Venise 2010 (vidéo) : jour 9 – Pronostics et premières récompenses

Posté par kristofy, le 11 septembre 2010

Venise 2010 : retour sur la compétition

Posté par MpM, le 11 septembre 2010

De manière générale, tout le monde est d'accord pour reconnaître la bonne tenue de la sélection 2010, presque plus captivante que celle de Cannes ou de Berlin. En effet, les réalisateurs attendus au tournant ont peu déçus tandis que les autres ont réussi à créer de belles surprises. On se retrouve donc en fin de festival avec des pronostics très ouverts sur l'identité des lauréats.

Dans le détail, il est frappant de constater que plusieurs thématiques très fortes se dégagent de ces 24 films venus pourtant de tous les horizons.

Le poids de l'Histoire

Tout d'abord, l'Histoire avait cette année une importance toute particulière, qu'elle soit au centre des intrigues comme dans Noi credevamo de Mario Martone, fresque épique sur la révolution italienne, ou plus en toile de fond comme dans les deux actioners asiatiques Detective Dee and the mystery of phantom flame de Tsui Hark et 13 assassins de Takashi Miike. Julian Schnabel, lui, aborde dans Miral les différentes étapes du conflit israélo-palestinien à travers la vie de plusieurs personnages qui se croisent. Dans Ballade triste de trompeta d'Alex de la Iglesia, la grande Histoire sert elle-aussi de prétexte à la petite, puisque son personnage principal est traumatisé par les horreurs de la guerre civile.

Enfin, trois films mêlent intimement témoignage historique et destins particuliers, puisant dans les faits réels qu'ils exposent une force dramatique supplémentaire : Venus noire d'Abdellatif Kechiche retrace les dernières années de la vie de Sarah Baartman, dite la "Venus Hottentote", Post mortem de Pablo Larrain se déroule au moment du coup d'état contre Salvador Allende au Chili, période troublée de massacres et de peur, et The ditch de Wang Bing raconte le quotidien miséreux de prisonniers politiques chinois croupissant dans un camp de travail insalubre pendant les années 60. Les journalistes chinois ont d'ores et déjà été prévenus, il est interdit de parler du film. Et si c'est lui qui gagne, il faudra tout simplement prétendre qu'aucun lion d'or n'a été décerné cette année. Preuve que le passé n'a pas fini d'être sensible, en plus d'être une excellente source d'inspiration.

Identité sexuelle 2.0

Dans un genre très différent, de nombreux films se sont intéressés aux questions d'identité sexuelle. Dans Potiche de François Ozon, les enjeux de la fin des années 70 font clairement écho à notre époque : émancipation, indépendance financière, libération sexuelle... Le film interroge ce qu'est être une femme et se moque des dernières barrières sexistes. Dans Black Swan de Darren Aronofky et La solitude des nombres premiers de Saverio Costanzo, les deux héroïnes fantasment sur une autre femme, et vont jusqu'au passage à l'acte plus ou moins fantasmé.

De plus, à travers la question de l'identité sexuelle, c'est la notion même de couple qui vole en éclats pour mieux donner naissance à quelque chose de meilleur. Happy few d'Antony Cordier explore différentes combinaisons échangistes entre deux couples qui se rendent compte qu'ils fonctionnent mieux à 4 qu'à 2. Drei de Tom Tykwer réinvente le trio classique de la femme, le mari et l'amant, en jetant les deux hommes dans les bras l'un de l'autre, et en appelant à abandonner les "idées préconçues de détermination biologique". A bas les étiquettes, en somme.

Vous avez dit abstraction ?

Enfin, il y a presque de quoi relancer le vieux débat sur l'abstraction au cinéma, tant certains films essayent de s'affranchir de toute narration, voire de toute intrigue. Cela donne des oeuvres arides et épurées, parfois radicales, qui ne cherchent pas à séduire a priori. C'est le cas d'Essential killing de Jerzy Skolimowski, où Vincent Gallo est seul dans la neige pendant plus de la moitié du film. Ou encore de Promises written in winter, de et avec Vincent Gallo, sorte d'essai destructuré où l'acte de création a lieu en direct, encore et encore, jusqu'à trouver le ton juste.

Somewhere
de Sofia Coppola tend lui-aussi vers cette sorte d'abstraction en se contentant de capter la vie dans ce qu'elle a de plus quotidien. Au début et à la fin du film, on voit ainsi le personnage dormir, manger, marcher, en un mot vivre. Le reste est une succession de saynètes et de petits moments privilégiés. Silent Souls d'Aleksei Fedorchenko est un road-movie poétique et contemplatif sur les rites funéraires d'une éthnie russe imaginaire. Les gestes et les rituels y comptent bien plus que l'histoire-prétexte. Enfin, Meek's cutoff de Kelly Richardt se déroule dans les vastes plaines désertiques et désolées de l'Ouest américain. On y suit une poignée de pionniers à la recherche d'un point d'eau. L'intrigue et les dialogues tiennent sur un timbre poste, et là aussi tout est dans les gestes accomplis et l'écoulement du temps.

S'il est possible de considérer cette sélection comme un instantané de la production cinématographique à un instant "t", alors les réalisateurs contemporains semblent avant tout obnubilés par la question du temps qui passe. A la fois dans la nécessité d'interroger le passé pour mieux comprendre le présent, que dans celle de capter le flot de la vie et son irrésistible bouillonnement. Dans tous les cas, ils se projettent dans un avenir proche ou lointain qu'ils espèrent tous plus harmonieux, car ayant tiré les leçons de l'Histoire, et plus satisfaisant, car ayant redéfini les différents rapports sociaux entre les êtres. Le cinéma comme synthèse et utopie politiques, en quelque sorte.

Venise 2010 (vidéo) : le week-end, avec Catherine Deneuve, Andy Lau, Tsui Hark…

Posté par kristofy, le 6 septembre 2010

Catherine Deneuve critique Carla Bruni-Sarkozy

Posté par vincy, le 6 septembre 2010

Catherine Deneuve au Festival de Venise, samedi

Une ex-Marianne, considérée comme l'ambassadrice de la France et même la Reine du cinéma français, qui critique, publiquement, la première dame de France?

On ne peut pas accuser Deneuve de puritanisme. L'actrice de Belle de jour a tout joué (de la lesbienne à la prostituée, de la potiche à la directrice). Elle a souvent été à l'avant-garde des combats féministes. Mais elle reproche à Carla Bruni-Sarkozy d'être intervenue dans l'affaire Sakineh Mohammadi Ashtiani, cette mère iranienne qu'on accuse d'adultère, qui se fait sans doute torturée quotidiennement et qui est sous la menace d'une mort (barbare) par lapidation.

Carala Bruni-Sarkozy avait signé une lettre de soutien à Sakineh M. Ashtiani cet été. Les dirigeants iraniens, relayés par une presse aux ordres, en ont vite profité pour rappeler le passé volage et libertin de la mannequin-chanteuse-et bientôt actrice. A leurs yeux, cela la disqualifiait d'une quelconque autorité morale.

Catherine Deneuve estime que le courrier de Carla était "contre-productif". "Quand vous êtes une personne célèbre, vous devez être prévoyant quand vous soutenez une cause. Avec son passé, elle aurait du être plus prudente. Cela peut se révéler à double tranchant." Deneuve poursuit son raisonnement : "L'autre partie (les Iraniens) a juste repris la balle au bond. Ils ont visé sa vie privée, façon de dire : mêler-vous de vos affaires."

Catherine Deneuve était présente à Venise pour la présentation du film de François Ozon, Potiche. Déjà la presse en fait l'une des prétendantes les plus sérieuses pour un prix d'interprétation, qu'elle a déjà eu pour Place Vendôme en 1998.

Venise 2010 : Potiche de François Ozon fait pleurer de rire le Lido

Posté par MpM, le 5 septembre 2010

Beau retour à la comédie pour François Ozon qui a reçu un accueil plus que chaleureux lors de la présentation de Potiche. Le film est d'ores et déjà vendu en Italie et au Japon, ce qui d'après l'édition vénitienne de Variety est le signe d'un succès à l'étranger... Les Etats-Unis, l'Angleterre, l'Allemagne et l'Espagne sont déjà en négociation pour le distribuer à leur tour. En France, il sortira le 10 novembre sur plus de 500 copies, preuve de la confiance de Mars, le distributeur.

Confiance méritée puisque le film s'annonce comme un beau succès public, à la fois drôle, léger et flamboyant. Adapté d'une pièce de théâtre (Potiche de Pierre Barillet et Jean-Pierre Gredy, avec Jacqueline Maillan), il se déroule à la fin des années 70 et cristallise tous les grands enjeux sociaux de l'époque. L'intrigue en elle-même (l'émancipation d'une femme que chacun perçoit comme la parfaite mère au foyer) est relativement simpliste, presque formatée, mais le réalisateur brode autour tout un faisceau de situations qui, jouant sur la connivence avec le spectateur, permettent une double lecture.

Ainsi, Ozon en profite pour définitivement désacraliser Catherine Deneuve, impeccable bourgeoise romantique qui écrit des poèmes sirupeux et court avec entrain dans un horrible survêtement, bigoudis sur la tête. La parfaite "potiche" à qui son mari interdit de penser par elle-même, enfermée dans le carcan strict de l'apparence.

Lutte des classes et satire politique

De la même manière, l'époque sert de prétexte pour parler de lutte des classes et de libération de la femme, tout en donnant à certaines situations une résonance particulièrement contemporaine. Comme ce patron ultra-capitaliste qui prône les vertus du "travailler plus pour gagner plus" et crie "casse-toi pauvre con" à qui veut lui inculquer quelques valeurs humanistes. Les syndicats en prennent eux-aussi pour leur grade, stéréotypés à l'extrême, et finalement plus heureux dans la lutte et l'opposition que dans la conciliation.

Avec ses couleurs acidulées, sa musique guillerette et ses dialogues très écrits, le film ne craint ni l'exagération, ni le maniérisme. On est bien dans la comédie bourgeoise volontairement ultra-légère, où chaque réplique fait mouche. Ce comique de situation se double d'ailleurs d'une complicité tacite avec le spectateur qui a le recul historique pour se moquer de ce que l'on pensait en 1977, voire dresser de savoureux parallèles entre les deux époques. Car à la réflexion, certains combats restent d'actualité... Et même si les rebondissements sont parfois convenus, voire simplistes, on prend plaisir à en admirer le cheminement et la mécanique.

Comme dans une symphonie, chaque acteur interprète sa partition avec virtuosité et inventivité, en harmonie avec les autres. On voit bien qu'ils éprouvent du plaisir à être ensemble et à se laisser diriger par le petit grain de folie de leur réalisateur. Deneuve, Luchini, Depardieu... tous jouent avec leur image autant qu'avec leur personnage. Car exactement comme 8 femmes, auquel il ne manquera pas d'être comparé, Potiche parvient à s'émanciper d'une trame relativement classique pour devenir un hommage au cinéma et à ses étoiles.

Deneuve retrouve Ozon et… Depardieu.

Posté par vincy, le 19 septembre 2009

8 femmes reste leur plus gros succès avec 3,7 millions de spectateurs. Catherine Deneuve et François Ozon se rertouvent pour l'adaptation de la pièce de théâtre Potiche, de Barillet et Grédy (Folle Amanda, Lily et Lily). Casting très classe puisque la star retrouvera aussi son Gérard Depardieu. Ce sera le septième film ensemble. Surtout elle donnera la réplique pour la première fois à Fabrice Luchini. Depardieu et Luchini n'ont jamais tourné avec Ozon, mais on les a vus ensemble dans Uranus et Le Colonel Chabert. Le deal avec Luchini s'est conclu cet été dans la résidence de Pierre Cardin. Autour d'eux graviteront aussi Karin Viard et Jérémie Rénier.

Ozon enchaîne les films. Il a présenté Ricky à Berlin, avec Alexandra Lamy. Hier, il a projeté Le refuge, avec Isabelle Carré, en compétition au Festival de San Sebastian. Et en octobre, il ira tourner chez les belges son douzième long métrage.

Deneuve y incarnera l'épouse d'un grand patron, qu'elle va remplacer suite à un mouvement de grève. Ironique : il s'agit d'une usine de parapluies.

Le rôle avait été créé par Jacqueline Maillan, la papesse du Théâtre de Boulevard, et Danielle Darrieux (la mère de Deneuve dans 8 femmes mais aussi dans Les demoiselles de Rochefort) l'avait aussi interprété en tournée. Maillan l'avait joué durant trois saisons au début des années 80 et la vidéo est d'ailleurs disponible puisqu'une captation avait eu lieu en 1983.