L’instant zappette: Chez Fox, Lee Daniels bâtit son empire

Posté par wyzman, le 5 juillet 2015

Si vous avez échappé à la tornade Empire cet hiver, vous êtes chanceux. 12 épisodes ont suffi pour que le soap créé par Lee Daniels et Danny Strong passe du statut de show communautaire (on y suit le quotidien d'une famille noire à la tête d'une maison de disque) à celui de phénomène de société. Les stars de la série (Terrence Howard, Taraji P. Henson et Jussie Smollett) enchaînent depuis les couvertures de magazines tandis que les stars se ruent pour y faire une apparition. D'ailleurs, après Courtney Love et Snoop Dogg, la série accueillera Alicia Keys, Chris Rock et Lenny Kravitz dans la deuxième saison. Quant à Lee Daniels, la chaîne Fox ne veut plus le lâcher !

Fin juin, le site Variety a ainsi révélé que le réalisateur de Precious, Paperboy et Le Majordome venait de signer un gros contrat d'exclusivité avec Fox. Courant sur plusieurs années, le deal lui permettrait entre autres de développer, d'écrire, de réaliser et de superviser différents projets destinés en priorité à la chaîne. Il resterait producteur exécutif de sa série musicale. Bien que cette dernière ait attiré plus de 17 millions d'Américains lors de son season finale, cette nouvelle n'étonne personne. Présent lors de la sixième édition de Séries Mania (qui avait lieu en avril dernier), il avait déclaré qu'il se mettrait progressivement en retrait concernant Empire pour donner plus de marge de manœuvre à Danny Strong et au reste de l'équipe artistique.

Conscients des opportunités qui s'offrent désormais à eux et à leur chaîne, les directeurs généraux Gary Newman et Dana Walden ont ajouté - après l'annonce officielle : "Lee Daniels possède un don pour raconter des histoires authentiques et provocantes qui sont à la fois réalistes et divertissantes. Ses choix de casting sont incroyables, qu'il s'agisse des stars de demain ou d'attirer des acteurs accomplis dans ses projets. En tant que réalisateur, il élève le niveau à des hauteurs jamais atteintes (…) Nous adorons travailler avec ce conteur d'histoires et ce contrat est là pour développer et approfondir notre relation." Autant dire qu'à un moment où la chaîne patine (l'ancien mastodonte des audiences American Idol est déjà annulé, les sitcoms s'enfoncent, les dramas stagnent, etc.), Lee Daniels pourrait bien représenter sa planche de salut. La saison 2 d'Empire commence le mercredi 23 septembre.

L’instant zappette: trop de noirs à l’écran, vraiment?

Posté par wyzman, le 12 avril 2015

D'après le Bureau des statistiques américain, les Afro-Américains ne représentaient que 13,6% de la population lors du dernier recensement. "13,6% c'est sans doute peu, mais cela ne les empêche pas d'être partout" diront certains. Dans leur volonté de représenter l'Amérique telle qu'elle est, c'est-à-dire dans sa diversité, les producteurs de télévision tournent cette année un grand nombre d'épisodes pilotes avec des acteurs "non-Caucasiens". Cette "tendance" que la journaliste de Deadline Nellie Andreeva a très mal perçue dans un article au vitriol. Néanmoins, rien ne nous empêche de nous poser la question : y a-t-il trop de Noirs sur les écrans US ?

Merci Shonda Rhimes?

La saison télévisuelle 2014-2015 a été intense du point de vue de la diversité. Et ce, en partie grâce à la productrice et scénariste Shonda Rhimes. En investissant toute la soirée du jeudi de la chaîne ABC, elle a littéralement redéfini le mot "diversité". Les shows qu'elle a créés ou produits sont d'un point de vue "ethnique" considérés comme "parfaits". Mais n'allons pas croire que cette Américaine de 45 ans a tout fait toute seule. Si Grey's Anatomy, Scandal et How To Get Away With Murder comptent 10 acteurs Afro-Américains (parmi les personnages principaux), ces séries ne sont pas les seules à mériter toute notre attention.

Productrice, actrice et surtout animatrice TV, Oprah Winfrey a beaucoup fait pour le communauté afro-américaine. A côté de ses participations à des films engagés tels que La Couleur pourpre, Le Majordome et plus récemment Selma, la business woman a aussi banalisé l'homosexualité, la bisexualité, la transsexualité et le SIDA au sein de la communauté noire via le programme "The Oprah Winfrey Show". Plus encore, sur sa propre chaîne de télévision, OWN, elle produit des shows qui sentent bon la culture black, tels que The Haves and the Have Nots, qui comprennent des personnages gays. En outre, nous pouvons bien évidemment évoquer la chaîne BET (Black Entertainment Television) qui a rapidement supplanté la mythique MTV.

Le nouveau visage de la télévision

Mais la "vague" à laquelle Nellie Andreeva fait référence dans son article n'est pas anodine. Oui, on constate un grand nombre d'acteurs noirs à la télévision américaine. Mais cela devient dérangeant pour certains dans la mesure où ces derniers interprètent des rôles de plus en plus conséquents, de plus en plus vraisemblables et d'un niveau social plus élevé. Loin des personnages caricaturaux trop longtemps mis en scène, l'héroïne de Scandal, la célèbre Olivia Pope (incarnée par la sublime Kerry Washington), est une experte en gestion de crise. Une femme avec un vrai métier et des responsabilités ! Rapidement devenue une icône de mode, on lui consacre désormais des Tumblr par centaines (Pope and Ballard par exemple). Quant à How To Get Away With Murder, les scénaristes ont pris pour habitude de filmer l'actrice principale Viola Davis en train de se démaquiller et de retirer son tissage pour nous faire entrer dans son intimité. Autrement dit, ce que l'on n'osait pas montrer ou mettre en avant par le passé n'est plus un problème.

Ce que fait parfaitement Justin Simien dans son premier long-métrage, Dear White People, actuellement à l'affiche. En opposant la culture black à la blanche, le réalisateur de 31 ans dresse un portrait concret et sans fard de la jeunesse sous l'ère Obama. Sous couvert d'être une satire de la société américaine, Dear White People pose des questions quasi existentielles et de la meilleure manière qui soit. Et il faut reconnaître que cela est bien plus subtil que dans Empire, la série phénomène de cet hiver: avec son casting presque uniquement composé d'acteurs noirs, le show de Lee Daniels (Le Majordome, Precious) joue avec les stéréotypes pour mieux les démonter. Et le procédé fonctionne à merveille, comme en attestent les 7,7M d'Américains qui ont pris la série en cours de route et ce public composé à 60% d'Afro-Américains. Empire rassemble, Empire parle à tous et Empire parle de tout.

La variété plutôt que la diversité

Parce que la série met en scène une famille américaine dans toute sa complexité, elle s'attache à des valeurs vieilles comme le monde : amour, filiation, ambition, réussite et jalousie fraternelle. A cela, se sont ajoutés des thèmes plus contemporain : indépendance économique, déni de paternité (50% des enfants afro-américains naissent sans père) et homosexualité. Et en matière de représentation de la sexualité, le show de Netflix Orange is the New Black se place là. Première personne ouvertement transgenre à être nommée pour un Emmy Award, l'Afro-Américaine Laverne Cox est rapidement devenue un symbole outre-Atlantique.

A leur manière, producteurs, réalisateurs, scénaristes et comédiens noirs réinventent ainsi la télévision et la notion de diversité. Plus besoin de cacher sa négritude pour faire de la bonne télévision puisque le téléspectateur veut des intrigues qui lui parlent et des acteurs auxquels il peut s'identifier. Car parmi ces 13,6% d'Américains, combien sont nécessairement dealers, serveurs dans un fast-food ou sous-diplômés? Et ce ne sont là que trois rôles clichés que l'on attribuait jusqu'ici trop souvent aux acteurs noirs. N'oublions pas du problème de l'univers carcéral: les discriminations judiciaires sont nombreuses (44 % de la population en prison est afro-américaine).

Une diversité à relativiser

Mais si la diversité que l'on vante aujourd'hui fait chaud au cœur, elle n'est pas inédite. Avant Empire, d'autres séries avaient des castings majoritairement noirs. En effet, bien avant que "Black-ish" ne devienne la "comédie familiale black" par excellence, "Le Cosby Show" et "Le Prince de Bel-Air" avaient creusé le sillon. La télévision actuelle se réinvente, s'adapte, remplit des niches, mais ne trace pas de nouveaux chemins.

La montée en puissance d'acteurs noirs soutenue par certains médias est néanmoins un écran de fumée. Pendant des années, la télévision américaine a simplement fait des personnages blacks des seconds couteaux. Et cela est à mettre en lien avec le clivage qui sévit actuellement outre-Atlantique. Entre les bavures policières et les décisions judiciaires qui disculpent des policiers blancs ayant tué des noirs, l'Amérique se réveille. Les drames de Ferguson et Cleveland ne sont que des exemples parmi tant d'autres. Mais ce sont tous ces drames qui inspirent des séries et des producteurs de plus en plus engagés (cf. The Good Wife et Scandal).

Une peur irrationnelle régulée par le marketing

Aujourd'hui, rien ne permet de dire qu'il y a trop d'acteurs noirs sur les écrans américains: Denzel Washington, Will Smith, Chris Tucker ont parmi les salaires les plus élevés à Hollywood. Proportionnellement, ce sont plutôt les Asiatiques et les Latino-américains qui sont sous-représentés aujourd'hui. L'élection et la réélection d'un président noir n'a pas profondément changé l'Amérique, dont une partie se croit et se voit encore "blanche". Et les succès de films comme Django Unchained, Lincoln, 12 Years a Slave ou bien Selma ne démontrent qu'une seule chose : le cinéma a une plus grande capacité d'adaptation que la télévision, malheureusement menée et régie par les annonceurs et la censure.

Mais, comme pour les séries dites "queer" (lire notre article sur ce sujet), on qualifie les contenus audiovisuels juste pour pouvoir les mettre dans une case, les identifier, les marketer et les vendre plus facilement. Le spectateur est supposé savoir ce qu'il va regarder, quitte à renforcer le communautarisme et les préjugés, tout en manquant de s'intéresser à l'autre...

L’instant Zappette: Homos mais pas trop

Posté par wyzman, le 5 mars 2015

Au jeu du "Je ne veux pas parler de ma sexualité", Jack Falahee et Jussie Smollett sont les deux cibles préférées du moment. Bien qu'ils incarnent des personnages homosexuels à la télévision (dans How To Get Away With Murder pour le premier et Empire pour le second), les deux acteurs refusent jusqu'ici d'en faire des tonnes sur leur sexualité. Alors, simple hypocrisie ou placard trop dur à ouvrir ?

Personnages importants pour intrigues importantes

Dans How To Get Away With Murder (que l'on réduira à HTGAWM), Jack Falahee joue Connor Walsh, un étudiant en droit prêt à se donner corps et âme pour faire avancer les audiences. Régulièrement, la série nous l'a montré dans des scènes NSFW, sexuellement actif et visiblement épanoui. Bref, Connor Walsh est un jeune étudiant gay dont la romance avec Oliver est devenue une intrigue importante de HTGAWM. De son côté, Jussie Smollett est Jamal Lyon, celui qu'on a trop tendance à appeler "le fils gay" du phénomène Empire. Dès le début du show, Jamal doit faire face à l'homophobie certaine de son tyran de père. Pas de scènes NSFW ici, mais un parcours qui le pousse à s'accepter et lui permet de faire son coming-out. Jamal Lyon est gay et sa sexualité est l'un des atouts majeurs d'Empire.

Les deux acteurs incarnent des personnages d'une télévision en constante évolution. Ces personnages ne sont pas de simples faire-valoir, une manière de plaire aux associations de défense de la communauté LGBT mais bien un moyen de faire avancer les séries. A chaque scène de couple que Connor et Oliver ont, impossible de ne pas frissonner. A chaque fois que Jamal est traité comme un moins que rien par son père, impossible de ne pas se sentir soi-même sous pression. Pas besoin d'être homosexuel pour apprécier voir Jamal tenir tête à son père. Pas besoin de vivre en couple avec une personne du même sexe pour comprendre les difficultés que Connor et Oliver traversent. Ces personnages tendent à s'écarter des stéréotypes et ont tout le temps de mûrir, tout comme leurs interprètes.

Une controverse inutile

Cependant, si ces jours-ci les déclarations, ou plutôt l'absence de déclaration de la part de Jack Falahee et Jussie Smollett posent problème, c'est avant tout parce qu'une petite partie d'entre nous pense qu'incarner un personnage LGBT, que soutenir la communauté LGBT et lui donner une meilleure visibilité ne suffisent pas. Apparemment, s'ils sont homosexuels, ces acteurs devraient l'annoncer publiquement. Car dans un contexte politique et social où la transparence est prônée (mais surtout voulue), certains aimeraient voir davantage de personnalités sortir volontairement du placard. Mais d'où vient cette attente au juste ? Pourquoi un acteur doit-il révéler qu'il est homosexuel ou plus largement dévoiler son orientation sexuelle dans la sphère publique s'il n'en a pas envie ?

En couverture du mensuel OUT Magazine, Jack Falahee dit ne pas vouloir s'exprimer sur sa sexualité parce que cela finirait par être "trop réducteur". Et on le comprend. S'il est le premier à reconnaître qu'il est bon pour les jeunes adolescents de voir des personnalités faire leur coming-out, lui n'en est pas là. Persuadé que cela ne ferait que satisfaire une curiosité malsaine, il refuse de commenter cet aspect de sa vie privée. Et le petit a raison ! Alors qu'il n'est clairement qu'au début de sa carrière, révéler qu'il est homosexuel pourrait le cantonner dans des rôles d'homosexuels. Et comme il l'a exprimé à plusieurs reprises, il ne veut pas être cantonné dans un type de rôles, mis dans une case et ne plus pouvoir en sortir.

D'autres manières de s'engager

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