Enfin en DVD : Con la pata quebrada, où comment le cinéma retranscrit à l’écran la place de la femme dans la société

Posté par MpM, le 5 mai 2015

Sorti en juin 2014, Con la pata quebrada est un film de montage racontant l'histoire de l’Espagne, et surtout la manière dont on y considère les femmes depuis le premier tiers du XXe siècle, à travers le cinéma espagnol de la période. En 180 extraits, le réalisateur Diego Galan dévoile ainsi une société machiste, conformiste et violente qui entend confiner la femme à un rôle purement domestique et décoratif.

Après une jolie carrière en festivals (Sélection Cannes Classics, Prix Platino du meilleur documentaire, Prix cineHorizontes...) et en salles, le film est désormais disponible en DVD, avec notamment parmi les bonus un entretien avec le réalisateur et un dossier pédagogique destiné au jeune public.

A l'heure où l'on parle beaucoup de la place de la femme dans le cinéma (devant ou derrière la caméra, au scénario ou au maquillage, à la tête de blockbusters ou de films à petit budget, etc.), il est bon de rappeler que le traitement des personnages féminins à l'écran fait déjà beaucoup pour la défense (ou non) de l'égalité des sexes. Con la pata quebrada propose ainsi une plongée fascinante dans un cinéma qui transpire le sexisme et l'indifférence, voire l'hostilité envers les combats égalitaires. Il invite naturellement à se pencher sur le cinéma français, américain, asiatique, etc. contemporain, et à en tirer les conclusions qui s'imposent.

8 films à ne pas manquer pour la Fête du cinéma

Posté par vincy, le 28 juin 2014

fête du cinéma 2014Oui, il y a les huitièmes de finale de la Coupe du monde. Oui, il devrait refaire très beau dès lundi. Oui, il faut déjà préparer ses vacances. Oui, il n'y a aucun bon blockbuster dans les salles. Mais ce n'est pas une raison pour sécher la Fête du cinéma.
Du dimanche 29 juin au mercredi 2 juillet, c'est 3€50 la séance.
C'est l'occasion pour découvrir / rattraper des films que vous n'auriez peut-être pas vu au tarif ordinaire.

Bird People. Parce que le nouveau film de Pascale Ferran est étrange et nous hante durablement. Regards sur l'ultra-moderne solitude de nos vies en mixant surréalisme, cartoon, mélo et réalité sociale.

Black Coal. Parce que ce film chinois a remporté l'Ours d'or à Berlin mais surtout ce film noir esthétique révèle une réalité sociale très sombre. Une tragédie moderne envoûtante.

Con la pata quebrada. Parce qu'il est toujours intéressant de montrer que le cinéma (espagnol ici) n'a pas toujours été tendre avec le genre féminin. Magistral et passionnant.

Le conte de la princesse Kaguya. Parce que c'est le grand retour d'Isao Takahata, maître de l'animation japonaise. Délicat et poétique, un joyau des studios Ghibli.

Les poings contre les murs. Parce que c'est un film coup de poing mais surtout un film de genre - la prison - comme vous en avez rarement vu, avec un Jack O'Connell ultra-sexy en bonus.

Palo Alto. Parce que c'est Gia Coppola est la digne héritière de son clan mais ça ne suffit pas : une histoire signée James Franco, Emma Roberts toute en justesse, une chronique de jeunesse subtile.

Under the Skin. Parce que Scarlett Johansson y est sublime mais pas seulement. Noir, glaçant, métaphysique, fascinant : le nouveau film de Jonathan Glazer ne laisse pas indemme.

Xenia. Parce que la Grèce n'est pas qu'une destination de vacances. Original, drôle, universel et surtout politique : homophobie, extrémisme, racisme. Percutant.

Focus sur un cinéma espagnol audacieux et singulier avec le 7e Festival Différent

Posté par MpM, le 18 juin 2014

different 2014Tout au long de l'année, l'association Espagnolas en Paris met à l'honneur le cinéma espagnol en proposant des films inédits ou en avant-première et des rencontres entre le public et les professionnels. Depuis 2008, le festival Différent ! permet de compléter cette programmation au long cours par une véritable fête du cinéma ibérique qui fait la part belle aux films indépendants, singuliers et tout simplement "différents".

Au programme, 16 films (longs et courts métrages, fictions, documentaires) réunis pour la première fois en un lieu unique, le très beau cinéma Louxor, mais aussi un hommage (à l'acteur catalan Eduard Fernández), une exposition (Fronteras, qui réunit des photographies d'Alain Coiffier et des poèmes en prose d'Inès Montés), deux rendez-vous professionnels et la venue de 26 invités au total.

C'est l'excellent documentaire Con la pata quebrada de Diego Galan qui ouvre le bal dès ce soir à 19h. Ce film de montage explore le cinéma espagnol des années 30 à nos jours pour en tirer une réflexion passionnante sur  l'évolution de la place de la femme dans la société espagnole au cours du XXe siècle. Il sera précédé d'un extrait présenté en avant-première mondiale du film collectif Yo decido / El tren de la libertad dans lequel une soixantaine de cinéastes espagnoles s'expriment autour du mouvement de protestation contre la reforme restrictive de la loi sur l'avortement. Suivra ensuite La herida de Fernando Franco, récompensé à San Sebastian et Cinespana en 2013, et qui a valu un Goya de la meilleure actrice à Marian Álvarez.

Une première soirée extrêmement riche, à l'image du reste du festival, qui présentera notamment Canibal de Manuel Martín Cuenca, également récompensé à San Sebastian, En ningún lugar, Don Luis Buñuel de Laurence Garret, le regard très personnel et poétique d’une jeune cinéaste française sur Luis Bunuel et son imaginaire, ou encore Hermosa juventud de Jaime Rosales, sélectionné dans la section Un Certain Regard au dernier Festival de Cannes.

La convivialité sera également au rendez-vous avec des dégustations de produits espagnols, des rencontres avec les différentes équipes de films et une soirée spéciale "Fête de la musique" le 21 juin.

Dans un paysage européen morose où le cinéma espagnol s'est imposé ces dernières années comme l'un des plus singuliers et audacieux, en perpétuelle évolution, il est donc chaudement recommandé aux cinéphiles et aux curieux de profiter de cette nouvelle édition de Différent ! pour faire le plein d'un autre cinéma, comme une salutaire bouffée d'oxygène cinématographique.

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Différent !
Du 18 au 24 juin 2014
Cinéma Le Louxor
170 Boulevard de Magenta
75010 Paris

Informations et programme sur le site de la manifestation

Grand angle – Con la pata quebrada : grandeur et décadence de la femme espagnole

Posté par MpM, le 12 juillet 2013

Présenté dans la section Cannes Classic du Festival de Cannes 2013, puis dans le cadre du 6e festival Différent ! , Con la pata quebrada de Diego Galan est un film de montage qui interroge la place de la femme dans la société et le cinéma espagnols des années 30 à nos jours.

con la pata quebradaA l’origine, il y a un dicton espagnol plutôt imagé : "La mujer casada y honesta, con la pata quebrada y en casa", littéralement : "Femme mariée et honnête a la jambe cassée et reste au foyer." Une vision de la "place" de la femme qui dépasse, de loin, le gentillet "retourne à tes fourneaux" de la langue française.

Partant de ce constat, Diego Galan, critique de cinéma, écrivain, réalisateur, mais aussi ancien directeur du festival de San Sebastian, a eu la facétieuse idée de raconter une histoire de l’Espagne, et de la manière dont on y considère les femmes depuis le premier tiers du XXe siècle, en se basant uniquement sur des extraits de 180 films espagnols.

Si l’on considère qu’un film est toujours, quelle que soit l’histoire qu’il raconte, le reflet de l’époque à laquelle il est tourné, quoi de plus passionnant que se pencher sur la cinématographie d’un pays et d’y trouver des échos de son évolution et de sa mentalité ? Diego Galan réalise ainsi un travail de montage minutieux et pertinent qui brosse chronologiquement et thématiquement le portrait de la femme espagnole telle qu’elle fut fantasmée au cours des quatre-vingt dernières années.

A quoi sert la femme ? A rien

con la pata quebradaSans surprise, il s’agit d’une femme rangée, modeste et docile dont l’existence est tout entière consacrée au bien-être de son mari et de ses enfants. Un des extraits du préambule donne immédiatement le ton : en 1957, El batallon de la sombras de Manuel Mur Oti présente un homme bien habillé qui déclame nonchalamment face caméra : "A quoi sert la femme ? A rien. Absolument à rien. Elle coud nos boutons, cuisine, nous déclare absents quand un créancier se présente. Bon, il faut bien se distraire. Ah, elle nous met au monde. Tout à fait ! Tout comme elle nous met des cravates importables." Un cynisme volontairement provocateur, qui en dit long sur le regard porté par l’Espagne franquiste sur sa composante féminine. Car ce sont bien la guerre civile et la victoire de Franco qui vont changer la donne pour la femme espagnole.

Au début des années 30, au moment de la 2e République, les femmes avaient accédé à un vrai statut social en obtenant le droit de vote et celui de travailler sans l’autorisation de leurs époux, tandis que le divorce et même l’avortement (dans certaines régions) étaient légalisés. Les films de l’époque montrent des ouvrières joyeuses et épanouies qui trouvent le bonheur dans leur travail. En même temps, les prémices de la libération sexuelle permettent des scènes relativement osées, comme dans Nuestro culpable de Fernando Mignoni (1937), où des femmes de toutes conditions font des avances explicites à un homme emprisonné. C’est l’avènement de la femme moderne.

Morale irréprochable et mariage en ligne de mire

con la pata quebradaMais après la victoire de Franco, un formidable retour de bâton frappe les femmes qui sont "libérées" du travail et renvoyées manu militari dans leurs foyers. Le cinéma s’en fait l’écho à travers des personnages de patriotes entièrement dévouées à leur pays, des héroïnes incarnant la femme espagnole idéale, catholique, modeste, et à la morale irréprochable. Pour elles, le mariage est le seul destin logique. Dans El arte de casarse (un titre qui ne s’invente pas) de Jorge Feliu (1966), la blonde héroïne veut ainsi se marier "avec n’importe qui", à condition "qu’on [l']aime un peu".

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