Le génie de Charlie Chaplin en trois extraits

Posté par vincy, le 7 février 2014

Charlie Chaplin (1889-1977), alias Charlot. Aujourd'hui, nous fêterions le centième anniversaire de Charlot, ce vagabond que les spectateurs découvrirent le 7 février 1914 dans Charlot est content de lui (The Kid Auto Race) d'Henry Lehrman.

Depuis Charlot est devenu un mythe du 7e art. Chaplin est devenu une star. Voici trois extraits de films qui peuvent expliquer le génie d'un créateur de gags mais aussi de poésie. La ruée vers l'or (1925) et sa chaussure, Les temps modernes (1936) et son usine fordiste, Le dictateur (1940) et son globe flottant. Trois manières de voir le monde (et de le critiquer avec subversion).

Le programme de Toute la mémoire du monde 2013 dévoilé

Posté par vincy, le 8 novembre 2013

La Cinémathèque française a dévoilé ce matin le programme de la deuxième édition de son festival de films restaurés, Toute la mémoire du monde, qui se déroulera du 3 au 8 décembre prochain.

Au menu cette année :

- Une carte blanche au cinéaste William Friedkin, à l’occasion de la restauration par la Warner de son film Le convoi de la peur (Sorcerer), remake du Salaire de la peur. 5 films au programme :  Le Samouraï de Jean-Pierre Melville, restauré par Pathé, A cause d'un assassinat d'Alan J. Pakula, Crimes et délits de Woody Allen, Sueurs froides d'Alfred Hitchcock, Le Trésor de la Sierra Madre de John Huston. Friedkin fera également une master class animée par Jean-François Rauger, le 4 décembre.

- Un hommage à la Cinécita di Bologna, qui a restauré plusieurs oeuvres de grands cinéastes italiens, et notamment Roberto Rossellini, Elio Petri, Mario Caserini...

- Dans la série "Restaurations et incunables" : Shoah de Claude Lanzmann, Fantômas de Louis Feuillade (avec un ciné concert et une nui dédiée au héros), Fleurs d'équinoxe de Yasujiro Ozu, La dernière séance de Peter Bogdanovich, Fanny et Alexandre d'Ingmar Bergman, Partie de campagne de Jean Renoir...

- Un programme "Les couleurs du cinéma muet", avec une mise en avant des différents procédés pour transformer le noir et blanc de l'époque en "technicolor". Cela comprend des films d'Hitchcock (The Lodger), Erich Von Stroheim et Georges Méliès.

- Une rétrospective Raj Kapoor, à l'occasion du Centenaire du cinéma indien. Raj Kapoor fut l’un des géants du cinéma hindi à la période de l’Indépendance. Il fonda son propre studio en 1947, à l’âge de 23 ans. Dans les années 1940 et 50, il réalise quatre films qui renouvellent en profondeur le cinéma hindi. "Ses œuvres reprennent à leur compte les conventions de l’époque : chants, danses, durée hors norme et goût prononcé pour le mélodrame. Mais le cinéma de Kapoor cherche du côté des néo-réalistes, d’Orson Welles ou de Frank Capra, et parvient à fondre les formes de façon virtuose" explique la cinémathèque.

Le film retrouvé d’Orson Welles le 1er décembre à EntreVues Belfort

Posté par vincy, le 7 novembre 2013

too musch johnson orson welles

Too Much Johnson, le film longtemps perdu réalisé par Orson Welles a été retrouvé l'an dernier dans un hangar italien au cours d'un déménagement. Le film a été pour la première fois projeté à Pordenone (Italie) le 9 octobre dernier. C'est Paolo Cherchi Usai, directeur du Festival du cinéma muet de Pordenone, qui a restauré le court-métrage du mythique réalisateur américain au sein du Musée international de la photo et du cinéma George Eastman à Rochester aux Etats-Unis. C'est d'ailleurs dans ce musée que l'original du film est à présent conservé.

Il sera projeté, avec une illustration musicale au piano, au Festival EntreVues Belfort le 1er décembre à 18h30, au cinéma Pathé de la ville. Le film dure 66 minutes. On y retrouve Joseph Cotten, John Houseman et Virginia Nicholson.

Considéré comme le premier film professionnel réalisé par Orson Welles, cette oeuvre muette devait à l'origine être intégrée à une représentation théâtrale. Il s'agissait de prologues filmés à chaque acte de la pièce que Welles mettait en scène pour le Mercury Theater. Un accompagnement muscial et sonore étaient prévus. Too Much Johnson est "une farce dans le goût de Labiche ou de Feydeau" selon le communiqué du Festival, "écrite en 1894 par William Gillette". Le matériau n resta à l’état de rushes.

Depuis les années 60, le film n'avait jamais été diffusé, avant qu'on le croit définitivement disparu. Too Much Johnson a été retrouvé et identifié dans le dépôt de l’association cinéphile Cinemazero de Pordenone en Italie en 2012. Les bobines avaient été données à l’association en 2004 par un transporteur qui ne savait qu’en faire et restaient depuis en attente d’archivage.

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George Eastman House film de présentation, photos...

La Rochelle 2012 : « Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée »

Posté par Martin, le 3 juillet 2012

A propos de La Ruée vers l’or de Charles Chaplin.

Notre petit vagabond préféré marche le long d’une falaise. Sa démarche chaloupée manque de le faire tomber à chaque pas quand derrière lui sort par une grotte un ours qui se met à le suivre. Il avance sans le voir ; quand il se retourne l’ours vient juste d’entrer dans une nouvelle grotte. C’est la première scène du film. Dans ce jeu de portes ouvertes, d’apparition et de disparition, il y a déjà tout La Ruée vers l’or (1925), et peut-être même tout Chaplin : la vie est une question d’espace vital, et le cinéma une recherche de cadre.

En particulier dans ce film, ce questionnement s’incarne avec la porte, porte ni ouverte ni fermée des grottes, mais surtout porte de la cabane qui froid oblige, doit rester fermée. Dans le premier morceau de bravoure du film, Charlot se réfugie dans une cabane dont le propriétaire ne tarde pas à revenir : Black Larson ne veut pas de lui et ouvre la porte pour le faire sortir. Poliment, le Vagabond sort mais le vent le repousse à l’intérieur inlassablement. Il a alors l’idée d’ouvrir la deuxième porte, créant un courant d’air qui pousse Black Larson hors de la cabane. Comme toujours chez Chaplin, la scène dure pour faire jaillir tout le miel comique de cet espace fermé qui est à la fois un cadre fermé de cinéma (le jeu sur les lignes dans la cabane) et une scène de théâtre (il vire l’autre acteur de scène et prend ainsi le premier rôle).

Fait écho à cette scène, un autre grand moment quand Charlot et son ami Big Jim s’endorment dans la cabane qui se déplace pendant la nuit jusqu’au bord d’une falaise. Tout le suspense et le comique indissociables viennent cette fois du rapport entre l’intérieur et l’extérieur. Le plan d’ensemble de la cabane au bord de tomber, vue de dehors, succède au plan d’intérieur montrant les deux personnages inconscients du danger qu’ils courent, jouer à faire basculer leur habitacle. Une fois complètement oblique, retenue par une corde, au bord de sombrer, la cabane devient un espace nouveau : les portes deviennent un aller simple vers la mort ou vers la vie. Les lignes verticales et horizontales sont chamboulées, et les personnages doivent trouver un nouveau moyen d’ouvrir la porte en haut qu’ils souhaitent voir fermer en bas. Il y a quelque chose de régressif et même d’anal dans ce comique : la cabane devient un corps humain recrachant ses habitants ; la nourriture est d'ailleurs l’enjeu de l’intrigue (Charlot faisant bouillir ses chaussures, devenant un poulet aux yeux de Big Jim, ou inventant avec ses fourchettes la fameuse danse des petits pains).

L’ouverture de la porte, c’est donc dans La Ruée vers l’or la constitution d’un espace comique : l’espace clos est l’occasion de la destruction d’un espace (cf. Le Cirque et l’espace scénique que Charlot détruit malgré lui, mais ici aussi le saloon) ; la porte ouverte oblige l’espace donc le personnage à une transformation constante. Tout le film pose donc cette question très simple : comment s’adapter à un espace en perpétuelle transformation ? La question tragique de la survie et le pouvoir comique sont ici plus qu’intiment liés : ils sont le deux portes d’un même espace.

L’instant Vintage : Harry Langdon, appelez-le Baby Face

Posté par Benjamin, le 17 mars 2012

La collection, Les pionniers du burlesque, édité par Bach Films, est une formidable occasion de (re)découvrir les artistes qui permirent au burlesque américain de se propager à travers le monde. Ce sont les Buster Keaton, Mack Sennett et autres Harold Lloyd qui ont donné à la comédie américaine ses fondements.

Un des DVD de la collection est consacré à Harry Langdon (1884-1944). Trois films y sont présentés, deux courts métrages et un moyen de 50 minutes. Tous sont produits par Mack Sennett (qui fut en son temps un véritable découvreur de talents !). Harry Langdon, certes moins célèbre aujourd'hui que ses confrères de l'époque, fut une star. Une vedette suffisamment importante pour que sa marque de fabrique soit exportable. Tous les acteurs burlesques de renom avaient leurs caractéristiques, un style visuel et vestimentaire, un personnage bien précis : Chaplin en vagabond, Lloyd en fils à papa, etc. Harry Langdon lui, fut qualifié de Baby Face. Même la vingtaine passée, son visage gardait l’allure de celui d’un poupon. Cette innocence, cette candeur serait donc sa force.

On le voit clairement dans ces trois films, Langdon joue très peu avec son corps et tout son art burlesque passe par son visage de bébé. Il incarne un petit homme chétif et craintif. Peu entreprenant (dans l’un des films, il est dominé par sa femme), son personnage est un peureux, emporté par les aventures sans l’avoir demandé. Ce qui frustre, c’est le manque d’engagement physique de la part de l’acteur. Il aurait certainement été un brillant comédien au temps du parlant, car les mimiques de son visage auraient trouvé toute la latitude qui leur convient. Mais, dans le cadre du muet qui implique la mobilité du corps tout entier, il ne fait qu’à moitié mouche. Il réalise peu de cascades et même peu d’acrobaties. Sa distinction se fait par l’expressivité de son faciès. Langdon fait en sorte d’élargir au maximum la palette de ses émotions et affine son jeu, jamais outrancier si l'on compar à ses rivaux des années 20. Pierrot atemporel, il avait l'image d'un poète névrosé, incapable d'exprimer fermement ses sentiments.

Sa faute est d’avoir voulu mettre au point un style trop statique, sans modifier ou apporter de la nouveauté du côté des emplacements et mouvements de caméra et sans chercher à améliorer les intrigues. Ainsi, Langdon se situe entre deux univers : il est en avance d’un certain côté sur le cinéma parlant qui pointe la bout de son nez, mais reste engluer dans la mécanique quelque peu usée du muet.

Un artiste quelque peu en avance sur son temps mais dont le génie était limité. Sa gloire fut brève, le temps de trois films. Pourtant, acteur, scénariste et réalisateur, il en tourna des dizaines (principalement des courts), y compris des films parlants.

Le voyage dans la lune, de Georges Méliès : le premier blockbuster de l’histoire du cinéma

Posté par Benjamin, le 14 décembre 2011

Pour moi, tout commence en décembre 2010 lorsque je rencontre Serge Bromberg pour la première fois dans les locaux de Lobster Film à Paris. Je viens lui poser de nombreuses questions sur la restauration des tout premiers films de Chaplin qui viennent de sortir en DVD. Nous discutons un peu. Il me montre une partie de sa collection, quelques bobines de Buster Keaton que j’admire. Et en guise de cadeau, le restaurateur accepte de me montrer sur quel projet fou il travaille d’arrache-pied depuis quelques temps. Il ouvre une boîte et je découvre avec horreur des milliers de petits bouts de pellicule ! C’est Le voyage dans la lune de Georges Méliès, dans une version colorisée inédite (voir notre critique), et Serge Bromberg me dit : « vous verrez, dans quelques mois, ce projet fera du bruit. On en entendra parler partout ! ». Chose promise, chose due. Le film est aujourd’hui restauré au prix d’incroyables efforts et il ressort en salles, accompagné d’un superbe documentaire.

C’est l’histoire d’un voyage dans le temps et aux quatre coins du globe. Un voyage qui débute en 1902, qui passe par Cannes, Londres, Tokyo, New-York et qui fait même un arrêt sur la lune ! C’est une histoire incroyable. Un pari de dingues, de passionnés qui n’avaient qu’une idée en tête : ressusciter le film le plus célèbre de Georges Méliès, l’inventeur du cinéma de divertissement.

Le premier blockbuster de l’histoire du cinéma

La qualification est forcément racoleuse, et pourtant nous ne sommes pas si éloignés de la réalité. Au début du siècle dernier, le cinéma en est à ses balbutiements et c’est la production cinématographique française qui règne en maître dans le monde. Ce sont nos films qui s’exportent aux États-Unis et non l’inverse. Et LE réalisateur de films divertissants de l’époque n’est autre que Georges Méliès, magicien de profession, qui tombe amoureux du cinéma et des possibilités infinies qu’il peut offrir. Dans ses studios de Montreuil, Méliès réalise en 16 ans plus de 500 films et Le voyage dans la lune, tourné en 1902, est un de ses projets les plus ambitieux. L’artiste/artisan aime plonger le spectateur dans des univers féériques et fantastiques. Il nous embarque dans des explorations sous-marines à la rencontre de monstres impitoyables ou bien nous envoie haut dans le ciel parmi les étoiles. Cependant, Méliès, veut aller toujours plus loin ! Il aimerait surprendre toujours plus et livrer LA superproduction de l’époque.

Il décide donc d’aller sur la lune ! Le budget est colossal (10 000 francs), la longueur du film (15 minutes) totalement inédite pour l’époque, et Méliès engage un nombre important de figurants. Bref, les moyens mis en place sont ceux qu’Hollywood peut mobiliser pour un blockbuster d’aujourd’hui.

L’histoire est simple : des scientifiques décident d’être propulsés sur la lune à bord d’une sorte d’obus géant. Là-bas, ils découvrent une nature luxuriante, quoique mystérieuse et quelque peu hostile, ainsi que les « locaux », les Sélénites, qui tentent de les capturer. Heureusement, les aventuriers parviennent à regagner la terre ferme où ils sont accueillis en héros.

Dès sa sortie, le film est un énorme succès. Les forains se l’arrachent et le film est même très fortement "piraté" aux États-Unis. Des copies frauduleuses circulent sur tout le territoire, obligeant Méliès à ouvrir une succursale à New-York pour faire valoir ses droits.

Cependant, et c’est ce qui nous intéresse ici, Méliès veut que le spectacle soit total et pour cela, il veut de la couleur, ce qui coûte cher ! Certaines copies seront vendues en noir et blanc (la majorité), tandis que d’autres seront en couleur (des versions « de luxe »). Et en couleurs signifie, dans le cas du Voyage dans la lune, la dextérité de 400 jeunes filles armées d’un pinceau et peignant chaque case de pellicule une par une, chaque personne ayant en charge une couleur précise. Cela signifie une patience absolue et de longues journées de labeur.

Malgré l’époque et un art encore hésitant, Georges Méliès s’affranchit des limites du réel. Il va sur la lune et met de la couleur sur la pellicule, puisqu’il ne peut la filmer en direct. Et c’est d’ailleurs cela qui donne au Voyage dans la lune son aspect si original et atemporel. La couleur n’est pas une couleur « naturelle », elle est flagrante, voyante, et renforce l’aspect fantastique et féérique du film.

Pour le 150ème anniversaire de sa naissance, Georges Méliès peut se dire que, bien qu’il ait fini dans la pauvreté et dépouillé de ses studios, son cinéma, lui, est toujours présent, et sa féérie parfaitement intacte.

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Le voyage dans la lune est programmé dans les salles françaises à partir du 14 décembre en accompagnement du documentaire Le voyage extraordinaire, de Serge Bromberg, qui explique sa restauration.

L’instant vintage : Charley Bowers, le technicien du burlesque

Posté par Benjamin, le 7 décembre 2011

?Voilà un artiste du cinéma burlesque qui fut ramené à la vie grâce aux cinémathèques (celle de Toulouse dans les années 50), aux festivals, au DVD de Lobster Films, à tous ces restaurateurs, amoureux des premiers films qui s’émerveillent devant ces petites pépites retrouvées presque par hasard.

Au départ, il n’y a qu’un nom « Bricolo » (son nom de scène en France), qui ne dit grand-chose à personne. Puis, en communiquant avec la Cinémathèque de Québec, un nom s’ajoute, celui de l’artiste : Charley Bowers. La cinémathèque de Québec connaît sa carrière d’animateur, celle de Toulouse sa carrière d’acteur burlesque. Le tableau de la vie professionnelle de Bowers semble se compléter de plus en plus et livrer ses étonnants secrets.

Charley Bowers n’a fait que peu de films (une douzaine de courts métrages, muets et parlants) mais plus de deux cents films d’animation en noir et blanc, très rudimentaires, sans scénario, simplement des enchaînements de gags. Il ressemble un peu à Buster Keaton dans la lignée duquel il s’inscrit. Tout deux sont différents de Chaplin, qui lui est un être sensible. Son personnage de Charlot est celui qui fait passer le plus d’émotions, celui qui rit à outrance, qui fait courir sur son visage mille expressions et grimaces. Au contraire, Buster Keaton et Charley Bowers sont des techniciens de l’image. Pour le premier, la machine n’est autre que son corps. Son corps aux compétences athlétiques qu’il soumet à maintes épreuves. Pour Charley Bowers, c’est l’image même, c’est la technique cinématographique qui est source de gags et non une situation ou un évènement particulier.

Les histoires des films du bricolo ingénieux Bowers ne sont toujours que des prétextes à ses inventions : il aura l’argent de son oncle décédé à la seule condition que son invention marche, ou bien il ne pourra épouser sa dulcinée que s’il se montre capable de quelque chose de génial. Car Bowers incarne un marginal, un inventeur incompris. Vivant en marge de la société, il ne se lève et ne respire que pour créer des choses en lesquelles il est le seul à croire. Cependant, tout ce qu’il veut, c’est rendre l’existence de chacun plus facile et ses inventions ont toutes pour but de faciliter les gestes du quotidien. Il veut par exemple créer une machine qui fait pousser n’importe quels légumes en quelques secondes, tandis qu’une autre doit rendre les œufs incassables.

La Nature est d’ailleurs toujours au cœur de son œuvre, une Nature dont il cherche à tirer profit. Les machines, d’un autre côté, sont des êtres vivants à part entière et elles ne font qu’un avec la Nature, comme si dans le futur, les deux étaient destinées à s’accorder, avec l’Homme au milieu. Il n’y a alors rien d’anormal à voir dans ses films des œufs éclore et donner naissance à des voitures ! Dans un autre court métrage, un oiseau avale du fer. Et c’est les yeux écarquillés que l’on regarde ces voitures « naître » et ces objets de métal être mangés par cet oiseau animé !

Bowers est un vrai technicien du cinéma, un Méliès des années 30, mais dans un style différent. Il ne joue pas sur l’image (pas de surimpressions ou autre) mais donne vie aux objets et aux choses de la nature. Il se fait le chef d’orchestre et le mécanicien de tout ce cirque des illusions. Même 80 ans plus tard, les effets spéciaux de ses films sont toujours saisissants et, bien qu’il demeure loin derrière les Chaplin, Keaton et Lloyd, Charley Bowers est un artiste burlesque de premier ordre.

L’instant vintage : un homard, la lune et des Japonais

Posté par Benjamin, le 2 décembre 2011

Pour débuter cette nouvelle rubrique, Ecran Noir a choisi de vous parler d’une société de restauration française privée qui fait des miracles, récolte des Césars et redonne vie aux chefs d’œuvres du cinéma muet. Il s’agit bien entendu de Lobster Films que « dirige » Serge Bromberg.

Serge Bromberg et Lobster Films reviendront certainement à de nombreuses reprises dans nos articles car ils sont des acteurs majeurs de la restauration et de la sauvegarde du patrimoine cinématographique : spectacles live, DVD, festivals, etc. Ils sont partout et arrivent chaque année les bras chargés de cadeaux. Le dernier en date ? La restauration d’une nouvelle version (colorisée) du Voyage dans la lune de Méliès, rien que cela. Ce même Voyage dans la lune qui sert de fil conducteur au nouveau film de Martin Scorsese, Hugo Cabret.

Au programme aujourd’hui : un site internet, un réalisateur oublié, un film à trucs et une société de production déjà nommée. En effet, pour ouvrir le bal, un petit film français intitulé Les Kiriki, acrobates japonais, de Segundo de Chomon, et qui date de 1907. A cette époque, la production cinématographique française domine le monde. Georges Méliès, Pathé et Gaumont occupent le terrain et Edison a bien du mal à s’imposer. Les grands réalisateurs tel que Griffith n’ont pas encore fait leur preuve et des artistes comme Douglas Fairbanks, Mary Pickford, Thomas H. Ince, Mack Sennett ou encore Charlie Chaplin n’ont pas encore débuté au cinéma.

Ce petit court burlesque est disponible gratuitement sur le site internet Europa Film Treasure qui est une initiative de… Lobster Films ! Ce site, déjà très connu, propose aux internautes de regarder des films d’époques diverses qui appartiennent aux cinémathèques européennes. Le principe de base est simple, Lobster Films a demandé aux cinémathèques de livrer quelques-uns des innombrables trésors qui « croupissent » dans leurs archives pour les mettre sur la toile. Car l’un des grands problèmes des conservateurs est de savoir quoi faire des milliers de boîtes de bobines qui s’entassent et qui restent dans l’ombre dans ces grands hangars... Bien souvent, les collections sont si importantes que les cinémathèques n’ont pas une connaissance précise ou une liste complète de tous les films qu’ils possèdent. Ce site internet, lui, permet de rendre public ces films qui seraient difficilement commercialisables.

Ainsi, on peut savourer, entre autre, ce très court film de Segundo de Chomon, réalisateur que l’on pourrait qualifier de « petit Méliès ». En effet, il fut engagé par Pathé pour concurrencer les films à trucs de la Star Film du magicien du cinéma. Ainsi, il réalise ce court métrage burlesque dont le trucage est des plus simples. Les acteurs, grimés en artistes asiatiques, ont joué couchés sur le sol (un fond noir), et tout est fait pour donner l’illusion qu’ils sont débout et effectuent des figures incroyables.

Mais, il faut savoir que ce film n’a pas été mis tel quel sur internet. Il a été restauré par Lobster Films qui a notamment repeint image par image la pellicule pour lui redonner les couleurs de l’époque. Car, si le noir et blanc était largement dominant, des films en couleurs étaient tout de même diffusés dans les premiers temps du cinéma. Chaque image était peinte à la main. C’est ce procédé que les restaurateurs de Lobster Films ont repris pour coller à la réalité historique. Un travail de précision que l’on ne peut qu’applaudir et apprécier.

Ce court métrage est aussi disponible sur le 2ème DVD de la collection Retour de flamme, édité par Lobster Films.

Cannes 2011 : Le voyage dans la lune, une fable hallucinante

Posté par vincy, le 11 mai 2011

Monument historique du cinéma, Le Voyage dans la lune est sans aucun doute, avec cette Lune éborgnée par une fusée, l’une des premières images du cinéma inscrite dans l’inconscient collectif. Mais qui a finalement vu le quart d’heure de film de George Méliès ?

Grâce à la restauration de la copie couleur originale (voir actualité du 10 mai), il est désormais possible de juger l’oeuvre dans son intégralité. Elle sera présentée en ouverture du 64e Festival de Cannes ce soir, dans le cadre Cannes Classics.

Sur la forme, on reste épatés par l’ingéniosité des effets visuels de l’époque (nous sommes à la préhistoire du cinéma tout de même) transformant des télescopes en chaises en un clignement d’œil. Si l’on sent la présence de décors peints comme au théâtre, il essaie tout de même de créer des perspectives et du relief. Reconnaissons que l’imaginaire du réalisateur, inspiré par l’inventivité de la révolution industrielle, le récit fantastique de Jules Verne et une foi inébranlable dans les infinies possibilités de la science, est fondateur du cinéma de science-fiction. Bien sûr, rien n’est plausible scientifiquement. Mais ce voyage prend des tournures délirantes qui le rendent hallucinant.

Tantôt burlesque, tantôt coquin (les filles sont des faire-valoir, certes, mais toujours courtement vêtue), cette épopée ne manque pas de dérision. Mais c’est dans l’action que le film se révèle le plus impressionnant : avec ces monstres lunaires aux allures reptiliennes, qui disparaissent en fumée dès qu’on les frappe, le réalisateur filme des scènes de bataille qui ancrent le film dans la catégorie « pur divertissement ».

Et c’est là que l’audace des restaurateurs prend tout son sens. Pour faire le lien entre cet objet du patrimoine et notre regard actuel, ils ont décidé d’y coller la musique électronique du groupe AIR (Virgin suicides). Le voyage dans la lune devient alors comme le château de Versailles accueillant les œuvres de Jeff Koons. La musique se marie à la perfection aux ambiances du film, accentuant même sa dramatisation. Les rythmes ponctuent les gestes et les coups, donnant du relief à un film muet.

L’ensemble a des airs de clips psychédéliques un peu barré. Ce tableau sauvé des eaux est en mouvement perpétuel, agité, un peu flou, et pourtant il nous hypnotise et nous propulse dans un autre monde, parallèle. Pour une fois que le cinéma nous envoie vraiment dans la lune….

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voir aussi : Restauration du Voyage dans la lune de Georges Méliès : un Voyage extraordinaire le documentaire de Serge Bromberg ; Le voyage dans la lune, de Georges Méliès : le premier blockbuster de l’histoire du cinéma, l'histoire du film ; et Hugo Cabret, film de Martin Scorsese avec Georges méliès et ses films dans les rôles principaux...