[69, année érotique] Cannes 2016: Tenue de Soirée en 1986

Posté par vincy, le 16 mai 2016

Putain de film? En tout cas, Tenue de Soirée, qui a valu à Michel Blanc un prix d'interprétation masculine à Cannes en 1986, a été un sacré succès en salles et au festival. Les répliques de Bertrand Blier ont bien visé: "Une serrure il faut qu'ça mouille, c'est comme tous les orifices. Tu la démarres à la salive et t'attends qu'elle se donne." Ici le sexe est avant tout paroles.

Enfin, à quelques nuances. Car Tenue de Soirée c'est un peu "Tout ce que vous avez toujours voulu savoir pour sodomiser un hétéro sans jamais oser le demander".

En trois phrases dites par Michel Blanc, on comprend tout.
Acte I: - Ton passé on le connaît… Collection de bites et puis c'est tout.
Acte II: - Mais je vais quand même pas me faire enculer sous prétexte que c'est un ami.
Acte III : - Le mec qu'est dans ton lit, il vient de se faire enculer, ma petite fille. Voilà. Après ça, on me dira que la vie est belle.

Top and Bottom. Il y a le dominant, Depardieu, et le dominé, Blanc. L'actif qui lime le passif. C'est cru. Et ça ne choque pas. Tout le monde finit sur le trottoir, les deux mecs en travestis. Et ça fait sourire. Dans ce ménage à trois, la femme laisse tomber son époux et le jette dans les bras d'un homme plus amateur de couilles que de seins. L'époux va devenir épouse, très jalouse. C'est caustique.

Au départ Tenue de Soirée était une sorte de suite des Valseuses, avec le même trio, dix ans plus tard: Depardieu-Miou Miou-Dewaere. Ce dernier a mis fin à ses jours, Blier a laissé trainer le projet, et finalement Blanc a repris le rôle, se rasant la moustache du loser des Bronzés et changeant d'image en se convertissant à des rôles dramatiques.

Ce qu'on retient surtout, au delà des provocations qui font jubiler son auteur, c'est que Tenue de soirée est une comédie grinçante, complexe, où réalité et fantasme s'entremêlent. Mais surtout il est un des premiers films populaires français à poser des questions sur l'identité sexuelle et le genre. 30 ans plus tard, il est toujours aussi efficace sur ce point.

[69, année érotique] Cannes 2016: Crash en 1996

Posté par vincy, le 15 mai 2016

Ah les années 1990! On aimait les scandales à Cannes. On aimait crier dans la salle, claquer du fauteuil, siffler de désapprobation, insulter par voie de presse. Cannes aimait, se complaisait?, chaque année prouver sa force destructrice en rejetant avec fracas un film palmable. Et Crash, de David Cronenberg, a été, à ce titre, symptomatique.

On se demande quand même ce qui dérange tant dans cette adaptation du livre de J.G. Ballard. Le fétichisme de la tôle froissée et de la mécanique? En mixant les fantasmes d'accident de voitures et de relations sexuelles (hétéros ou homos, à deux ou à trois), il y a quelque chose qui a troublé les festivaliers de 1996, assurément.

Lors de la projection, une grande partie des spectateurs est sortie de la salle. A la fin de la projection, le film est sifflé, chahuté, hué. Et quand le film reçoit quelques jours plus tard le Prix spécial du jury, ce fut une nouvelle bronca contre le film en pleine cérémonie. Le sexe est encore choquant, scandaleux. Et le film sera interdit au moins de 16 ans en France.

Les réactions furent en tout cas passionnelles. Les blessures, les plaies et les cicatrices sont autant de zones érogènes ou pénétrables. Le sperme lustre les voitures. Dans Crash, le couple mature tente de réveiller sa libido en respectant les codes convenus d'une société mais en associant la chair au métal, des corps mutilés mais encore en vie. On se souvient alors de la main de Deborah Kara Unger, avec son alliance, pleine du foutre d'un amant peu sympathique qui l'a baisée sur la banquette arrière, et qui cherche à toucher son mari, assis sur le siège avant.

Pas étonnant que la presse anglo-saxonne ait jugé le film dégradant, dépravé. Mais il eut aussi de fervents partisans et reste aujourd'hui encore, loin des huées cannoises, un des films les plus marquants sur un couple qui cherche à survivre entre Eros et Thanatos, et tétanos.

[69, année érotique] Cannes 2016: L’empire des sens en 1976

Posté par vincy, le 14 mai 2016

L'Empire des sens ou La corrida de l'amour de Nagisa Oshima est assurément un film culte. Pourtant sa sortie en 1976 a été mouvementée. Au Japon, le film fit littéralement scandale. La censure a ainsi flouté les parties génitales visibles et coupé des scènes entières, comme l'héroïne mutile son maître. Le réalisateur a même été poursuivi en justice (il fut relaxé des années plus tard). Sans la coproduction française, L'Empire des sens aurait certainement été maudit.

A l'étranger, ce ne fut pas simple non plus. Le coproducteur français possédait un négatif qui permit au film d'être présenté dans les festivals, et consacré assez vite comme le premier film "pornographique" réalisé par un grand cinéaste. Porno, L'Empire des sens? C'est comme ça que les festivaliers de Berlin, qui eurent la primeur en Occident, le qualifièrent, même si un an demi après la justice allemande accepta la diffusion dans les salles, sans censure. Trois mois après Berlin, il arrivait sur la Croisette, à la Quinzaine des réalisateurs, où le triomphe fut total. Les festivaliers se précipitaient par curiosité, odeur du soufre, voyeurisme.

L'emprise des sens avait fait son oeuvre. Un sexe masculin au coeur d'une histoire de désir et d'amour absolue, un huis-clos sado-maso où le plaisir, la jouissance se mélange au morbide et à la violence. Bien sûr, avant le film d'Oshima, John Waters avait déjà filmé une pipe entre deux mecs dans Pink Flamingos et Paul Verhoeven n'avait pas hésité à pointer sa caméra sur des scènes explicites dans Turkish Délices. Mais Oshima va plus loin, notamment avec cette fellation, jusqu'à éjaculation, entre autres. Bien avant les pipes du Diable au corps, de Romance, d'O Fantasma, de Ken Park ou de The Brown Bunny. Et cette séquence où Eiko Matsuda s'enfile un oeuf dans le vagin (Catherine Breillat avait fait pire l'année précédente avec Une vraie jeune fille, où il s'agissait d'un ver de terre)...

Mais c'est évidemment la seule scène non simulée qui marque les esprits: la mutilation du pénis, don ultime et abandon total (et fatal). Inspiré d'une histoire vraie, cette spirale érotique où strangulation et émasculation se combineront pour un dernier orgasme n'a jamais eu d'équivalent, même si l'oeuvre a ouvert les portes du possible aux réalisateurs. Oshima a osé.

[69, année érotique] Cannes 2016: La vie d’Adèle et L’inconnu du lac en 2013

Posté par cynthia, le 13 mai 2016

Gros, dur, mou, large, ouvert ou mouillé, le sexe se révèle sans pudeur depuis quelques temps et l'anatomie humaine devient un sujet abordable et traité de manière poétique, romantique, ou plus trash selon les films. En 2013, le semi-soft porno a déboulé sur la Croisette. La vie d'Adèle (en compétition, Palme d'or) et L'inconnu du lac (Un certain regard, primé plusieurs fois) en avaient choqué plus d'un(e) - certains journalistes (des gens ouverts d'esprits normalement surtout quand on se vante d'être critique de cinéma) avaient claqué leurs sièges (et d'autres bandaient secrètement sans doute). Ces deux films majeurs du cinéma Français de ces dernières années ont en effet un point commun: le sexe cru et homosexuel.

Une femme avec une femme. Terminée la blondasse de service qui se fait tringler par un homme poilu et musclé sur du Barry White, ici elle se fait lécher et elle a les cheveux bleus. La vie d'Adèle est une histoire d'amour entre deux femmes (Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos). Entre les gros plans sur la bouche d'Adèle qui mange des spaghettis avec une sensualité apparente et son touche pipi en solitaire, le spectateur est souvent ébullition. Mais c'est la fameuse scène de sexe entre les deux femmes qui surprend: longue, intense quoique un peu banale), les corps fusionnent, les sexes se frottent, le plaisir fait monter la sève. Impossible de ne pas imaginer la tête du gentil papa Steven Spielberg (président du jury de l'époque) devant ces images, lui qui n'a jamais osé ne serait-ce qu'un bout de fesses dans ses films.

Donc voilà 7 minutes et des poussières devant une partie de jambes en l'air sulfureuse avec pour seul fond sonore les claquements de peau, les fessées et les gémissements de nos deux interprètes. Il n'est donc pas étonnant de lire certains témoignages de spectateurs qui en avaient gros dans le pantalon durant cette scène. Cru et beau, est-ce possible? Lorsqu'on se retrouve face au film de Kéchiche, ce la semble évident. Il signe ici un film magistral. Ce qui débute telle une histoire d'amour pure et tendre se transforme, avec une scène de baise intense, presque une transe chorégraphiée, en une histoire d'amour passionnelle. Car Abdellatif Kechiche n'a-t-il pas voulu montrer avec cette scène la passion destructrice qu'offre l'amour?

Le film n'a pas tant choqué, hormis quelques intégristes et homophobes. Les spectateurs sont plus à l'aise avec l'homosexualité féminine que masculine (merci au porno bad gamme disponible gratuitement sur le net et dédié aux geeks célibataires de plus de 25 ans). Alors que l'image de l'homosexuel à l'écran reste stéréotypée dans les comédies populaires - un mec efféminé, fan de Lady Gaga ou de Mylène Farmer et aux mimiques hyperboliques -, des cinéastes comme Ozon, Ducastel et Martineau, Téchiné ont ouvert la voie à une représentation plus fine et moins caricaturales, y compris en filmant des rapports sexuels un peu crus. Mais c'est Alain Guiraudie à qui l'on devra un changement de paradigme complet sur le sujet avec L'inconnu du lac.

Un homme et des hommes. D'emblée l'affiche du film a été censuré...ça commence bien! On y voit l'image (lointaine mais vraiment lointaine) d'un homme en plein bisou bisou au niveau du phallus. Il n'en a pas fallu plus pour que tout le monde pète un plomb! Ont-ils cru que le sexe d'un homme n'existait que pour faire pipi? Certes, l'affiche est explicite... peut-être qu'ils auraient pu se la jouer façon La vie d'Adèle avec une photo de deux mecs qui ouvrent grand la bouche annonçant ainsi un jeu buccal coquin.

Quant au film, il se déroule dans un lieu nudiste réservé aux homosexuels (clairement on n'y joue pas au Scrabble). On y fait la connaissance de Franck, jeune, beau et frivole (Pierre Deladonchamps) qui s'envoie en l'air comme un fumeur fume clopes sur clopes, mais bon lui c'est plutôt la taille d'un cigare qui l'intéresse. Du jour au lendemain, il tombe sur le charme de Michel, moustachu, musclé, macho et un brin soupçonné de meurtre. Entre parties de jambes en l'air sur la plage ou entre les arbres, on pénètre avec fougue (toutes mes excuses pour cette expression) dans l'intimité de ce couple mystérieux. Comme pour Kéchiche, Alain Guiraudie ne cache rien de l'intimité de ses protagonistes en filmant en gros plans érections, fellations, éjaculations. Ni même de l'intimité des voyeurs, branleurs, enculeurs, qui rodent aux alentours. Les phallus sont exhibés, mous ou raides, les chairs ne sont pas forcément fermes, les regards dévient toujours vers l'entrejambe.

Vous aviez toujours rêvé de voir un kiki en gros plan en dehors d'un porno? Enfin!!! L'inconnu du lac ce n'est pas Game of Thrones qui nous montre des vagins à tous les épisodes et pas de kiki...même pas un rikiki!

Mais qu'est-ce qui pousse un réalisateur à tourner un film comme cela? Envie de se faire remarquer par Rocco Siffredi? Envie de recevoir un tweet admiratif de Miley Cyrus? Envie de créer la polémique? Non, non et non! Si l'homosexualité est montrée de manière crue ce n'est que pour montrer la réalisation à l'écran du désir sexuel et de son assouvissement, de nos fantasmes et de nos abandons, là où toute classe sociale est à égalité dans la nudité, là où l'appel de la nature se mélange à la nature de l'homme. Evidemment, La vie d'Adèle est avant tout une histoire d'amour qui finit mal, et L'inconnu du lac un thriller psychologique qui se termine mystérieusement.

Mais, avec leur audace, ces films ont pu montrer le sexe sans tabou et même sublimé.

[69, année érotique] Cannes 2016: La grande bouffe en 1973

Posté par vincy, le 12 mai 2016

Mais quel scandale cette Grande Bouffe!  Le film de Marco Ferreri est présenté en 1973 au 26ème Festival de Cannes en 1973 (Prix Fipresci, ex-æquo avec un autre film-scandale,  La Maman et la Putain de Jean Eustache) et on y arrache presque les sièges de colère.  Marcello Mastroianni, Philippe Noiret, Michel Piccoli, Ugo Tognazzi et une Andréa Ferréol qui a du manger 5 fois par jours pour prendre 25 kilos de chair graisseuse, ne s'attendaient certainement pas à ça.

Cette satire anti-consumériste et épicurienne est l'oeuvre de tous les excès: bouffe, alcool, cul. C'est du Rabelais, avec une bourgeoisie pourrie par ses vices, s'autodétruisant par la panse, le foie, le coeur et le cul.

La Grande bouffe est hué à Cannes. Là aussi excessivement. Le film est jugé obscène, scato, malade. Malgré son ironie, et sa part de vérité, les critiques de cinéma n'y voient qu'un objet dégradant, humiliant. Bref on vomit sur un film où l'on gerbe beaucoup. La presse évoque la honte de voir un film aussi décadent.

Forcément, on y prend par derrière, à même la table, le cul Ferréol. On pète, on suce, on branle. La boulimie gourmande conduit au scabreux, aux pulsions, morbides et animales. La Grande bouffe c'est engloutir un gâteau et jouir d'une gâterie. Dans une France pas remise de mai 68, pas encore prête à vivre les années 70 librement, la déflagration est morale plus qu'artistique. Il y a les critiques bourgeois qui se sentent visés et les critiques anti-capitalistes qui se réjouissent. La subversion a ce don de diviser. Et l'époque la provoque, avec Jean Eustache, donc, mais aussi Bernardo Bertolucci et son Dernier Tango à Paris, qui annonce l'avènement de l'industrie pornographique.

Les quatre hommes ont un rapport au sexe qui a certainement dérangé certains festivaliers: frustration, névrose, prédation, homosexualité refoulée. L'érotisme des tableaux et objets, les prostituées qui fuient rapidement cette entreprise de suicide collectif, toute la merde qui pue, toute cette mort qui rode: forcément, ça bouscule le spectateur (si celui-ci n'a pas vu Pasolini en tout cas).

Aujourd'hui, on en rigole. Non pas que le film a perdu de son intérêt - le discours est toujours d'actualité - mais la polémique s'est essoufflée. Contrairement à certaines prophéties, tous les acteurs sont sortis indemnes de l'expérience. Même si les semaines qui ont suivi n'ont pas été simples (on refusait de les servir dans les restaurants, et même s'ils y étaient tolérés, les clients partaient d'eux mêmes). Lors de la projection, un homme a crié à Ferréol, "maintenant vous n'avez plus qu'à nous pisser dessus!". Ferreri n'avait pourtant pas osé le plan uro dans son film.

"On nous a reproché d'être grossiers et vulgaires, a récemment dit Michel Piccoli, mais c'est tout le contraire, La Grande Bouffe est un film d'amour. Amour des gens, amour des hommes et amour de la femme." Le temps a fait son oeuvre. Aujourd'hui le spectateur rit et on applaudit unanimement. Il n'y a plus de tels scandales à Cannes. Quand le film a été projeté il y a trois ans à Cannes pour son 40e anniversaire, plus personne n'avait honte, plus personne n'était choqué. On regardait juste ces quatre bourgeois bouffer, des huîtres ou du cul, s'empiffrer jusqu'à mourir.

[69, année érotique] Cannes 2016: Love en 2015

Posté par kristofy, le 11 mai 2016

Pendant longtemps le cinéma français a raconté des histoires sentimentales ponctué de temps en temps d'une scène "osée" de nu : de Brigitte Bardot, à Catherine Deneuve, d'Isabelle Huppert à Anne Parillaud, de Valérie Kaprisky à Sophie Marceau en passant par... Gérard Depardieu. Des seins sous la douche, des fesses sur un lit, mais quasiment jamais de sexe masculin en érection. Il y a bien eu le cas Stéphane Rideau (Sitcom, Presque rien), le films "gays" L'inconnu du lac et Théo et Hugo sont dans le même bateau. Mais les cinéastes hétéros ont une certaine pudeur à montrer un mec qui bande. La sexualité frontale est tabou dans un pays qui a la réputation d'être grivois.

Dans son film Love Gaspar Noé fait dire à son personnage qu’il voudrait "faire un film avec du sexe qui montre des sentiments". Et dès la toute première image de Love, le ton est donné : lui et elle sont nus sur un lit avec les doigts autour et dans le corps de l’autre : la première scène est un plan-séquence de masturbation qui dure 2 minutes et demi jusqu’au moment d’une éjaculation. Le temps de découvrir deux personnages et déjà 7 minutes après une image de pénétration, mais qui est justifiée pour raconter que la femme va tomber enceinte. Si le sexe semble très présent dans le film c’est surtout par la puissance évocatrices des cadrages de l’image: il y a bien une demi-heure de narration avant la scène de sexe suivante : un rapport à trois (l’homme et deux femmes, forcément) très sensuel, en fait l’une des plus belles scènes du film.

Une image qui bien que très courte, 1 minute, a pu surprendre ou choquer : le sexe de l’homme sur lequel s’active la main de sa compagne est filmé face-caméra en très gros plan, et le sperme en jaillit donc à la face des spectateurs devant l'écran. Gaspar Noé s’en est expliqué : c’est Love 3D, sur ce film il utilise une technique de 3D pour le rendu d’un certain relief dès lors il aurait été dommage de ne pas y inclure une image d’éjaculation en relief en direction du public, c’est d’ailleurs aussi une auto-citation d’un plan similaire de son film précédent Enter the void. C'est aussi l'exact opposé d'un autre film qui avait choqué pas mal de festivaliers quelques années plus tôt, Irréversible (que ce soit la backroom SM ou la séquence du viol), où l'on de voyait rien mais où le sexe était malsain, caché, honteux.

Dans Love, présenté en séances de minuit l'an dernier (les places valaient chères), il y a donc plusieurs séquences à caractère sexuel, avec le plus souvent un couple, et parfois un trio (et un 69 d’ailleurs). La caméra s’attarde à plusieurs moments en gros plan sur les seins des femmes et sur le sexe de l’homme durant le plaisir. C’est avant tout et d’abord des images où on fait l’amour: c’est le sujet du film, qu'il soit physique, sexuel et bien entendu sentimental. Bref, intime.

Le film Love était sorti en salles de cinéma (en 3D donc) avec une interdiction aux moins de 16 ans avant qu’une action judiciaire la modifie interdit aux moins de 18 ans, mais pas classé X : la représentation du sexe ce n’est pas forcément pornographique. C'est même, rappelons le, ce qu'il y a de commun à tous les humains, et tous les arts l'ont représenté depuis la nuit des temps.

Les professionnels s’insurgent contre la censure

Posté par vincy, le 4 février 2016

Suite à une nouvelle décision judiciaire concernant le visa d'exploitation d'un film (Antichrist hier, Bang Gang et Ken Park à leur tour menacés), le Syndicat de la Critique de cinéma , l'ARP (Société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs) et la SRF (Société des réalisateurs de films) ont décidé de réagir. Cela fait plusieurs mois que l'association Promouvoir, proche des milieux catholiques intégristes, gagnent les batailles judiciaires et imposent par voie de justice une règlementation beaucoup plus stricte sur les films, sous des prétextes moralistes. Les trois signataires interpellent la ministre de la Culture et de la Communication, qui, selon eux, ne peut pas attendre les résultats de la mission sur la modernisation du système de visa.

Le Syndicat français de la Critique de cinéma : "Après Baise-moi, Ken Park, Nymphomaniac, Saw 3D chapitre final, Love et La vie d'Adèle, Antichrist de Lars von Trier vient de voir, le 2 février dernier, son visa d'exploitation annulé par décision de la cour administrative d'appel sur une nouvelle requête de l'association Promouvoir, proche du milieu catholique intégriste. Bang Gang, une histoire d'amour moderne d'Eva Husson (photo) est à son tour menacé. Le Syndicat Français de la Critique de Cinéma en appelle à la ministre de la Culture, Madame Fleur Pellerin, et lui apporte tout son soutien dans l'objectif d'une modification des articles de loi qui contribuent à cet état de fait. Il faut que que cessent ce désaveu perpétuel des avis de la commission de classification et ces attaques répétées contre la création et les œuvres de cinéma."

Les cinéastes de l'ARP et de la SRF : "Nous sommes chaque fois atterrés de constater qu’un André Bonnet/Patrice André, représentant de « Promouvoir », association trouble, liberticide et extrémiste, peut décider seul de ce qu’on peut ou de ce qu’on ne peut pas voir en France.
Nous rappelons qu’il existe une Commission de classification, composée d’experts représentant les professionnels du cinéma, les familles, les enfants, la jeunesse, la justice, la santé et même l’intérieur. Cette Commission exerce déjà son rôle essentiel de garantir la protection des spectateurs. Il n’est plus tolérable qu’un seul homme puisse se servir de défauts existant dans nos textes au mépris de la légitimité et du travail de cette commission.

Antichrist hier encore, après La vie d’Adèle, Love, Nymphomaniac… et peut-être demain Bang gang (Une histoire d’amour moderne)… Il est ahurissant que tant de films, largement salués dans les plus grands festivals et qui n’ont heurté la sensibilité de personne, sinon les promoteurs d’un nouvel obscurantisme, puissent être interdits au public.
C’est notre vision du monde, et plus particulièrement de la France, qui est heurtée aujourd’hui, alors que la liberté de création est violemment bafouée.
Nous demandons donc à la Ministre Fleur Pellerin de prendre d’urgence les mesures issues des travaux confiés à Jean-François Mary sur la modernisation du système de visa. Elles permettront de rendre à la Commission de classification tout son sens et tout son poids.
Ce nouveau pas en arrière confirme encore une fois que l’urgence est bien réelle.
"

Antichrist de Lars von Trier victime à son tour de l’association Promouvoir

Posté par vincy, le 3 février 2016

Et de 4. Après Saw 6, Love et La vie d'Adèle, l'association Promouvoir, proche des milieux catholiques intégristes, a réussi une fois de plus à faire plier la justice. Pendant ce temps le ministère de la Culture et de la Communication promet toujours, depuis cet été, une réforme qui ne vient pas concernant la réglementation des films.

Cette fois-ci la victime est Antichrist de Lars von Trier, avec Charlotte Gainsbourg (qui emporta le prix d'interprétation féminine au Festival de Cannes) et Willem Dafoe. A l'époque, le film avait attiré 145 000 spectateurs en France. Il était interdit aux moins de 16 ans. Cela ne suffisait pas puisque la Cour administrative d'appel de Paris vient d'annuler le visa d'exploitation de ce film de 2009 (autant dire que l'impact commercial est bien moindre que l'offense morale), à cause de "scènes de très grande violence" et de "scènes de sexe non simulées", soit "Un degré de représentation de la violence et de la sexualité qui exige, au regard des dispositions réglementaires applicables, une interdiction de ce film à tous les mineurs".

Pour la justice, la ministre de la Culture de l'époque, Christine Albanel, "a commis une erreur d'appréciation en se bornant à interdire sa diffusion aux seuls mineurs de moins de seize ans". Ainsi, la cour concède à une Association qui veut limiter la liberté de création au nom de principes moraux que Antichrist aurait du être interdit aux moins de 18 ans.

Le visa du film avait déjà été annulé par deux fois pour vice de forme par le Conseil d’État, en 2009 et 2012, et un nouveau visa avait été accordé à chaque fois par la ministre, rappelle l'AFP. Cette fois-ci le coup est plus rude: l'annulation du visa d'exploitation empêche la diffusion du film sur tout support, jusqu'à ce qu'un nouveau visa soit accordé (et par conséquent il ne pourra l'âtre que si le film est de facto interdit aux mineurs).

On le rappelle: un individu de 16 ans a le droit de faire l'amour mais désormais, selon la justice, il n'a pas le droit de voir un film où l'on y fait l'amour. Surtout lorsque les scènes sont explicites. Pure hypocrisie. Ou alors les juges ne vont jamais sur Internet. Quant à la violence, cela reste une affaire d'appréciation subjective. Mais à partir de 16 ans, on peut estimer que le cerveau est capable de différencier la fiction du réel, sauf pour les personnes très émotives qui, de toute façon, n'iront pas voir ce genre de films.

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Lire aussi:
Au nom du fils privé de salles à Paris
Love de Gaspar Noé finalement interdit aux moins de 18 ans
Saw 3D Chapitre final désormais interdit aux moins de 18 ans

Dinard 2015: quand les couples s’isolent du monde…

Posté par vincy, le 2 octobre 2015

Deux films présentés hier au 26e Festival du film britannique de Dinard abordaient une thématique similaire, avec un traitement radicalement opposé. Couple in a Hole de Tom Geens et Hide and Seek de Joanna Coates ont en commun l'histoire de couples qui se mettent en retrait du monde.

couple in a hole

Tom Geens a tourné son film essentiellement en France pour une histoire tragique et sacrificielle où un couple écossais vit dans un trou, en pleine forêt, se nourrissant de plantes, de lapins chassés ou de vers grouillants. Couple in a Hole nous enferme dans cette nature protectrice, bienfaitrice mais aussi périlleuse: l'homme est parfois contraint de revenir dans le monde moderne (pour acheter des médicaments), la femme reste "enterrée" dans cette caverne puante et primitive. Cet isolement sert d'allégorie à une dépression psychologique suite à un traumatisme violent. Ici, le couple ne cherche plus à être en contact avec les autres, ne veut plus être connecté, et pense se suffire à lui-même en revenant à l'état primal. Ils s'aiment, partagent la même douleur, et cela leur suffit. Comme s'il était impensable de survivre à un deuil autrement qu'en s'enfermant dans une souffrance irrationnelle... Couple in a Hole, c'est un couple qui se désagrège parce qu'il n'envisage plus de vivre comme avant, après la tragédie qui les a frappés.

hide and seek

A l'inverse, avec le plus enthousiasmant Hide and Seek (Cache-cache), Joanna Coates opte pour l'utopie et la liberté. Avec son scénariste et acteur Daniel Metz, ils ont imaginé le couple dans différentes variations. Deux hommes, deux femmes, quatre possibilités (au minimum). Désireux de se couper de la société et de ses conformismes, d'un système et des contraintes qui en découlent, les quatre jeunes gens se réfugient dans une maison de campagne pour une durée indéterminée. Ils vivent en communauté, sans médias, avec pour rares occupations des jeux et des créations artistiques. Du vin, de l'art et du sexe, voilà la vie idéale selon le film. Le sexe, il y en a. Tout le monde couche avec tout le monde, par deux le plus souvent. Il n'y a plus de genre, plus d'orientation. Homo, hétéro peu importe, et c'est sans doute là le pari le plus audacieux et le plus intéressant du film, qui jamais ne revient sur le chemin des conventions ou de la morale. La chair est un accès au paradis. Il s'agit de se libérer (s'émanciper) en désirant, aimant l'autre sans préjugés. Ni couple, ni trouple, ni simple échangisme orgiaque: c'est un quatuor harmonieux qui va se construire, pour l'éternité. Les couples, ici, coupés du réel, s'épanouissent en partageant l'essentiel. Cet hédonisme, idéaliste, nous interpelle: et si l'amour était infini, à condition de se dépasser et de larguer notre éducation comme notre passé?

A travers ces deux films, le cinéma anglais, dans un registre dramatique ou dans un genre plus poétique, mais tous les deux naturalistes, transgresse quelques tabous et nous interroge sur notre capacité à dépasser nos limites, pour le pire ou pour le meilleur.

Le Maroc censure Much Loved sans avoir vu le film: appel à soutien et pétition pour défendre la liberté d’expression

Posté par vincy, le 30 mai 2015

Comme nous vous l'annoncions plus tôt cette semaine, le film Much Loved de Nabil Ayouch, présenté à la dernière Quinzaine des réalisateurs, a été interdit d'exploitation au Maroc, suite à un climat de violence et d'agressivité sur les réseaux sociaux autour du réalisateur et de son actrice principale au Maroc. Cette décision a soulevé un vent de contestation du côté de la profession.

Much Loved raconte l'histoire de Noha, Randa, Soukaina, Hlima et d'autres femmes qui vivent d’amours tarifés dans le Marrakech aujourd'hui. Ce sont des prostituées, des objets de désir. Joyeuses et complices, dignes et émancipées dans leur royaume de femmes, elles surmontent la violence d’une société marocaine qui les utilise tout en les condamnant.

Le gouvernement marocain a annoncé lundi que le film serait interdit de projection au Maroc. Pour le gouvernement marocain, il comporte un "outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine". "Cette interdiction encourage les pires attaques des courants conservateurs marocains envers le film, Nabil Ayouch et Loubna Abidar faisant l’objet de menaces de mort sur les réseaux sociaux", souligne l'appel à soutien diffusé sur le site de la SRF.

Près de 80 cinéastes et producteurs ont dénoncé cette censure: Stéphane Brizé, Claire Burger, Jean-Pierre et Luc Dardenne, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Costa-Gavras, Yann Gonzalez, Mahamat-Saleh Haroun, Michel Hazanavicius, Agnès Jaoui, Laurent Cantet, Pascale Ferran, Costa-Gavras, Michel Hazanavicius, Rithy Panh, Pierre Salvadori, Riad Sattouf, Volker Schlöndorff, Céline Sciamma, Bertrand Tavernier et Rebecca Zlotowski figurent parmi les "premiers signataires" de ce texte.

"De tous temps, le cinéma a eu vocation à montrer la réalité sous tous ses aspects. De toute évidence, ce film sur le milieu de la prostitution à Marrakech montre une réalité que les autorités marocaines refusent de regarder en face. Pourtant cette réalité niée ne sera modifiée en rien par cet acte de censure délibérée.
Alors que le Maroc accueille de très nombreux tournages français et internationaux et que se tient à Marrakech annuellement un grand festival de cinéma, nous condamnons cette interdiction avec la plus grande fermeté.
Nous nous associons à l’Union des Réalisateurs Auteurs Marocains et au large courant de solidarité qui s’est levé autour du cinéaste franco-marocain Nabil Ayouch et de son film, pour dénoncer l’obscurantisme et les violentes atteintes à la liberté que cette interdiction constitue : atteinte à la liberté d’expression, atteinte à la liberté du metteur en scène d’exposer son travail, atteinte à la liberté des spectateurs qui ne peuvent avoir accès au film dans les salles de cinémas marocaines.
"

Par ailleurs déjà plus de 400 personnes ont signé la pétition initiée par l'actrice principale du film Loubna Abidar sur Avaaz.org.

"Nous, artistes, intellectuels, créateurs, journalistes et acteurs dans différents secteurs de la société, déclarons notre attachement à la liberté de pensée, d’expression et de création en tant que droit garanti par la constitution marocaine et les conventions internationales. Nous appelons les spécialistes et l’ensemble des amateurs à se ranger du côté de la critique constructive et élever le niveau du débat loin de la diffamation et l'incitation à la haine qui s’appuient sur de prétendus arguments moraux sans considération aucune ni à la liberté d’expression ni de création dans les domaines de la production intellectuelle et esthétique" explique la pétition, qui ajoute : "Aucune tutelle sur la création, aucune prohibition de la créativité! Par la même occasion, nous désavouons la décision illégale impartiale et apriori prise par le Ministre de la communication d’interdire la diffusion du film dans les salles de cinéma au Maroc."

Stupéfait, Edouard Waintrop, directeur de la Quinzaine des réalisateurs, s'est exprimé en rappelant, qu'à l'évidence, "ce film sur la prostitution à Marrakech montre une réalité que les autorités marocaines refusent de voir. Cependant ce déni de réalité ne devrait pas amené à un acte délibéré de censure."

Le plus ironique dans cette histoire est que le réalisateur du film a expliqué à Variety qu'aucun des cinq membres de la Commission de censure n'avait vu le film et que lui-même n'avait pas encore demandé un visa de sortie au ministère. La décision a été prise suite à la diffusion de deux extraits sur Internet, qui ont entraîné un flot de commentaires et de critiques sur les réseaux sociaux.