Les chemins de la mémoire : à emprunter d’urgence

Posté par MpM, le 15 mars 2011

chemins"Nier l'Histoire, c'est risquer de la répéter."

L'histoire : Plus de trente ans après la mort de Franco, José-Luis Penafuerte interroge la mémoire collective espagnole. Il filme l'excavation des fosses de la guerre civile, recueille le témoignage d'exilés politiques et de descendants des disparus et prête même l'oreille aux élucubrations des derniers franquistes.

Notre avis : Voilà un documentaire salutaire, indispensable et surtout captivant qui n'hésite pas à relever les contradictions d'un pays qui ne s'est jamais remis de son Histoire. En effet, plus de soixante-dix ans ont passé depuis la guerre civile, et pourtant, en Espagne, le sujet reste extrêmement sensible. Alors que certaines familles sont toujours à la recherche de leurs disparus, nombreuses sont celles qui, au contraire, voudraient enterrer le passé. Sans parler des illuminés qui n'hésitent pas à le glorifier (le film montre un rassemblement de nostalgiques de l'époque franquiste). Comme si, dans les esprits, la guerre se poursuivait encore et encore, sur un plan moral, émotionnel, intime, entre ceux qui se vantent toujours d'appartenir au camp des vainqueurs, et ceux qui veulent simplement faire (re)connaître la vérité.

Si cet épisode de l'histoire est toujours aussi douloureux, c'est bien sûr parce qu'il fut terrible (60 000 exécutions, 130 000 disparus, 300 000 dénonciations, 400 000 prisonniers...) et que bien des victimes ne purent jamais faire leur deuil,  mais sans doute aussi parce que la culpabilité ronge encore une partie de la population, mal à l'aise à l'idée de déterrer les fantômes du passé. "A quoi bon", disent les uns, tandis que les autres s'inquiètent des risques pour la cohésion du pays et peut-être aussi pour leur tranquilité personnelle. Pourtant, nulle volonté de revanche dans la démarche des survivants et des enfants de victimes. Simplement la peur de voir leur histoire disparaître avec eux. Car pour ces résistants de l'extrême, l'oubli est la pire des peines.

Le propos du film est justement de montrer les contours flottants de la mémoire collective du pays. Sans voix-off ni commentaire, mais en alternant images d'archives, reportages, témoignages face caméra et même procédés fictionnels (de longs travellings symboliques dans des ruines, ou sur les rayons d'une bibiothèque consacrés à l'Histoire), José-Luis Penafuerte en livre un instantané fuyant, montrant qu'elle emprunte mille chemins différents pour retracer son passé. Par moments, le film tient ainsi de l'enquête policière fascinante où chacun livre "sa" vérité. Comme autant de pièces d'un puzzle, bouleversantes, édifiantes, terribles, cruelles, insupportables. Cet assemblage d'impressions, de souvenirs, de faits et de symboles forme alors le portrait sensible d'une époque et, au-delà de ce pan particulier de l'histoire, livre un message universel, humaniste et plein d'un immense espoir : celui que les horreurs du passé ne se reproduisent plus.