L’instant Court : Dans mon jardin, réalisé par Sylvain Gillet

Posté par kristofy, le 2 décembre 2011

Comme à Ecran Noir on aime vous faire partager nos découvertes, alors après le court-métrage Bandit Manchot réalisé par Domnique Heinry avec Marie Denarnaud, voici l’instant Court n° 56.

Le mois de décembre annonce les vacances de Noël et en même temps un nouveau record d’entrées en salles pour le film Intouchables : avec plus de 10 millions de spectateurs, ça sera le film le plus vu de l’année. Certains des gros blockbusters américains (comme Harry Potter 7, Twilight 4Mission Impossible 4…) ne bénéficient pas de cette image de film pour toute la famille de 7 à 77 ans, qui fait passer un bon moment. Un nouvelle fois c’est donc un film français qui "casse la baraque" au-delà des prévisions les plus optimistes des pros du marketing, comme cela fut le cas pour Bienvenue chez les Ch'tis de Danny Boon ou il y a quelques années Un indien dans la ville produit par Thierry Lhermitte.

Le film Intouchables fait donc le bonheur des exploitants de cinéma avec la complicité d'Omar Sy et de François Cluzet, et le succès se poursuivra encore plusieurs mois avec la cérémonie des Césars…

Chacun, comme les heureux producteurs du film, rêve que rencontrer un génie capable de réaliser tout les vœux qui le combleraient de bonheur... le rêve devient réalité (ou tout au moins fiction) avec le court-métrage Dans mon jardin, réalisé par Sylvain Gillet. Il existerait en effet un concours du meilleur génie pour rendre une personne la plus heureuse possible…

Ecran Noir : Quel parcours vous a conduit à être à la fois acteur et cinéaste ? 

Sylvain Gillet : Je suis un comédien qui est devenu réalisateur. J'ai commencé le théâtre amateur en province à 14 ans. Après des études de comptable (eh oui…), je me suis lancé dans la vie du comédien professionnel parisien avec la classique course aux cachets : théâtre classique et contemporain en compagnies, café théâtre solo et duo, courts-métrages, doublage, etc. C'est en 1998 que j'ai réalisé mon premier court Un peu de Retenue ! (10 min en super16) avec Julien Guiomar et Jean-Claude Dreyfus, pratiquement sur un concours de circonstances. J'ai aimé, donc continué. Ont suivis Lacryma-Christine (7mn en 35mm) avec François Rollin, puis L'Alexandrophagie (27 min en Scop) avec Marc Gelas. Dans mon jardin est mon dernier film. J'ai aussi réalisé plusieurs pilotes de programmes courts. Cette expérience accumulée a fait que je gagne maintenant ma vie depuis une petite dizaine d'année comme réalisateur de films internes d'entreprises.

EN : Un point commun entre vos films serait un certain humour, Dans mon jardin est désigné dans son générique comme "un agréable film de Sylvain Gillet" : peut-être une manière de désacraliser en quelque sorte une définition du court métrage ? 

SG : Bien sûr. Un court métrage est un film comme un autre, un film à part entière. J'aime assez "qualifier" mes films avant qu'on le fasse pour moi. Et dans le domaine du court métrage (comme dans d'autres d'ailleurs…) beaucoup trop de gens se prennent beaucoup trop au sérieux.

EN : Dans mon jardin a été réalisé avec un appareil photo. Quels sont les principaux avantages et inconvénients, par rapport à vos tournages précédents, que vous avez rencontré en utilisant ce genre de matériel ?

SG : L'avantage des nouveaux (ou presque…) appareils photo "filmant" est surtout de pouvoir obtenir une qualité d'image se rapprochant beaucoup de celle de la pellicule (essentiellement avec la profondeur de champ) pour un coût infiniment moindre. Plus de pellicule chère  à acheter, plus de grosse caméra à louer (bon nombre de chefs opérateurs possèdent maintenant leur appareil photo), un peu moins de lumière à louer, des machineries moins lourdes, plus de laboratoire à payer, etc. Du coup, l'éventualité de tourner avec plusieurs appareils en même temps n'est plus un rêve comme c'était souvent le cas pour les courts métrages. Par contre la légèreté des appareils photos n'est pas toujours un avantage car elle peut pousser le réalisateur à tourner "à la main", ce qui selon moi donne rarement de bons résultats. Le travail de l'image avec ce type d'appareil peut convenir pour un résultat final sur écran vidéo ou informatique mais si l'on souhaite pousser jusqu'à une projection grand-écran (vidéo ou par une copie positive), la pellicule est encore actuellement, selon moi, préférable. Mais c'est peut-être une question d'habitude…

EN : On découvre un génie très inhabituel, il sort d’une cannette de soda avec un t-shirt de football et il parle un peu en argot. Pourquoi ce choix ?

SG : Je voulais tout simplement un génie actuel. Pourquoi un génie du 21e siècle serait-il encore vêtu à la mode des mille et une nuits ? Le mien est de banlieue et fan du P.S.G. (ce qui n'est pas du tout mon cas, je le précise…). Pour la canette de soda, même chose. Vous connaissez beaucoup de gens qui ont encore des lampes à huile chez eux ? Il n'y a ni jeunisme ni anti-jeunisme là-dedans.

EN : Dans l’histoire Dieu n’est pas très heureux de sa création… Si un génie vous accordait quelques vœux, vous lui demanderiez quoi ?

SG : Que je trouve enfin le producteur et les financements pour réaliser un des trois longs-métrages que j'ai écrit. Et s'il n'a pas assez de relations pour ça, une part de flan. J'aime bien le flan.

EN : Le CNC va organiser une nouvelle opération ‘Le jour le plus Court pour promouvoir le format court, avec une journée spéciale le 21 décembre, qu’en pensez-vous ?

SG : Ils auraient dû mettre ça le 25 décembre pour continuer à nous faire croire au Père Noël. Il faut surtout que le CNC arête de financer toujours le même type de films et les mêmes maisons de production. Sinon, les aides à la production existent et c'est tant mieux. Pour ce qui est des aides à la diffusion, il y a déjà eu des tentatives (voir la règle du 1% pour les courts diffusés en salle avant un long), mais elles étaient en général détournées par les prods de longs qui les considéraient comme des aides indirectes à leur film. Pour ce qui est des exploitants, vu la place dominante des grands groupes que nous connaissons tous qui préfèrent curieusement passer des publicités, croyez-moi chers amis, vous n'êtes pas prêts d'en voir des courts métrages en salles… En ce qui concerne Internet, je dis oui ! Je dis bravo ! Mais encore faut-il que les sites de diffusions qui sont de plus en plus nombreux arrivent à se faire connaître, noyés qu'ils sont dans la masse. Et il faudrait peut-être, je dis ça comme ça, penser à une forme de rétribution des créateurs originaux, si vous voyez ce que je veux dire, cher Ecran Noir... [NDLR : On voit... plus ou moins. Et l'on rappelle que dans le cadre de l'Instant court, Ecran Noir propose des œuvres qui sont déjà diffusées librement sur internet par leur auteur, et ce dans le but de leur donner une visibilité supplémentaire. Notre site n'en retire aucun intérêt économique spécifique, et n'a pas vocation à se transformer en plate-forme de diffusion payante de contenus.] … Enfin, pour la télévision, tant qu'il n'y aura qu'un et un seul type par chaîne, en général sorti de l'école de commerce, qui décidera de la diffusion et donc de la vie des courts métrages qui lui sont présentés, tel le doigt divin de "l'Élu", vous aurez toujours le même type de courts métrages sur vos écrans. Sur ce, vive la charcuterie française !

Crédit photo : image modifiée, d’après un extrait du film Dans mon jardin.