Décryptage : Et si les films sortaient le vendredi… ?

Posté par geoffroy, le 10 mars 2010

Voilà une question qui a fait pschitt ! Alors, effet d’annonce raté ou vraie proposition occultée ?

En France, les films sortent le mercredi depuis 1972. Cette empreinte « ciné » du milieu de semaine a fait du mercredi « La » journée du cinéma, celle des premières files d’attente, des cris des enfants, des achats de boissons gazeuses et de pop-corn géants, des discussions acharnées entre potes ou des rencarts amoureux. Mais alors, pourquoi Jérôme Seydoux – P-DG de Pathé et d’EuroPalaces – proposa-t-il l’idée, devant un parterre de professionnels et de journalistes, de décaler un tel évènement au vendredi ?

jeromeseydoux.jpgL’effet d’annonce

C’est à l’occasion du 64ème congrès de la Fédération Nationale des Cinémas Français (FNCF) organisé à Deauville, le 2 octobre 2009, que Jérôme Seydoux, l’heureux producteur des Ch’tis, surprend :
« Il faut réfléchir à la possibilité que les films sortent désormais le vendredi plutôt que le mercredi. En effet, si vous les lancez un vendredi, vous avez alors tout le week-end pour que le public se rende dans les salles. Quand un film sort le mercredi et même s’il réalise un excellent démarrage, les deux jours suivants, les résultats sont inférieurs avant de repartir à la hausse. La France doit se mettre au diapason des autres pays qui sortent les films le vendredi. Cela aurait l’avantage de booster les chiffres de la fréquentation des salles sur un week-end ».

Au vu de cette déclaration qui, à vrai dire, tranche avec les positions habituelles de toute une profession, le cinéma ne serait plus qu’un simple enjeu financier, sorte de plan comptable ayant pour objectif de créer un niveau de rentabilité record dès le premier week-end d’exploitation. D’ailleurs le si « on était sorti le vendredi, Bienvenue chez les Ch’tis aurait battu le record de Titanic » résume à lui seul les motivations d’un producteur-exploitant nous expliquant que remettre en cause un système vieux de 38 ans permettrait à la France de se « raccorder » avec la réalité économique d’un marché en pleine mutation. Les réactions furent épidermiques et les professionnels plutôt hostiles face à ce que beaucoup considèrent comme une OPA médiatique sans fondement.

Modèles, arguments et salade composée

Jérôme Seydoux sait bien qu’il ne passera pas en force, puisque pour entériner sa proposition il faut que l’ensemble des professionnels du secteur accepte de signer un accord sur le sujet. L’enjeu est simple et consiste à démontrer la pertinence d’un modèle sur un autre, le taux de fréquentation en salles devenant, au final, l’aiguillon d’un cinéma qui aurait abandonné les vertus de la diversification. Sans garde fou, cette recherche de rendement peut s’avérer catastrophique et rendre bien réel le risque d’aggravation des déséquilibres entre les salles (domination de plus en plus écrasante des multiplexes sur les salles d’art & essai), les films projetés et les publics.

S’il y a fort à parier qu’une sortie massive le week-end « boosterait » effectivement les entrées en salles, la concentration de « gros » films sur une période qui leur est arithmétiquement favorable  (vendredi, samedi, dimanche au lieu de mercredi, jeudi, vendredi) se fera au détriment des petites et moyennes productions prisent à la gorge dès le premier week-end. C’est ce que craint la D.I.R.E (Distributeurs Indépendants Réunis Européens) qui soutient que « la montée en puissance des films d’art & essai n’est pas liée à l’arrivée du week-end – en part de marché – mais bien à une question de « mise en route » plus lente ». Le phénomène n’est bien sûr pas nouveau, mais à quoi bon risquer une aggravation des difficultés d’exploitation d’un certain cinéma ayant aujourd’hui du mal à trouver son public.

Lire le reste de cet article »