Cannes 2012 : de la pluie, des morts, des bagnoles et du sexe

Posté par vincy, le 29 mai 2012

Si on ne se concentre que sur la compétition du 65e Festival de Cannes, les tendances de la saison montrent un cinéma où l'amour est désenchanté et la mort une finalité. Après il y a bien sûr quelques variations.

Commençons par la pluie, vedette récurrente de ce Festival qui résista tant bien que mal au déluge. Elle était assez présente dans les films. Dans Moonrise Kingdom, elle est même tempête, entraînant catastrophes sur catastrophes. Dans Cogan, la mort en douce, elle est intermittente, mais on la sent menaçante. Dans le Hong sang-soo, Dans un autre pays, elle s'invite quand elle veut, obligeant à pense au parapluie en sortant, ou en rentrant à l'hôtel. Sans citer tous les films, la pluie coulait sur les vitres, inondait les têtes, faisait monter les eaux. C'est évidemment dans Les bêtes du sud sauvage qu'elle a eut le plus d'impact mais c'était à Un certain regard.

Mais Cannes cette année, c'était surtout une histoire de mort. La Palme d'or à Amour en est le plus parfait symbole, film sur la fin de vie d'un couple qui aspire à mourir dignement. Les morts pleuvaient sur la Croisette. Il n'y a bien que dans Holy Motors où il ressuscitaient. Avec Des hommes sans loi, c'est un carnage collectif, notamment vers la fin, où les flics sont moins forts que les gangsters. Ceci dit, The Paperboy finit aussi dans l'hémoglobine, à coups de gorges tranchées. Dans L'ivresse de l'argent, il y a une pauvre femme qui est retrouvée noyée dans une piscine et son amant qui se suicidera dans son bain. Chez Lozintsa, sans révéler la fin, on peut dire que Dans la brume a une issue fatale. Au-delà des collines de Cristian Mungiu n'est pas plus joyeux avec une femme abandonnée à son sort, pas brillant. Pour Resnais (Vous n'avez encore rien vu), il utilise la mort comme subterfuge scénaristique, mais, il ne faut jamais se moquer de la grande faucheuse... Finissons avec Post Tenebras Lux. Un homme meurt bêtement tué froidement. L'assassin, hanté, perdu, va s'en arracher la tête, geyser d'hémoglobine inclus. Enfin dans Cogan, la mort en douce, tous les coupables sont butés un à un. Au fusil à pompe, au flingue, à bout portant. A côté ou dans une voiture.

Habile transition vers l'autre grande star du 65e Festival de Cannes, la bagnole. Déjà, elle est sur l'affiche officielle, puisque Marilyn y souffle une bougie, à l'intérieur. Voiture de shérif (Moonrise kingdom), caisses vintage d'occase dans Cogan la mort en douce, transport amoureux dans The Paperboy, vieux modèles des années 20 et 30, avec les nouveaux moteurs de l'époque, pour transporter de la gnôle de contrebande dans Des hommes de loi, beaux 4x4 noirs cachant des valises de fric dans L'ivresse de l'argent, lien sur roues entre le centre bourgeois et révolté du Caire et les faubourgs pauvres et politiquement influencés dans Après la bataille... on continue? Kiarostami (Like someone in Love) nous enferme quasiment tout le film dans une voiture avec laquelle on faire le tour de Tokyo, tout en discutant. Même punition chez Cronenberg pour Cosmopolis. Avec son immense limousine blanche, Robert Pattinson y baise, y pisse, y philosophe et se délecte de sa visite médicale, avec toucher rectal apparemment jouissif. La limousine blanche de chez Carax, dans Holy Motors, est une loge de comédien. Un endroit de transformation. Elle y dépose son professionnel à chaque rendez vous avant d'aller se reposer dans un garage avec ses collègues, encore à l'essence. Pour Sur la route, Walter Salles s'est fait plaisir à exhiber ses voitures de l'époque de Kerouac sur la Croisette. Elles en font du kilomètre dans le film, jusqu'à griller les limitations de vitesse et servir de baisodrome (une femme au milieu de de hommes, tous nus...). Nous finirons avec Au-delà des collines. La dernière séquence est dans un panier à salade. L'ultime plan montre une vitre salie par des éclats de neige boueuse.

Reste le dernier thème : le sexe. Sous toutes les formes. Un dépucelage adolescent adorable (Moonrise Kingdom) ou une perte de virginité sans orgasme (Thérèse Desqueyroux), l'orgasme était multiple cette année. Il y a bien sûr la redécouverte des sensations charnelles de Marion Cotillard avec son corps mutilé, dans De rouille et d'os, empalé par Matthias Schoenaerts, plan cul toujours dispo. Pattinson n'est pas en reste avec Binoche dans la limousine (assise sur lui) ou encore une garde du corps qui le tease avec son taser. Kidman offre une séquence à la Basic Instinct, déchirant son collant et simulant une fellation devant un John Cusack se masturbant sans pudeur. Mais The Paperboy, c'est aussi la scène où l'actrice pisse sur Zac Efron et une autre où Matthew McConaughey, cul à l'air s'adonne à ses jeux SM. Il pleuvait peut-être à Cannes, mais la chaleur montait dans la salle. "Holy" Carax s'est amusé à filmer un satire prêt à sauter sur la Beauté, sexe un peu tordu, ni grand ni épais, mais bien raide. De son côté, Im Sang-soo a toujours aimé préférer l'érotisme. Dans L'ivresse de l'argent, une femme de ménage se fait faire un cuni par son patron, tandis que la maîtresse des lieux se venge en "violant" l'assistant de son mari, qui l'honore péniblement. Paradoxalement, on a aussi le droit à une scène de coucherie platonique qui vaut celle, dans Like someone in Love, où la jeune prostituée ne baise pas avec son client. Le sexe est aussi présent sous forme de prostitution colonialiste dans Paradis : Amour. Et dans Post Tenebras Lux, le fantasme est illustré avec une scène d'échangisme (dans un club à Paris) où l'héroïne se fait prendre alors que sa tête frôle les seins lourds d'une autre femme, le tout devant les yeux de son mari. Le couple semble ouvert, excepté lorsqu'elle a la migraine et rejette une sodomie promise. Finissons avec le feu d'artifice de Sur la route. Une enculade homosexuelle dans un motel, une branlette partagée dans une voiture, quelques orgies, du voyeurisme, du sexe éphémère, une simulation de pipe par Amy Adams), des seins, des fesses... tout y passe. Le cul pour défier la mort.

Et l'amour dans tout ça? Il transpirait partout. Dans tous les films. Le cinéma ne raconterait presque que ça... Peu importe la météo, l'âge, le transport ou les corps.