Gilles Carle ou le Fellini Western

Posté par benoit, le 12 décembre 2009

Gilles Carle et Carole LaureLe cinéaste Gilles Carle s’est éteint le 28 novembre 2009 à l'âge de 80 ans. Handicapé par la maladie de Parkinson, il ne parlait plus depuis cinq ans. En hommage au réalisateur québécois, des funérailles nationales ont été célébrées à la basilique Notre-Dame de Montréal le 5 décembre.

Cher Gilles Carle qui êtes maintenant aux cieux, que votre œuvre foutraque parce que terrestre soit glorifiée à sa juste valeur !

J’émets des vœux pour que le ciné-paradis où vous flottez en Maître soit un foutoir de jugement dernier où les débiles côtoient les putes, les saintes masturbent les vieillards, les anges servent la soupe aux proxénètes et les plus belles femmes du monde avancent toute nue sur les nuages avec des cornes d'orignal sur la tête.

Federico Fellini certifiait que l’Antiquité hante à jamais l'Italie, qu'il suffit de gratter le maigre vernis de sa civilisation pour découvrir un univers archaïque, barbare et païen. Vous, cher Gilles Carle, déclariez que le Québec a toujours de la boue dans le cerveau et des épines de sapin collées à l'âme. C’est pourquoi votre filmographie cède à toutes les démangeaisons, ne cesse de bondir dans tous les sens, épouse toutes les allées et venues des évolutions et révolutions. Comme La Vraie Nature de Bernadette où Micheline Lanctôt, petite-bourgeoise, quitte la ville pour la campagne. Lave son linge sale dans la rivière, s'adonne au régime végétarien et à l'amour libre. Comme dans La Mort d'un bûcheron où déboule Carole Laure, une rurale dans la jungle montréalaise qui pervertit au passage Maria Chapdelaine, le mythe de Louis Hémon, sous fond de déforestation.

Les mâles, les femelles, les Rouges, les Blancs, les ouvriers, les patrons, les nantis, les paumés, vous avez plongé toutes les figures inoubliables de votre monde dans une même mare de sperme, de sang, de rires, de larmes et de sueur. À l’image du pays dont vous êtes le plus grand cinéaste à ce jour. Ce Québec écartelé entre américanisme et franchouillardise qui n’en finit pas de courir après son identité, et n'arrive jamais à se poser. Comme votre œuvre, cher Gilles Carle, un western à la Fellini, capoté, désenchanté, bordélique, libre et magique !