dead, il n'est pas question de forêts et de bois ou encore de champs mais d'une métropole connue pour sa diversité et son incroyable tolérance. Après la déception Scream (MTV), l'adaptation télé qui s'est débarrassée dans cet ordre de la rousse, la lesbienne et l'Asiatique - faute d'avoir de personnage noir -, il semble qu'aucune nouveauté de cet été ne soit en mesure de lier tension dramatique et bonne représentation de la diversité. Dans la saga cinématographique, il aura tout de même fallu attendre le second volet pour qu'un personnage Afro-Américain apparaisse clairement à l'écran - et décède.

Même UnREAL (Lifetime), drame phénoménal sur les coulisses d'une émission de télé-réalité, n'a pu s'empêcher de faire passer les hispaniques pour des filles exotiques et faciles et les noires pour des aimants à embrouilles vulgaires. Diffusées sur des chaînes du câble, ces trois séries (Fear The Walking Dead, Scream et UnREAL) ne font que confirmer ce que l'on pensait déjà : la diversité se trouve désormais sur les grands networks, dans les œuvres de Oprah Winfrey, Shonda Rhimes et Lee Daniels ou encore Justin Simien (Dear White People) ! Un comble.

Droit de passage : le rêve américain a un prix.

Posté par kristofy, le 3 août 2010

 droit de passage crossing over harrison fordL’histoire : Les États-Unis sont une terre d'espoir pour des milliers d'émigrés de toutes origines. Mais l'espoir a un prix. Certains obtiendront un droit de séjour et se feront naturaliser au terme d'un long processus bureaucratique ; d'autres attendront vainement d'être régularisés dans ce pays où tout est à vendre. La prostitution, la violence et la trahison deviendront leur monnaie d'échange, leur ultime recours. Autant de cas difficiles, de combats incertains, qui reflètent les challenges de l'Amérique. Autant de conflits, mais aussi autant d'espoirs et de rêves différents à réaliser et à partager… 

Notre avis : Après l’exercice de style très réussi avec le polar Lady chance et après le film d’action pétaradant La peur au ventre,  Wayne Kramer aspire peut-être à une reconnaissance de cinéaste en prise avec son temps. Le réalisateur se lance dans l’exercice du film académique avec un thème de société abordé de manière très classique. La vague d’histoires post-Irak est passée, il a choisi de s’intéresser à l’immigration et aux parcours pour devenir citoyen américain. Wayne Kramer est particulièrement concerné puisqu’il est originaire d’Afrique du Sud avant d’avoir été naturalisé américain, il montre ici des émigrés d’origines diverses et en même temps différents fonctionnaires de l’administration qui font appliquer les lois. Il a pour ambition de représenter cette diversité à travers une grande variété de profils d’immigrants , entre espoirs et déchirements, mais hélas on n’échappe pas à l’effet catalogue.

La clandestine mexicaine dans un atelier textile ou la famille coréenne dans un pressing ou une épicerie, les familles de confession musulmane en provenance d’Iran ou du Bangladesh ou une fillette africaine et deux artistes qui veulent percer... Selon que l’on est plus moins proche de Los Angeles et de la frontière mexicaine on risque un contrôle et l’expulsion. Un enfant né aux USA bénéficie des droits américains mais le reste de sa famille est toujours susceptible d’être expulsée.

Droit de passage est un montage de séquences avec de nombreux personnages où la situation de certains va se heurter aux problèmes des autres. Une sorte de Crash (Collision). Harrison Ford (qu'on n'avait pas vu aussi bon depuis longtemps), Ray Liotta et Cliff Curtis se partagent les rôles les plus intéressants de ceux qui font respecter la loi. Le fameux sésame que représente la carte verte suscite autant d’incompréhensions que de trahisons et de compromissions.

Le réalisateur expose différentes situations sans prendre parti (sauf pointer du doigt les Iraniens, ce qui n'est pas très subtil). Wayne Kramer se risque malgré tout sur le terrain politique : faire semblant de comprendre l’hébreu comme un juif peut permettre de rester travailler sur le sol américain, tandis qu’une foi trop fervente en l’islam peut aller jusqu’à une dénonciation au FBI et au renvoi du pays.

Le film s’attache surtout aux personnages et à ce qu’ils traversent, mais au détour de quelques dialogues («On n’est que des bridés ici»), quelques allusions racistes et paranoïa terroriste, le scénario évite tout ce qui pourrait faire polémique. Une petite intrigue policière autour d’un meurtre est même prétexte à démontrer que si le système est critiquable il est efficace : les mauvaises personnes sont écartées, et les autres qui obtiennent la nationalité seront de bons citoyens... Droit de passage est finalement un film choral inégal dotés de personnages forts. Même s'il échoue à nous faire vibrer ou nous révolter, il prouve qu'une certaine Amérique n'est pas forcément belle à regarder.