Deux bonnes nouvelles pour la numérisation du patrimoine cinématographique

Posté par vincy, le 21 mars 2012

Gros enjeu de ces prochaines années, la numérisation du patrimoine cinématographique vient de recevoir deux bonnes nouvelles.

Tout d'abord, la Commission européenne a donné son feu vert aujourd'hui au projet français d'aide à la numérisation des oeuvres du patrimoine cinématographique car ce projet contribue à la promotion de la culture tout en limitant les distorsions de concurrence.

Les oeuvres, courts et longs métrages produits jusqu'en 1999, ainsi que le cinéma muet de patrimoine, sont ainsi éligibles pour bénéficier du plan. Les longs métrages postérieurs à 1929 comptent parmi les 2 500 premières oeuvres concernées par ce plan de numérisation.

Le ministre français de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand, avait annoncé en mai dernier, que le Grand Emprunt réservait un budget de 100 millions d'euros afin de numériser près de 10 000 films.

Incitation à la délocalisation

Selon la Commission, le plan français de numérisation des films du patrimoine devrait au total disposer, sur six ans, d'un budget global de 400 millions d'euros. La Commission précise que "l'aide vise essentiellement des œuvres qui ont des perspectives d’exploitation commerciales très aléatoires et sur de très longues périodes" même si cette aide peut-être "modulée au cas par cas en tenant compte des perspectives de recettes de l'œuvre soutenue".

Seul bémol : la Commission n'a pas réservé d'exclusivité européenne au processus de numérisation. A croire qu'ils sont autistes. En effet, "le demandeur de l’aide pourra choisir librement les prestataires techniques auxquels il confiera le travail de numérisation et, le cas échéant, de restauration, que ces prestataires soient ou non établis dans un État membre de l’Union européenne". Autrement dit, si les prestataires sont moins chers en Inde, en Chine, ou ailleurs, ce n'est pas un problème. Le ailleurs peut concerner une multinationale américaine, qui voudra forcément en échange quelques contreparties...

270 films de Gaumont numérisés

La deuxième bonne nouvelle, qui a été annoncée hier, est liée à la première : Gaumont a signé avec la commission du Grand emprunt un accord pour pouvoir numériser en très haute définition (2K) et restaurer 270 films de son catalogue sur quatre ans.

270 films des années 1920 à 1990 seront ainsi concernés parmi lesquels L'assassin habite au 21 d'Henri-Georges Clouzot (affiche), La passion de Jeanne d'Arc de Carl Theodor Dreyer, L'atalante de Jean Vigo, Mon oncle Benjamin d'Édouard Molinaro, F comme Fairbanks de Maurice Dugowson, La gifle de Claude Pinoteau et Sous le soleil de Satan de Maurice Pialat, Palme d'or en 1987.

Eclair pourrait être le prestataire choisi. Les laboratoires ont déjà numérisé 150 films de la Gaumont. Il sont aussi été retenus pour bénéficier du Grand Emprunt, en décembre dernier.

Pour Gaumont, c'est une bonne affaire : l'État investira 10 millions d'euros (Gaumont seulement la moitié),  en contrepartie d'une part des recettes à venir sur les films restaurés, sur une durée de 15 ans pour chaque titre.

L’avant-première d’Or noir troublée par un conflit avec le producteur

Posté par vincy, le 22 novembre 2011

L'avant-première d'Or noir, le nouveau film de Jean-Jacques Annaud, lundi 21 novembre au Gaumont Champs-Elysées, a été troublée, de manière très sage, par les employés de LTC, filiale à 100% de Quinta Industries. Le Syndicat national des techniciens et réalisateurs de la production cinématographique et de télévision (SNTR / SGTIF - CGT) a distribué un tract aux invités qui faisaient la queue. Quelques employés brandissaient des pancartes, accusant principalement l'actionnaire Tarak Ben Ammar, le long du tapis rouge.

Rappel des faits : LTC (32 millions d'€ de chiffre d'affaires en 2010, 24 millions prévus cette année), mais aussi Scanlab (6,3 millions d'euros) et Quinta Industries (6,6 millions d'euros) sont en redressement judiciaire depuis le 3 novembre. Les trois sociétés regroupent 182 employés. Le groupe Quinta industries, qui englobe les trois sociétés, détenu à 83% par Tarak Ben Ammar et à 17% par Technicolor, elle-même en procédure de sauvegarde, est en cessation de paiement depuis le 1er septembre et les salaires d'octobre n'ont pas pu être payés. Un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) devrait être présenté d'ici deux mois aux 182 salariés des trois sociétés. Les difficultés financières des trois sociétés sont liées notamment au déclin de l'activité photochimique, qui a accéléré sa chute à partir du 2e semestre 2010, notamment liée au processus de numérisation des salles de cinéma, en forte accélération ces derniers mois. Le Conseil de la concurrence a rejeté la fusion des laboratoires LTC avec ceux d'Eclair, dont Tarak Ben Ammar est aussi actionnaire à hauteur de 43%. Tarak Ben Ammar justifie qu'il a anticipé la mutation technologique en orientant les activités de ses laboratoires vers la numérisation des oeuvres mais qu'il n'a pas réussi à trouver les financements nécessaires pour répondre aux besoins de cette montée en charge. Il compte démarrer la numérisation de son catalogue (500  films environ) dès décembre.

Cependant, les syndicats reprochent à Tarak Ben Ammar de ne pas faire face à ses responsabilités. "L'administrateur judiciaire a annoncé aux élus du personnel qu'un plan massif de licenciement était nécessaire et que les mesures d'accompagnement seraient au minimum conventionnel à moins que l'actionnaire y participe financièrement". Un premier plan de licenciements de 34 personnes avait été enclenché l'été dernier. Le plan avait été annulé, et celui qui s'annonce semble bien plus "massif". Le tribunal a accordé une période d'observation de six mois. Le plan de continuation prévoit un plan de sauvegarde de l'emploi et la cession du site de Saint-Cloud, qui rapporterait 13,5 millions d'euros (soit un peu moins que la dette financière, qui s'élève à 15 millions d'euros).

Les salariés reprochent à l'actionnaire une certaine désinvolture. "Si vous allez pouvoir voir (...) le film Or noir (...), c'est parce que les salariés de LTC, Scanlab et Quinta Industries continuent à travailler alors qu'ils ne sont même pas certains que, comme le mois dernier, leur salaire sera versé. Les salariés réclament qu'en juste contrepartie de 10 ans au travail au seul bénéfice des sociétés du groupe Quinta Communications, Tarak Ben Ammar mette la main à la poche pour assurer dignement le départ et la reconversion des salariés." Ce dernier ne s'est toujours pas engagé à participer financièrement aux licenciements alors que les salaires n'ont effectivement pas été versés en octobre et qu'il affirme que son groupe Quinta Communications "va très bien".

Des amis nommés Ben Ali, Khadafi, Berlusconi

A cela s'ajoute une controverse liée aux conditions de tournage d'Or noir. Le syndicat exige, "compte tenu des conditions sociales iniques qui ont permis la réalisation de ce film", que soient revues très rapidement les conditions de l'agrément de ce film, agréé par le Président du CNC, en dépit d'un avis défavorable de la Commission des professionnels. Le 21 septembre dernier, le syndicat expliquait que "la société Quinta Communication avait imposé aux ouvriers et techniciens de travailler en qualité d'expatriés via une société tunisienne, ceux-ci ne bénéficiant alors d'aucune couverture sociale et conventionnelle, la commission d'agrément dont l'avis est consultatif, avait unanimement émis un avis défavorable à la délivrance de l'agrément pour ce film, à deux reprises. En délivrant l'agrément sans même en informer la commission, le Président du CNC fait preuve d’une véritable défiance vis-à-vis des professionnels du cinéma ; en conséquence, les organisations professionnelles de la CGT, artistes et techniciens, siégeant à la Commission ont décidé de quitter la séance qui a du être ajournée."

Sales temps pour Tarak Ben Ammar, qui avait déjà du affronter la révolution tunisienne en plein tournage d'Or noir (voir aussi actualité du 19 janvier) et qui est, en tant qu'actionnaire de la chaîne télévisée Nessma, au coeur d'un procès en Tunisie pour avoir diffusé Persépolis (voir actualité du 14 octobre). Ce dernier point serait plutôt à mettre à son actif. Hélas, ses amitiés qui lui ont permis de construire son empire s'effondrent autour de lui. Après son ami Ben Ali, l'ancien dictateur tunisien, c'est au tour de Silvio Berlusconi (co-actionnaire de Quinta Communications) de tomber ; et il est aussi fragilisé par la révolution libyenne : en 2009, il avait reçu du régime de Khadafi, via le fonds souverain Libyan Foreign Investment Co, 19 millions d'euros soit 10% du capital de sa société.

Les films muets d’Hitchcock restaurés, sauvés, libérés!

Posté par Benjamin, le 2 septembre 2010

Ils sont très nombreux à s’affairer dans une petite ferme d’Angleterre au nord-ouest de Londres. Ils portent des blouses et gants blancs, leurs gestes sont précis, minutieux et calculés car ces hommes du British Film Institute ont la tâche de restaurer les films muets réalisés par Alfred Hitchcock.

Pour beaucoup, Hitch est un réalisateur qui a commencé à briller avec sa carrière américaine au tout début des années 40 avec Rebecca et pourtant, Alfred Hitchcock a non seulement fait ses premiers tours de manivelle en Angleterre mais il les a fait à l’époque du cinéma muet. Bien qu’on connaisse de lui davantage les Psychose, Vertigo et autres La mort aux trousses, le maître du suspense à développer ses premières armes dans les années 20, démontrant déjà un attrait particulier pour les affaires policières, pour le suspense et pour des effets de caméra recherchés.

Aujourd’hui donc, le projet du British Film Institute est de « sauver » ces vieilles pellicules dans un état pitoyable pour les livrer au grand public, les sortir en dvd et faire alors entrer Hitchcock dans « l’ère numérique » comme le déclare un porte-parole de l’institut. Hitchcock qui a connu le muet, le parlant et l’arrivée de la couleur et va désormais « connaître » le numérique. D’ailleurs, la volonté est bien de faire en sorte que le réalisateur traverse les âges : « Nous voulons faire des copies qui perdurent pour des générations ».

Cependant, ces neuf films qui sont en cours de restauration (dont Les cheveux d’or qui est considéré comme le film qui marque le début du « style Hitchcock ») seraient vraiment dans un état déplorable. Il faut faire en sorte de rassembler les diverses versions du film pour en livrer un exemplaire qui soit le plus complet possible et surtout, le BFI désire retrouver des copies proches des films originaux. Donc restaurer oui, mais garder cet aspect ancien propre aux films de cette époque.

On le sait, de très nombreux films muets sont perdus et doivent être retrouvés puis restaurés. La restauration des films contribue à augmenter notre connaissance de ce qui constitue les fondements du 7ème art. Malheureusement, il faut beaucoup de dons pour permettre à des projets comme celui-ci de voir le jour car la restauration des films d’Hitchcock devrait couter pas moins d’un million d’euro.