Arras 2013 : le Slovaque Juraj Lehotsky reçoit l’Atlas d’or

Posté par MpM, le 18 novembre 2013

L'homogénéité de la compétition 2013 du Arras Film Festival, où chaque film semble avoir naturellement trouvé sa place, avait de quoi donner du fil à retordre aux différents jurys chargés de distinguer leur favori. Pas simple en effet de choisir parmi neuf œuvres de grande qualité mais aux sensibilités, influences et univers extrêmement divers.

Miracle et The girl from the Wardrobe

miracleLe grand jury, présidé par le réalisateur Philippe Faucon, et composé de Geoffroy Grison, Corinne Masiero, Anna Novion et André Wilms, semble ainsi avoir fait le grand écart entre un grand prix assez classique et un prix de la mise en scène beaucoup plus inventif et original.

Le premier, Miracle de Juraj Lehotsky (Blind loves) suit avec subtilité le parcours chaotique d'Ela, une adolescente perturbée enfermée dans une maison de correction. Le récit, assez relâché, alterne temps morts et moments d'accélération, avec à la clef pas mal de sensationnalisme gratuit. On a plus l'impression d'un film fourre-tout que d'une grande chronique adolescente.

Le deuxième film récompensé par le jury, girl from wardrobeThe girl from the Wardrobe de Bodo Kox, est au contraire la chronique fine et délicate d'une rencontre entre plusieurs solitudes, ainsi que d'une relation fraternelle profonde et pudique.

Jacek veille en permanence sur Tomek, son frère souffrant de graves troubles neurologiques, ce qui l'oblige à jongler avec ses obligations professionnelles et sa vie sentimentale. Lorsqu'il confie Tomek à sa voisine d'en face, la mystérieuse Magda, une relation singulière se noue entre les trois êtres à la dérive.

La poésie troublante du film, qui mêle l'ultra-réalisme du décor à des touches de fantastique issu des hallucinations de l'héroïne, en fait une œuvre complexe à la grande beauté formelle et à la tonalité douce amère pleine de nuances. Le film a d'ailleurs séduit le jury de lycéens qui lui décernent également leur prix.

Chasing the wind et West

Chasing the windLa critique, elle, a arrêté son choix sur un autre récit familial (définitivement le thème phare de cette 14e édition) beaucoup plus classique, Chasing the wind de Rune Denstad Langlo, qui raconte comment, après le décès de sa grand-mère, une jeune femme renoue avec son grand-père et son ancien petit ami.

Un récit étonnamment esquissé, presque statique, composé de scènes ultra courtes et quotidiennes formant, en creux, le portrait d'une femme qui se réconcilie avec son passé. A l'opposé du long métrage qui a reçu la mention spéciale du même jury de la critique, West de Christian Schwochow, un thriller politique feutré sur la paranoïa contagieuse propre à l'époque de la guerre froide.

Kertu et Le grand cahier

Le public, lui, s'est laissé séduire par kertuune histoire d'amour hors norme, le très touchant Kertu de Ilmar Raag qui, s'il en fait parfois un peu trop dans les rebondissements, parvient à rendre crédible (et bouleversant) ce coup de foudre entre deux êtres blessés par la vie, qui trouvent soudain en l'autre les ressources nécessaires pour prendre leur existence en mains.

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Nord : Bienvenue chez les Samis!

Posté par Claire Fayau, le 9 mars 2010

nord.jpg"- Tu as un fils de quatre ans..."

L'histoire : Jomar Henriksen, ancien skieur professionnel, travaille comme employé sur les pistes. Il ne veut désormais plus entendre parler du ski et néglige les tâches qu'on lui a confiées. Il passe son temps à fumer, à boire et surtout à ne rien faire.Un jour, un ancien copain se présente chez lui et lui annonce qu'il est le père d'un enfant qui vit avec sa mère dans le nord du pays. C'est le moment ou jamais de tourner le dos à cette existence vide. Commence ainsi un voyage avec sa motoneige ponctué de rencontres loufoques et d'aventures insolites. (in DP)

Prix FIPRESCI au 59 e festival international du film de Berlin.

Notre avis : Ce Nord se situe dans le Royaume enneigé de la Norvège, et fait du hors pistes dans le monde du cinéma. Un premier long métrage de fiction confectionné avec soin par  Rune Denstad Langlo, documentariste chevronné.

En route pour le Nord! Plus que les dialogues, le scénario ou le rythme au style réaliste, la vérité et la beauté du film se trouvent ailleurs : dans la mélancolie des paysages et le climat extrême près du cercle polaire. Le réalisateur a eu la bonne  idée de réaliser un  Norway  of  life  road movie (oui, mais à défaut de route, il y a la motoneige et le ski...), ce qui nous dépayse en soi.

Anders Baasmo Christiansen. L'autre bonne idée est le choix de l'acteur pour le personnage de l'anti-héros. ABC, plus simple à écrire, ressemble à un ours mal léché, surmonté d'une tête de bébé lunaire . C'est l'un de seuls acteurs professionnels du film. Il est parfait dans le rôle de Jomar, qui se met toujours dans des situations incroyables pour mieux réjouir le spectateur. Par exemple, il brûle deux refuges (par inadvertance ?). Oublie ses lunettes de protection, se retrouvant donc aveuglé par la réverbération sur la neige ... Quand  il n'a pas les yeux bandés, son regard est hébété par l'incompréhension ou l'alcool   ... Jomar ne crache pas sur l'alcool et testera une méthode originale pour se soûler (scène qui nous laisse encore bouche bée). En cassant sa motoneige, il manquera aussi de se faire tuer par des militaires en plein exercice. Absurde et loufoque.

Un Norway of life bien rude imbibé d'alcools. En comparaison, les nordistes décrits par Galabru dans Bienvenue chez les Chtis paraissent bien sobres et chaleureux. S'il se trouve bizarre et dépressif, Jomar réalise qu'il existe encore plus mélancolique et seul que lui dans ce trou du cul du monde. Ce voyage initiatique aux rencontres bien incongrues (le vieux Sami qui vit en ermite avec sa motoneige enchaînée à sa cheville) rappelle même le Fargo des frères Coen.

Et  à la fin ? Il va mieux ? Sans dévoiler l'intrigue,  on pourrait penser que tous ces individus croisés en chemin vont transformer l'asocial et  immature Jomar... Ou pas ! Chacun  y ira de son interprétation. Ce n'est pas dans les dialogues minimalistes qu'on trouvera une vérité. Un no hero, no buddy  movie, épuré et drôle, malgré quelques longueurs et un scénario qui parfois se relâche.

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site internet du film