Alternative pacifique

Posté par geoffroy, le 21 mars 2008

Continuité. Telle pourrait être le parti pris d’une sélection engagée qui prône le thème de la lutte comme réponse aux évènements qui meurtrissent l’Amérique Latine. De lutte il en est justement question dans le documentaire de Juan José Lozano, Hasta la Ultima Piedra (Jusqu’à la dernière pierre).

Alors que la Colombie est toujours sous l’emprise d’une terrible guerre civile opposant la République colombienne et les différentes guérillas (dont les rebelles FARC), de « simples » paysans décidèrent de créer en 1997 des zones de neutralité appelées communautés de paix. Posture courageuse se réclamant d’une stratégie de paix alternative, ces communautés refusent de cautionner toute action par les armes. Soutenues par de nombreuses ONG,
celles-ci furent pourtant la cible de la folie sanguinaire des guérilleros et des forces paramilitaires. Les tortures, enlèvements, assassinats, actes de barbarie etc. obligèrent les paysans à quitter les villages. Ils existent aujourd’hui environ 60 villages (regroupant 5000 membres) totalement autonomes, cultivant la terre à partir d’un fonctionnement collectif d’entraide et de non implication dans les luttes armées.

Filmé avec une sobriété d’école, ce documentaire est un témoignage troublant de ce que doivent entreprendre les peuples afin de garantir un minimum de sécurité et d’espérance. Initiative « de la main qui travaille », ce chemin de « croix » contre la violence des hommes est une belle leçon de résistance pacifique contre la guerre. Par la prise de parole des uns et les actions de ceux qui en sont les garants, le film démontre à tous ceux qui pourraient en douter encore le niveau de conscience politique d’une population qui ne demande que sécurité, éducation, assistance et soutien. Les villages deviennent ce havre de paix salutaire au cœur des affrontements. Mais pendant combien de temps ?

Malgré son découpage classique, un peu statique et redondant, le documentaire de Juan José Lozano est doté d’une discrétion qui l’honore et laisse ainsi entrevoir par ses plans intermédiaires la fragilité de ces villages. Nous respirons cette angoisse permanente et palpons le danger aux alentours. Si la joie semble avoir abandonné ces contrées, la volonté est là tout comme le droit d’un peuple de vivre en paix.

Hasta la Ultima Piedra témoigne d’une réalité qui, comme l’indique l’un des protagonistes, se doit d’être « une lutte pour un homme nouveau et un monde différent ».

Lutte et espérance

Posté par geoffroy, le 19 mars 2008

Première journée de la 7ème édition des Rencontres avec le cinéma d’Amérique Latine au Magic cinéma de Bobigny. En présence des officiels de l’association, deux films documentaires sont présentés. Deux films pour souligner l’importance de la lutte au service de la liberté, la démocratie et la solidarité. Deux éclairages sur un continent qui tangue, vacille mais reste uni dans sa recherche de vérité, d’apaisement et d’égalité.

L’encrage des deux documentaires sur le terrain de ceux qui façonnent par leur travail et leur ténacité une société plus solidaire, n’est pas / plus de l’utopie, mais un constat – sera-t-il durable ? – qui établit un nouveau rapport de force des peuples à prendre en main leur destin. Hartos Evos aquí hay, Les cocaleros du Chapare, raconte comment les paysans du Chapare (département du Cochabamba en Bolivie) ont joué un rôle déterminant dans la victoire historique du premier président Indien Carlos Morales lors de l’élection présidentielle du 18 décembre 2005. Le film de Hector Ulloque et Manuel Ruiz Montealegre n’est pas didactique, les réalisateurs ne traitant pas des enjeux politiques au sens classique du terme. Ils préfèrent axer leur démonstration sur un double symbole – feuille de coca, élection du premier président indien – qu’ils vont étendre comme condition nécessaire à la revendication d’un contre pouvoir abordant une ligne politique et culturelle différente. Documentaire assez fermé dans sa géopolitique, il séduit par son traitement de « terrain », filmé à hauteur d’homme et de femme. La parole libre, instinctive et pensée montre une sociologie par ceux qui font la « révolution ». Ces visages remplacent alors les commentaires des journalistes en revendiquant à voix haute devant la caméra le droit au respect, à la reconnaissance et à la démocratie pour tous.

The Take, documentaire canadien de Naomi Klein, poursuit de façon parallèle la démarche du premier documentaire. Pour elle, il s’agit de donner la parole au peuple, à ceux qui travaillent, qui font marcher l’économie et qui, le plus souvent, sont les premiers touchés par la crise. En suivant pas à pas des ouvriers décidés à ne pas baisser les bras, la réalisatrice met en perspective les conséquences de la situation engendrée par la crise financière en Argentine au cour de l’année 2001. Véritable chaos social, la récession est d’une telle ampleur que les usines doivent arrêter de produire, gelant les salaires et mettant sur la paille des millions de salariés. Pourtant la lutte s’installe et un mouvement sans précédant voit le jour. Il faut occuper, résister et produire ; coûte que coûte. Pour la dignité et l’honneur. Alors des centaines d’ouvriers au chômage investissent les usines. Le mouvement en marche se veut une réponse sociale aux errements des gouvernants, à l’irresponsabilité des banques et à l’inflexibilité du FMI. Les ouvriers sont déterminés et iront jusqu’au bout afin d’obtenir l’expropriation des patrons. Si le commentaire off nuit parfois à la fluidité des témoignages, la simplicité du montage rend compte de la souffrance de ces hommes et de ces femmes trompés par un gouvernement avide de pouvoir. Sur fond d’élection présidentielle, le documentaire ouvre son spectre didactique en multipliant les points de vue, entre patrons, politiques et ouvriers. S’ils sont tous liés, les uns ne demandent que le droit au travail pour produire de l’activité et racheter, en quelque sorte, les erreurs d’une politique inflationniste corrompue d’un pays qu’ils aiment pourtant profondément.