Chomsky et Cie : salutaire cours d’autodéfense intellectuelle

Posté par MpM, le 24 novembre 2008

Chomsky et cieL’histoire : En mai 2007, Daniel Mermet réalise une série d’entretiens avec Noam Chomsky pour son émission de radio engagée et militante, Là-bas si j’y suis, diffusée sur France Inter. Olivier Azam est derrière la caméra et Giv Anquetil à la traduction simultanée. Suite à une souscription lancée auprès des auditeurs et fidèles de l’émission, un film voit le jour. C’est la coopérative audiovisuelle et cinématographique Les mutins de Pangée qui l’a entièrement autoproduit. On y retrouve à la fois des extraits de la rencontre avec Noam Chomsky, des témoignages de chercheurs ou de journalistes en adéquation avec sa ligne de pensée, et également des images d’archives.

Ce que l’on en pense : "Douter de tout ou tout croire sont deux solutions également commodes qui, l’une comme l’autre, nous dispensent de réfléchir." Voilà une citation (signée Henri Poincaré, philosophe français) qui devrait guider le spectateur de Chomsky et cie tout au long du film. En effet, cette plongée dans la pensée du théoricien du langage et analyste politique ne se présente pas tant comme un point de vue objectif sur ses théories que comme une explication de texte destinée à les exposer. Aussi vaut-il mieux ne jamais se départir de tout esprit critique… après tout, n’est-ce pas le premier enseignement du philosophe lui-même ?!

Chomsky en appelle en effet au bon sens et à l’intelligence pour contrer les dérives de ce qu’il nomme "la fabrique de l’opinion" et "la fabrique du consentement". Sa thèse, qui n’est ni celle d’un complot international, ni celle d’un groupuscule surpuissant tirant les ficelles en coulisse, incrimine les comportements d’auto-censure de la presse (qui passe sous silence certaines informations par peur de déplaire ou d’être privée d’informations) ainsi que la façon dont l’utilisation d’un langage connoté ("frappes chirurgicales", "armes de destruction massive", "dommages collatéraux"…) peut amener l’opinion publique à pencher dans un sens plutôt que dans l’autre.

C’est d’autant plus passionnant que Chomsky comme Mermet donnent un tour éminemment pédagogique au film : chaque assertion est accompagnée d’un exemple édifiant et facilement vérifiable, et d’autres témoignages viennent compléter la pensée du chercheur américain. Sur la forme, c’est moins réussi, car on sent la scénarisation a posteriori, et les limites de cette transcription cinématographique d’un contenu radiophonique. Qu’importe, il se détache de l’ensemble une immense énergie (génératrice d’une volonté de comprendre, d’expliquer, de dénoncer et d’agir) et une certaine candeur, le film disant à la fois des choses que l’on sent confusément sans être capable de mettre un nom dessus et des évidences auxquelles on est fréquemment confronté. En complément, on ne peut que recommander la lecture de l’excellent manuel de Normand Baillargeon, Petit cours d’autodéfense intellectuelle, qui prend au mot l’idée de Chomsky : "si nous avions un vrai système d’éducation, on y donnerait des cours d’autodéfense intellectuelle".

Lire le reste de cet article »