Arras 2014 : Fair Play et The fool se partagent les prix

Posté par MpM, le 17 novembre 2014

fairplayDurant cette 15e édition du Arras Film Festival, la compétition européenne a mis en avant des sujets forts, très narratifs, dans lesquels les aspects plus formels restent souvent au second plan, discrets et efficaces.

Il y avait là plusieurs candidats solides pour un grand prix : Aces d'Alfonso Zarauza (Espagne) qui observe les effets de la crise à travers le regard d'une mère célibataire qui devient manœuvre dans le bâtiment ; Quod erat demonstrandum d'Andrei Gruzsniczki (Roumanie) sur les exactions du régime Ceausescu ; Monument to Michael Jackson de Darko Lungulov (Serbie) qui dresse un portrait pessimiste et ironique sur la Serbie actuelle...

Atlas d'or pour Fair play

C'est finalement Fair Play d'Andrea Sedlackova (République tchèque) qui a remporté l'Atlas d'or décerné par Solveig Anspach et ses jurés (Jean-Luc gaget, Sophie Guillemin, Anamaria Marinca et Miel van Hoogenbemt). L'histoire d'une jeune athlète dopée à son insu par les autorités de son pays et dont la mère, sympathisante de l'opposition au régime, se révèle prête à tout pour permettre à sa fille d'émigrer.

Basé sur une construction dramatique assez classique, le film fonctionne sur le plan narratif tout en restant assez convenu dans son rythme, son montage et ses rebondissements. Exactement le genre d'objet qui, à défaut de déchaîner les passions cinématographiques, est suffisamment consensuel pour séduire un vaste public.

Triplé gagnant pour The fool

The fool, l'autre grand gagnant de la compétition, aurait pu faire office de favori tant sa mise en scène sèche, son rythme âpre, son sujet brûlant en faisait le candidat idéal à la récompense suprême.

Au lieu de quoi, il décroche l'Atlas d'argent de la mise en scène, le prix du public et le prix du jury jeunes. Difficile de faire plus unanime. Ce troisième long métrage de Youri Bykov (The major) est une tragédie implacable sur la corruption des élites et le sort cruel réservé à ceux qui tentent de s'opposer au système. Malgré sa véhémence un peu appuyée, c'est une œuvre dense, à la noirceur vertigineuse, qui propose sur la compromission et le cynisme une réflexion dénuée de toute complaisance.

Comme dans The major, ce qui intéresse Youri Bykov, c'est d'observer celui qui ose s'élever contre tous et de le confronter à ses propres contradictions. Les chevaliers blancs, chez le réalisateur russe, ne sont guère récompensés de leur intégrité.

Quod erat demonstrandum et Pause en embuscade

quod erat demonstrandumEnfin, deux autres films sont mentionnés au palmarès : le roumain Quod erat demonstrandum qui a convaincu le jury critique avec son noir et blanc élégant et sa lenteur étudiée de thriller totalement intériorisé.

Un film au fond assez classique, pour ne pas dire académique, qui ne prend guère de risques, tout en racontant une histoire tristement convenue de dictature politique. Et puis l'étonnante comédie sentimentale Pause, pleine d'humour et de musique country sensible, qui a reçu une mention spéciale.

Si les palmarès sont parfois décevants, celui de cette 15e édition s'avère au contraire équilibré et évident. Il était impossible de passer à côté de The fool, et son triplé final est à l'image de sa domination sur la compétition. La grande homogénéité du reste des films, en termes de propositions et de style, a permis au jury professionnel de jouir par ailleurs d'une grande souplesse pour les autres prix. Son choix témoigne d'une envie d'éclectisme mais aussi d'exigence, parfaitement à l'image de l'édition 2015.

Le palmarès complet

Atlas d’Or
Fair Play d'Andrea Sedlackova (République tchèque)

Atlas d’Argent de la mise en scène
The fool de Youri Bykov (Russie)

Prix du public
The fool de Youri Bykov (Russie)

Prix Regards jeunes/ région Nord-Pas de Calais
The fool de Youri Bykov (Russie)

Prix de la Critique
Quod erat demonstrandum d'Andrei Gruzsniczki (Roumanie)

Mention spéciale
Pause de Mathieu Urfer (Suisse)

Prix Arrasdays
Free till dawn de Iris Elezi et Thomas Logoreci (Albanie)
The tree de Hafsteinn Gunnar Sigur?sson (Islande)

Göteborg 2014 : sur le plus grand marché de cinéma nordique du monde

Posté par MpM, le 3 février 2014

Pussy Riot Poster pour Göteborg Film Festival 2014Tout en étant volontairement tourné vers le grand public, le Festival international du Film de Göteborg a su se doter au fil des années d'un volet professionnel d'envergure qui en fait désormais le lieu incontournable pour tous ceux qui sont intéressés, de près ou de loin, par le cinéma nordique.

Lors de cette 37e édition, les différentes sections du festival proposaient ainsi des premières mondiales comme celles de Something Must Break d'Ester Martin Bergmark, City of thieves de Johan Renck ou encore Tommy de Tarik Saleh, tandis que le marché, qui attire les professionnels de toute l'Europe, mettait l'accent sur les projets en cours de réalisation.

Parmi les work in progress présentés à Göteborg ont notamment été dévoilés des extraits du très attendu Tourist de Ruben Ostlund (Play, Happy Sweden), d'Itsi Bitsi, le nouveau film d'Ole Christian Madsen (Prague, Les soldats de l'ombre), de Paris of the North de Hafsteinn Gunnar Sigurdsson (Either way) ou encore de Gentlemen de Mikael Marcimain.

En tout, 40 films ont ainsi été présentés dans le cadre du marché, dont le phénomène Blind d'Eskil Vogt, tout auréolé de son prix du meilleur scénario à Sundance, et qui s'est fait connaître en co-écrivant les deux premiers films de Joachim Trier Nouvelle donne et Oslo, 31 août.

Enfin, parmi les différentes table-rondes et rencontres, il faut souligner le Nordic Film Lab Discovery qui donnait l'opportunité à dix jeunes talents de venir parler de leurs projets devant un public de professionnels aguerris.  Parmi les participants, on retrouve des réalisateurs comme Iram Haq (I am yours), Izer Aliu (To guard a mountain) et Milad Alami (Nothing can touch me) mais aussi plusieurs producteurs.

Le cinéma nordique poursuit désormais sa conquête du marché mondial à Berlin, où il sera présent en force dans les salles du marché international, et même en compétition (In Order of Disappearance de Hans Petter Moland), avant de rejoindre Cannes, où l'on pourrait découvrir en avant-première mondiale certains des projets qui ont vu le jour à Göteborg.

Arras 2012 : joli doublé pour Teddy bear de Mads Matthiesen

Posté par MpM, le 19 novembre 2012

C'est probablement le film le plus classique, mais peut-être aussi le plus abouti, qui a remporté l'Atlas d'or, récompense suprême de ce 13e Arras Film Festival.

Il faut dire que Teddy bear, le film du Danois Mads Matthiesen, a tous les atouts pour séduire un jury : non seulement c'est le portrait sensible d'un personnage attachant et cocasse, mais en plus il aborde avec humour et finesse plusieurs sujets de société comme le tourisme sexuel, la solitude sentimentale et les affres de la filiation.

Ce conte de fées moderne (avec ce que cela peut impliquer d'angélisme) s'offre ainsi un joli doublé en séduisant à la fois le jury professionnel présidé par Tonie Marshall et celui du Syndicat de la Critique.

Le jury professionnel a par ailleurs remis l'Atlas d'argent de la mise en scène à Little black spiders de la réalisatrice belge Patrice Toye (en photo avec son actrice Line Pillet). Le film se déroule dans un refuge où sont accueillies confidentiellement des jeunes filles enceintes. L'institution leur garantit anonymat, soutien et protection pour mener à bien leur grossesse dans les meilleures conditions.

Si le scénario s'avère rapidement prévisible et manquant de consistance, la manière dont la cinéaste mêle les formats d'image pour obtenir une ambiance hors du temps et inquiétante s'avère en effet assez intéressante.

De son côté, le jury lycéen a préféré distinguer Either way de l'Islandais Hafsteinn Gunnar Sigurðsson (en photo), un film réalisé avec très peu de moyens dans une région isolée du Nord-Ouest islandais. On y suit un homme d'une trentaine d'années et son beau-frère de 24 ans qui passent l'été à réhabiliter le marquage au sol d'une route peu empruntée. Comme un huis-clos cocasse et décalé, mais au milieu de paysages majestueusement désolés.

Enfin, le public s'est tourné vers le film allemand My beautiful country de Michaela Kezele (en photo avec son actrice Zrinka Cvitesic), l'histoire d'une jeune veuve d'origine serbe qui sauve la vie à un soldat albanais en pleine guerre du Kosovo. Une oeuvre bouleversante (parfois un peu appuyée) sur une période de folie inhumaine et destructrice.

A noter également que pour la première fois, un jury de professionnels a remis le prix "ArrasDays" à un projet de film en devenir. C'est l'Espagnole Paula Ortiz (en compétition avec Chrysalis) qui a remporté ce premier trophée (ainsi qu'une dotation de 5000€) avec The bride. Le réalisateur Hafsteinn Gunnar Sigurðsson, déjà primé pour Either way, s'est vu attribuer une mention spéciale pour son projet Kanari.

Un palmarès globalement bien accueilli, même s'il laisse de côté le réussi The exam (à cause de sa fin ratée ?) et le déjanté Jackpot (les jurys récompensent rarement les comédies et peu souvent les films de genre, probablement le Norvégien Magnus Martens partait-il avec un handicap de départ en mêlant les deux...) pour privilégier des oeuvres plus traditionnelles et aux sujets plus "sérieux".

Sans remettre en cause le grand triomphe de Teddy bear (mérité, puisque le film est efficace), on peut ainsi regretter que les jurés aient défendu le film le plus "solide" de la compétition, donc susceptible de trouver un distributeur par lui-même, au détriment d'œuvres plus fragiles, certes imparfaites, mais tout aussi attachantes.

***

Le palmarès complet

Atlas d'or
Teddy bear de Mads Matthiesen (Danemark)

Atlas d'argent de la mise en scène
Little black spiders de Patrice Toye (Belgique)

Prix du public
My beautiful country de Michaela Kezele (Allemagne)

Prix Regards Jeunes
Either way de Hafsteinn Gunnar Sigurðsson (Islande)

Prix de la critique française
Teddy bear de Mads Matthiesen (Danemark)

Prix ArrasDays
Paula Ortiz pour The bride

Mention spéciale au Prix ArrasDays
Hafsteinn Gunnar Sigurðsson pour Kanari

Arras 2012 : retour en vidéo sur le jour 7 avec Laurent Cantet, l’équipe du film Ouf et Hafsteinn Gunnar Sigurðsson

Posté par MpM, le 18 novembre 2012

Invités : Laurent Cantet (invité d'honneur) pour Foxfire ; Yann Coridian, Laurence Briaud et Lucas Loubaresse pour Ouf ; Hafsteinn Gunnar Sigurðsson pour Either way...

L'équipe du quotidien vidéo du Arras Film Festival : Jessica Aveline, Nina Debail, Vincent Escriva, Pearl Hart, Olympe Le Touze et Alain Pétoux.
Propos recueillis par Marie-Pauline Mollaret et Jovani Vasseur.
Merci à David Lesage.