Vesoul 2019: Pema Tseden reçoit un 2ème Cyclo d’Or avec « Jinpa »

Posté par kristofy, le 13 février 2019

Le 25ème Festival International des Cinémas d'Asie de Vesoul, a soufflé les bougies de cet anniversaire symbolique avec la surprise de la révélation de son palmarès : le Cyclo d'Or a été attribué au film Jinpa du réalisateur Pema Tseden. Durant l'histoire du FICA de Vesoul c'est en fait la première fois qu'un cinéaste reçoit pour la seconde fois la plus haute récompense : Pema Tseden avait déjà reçu un Cyclo d'Or en 2016 pour son film Tharlo, sorti  en salles en janvier 2018.

Pema Tseden est n réalisateur originaire du Tibet, et Tharlo tout comme Jinpa, avait été découverts lors du festival de Venise. Leur point commun est d'ailleurs l'utilisation de certains très longs plans fixes. Ici le chauffeur d'un camion sur une route déserte prend en stop un homme mystérieux qui dans un prochain village à l'intention de retrouver quelqu'un pour le tuer et se venger... La production de Jinpa a été soutenue par Wong Kar-wai. Outre le Cyclo d'Or Jinpa reçoit aussi le Prix de la Critique, et un coup de coeur du jury Inalco.

Comme chaque année les films sélectionnés en compétition représentent des premiers ou seconds films, des œuvres en première européenne pour la plupart, parfois en provenance de cinéphilies rarement distribués en salles en France.

Pour cette année 2019, on croisait Rona Azim's mother de Jamshid Mahmoudi qui était le film candidat de l'Afghanistan à l'Oscar du meilleur film étranger (Grand prix du jury et Prix Inalco), His lost name premier film de la réalisatrice japonaise Hirose Nanako (assistante depuis plusieurs années de Kore-eda Hirokazu, palme d'or à Cannes 2018), African violet de la réalisatrice iranienne Mona Zandi Haghighi dont le premier film avait été primé à Vesoul en 2007...

Le Palmarès du Fica de Vesoul 2019 :

Cyclo d'Or : JINPA de Pema Tseden (Chine)
Grand prix du jury international : RONA AZIM’S MOTHER de Jamshid Mahmoudi (Afghanistan)
Prix du jury international : SUB-ZERO WIND de Kim Yu-ri (Corée du Sud)

Prix NETPAC (Network for the promotion of asian cinema): A FAMILY TOUR de Ying Liang (Hong Kong, Taïwan, Singapour, Malaisie)
Prix de la critique : JINPA de Pema Tseden (Chine)
Prix INALCO : RONA AZIM’S MOTHER de Jamshid Mahmoudi (Afghanistan)
Coup de cœur INALCO : JINPA de Pema Tseden (Chine)
Prix du public du film de fiction ex-aequo : AFRICAN VIOLET de Mona Zandi Haghighi (Iran) et WAITING FOR SUNSET de Carlo Enciso Catu (Philippines)
Prix du jury lycéen : AFRICAN VIOLET de Mona Zandi Haghighi (Iran)
Prix du public du film documentaire : CHINE DU SUD : UNE ROUTE POUR XIAO JIANG de Jean-Michel Corillion (Chine, France)
Prix du jury jeune : OF FATHERS AND SONS de Talal Derki (Syrie)
Prix des exploitants : SIBEL de Çagla Zencirci et Guillaume Giovanetti (Turquie)

Vesoul 2019 : le silence et l’exil face aux politiques absurdes

Posté par kristofy, le 11 février 2019

Comme à son habitude, le Festival International des Cinémas d'Asie de Vesoul propose en compétition des films de tous horizons (Chine, Corée du Sud, Inde, Japon, Iran, Philippines, Afghanistan...) La plupart de ces films, dont trois sont signés de réalisatrices, montrent des familles qui éprouvent diverses difficultés. Certaines sont en résonance avec leur pays avec en fond une critique d'un système. Deux films sont particulièrement interrogateurs, voir dénonciateurs : Widows of silence et A family tour.

Widows of silence, réalisé par Praveen Morchale : originaire de l'Inde, il s'agit de son 3ème long-métrage. Il raconte une histoire dans le  Cachemire. Une femme dont le mari est porté disparu depuis 7 ans est seule avec sa fille de 11 ans et sa belle-mère âgée muette de chagrin. Cette femme doit plusieurs fois se déplacer pour des formulaires demandant un acte de décès de son mari qu'elle n'arrive pas à obtenir, l'une des raison est d'ailleurs de lui soustraire des terres de son mari...

Praveen Morchale explique ce qui l'interpelle : « Le Cachemire est une zone très conflictuelle entre l'Inde et le Pakistan, depuis des dizaines d'années. Il y a des gens qui traversent des frontières pour disparaître et d’autres pour devenir soldat ailleurs par exemple. Il y a surtout le problème interne des gens qui sont à un moment arrêtés par des militaires et qu'on ne revoit jamais. Il y aurait 2500 femmes veuves officiellement mais plutôt environ 10000 disparus officieusement, la situation est douloureuse pour les proches surtout les épouses et les enfants. Il y a un peu plus d'un an j’ai découvert dans un article de journal le terme de ‘demi-veuve’ et je me suis intéressé à ce que ça voulait dire, en fait des femmes dont les maris ont disparus après des arrestations.

Je suis allé au Cachemire et j'y ai rencontré des gens incroyablement généreux et qui partagent beaucoup de choses, et aussi des femmes qui m'int raconté des choses horribles et absurdes qui arrivent là-bas. Les médias locaux ne parlent jamais des malheurs de ces femmes et de ces enfants, les journaux et les radios ne parlent que d'actions militaires victorieuses par exemple, mais rien de négatif sur le pays. Beaucoup de ces femmes sont illettrées ou bloquées au quotidien dans des démarches administratives, elles sont d'autant plus silencieuses ou ignorées que personne ne parlent d'elles, de ces veuves dont les maris sont morts on ne sait où ni comment. Environ 6 mois plus tard je faisais le film, le tournage a duré 17 jours dans un petit village où personne n'avait jamais vu de caméra. A l'écran c'est la réalité, les villageois jouent leur vie à l'image : le chauffeur est chauffeur, l'infirmière est infirmière. Que des non-professionnels donc sauf l'actrice principale qui a fait du théâtre et le chef du bureau d'état civil qui est en fait mon assistant qui fait l'acteur ici. Dans mon film 99% des choses sont vraies d'après ce que m'ont raconté plusieurs femmes rencontrées là-bas, sauf le final est fictif. »

A family tour, réalisé par Ying Liang : il est chinois mais il a dû s'éloigner de sa région natale pour aller vivre à Hong-Kong, sa précédente réalisation When night falls lui avait valu diverses difficultés avec le pouvoir et c'est d'ailleurs le sujet de son nouveau film. Une réalisatrice exilée à Hong-Kong parce qu'un de ses film a offensé les autorités chinoises participe à un festival dans la dissidente Taïwan. Elle en profite pour y faire venir sa mère malade qu'elle n'a pas vue depuis cinq ans. La mère participe à un voyage groupé touristique et à chaque étape la réalisatrice avec son mari et son fils va la rejoindre pour passer du temps ensemble...

Ying Liang évoque comment la Chine surveille des cinéastes : « Cette histoire est une fiction qui reflète mon histoire personnelle. Un de mes films a fait que je ne pouvais plus retourner en Chine, c'était une phase difficile et j'ai repensé totalement ma vie. La première version du scénario était à propos d'un homme réalisateur en exil et c'était trop proche de moi. Faire du personnage principale une femme réalisatrice permettait de suggérer différents choix de vie et en faire un personnage plus fort : ici ce n'est pas une femme qui suit son mari par exemple, c'est elle qui est moteur des décisions. Je suis originaire de Chine mais à Hong-Kong il y a plus de libertés, notamment pour faire des films et les montrer, mais en ce moment Hong-Kong change à une vitesse folle et en pire.

Les deux actrices sont originaires de Pékin, et je leur ai demandé clairement "voulez-vous prendre le risque d'apparaître dans mon film?" L'actrice qui joue la mère était déjà dans mon précédent film qui m'a vau des problèmes dans le rôle de la maman d'un garçon ayant tués des policiers chinois, en fait elle est aussi elle-même productrice de films indépendants comme Lou Ye, elle connait les risques de censure. Dans ma vraie vie; mes parents n'ont pas fait ce type de voyage dans un pays tiers pour me voir, c'est risqué car on ne sait pas ce qui peut se passer à leur retour. Le contact avec mes parents en Chine est comme dans ce film, c'est par internet et limité à des choses simples. Je ne peux pas leur parler de ce que je fais dans mon métier et cache certaines choses, et eux évitent de me poser certaines questions. »

Vesoul 2019 : Le président du jury Eric Khoo ramène ses Saveurs (asiatiques)

Posté par kristofy, le 9 février 2019

Cette année du 25ème anniversaire Festival International des Cinémas d'Asie de Vesoul, le président du jury international est le réalisateur de Singapour Eric Khoo. Il est entouré de trois autres cinéastes: le sud-coréen Bae Chang-ho (wem>Jeong), le palestinien Rashid Masharawi (L'Anniversaire de Leila) et le kazakh Darezhan Omirbaev (Kairat).

Le cinéma de Singapour n'a pas de meilleur ambassadeur à l'international que Eric Khoo. Dès son premier film en 1995, il a étét le premier réalisateur singapourien a être sélectionné dans différents festivals. Au Festival de Cannes il a ouvert en 2005 La Quinzaine des Réalisateurs avec Be with me, puis en compétition dans la sélection officielle en 2008 avec My Magic, et enfin, toujours en sélection officiel dans la section Un Certain Regard en 2011 avec Tatsumi, film d'animation.

Son dernier film La saveur des ramen est sorti en octobre dernier en France. A Vesoul, Eric Khoo a accompagné une nouvelle projection du film. En précisant cette info pour les gourmets : le DVD à venir devrait être accompagné d'un petit livre de recettes !

Pardon et réconciliation

«Quand on mange un plat particulier son goût ramène des souvenirs, j’ai voulu transmettre ça. La nourriture rassemble les gens en France comme dans plusieurs pays d’Asie, le repas du dimanche est souvent un plat particulier. Ici le personnage principal renoue avec ses origines, avec le souvenirs de ses parents disparus et sa grand-mère qu'il ne le connaissait pas. La nourriture c’est aussi parfois un moyen de guérison, et dans ce film il s'agit d'un moyen vers une réconciliation avec sa grand-mère. Elle est de Singapour et n'a pas pu supporté que sa fille épouse un japonais» explique-t-il.

Il précise que «La saveur des ramen est sorti dans une trentaine de pays et en dernier sorti au Japon. Le film est particulièrement sensible pour le public japonais car, si tout le monde sait qu'à un moment de l’Histoire le Japon a occupé la Chine, beaucoup de la génération actuelle ne savent pas vraiment que durant la seconde guerre mondiale le Japon avait occupé Singapour avec autant d'atrocités. Certains japonais se sont excusés pour leurs ainés. Dans le scénario le personnage allait dans le musée consacré à la guerre, l’acteur lui-même a été très touché et ému par ce qu’il y a découvert. La saveur des ramen est un message d'amour, de pardon, et de réconciliation entre les deux peuples du Singapour et du Japon»