Sean Ellis (Metro Manila) : du rififi aux Philippines

Posté par vincy, le 17 juillet 2013

sean ellisLors de l'entretien (à paraître ce week-end sur EcranNoir.fr) que nous a accordé Sean Ellis (Cashback, The Broken) à l'occasion de la sortie de l'excellent thriller social Metro Manila, prix du public à Sundance cette année, le cinéaste a avoué que son film de braquage préféré était sans doute Du Rififi chez les hommes, de Jules Dassin (1955). Pas fan particulièrement de ces nombreuses productions où le casse sert de prétexte à un divertissement, il a pourtant réalisé un film qui en reprend tous les codes.

C'est en allant aux Philippines pour les vacances qu'il a en a eu l'idée. Il a assisté en direct à un braquage d'un convoi de fonds en plein Manille. "Les voyages m'inspirent et je recherche toujours d'autres couleurs. Cashback était un film français même s'il ne se déroulait pas en France, et The Broken a des allures de film nordique". De là à émerger l'idée, vite stimulée par l'envie de filmer une histoire de "chantage". "Ce qui fait une grande histoire, ce sont les personnages, particulièrement quand ceux-ci veulent absolument quelque chose. Le public aime ça. Après mes deux premiers films, j'avais besoin de temps [5 ans, ndlr] pour trouver un projet qui m'implique vraiment."

C'est ainsi qu'il s'imagine un polar, avec l'équation à résoudre : "le crime paie ou le crime ne paie pas? La solution était inhérente au personnage principal, Oscar, un paysan, intègre et digne. Il ne faut pas que le public soit floué ni trahir l'intention de départ" nous confie-t-il.

Autoproduit, le film s'est adapté à son environnement. "Les permis n'ont pas été facile à décrocher : pour la scène où Oscar va chercher l'argent dans la banque, il a fallu la tourner en caméra cachée, en une prise. Et puis la météo n'aidait pas, avec la chaleur tropicale. A partir de ces obstacles, j'ai essayé de les contourner en m'adaptant à l'esthétique locale. Je ne voulais pas faire un thriller "international" comme Jason Bourne. J'ai toujours évoqué Metro Manila comme un petit film philippin, avec un budget de film asiatique."

Ellis avoue même avoir du réécrire son scénario au fil des trois semaines de pré-production pour gommer les incohérences. "Je cherchais une certaine authenticité. Par exemple, j'ai découvert qu'il n'y avait pas de train entre la province d'où venait la famille et Manille. Il y a 16 heures de route! Mais comme on m'avait dit que c'était la plus belle région du pays, j'en ai fait un élément crucial pour le film : l'exode est dur et long et il traduit leur désespoir." De nombreux éléments du scénario ont ainsi été modifiés, adaptés. Jusqu'à ce récit inséré dans le film où un jeune homme, acculé par le manque d'argent, braque les passagers d'un avion, en vol, et saute en parachute avec son butin : "C'est une histoire vraie qu'on m'a raconté là bas. J'ai "googelisé" et j'ai pu vérifier l'aspect absurde de ce fait divers : je ne pouvais pas ne pas le filmer."