BIFFF 2008, laugh dream and blood

Posté par denis, le 6 avril 2008

L’avantage du BIFFF est son ouverture à toute culture singulière, qui plus est quand celle-ci tranche dans le vif et abreuve les pupilles d’images frelatées à l’alcool de la folie.

Prenons la culture asiatique par exemple. Ne vous inquiétez pas, il n’est pas question ici de Wong Kar Waï ou d’Ang Lee, les films d’auteurs esthétisants risquant de se faire siffler dès les dix premières minutes. Non, ici la culture asiatique plébiscitée est à chercher du côté de Takashi Miike ou de Sono Sion, des réals déviants et stylistiquement créatifs n’ayant pas peur d’enfoncer des aiguilles sous les ongles. D’ailleurs cela tombe bien car Sono Sion y présente son dernier film, Exte-Hair extensions. Oui, vous avez bien lu, un film sur des extensions capillaires. Venu d’Europe cela semblerait ridicule, mais en provenance du Japon, rien ne peut sembler plus normal, d’autant que les cheveux ont beau dos depuis presque une dizaine d’années dans le fantastique nippon. Des cheveux gras, longs, noirs comme de l’ébène, appartenant à des spectres mécontents et qui sortent au choix d’une TV, d’un téléphone portable, d’une cassette vidéo, etc. Mais Sion, empêcheur de tourner en rond, utilise cette thématique capillaire pour la détourner de son usage habituel et en fait une métaphore, certes tirée par les cheveux, de la consommation de l’apparence. Bénéficiant d’un postulat surréaliste, une morte a la capacité de se laisser pousser les cheveux à un point tel qu’elle ferait passer le cousin Machin de La Famille Addams pour un chauve, Sion brosse le portrait d’une société japonaise en proie à son obsession de l’apparence. Epinglant au passage les relations tendues voire masochistes des membres d’une même famille, il donne à voir des scènes absurdes et tristes à la fois, où le désir d’être beau pénètre sous le derme et détruit l’enveloppe corporelle pour n’en faire qu’un support de l’esthétique. Et si quelques longueurs se font sentir, le final non-sensique est indispensable pour les zygomatiques. Exte aura peut-être la chance d’être diffusé dans une des éditions de L’étrange festival.

Autre production asiatique extrême, Gong Tau est un pur film d’horreur n’ayant que faire du bon goût. Film classé dans le cinéma de Category III – catégorisation qui correspond à une interdiction aux moins de 18 ans- Gong Tau compense son manque de moyens par une violence gore et graphique. Le réalisateur n’hésite pas à transformer un bébé en cadavre putrescent, à faire décoller la tête d’un sorcier qui s’envole par la suite dans les airs, ou bien encore à recueillir de l’huile de graisse humaine. Vous l’aurez compris, Gong Tau verse dans le grand guignol malsain, sans pour autant pâtir d’une réalisation dilettante. La pellicule est chiadée pour ce genre de métrage, et l’on est même surpris de déceler une ambiance à la Seven lorsque l’on s’aventure dans les appartements du tueur. Une curiosité, comme seule l’Asie peut en produire.

Changement de cap, changement de lieu et toujours le même esprit de folie avec Postal d’Uwe Boll, film germano-canadien ne rechignant pas à briser tous les tabous pour au final être un des films les plus politiquement incorrects que l’on ai vu depuis les ZAZ et autres productions Troma. L’histoire n’est qu’une excuse pour tirer à boulets rouges sur le puritanisme, la politique américaine, les cultes religieux j’en passe et des meilleurs afin de déclencher un fou rire toutes les dix secondes. Rien n’échappe à la moulinette de Boll, que ce soit les obèses, les handicapées, les musulmans, les nazis, les gourous, les blondes à forte poitrine ou le massacre d’enfants. C’est irrévérencieux, foutraque, ne cherchez pas à trouver un langage cinématographique cohérent car il n’y en a pas, et tout ce qu’il y a de plus politique malgré les apparences. Après Bourdieu et Baudrillard, voici la nouvelle critique, écrite au marteau-piqueur, de notre société contemporaine. A voir au premier comme au dixième degré.

Parmi toutes ces folies la programmation offre quelques moments de détente et de poésie, où l’enfance trouve encore sa raison d’être et où la magie de l’imaginaire nous libère de tant d’hémoglobine. Nevermore donc, film d’un jeune réalisateur ayant tout juste terminé ses études en cinéma, sous ses allures de conte, narre l’histoire du fils d’un pêcheur abandonné à son sort dès l’instant où son père sera emporté par les vagues. Minimaliste, la baraque du pêcheur est isolée au milieu des plages de sable, un arbre décharné trône au bord de la mer, lyrique et sombre, l’enfant est émerveillé par un cirque itinérant, thématique du monstre et des marginaux, et est terrifié par l’image du pasteur qui l’a recueilli, métaphore da la castration de l’enfance par les figures religieuses, Nevermore enchante pas sa simplicité et sa lumineuse pulsion de vie. D’une maîtrise technique étonnante, les paysages lunaires de la mer relèvent d’une ambition stylistique digne d’un Caro et Jeunet ou d’un Tim Burton, ce court film envoûte et laisse à présager d’un bel avenir à son jeune auteur. Espérons que le Goethe Institut, à qui l’on doit sa programmation dans le festival, pourra lui trouver un diffuseur en France.