Larry Clark : un tournage à Paris et un film en compétition à Rome

Posté par vincy, le 22 octobre 2012

A part une exposition photographique et un court métrage, on n'avait peu de nouvelles du réalisateur de Kids, Bully et Ken Park. Le dernier long métrage de Larry Clark remonte à 2005 avec Wassup Rockers.

L'Avance sur recettes vient de lui octroyer une aide avant réalisation pour The Smell of Us, qui sera tourné à Paris et en français. La région Île-de-France vient également d'investir 400 000 euros dans la production. Le film sera distribué par Mars. C'est la première expérience du cinéaste à l'étranger. Le film est produit pour 3 millions d'euros par Morgane Production et Pierre-Paul Puljiz de Polyester productions (qu'on connaît pour les documentaires sur Larry Clark, Basquiat, Paul Morrissey ou encore Walk Away Renée de Jonathan Caouette). Les deux producteurs préparent également un documentaire sur son livre, Tulsa 1963-1971.

Dans The Smell of Us, Clark continue d'explorer les moeurs et coutumes de la jeunesse. L'histoire suit un couple d'ados qui s'entredéchire et deux copains sans illusions, le tout sur fond de skate-board. L'impossibilité de communiquer, l'ennui, la distance par rapport à leur environnement vont les conduire à la marge : argent facile, exhibition, prostitution masculine sur Internet, drogue, ... toutes classes sociales confondues. Les producteurs ont déjà annoncé que la narration serait différente, avec des flashbacks notamment, des précédents films de Clark.

On aura compris que le réalisateur a mis 7 ans à observer et digérer la manière dont le web a envahit et transformer la vie des ados. Lors de son exposition au MAM de Paris, il a rencontré Mathieu Landais (photo). Le jeune poète de 22 ans lui propose une histoire, et, ensemble ils coécrivent Le sang de Pan, scénario noir dont la version définitive est prête (et rebaptisée d'un nouveau titre) en avril dernier. Le casting se déroule au printemps dans le milieu du skate parisien, dans des soirées, des squats et des clubs.

Le financement quasiment bouclé, le tournage est prévu au premier trimestre 2013. Le film devrait être éclairé par un chef opérateur français, accompagné d'une BOF frenchy.

D'ici le tournage parisien, Larry Clark fera un détour par Rome. Le festival international du film de la capitale italienne a en effet sélectionné Marfa Girl, qui ne devrait pas sortir en salle. On pourra, en revanche, le voir dès novembre sur le site officiel du réalisateur (larryclark.com/marfagirl). Marfa est une petite ville texane. C'est là que vit le héros, Adam, de ce long métrage (1h46) à petit budget. Clark y traite d'art contemporain, de frontières, de métissage, d'adolescence, de sexe, de drogue, de racisme et de rock n' roll. As usual.

Retirées dès vendredi, les drôles d’affiches du film Les Infidèles vont devenir « collector »

Posté par vincy, le 2 février 2012

Stéphane Guillon en a fait la cruelle expérience il y a moins d'une semaine : On ne badine pas avec les affiches dans les transports publics. Fussent-elles drôles ou au second degré. La campagne du film à sketches Les infidèles, avec Jean Dujardin et Gilles Lellouche en tête de colonnes Morris, va être retirée, après quelques jours de campagne. Le film sort le 29 février, ce qui laisse le temps à Mars distribution de revoir sa campagne. Mais le distributeur a voulu profiter de l'omniprésence de Jean Dujardin dans les médias (avec The Artist), de la couverture du magazine Première (Dujardin et Lellouche en costards, mais sans le bas) et surtout d'une période où les français ne sont pas encore en vacances, afin de frapper le plus grand nombre.

Pourquoi ces affiches gênent-elles? Provocantes, elles montrent les deux acteurs en costumes, l'un avec les jambes d'une femme vers le haut, l'autre avec une tête féminine au niveau du bassin. Le message est sans équivoque. D'autant qu'avec ironie, le slogan joue sur le mensonge : le premier dit qu'il entre en réunion (le meeting étant une partie de jambe en l'air), l'autre affirmant que la conversation va couper car il entre dans un tunnel (métaphore de la bouche qu'il pénètre).

L'autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) a reçu quelques plaintes de particuliers contre ces affiches qui se moquent de l'infidélité masculine. Stéphane Martin, directeur général de l'ARPP, avoue n'avoir reçu que quatre plaintes. Mais cet homme, abusant sans aucun doute de son pouvoir, avoue que "même sans ces demandes, nous serions intervenus. Il y a une représentation sexuelle explicite à la vue de tous, et ce n'est pas acceptable. Les images portent en plus atteinte à la dignité de la femme... Ces affiches ne respectent pas les “convenances”, selon le terme de notre code de la chambre de commerce internationale". Oh My God! Ou plus prosaïquement #WTF.

Cela commence en effet à faire beaucoup. Pas de message ambivalent politique, pas de message "explicitement" inconvenant. l'intégrisme moral fait des ravages (et rappelons bride la créativité et porte atteinte à la liberté d'expression). Si ça ne plait pas, on ne va pas voir le film.

De là à affirmer, comme M. Martin l'a fait que "Jean Dujardin voulait casser son image..."... Jean Dujardin est un comédien populaire qui a réalisé une partie de ce film, en plus d'en être un des comédiens. Si l'affiche choque certaines personnes, alors interdisons les promotions vers les îles avec "bimbos" photoshopées, les campagnes pour des régimes minceurs qui ne fonctionnent pas, les nouvelles publicités "animées" à l'instar de The Darkest Hour où une femme se fait exploser devant nos yeux...

Le jury de déontologie de l'ARPP doit encore statuer pour savoir si la campagne doit être interdite. A titre préventif, JC Decaux a confirmé le retrait ds affiches à partir de vendredi. En attendant les nouveaux visuels.

L'équipe du film a posté sur Twitter une image d'une publicité dans Paris : "On vous a fait une petite photo car nos affiches risquent de devenir collector ". Le politiquement correct a gagné.

Oscar en péril?

Mais les effets collatéraux vont aussi au-delà de ce puritanisme. Même si tout cela doit ravir les féministes intégristes (et, de fait on peut se désoler de cette réalité misogyne, qui a inspiré tous les grands auteurs et cinéastes...), cela ne fait pas les affaires de Dujardin à Hollywood.
En course pour un Oscar, l'acteur est en "campagne". On se souvient d'un fait divers paru en plein hiver en France autour de l'adolescence délinquante de Gérard Depardieu, qui avait détruit ses chances d'obtenir la statuette pour Cyrano de Bergerac. Les médias américains s'en étaient régalé.
Dès ce matin, The Hollywood Reporter a publié un article sur l'affaire Dujardin. Une campagne "provocatrice", "dégradante pour les femmes". Le "politiquement correct" si cher aux Américains s'en trouve meurtri, paraît-il (il leur en faut peu).

Donc, amis distributeurs, vous le savez désormais : pas d'armes, pas de cigarettes, pas de sexe. La publicité pour les films va devoir être très imaginative. Le cinéma n'est certes pas un produit comme les autres, mais les censeurs exigent qu'ils se vendent comme des soldes en magasins ou une exposition dans un Musée.

Encore un baiser : non, sans façon !

Posté par MpM, le 28 décembre 2010

"Pourquoi a-t-on ce besoin d'aimer ? Être aimé est plus simple et ne fait pas souffrir."

Synopsis : Dix ans après Juste un baiser, la petite bande de Carlo, Paolo, Alberto et les autres ne semble guère avoir changé. Les personnages sont maintenant obsédés par la crise de la quarantaine mais toujours tentés par la fuite et terrifiés par la solitude. Ils se cherchent, s'engueulent, se réconcilient et ne se rendent pas compte que c'est ça, la vie.

Notre avis : Si vous n'avez aucun souvenir des premières aventures de Carlo et de ses amis, le début d'Encore un baiser risque de vous paraître extrêmement confus : ça commence comme le portrait d'un éternel Dom Juan se réveillant brutalement à la quarantaine pour se rendre compte qu'il est passé à côté de sa vie, puis ça se poursuit comme un film de groupe où chaque membre réalise à son tour qu'il a enchaîné les mauvais choix, avant de basculer encore sur une autre piste. Mi-mélo, mi-comédie romantique, mi drame social, mi "comédie de moeurs"... le film est incapable de trouver le ton et la distance convenant à l'histoire qu'il essaye de raconter.

D'ailleurs, il ne semble pas trop sûr non plus de ce qu'il veut raconter. Du coup, le scénario fait de nombreux allers et retours entre constat pessimiste et espoir fou, amour retrouvé et amour à jamais perdu. Les personnages semblent des marionnettes soumises aux désirs d'un maniaque qui les fait changer d'avis tous les quarts d'heure. C'est souvent ridicule, parfois grotesque et presque jamais touchant ou drôle tant les situations oscillent entre la caricature et le simplisme, générant des rebondissements tous plus factices les uns que les autres, et allongeant inutilement le film.

D'ailleurs, Gabriele Muccino paraît avoir été incapable de trouver une fin qui lui convienne. Du coup nous en subissons trois ou quatre d'affilée, chacune partant dans une direction différente. Mais au final, bien sûr, les bons sentiments et la morale triomphent. Les personnages, à l'exception des deux "originaux" du groupe (le "fou" et le "rêveur"), rentrent dans le rang et assument leurs actes. Pas forcément heureux, mais pragmatiques.

Jacques Audiard, Trophée de la personnalité de l’année

Posté par vincy, le 2 février 2010

Le Film Français a remis ses 17e Trophées annuels. Ils récompensent les champions du box office mais aussi, après vote du jury, des équipes et des personnalités de l'audiovisuel. Enfin les lecteurs du magazine professionnel élisent la personnalité de l'année, tous secteurs et métiers confondus.

Cette année, le Grand prix du jury du Festival de Cannes et favori des César, Jacques Audiard, l'a emporté. Depuis mai, Un prophète a conquis professionnels, public (1,2 millions de spectateurs), critiques. le film a très bien démarré au Royaume Uni et il vient d'être cité à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère. Il devance Stéphane Célérier (Mars distribution) et Marie-Christine Desandré (exploitante de salles de cinéma).

Sinon on retrouve dans la liste le Trophée des trophées (Avatar), le Trophée du Film français (Le petit Nicolas), le Trophée du premier film (Coco) et le Trophée de l'oeuvre européenne (Slumdog Millionaire).

Les jurys ont élu Mario Tommasini pour le Trophée de l'exploitant (Pathé et Gaumont à Rouen), préféré à Sylvain Pichon (Méliès Saint-Etienne) et Guillaume Dufour (MK2 Bibliothèque).

Philippe Lioret et Christophe Rossignon ont reçu le Trophée du duo cinéma (Welcome) et Riad Sattouf et Anne-Dominique Toussaint le Trophée du duo révélation (Les beaux gosses).

Comme les autres : le conformiste

Posté par vincy, le 31 août 2008

commelesautres.jpg« Bientôt vous aurez les mêmes emmerdes que les autres : le mariage, les enfants et même le divorce. »

L'histoire : Manu et Philippe vivent ensemble depuis des années. Mais l'obsession de Manu de vouloir un enfant les conduit à se séparer, persuadés qu'ils ne voient plus la vie, et l'avenir, de la même manière. Après une tentative d'adoption avortée, Manu demande à Fina, jeune femme argentine sans papiers, de lui faire un gamin, en échange d'un mariage blanc qui la régulariserait...

Notre avis : Sur le papier, il était intéressant de voir le cinéma français s’attaquer frontalement à l’homoparentalité, avec thèse, antithèse, synthèse. Comme les autres est une comédie sociétale où les mœurs et la morale évoquent toutes les hypothèses du sujet.
Dans ce Belleville bourgeois mais faussement bohème, deux beaux quadras prospères vivent leur passage à l’âge adulte. Le pédiatre rêve d’enfant quand l’avocat plaide l’illégalité, l’immoralité et même le « contre-nature ». Le débat, entre progressiste et réac, est lancé.
Parfois cocasse (ou caricatural), le comique de situation n’est pas aidé par une mise en scène hésitant entre théâtralité et formatage télévisuel. Même le décor semble conçu pour un reality show cathodique. Quand la réalisation est banale, le scénario peut sauver un film s’il est délirant ou exceptionnel. Il y a bien ce parallèle entre l’embauche d’une jeune immigrée et la sélection d’un couple de lesbienne, distrayant et bien foutu ou la scène des révélations au repas familial dans le jardin, assez (im)pertinente. Mais rien de cruel, conflictuel, passionnel.

Il manque notamment quelques scènes qui nous auraient fait croire à la relation « longue durée » de Wilson et Elbé, qui fasse que leur séparation soit déchirante. D’ailleurs Elbé est zappé durant la moitié du film… Mais voila : on préfère nous montrer un homo qui fait l’amour à une fille plutôt que deux homos batifolant sous les draps. Grossier.
D’une part, il faudrait cesser de croire qu’un homo est capable d’être bi dans chaque film populaire. D’autre part, il aurait été bon, vu le sujet, de nous montrer un couple homo qui s’aime. Le cinéma espagnol ou même américain a déjà été plus audacieux. Or, là, dès ce postulat, nous pouvons constater que la production a décidé de « normaliser » le futur père et de « marginaliser » l’homosexualité en la réduisant à une cohabitation. L’aspiration à la normalité, avec ce passage de l’hétéro refoulé, l’emporte sur la justification d’un choix de vie, où homos comme hétéros, chacun peut refuser de suivre le schéma traditionnel.
Cette faute de goût dérègle l’ensemble du message et empêche le spectateur d’être choqué ou interpellé. On l’anesthésie avec l’idée qu’un gay peut être converti s’il veut un enfant… Après tout, on nous le dit bien, l’adoption est hypocrite et impossible dans ce pays.
Du coup le film n’est qu’une sage illustration d’un point de vue impopulaire. Le traitement aurait mérité plus de cran. L’homoparentalité est noyée dans d’autres débats : mère porteuse, mariage blanc, adoption gay… La surdose nuit à l’argumentation.

Reste les comédiens. Wilson est parfait, pas trop efféminé, juste ce qu’il faut. Elbé, naturellement viril, banalise l’homo en le rendant presque hétéro, presque dur, peut-être pas assez complice. Brochet, sur une note sensible, est exquise en vieille fille frustrée. Enfin la douce Lopez de Ayala est délicieuse, sensuelle, et apporte ce qu’il faut de passion à ce film un peu frigide. Ce sont d’ailleurs les deux femmes qui emportent le film dans une dimension plus touchante, quand la caméra s’éloigne d’elles, l’une seule dans son appartement, l’autre seule sur son lit d’hôpital ; le bonheur passant à côté d’elles. Pas comme les autres…