Cannes 2014 : rencontre avec Ioanis Nuguet, réalisateur de Spartacus et Cassandra

Posté par MpM, le 22 mai 2014

Spartacus et CassandraPrésenté dans le cadre de l'ACID, Spartacus et Cassandra de Ioanis Nuguet est un documentaire mêlant images prises sur le vif et voix-off très écrites qui viennent donner un contrepoint à ce qui se passe à l'écran.

On y découvre deux adolescents de la communauté rom, Spartacus et Cassandra, qui vivent sous le chapiteau d'un cirque à Saint-Denis. Ils ont été pris en charge par Camille, une très jeune femme qui se bat pour leur offrir un avenir. Le film suit à la fois leur parcours concret (chez le juge, auprès de leurs parents, à l'école...) et leur évolution plus psychologique (entre leur refus de quitter leurs parents et leur désir d'une nouvelle vie à la fin du film).

Ioanis Nuguet, dont c'est le premier long métrage, travaillait sur un projet de long métrage de fiction situé dans la communauté rom lorsqu'il a rencontré les deux protagonistes de son film. Immédiatement, il a eu envie de les filmer.

Ecran Noir : Comment s'est fait la rencontre avec Spartacus et Cassandra et comment est née l'idée du film ?
Ioanis Nuguet : J'ai passé beaucoup de temps sur les terrains roms de Saint-Denis. Pour moi c'était un terrain d'apprentissage. On s'est croisé quelques fois sur ce terrain avec Spartacus et Cassandra. Là un concours de circonstances a fait qu'il y a eu plein d'expulsions en même temps et qu'ils sont arrivés sur le terrain où j'étais déjà et où je filmais des trucs. La rencontre s'est faite là, avec Camille, aussi, qui avait l'idée, et qui l'a fait, d'apporter son chapiteau au milieu d'un bidonville. COmme pour les protéger et avoir un peu une présence particulière. Au départ je voulais faire une fiction à partir de leur vie. Tout de suite il a été question de film, et pour moi c'était évident qu'ils allaient jouer dedans. Et au même moment, j'ai rencontré ce producteur, Samuel XXX qui lui est arrivé sur le terrain au même moment avec l'idée de faire un film à travers des enfants roms. Toutes ces circonstances ont fait qu'un film était évident et rapide. C'est un documentaire qui reprend toute la grammaire du cinéma mais rien n'est fictionnalisé. On avait un peu de temps pour mettre en place les séquences mais c'est ce qui se passe réellement. Tout est filmé au moment où ça se passe, sur une période d'an et quelques mois.

EN : Le film est ancré dans la réalité, et en même temps les pensées des personnages apparaissent en voix-off...
IN : Pendant le tournage, moi j'avais des carnets et je notais. Très tôt, j'avais pensé à leur voix, à cette intériorité. Pour moi, les voix, c'est vraiment de la métaphysique, on a un truc qui va au-delà de ce qui nous est montré. Chaque jour je leur demandais comment ils avaient ressenti les choses. Ils étaient en train d'apprendre à écrire des vers, de la poésie, on les voit faire du rap dans le film. Du coup moi je leur demandais d'écrire sur leur journée, les situations, ce qu'ils avaient pensé. Et aussi, au montage, on a rajouté pas mal de voix sur des séquences. Là, pareil, je leur demandais. Ils ont produit plein de choses. Et après on montait, on enregistrait, on triait ensemble et on faisait des essais jusqu'à arriver à quelque chose qui nous satisfasse. C'était vraiment eux qui écrivaient.

EN : Quelle était l'idée derrière cette démarche ?
IN : C'était une démarche plus formelle. Il y avait l'idée d'ajouter de la distance et surtout de ne pas se coller à ce qui arrive. Au début du film, c'est assez réaliste. On est dans des situations assez oppressantes. Je l'ai cadré en plans très serrés. Au fur et à mesure qu'ils découvrent d'autres perspectives, ça s'élargit. Du coup il y a un sentiment que je trouvais un peu oppressant, donc tout à coup la voix c'était aussi redonner une ouverture au monde. La voix c'est tout ce qui questionne sur "qu'est-ce queje fais ici ?", qui questionne le sens et qui n'est pas uniquement dans l'événement, dans l'accident, dans l'urgence. Au fur et à mesure ces voix prennent de plus en plus d'ampleur jusqu'à constituer une narration à part entière, parallèle, quasiment.

Lire le reste de cet article »