Le futur incertain du Studio Ghibli

Posté par vincy, le 4 août 2014

studio ghibliLa nouvelle n'en est pas vraiment une : le producteur Toshio Suzuki a annoncé sur MBS que le Studio Ghibli allait faire une pause dans la production des long-métrages d'animation. "Il n'est pas impossible que nous continuions à produire. Mais nous prenons une brève pause pour reconsidérer ce que nous devons faire" a-t-il expliqué.

Après le doublé historique des deux fondateurs du studio - Le vent se lève, ultime film d'Hayao Miyazaki, et Le conte de la princesse Kaguya, qui signait le grand retour de Isao Takahata, l'incertitude sur l'avenir du studio alimentait les plus folles rumeurs. Le principal problème du Studio était bien entendu l'âge (et la fatigue) des capitaines, décidés à profiter un peu de leur retraite (lire notre actualité du 6 septembre). Incapables de trouver une relève (la tyrannie d'Hayao Miyazaki a eu raison des plus grands talents qui se sont enfuis et même de son fils qui se sent bridé), il devenait difficile de faire vivre l'héritage.

Le dernier long métrage du studio, Marnie (Omoide no Marnie) d'Hiromasa Yonebayashi (Arrietty) n'a rapporté que 10 millions de $ au box office japonais en 2 semaines. On est loin du Vent se lève (120M$), champion du box office local l'an dernier. Déjà, la Princesse Kaguya (23M$) n'avait pas été rentabilisé. Deux films qui échouent suffisent à mettre en péril l'équilibre précaire d'un studio dont les contrats sont à plein temps et à durée indéterminée. "Au Japon, l'ensemble des studios de production de dessin animé ont pour usage de payer les animateurs à la tâche (au plan ou au dessin), expliquait Ilan Nguyên, lecteur à l'université des arts de Tokyo au journal Le MondeGhibli est l'une des seules compagnies à s'être attaché leurs services en les embauchant."

Personne ne parle d'un arrêt des Studios Ghibli, mais plutôt d'une restructuration, d'un nettoyage de printemps. Les contrats en CDI vont redevenir freelance. La vente de licences et des produits dérivés va être une priorité stratégique. Le musée Ghibli est toujours en quête d'un agrandissement. Ghibli peut rester une simple rente, gérant les droits d'auteurs et son patrimoine immobilier, produisant des courts-métrages, publicités et vidéo-clips. Mais aucun film n'est en projet. Depuis plusieurs mois, on sait que le département des long-métrages va baisser le rideau.

Il reste trois options. La première est interne : que les animateurs du studio s'affranchissent de leurs maîtres et proposent des longs métrages. «J’espère que les jeunes de l’équipe profiteront de mon départ pour s’exprimer davantage et proposer leurs propres idées ambitieuses» avouait un cadre du studio il y a quelques mois. Mais en ont-ils la capacité après des années à vivre dans l'ombre et sans la moindre possibilité de s'émanciper?

La deuxième est le retour de Mamoru Hosoda. Avec Les Enfants loups, Ame et Yuki (2012), le fondateur du Studio Chizu est devenu l'héritier emblématique et évident de Hayao Miyazaki. Mais il a fondé son propre studio après avoir été remercié en pleine production du Château ambulant.

La troisième est le rachat du Studio par Walt Disney Company. Les pourparlers ont commencé il y a un an. La valeur de Ghibli est estimé à 840M€. Le studio distribue les films de Ghibli dans le monde entier, à l'exception du Japon. Les produits dérivés Ghibli sont vendus dans le Disneyland de Tokyo. Si un tel rachat devait avoir lieu, on imagine le séisme psychologique chez les Japonais : Ghibli y est considéré comme un Trésor national.

Hayao Miyazaki, retraité actif : « Le repos pour moi ressemble à du travail pour les autres »

Posté par vincy, le 6 septembre 2013

hayao miyazakiElle était promise depuis quelques jours : la conférence de presse d'Hayao Miyazaki s'est déroulée vendredi matin à Tokyo devant 600 journalistes. Depuis l'annonce de sa retraite par le président des Studios Ghibli, dimanche dernier à Venise, on patientait pour en savoir plus : retraite définitive? partielle? pourquoi?

Heureux en dessin, malheureux en cinéaste

Ce sera une retraite partielle : il ne veut plus faire de longs métrages, mais il a d'autres projets en tête. "Je voudrais oeuvrer au moins dix ans de plus, mais je pense que faire des longs métrages n'est plus mon travail", a expliqué Hayao Miyazaki. "Cette fois c'est vrai, je l'ai dit au producteur" comme pour anticiper les réactions à d'éventuels faux adieux. Il ajoute : "Je n'ai jamais pensé une seule fois que j'étais heureux d'être devenu réalisateur, alors que je suis très souvent heureux quand je suis un dessinateur. Si vous être capable d'obtenir parfaitement le mouvement de l'eau ou du vent en tant que directeur de l'animation, vous êtes réellement content pendant plusieurs jours. Mais si vous êtes le réalisateur, vous devez aussi décider de beaucoup d'autres choses. Et ce n'est pas bon pour mon estomac."

Il détaille cette fatigue : "Kaze Tachinu a pris 5 ans. Si je pensait au prochain film cela prendrait 6 ou 7 ans. Je vais avoir 73 ans et j'en aurais alors 80 à la fin". Film après film, les délais de production, souvent parce qu'il voulait prendre du temps pour trouver le bon sujet mais aussi parce que son perfectionnisme le poussait à refaire des scènes entières, s'étiraient. "Chaque réalisateur de film d'animation travaille différemment, mais depuis que j'ai commencé, j'éprouve le besoin d'être le dessinateur" explique-t-il. "Peu importe comment j'essaie de trouver ma force avant de démarrer une production, ce qui est vrai c'est que ma concentration diminue année après année, et je le ressens."

Des projets et de la liberté

"Je vais être libre. Toutefois, tant que je pourrai prendre ma voiture pour aller au studio j'irai. Ce que je voudrai faire, je le ferai" précise-t-il. Il a de nombreux projets en tête. Le musée Ghibli doit s'agrandir et il veut s'investir davantage dans les expositions qui s'y déroulent. Le studio Ghibli qu'il a cofondé s'apprête aussi à sortir un deuxième long métrage cette année.

Son rêve c'est de pouvoir se reposer les samedis. Même s'il n'est pas sûr d'y parvenir : "Le repos pour moi ressemble à du travail pour les autres".

Miyazaki s'en va au sommet avec Kaze Tachinu (Le vent se lève), en compétition à Venise. C'est déjà le plus gros succès de l'année au Japon.

Hayao Miyazaki prend sa retraite : « Approcher la beauté à un prix. »

Posté par vincy, le 1 septembre 2013

kaze tachinu

Laconique. Koji Hoshino, président des studios Ghibli, a annoncé à Venise le départ à la retraite de Hayao Miyazaki. "M. Miyazaki a décidé que Kaze Tachinu (The Wind Rises) serait son dernier film et qu'après il prendrait sa retraite", a-t-il déclaré à la presse.

Kaze Tachinu est en compétition pour le Lion d'or. Miyazaki, Lion d'or d'honneur en 2005, Ours d'or du meilleur film à Berlin et Oscar du meilleur film d'animation (Le voyage de Chihiro), met ainsi un terme à près de trente années dans la réalisation de longs métrages d'animation (Nausicaa fêtera ses 30 ans l'an prochain).

Aucune précision. Miyazaki, absent à Venise, donnera une conférence de presse prochainement à Tokyo. Il a quand même adressé  un message publié à la Mostra. Il y écrit: "Approcher la beauté à un prix". Message d'adieu aux jeunes générations?

Métaphore sur la vie face à un avenir incertain, Kaze Tachinu est en tête du box office japonais depuis 6 semaines et, avec plus de 82 millions de $ de recettes, est en passe de devenir le champion de l'année dans son pays. Ce 11e long métrage du Maître sortira en France au début de l'année prochaîne. "C'est un film destiné à tout public et beaucoup de Japonais ont dit qu'ils avaient aimé sa nouvelle saveur. C'est le premier film de M. Miyazaki qui a comme protagoniste un personnage réel dont l'histoire l'a inspiré toute sa vie", a expliqué M. Hoshino.

________
Lire aussi notre reportage sur le Musée Ghibli.

[Hayao Miyazaki / Ghibli] Ecran Noir visite le Musée Ghibli (3/3)

Posté par vincy, le 1 août 2013

atelier de miyazaki © vincythomasFinissons notre tour du Musée Ghibli avec les étages de cette maison dédiée à l'univers de Miyazaki. Il y a, bien sûr, un espace, assez vaste, pour les expositions temporaires, consacrée aux arts fantastiques ou aux contes et légendes ou encore à certains films estampillés Ghibli, sources inépuisables d'inspiration graphiques ou littéraires du Studio japonais. La prochaine mettra en avant les forêts dans les différentes oeuvres du Studio.

L'atelier

Plus intime, l'atelier d'Hayao Miyazaki, où l'on serpente entre les pièces, jonchées de livres, dessins, objets divers. Nous sommes ainsi immergés dans le "bordel" du réalisateur : des ouvrages sur l'Europe, avec des photos, qui permettent de créer les décors des dessins animés, des croquis où l'on voit se construire dessins par dessin un storyboard d'une séquence, des romans de tous les pays pour trouver de nouvelles idées, etc.

On peut aussi admirer des reproductions de ses films, du matériel cinématographique, des papiers gribouillés partout, des accessoires étranges, ceux d'un quotidien révolu, qui nous ramènent dans certains films familiers. Un bureau, des objets ramenés de voyages, et finalement toute l'origine d'un film d'animation, avec, en cadeau, une machine pour animer des planches de dessin. Les enfants en raffolent.

Sortez la carte de crédit

Les plus petits préfèrent la salle du Chat-bus. Immense peluche où l'on peut s'assoir dessus, pénétrer à l'intérieur, jouer et s'imaginer Totoro arriver. Au dernier étage, il s'agit de la seule attraction : le reste est dévolu à une bibliothèque/librairie, où l'on peut trouver quelques ouvrages en anglais ; mais surtout c'est ici que la folie s'empare de tous les visiteurs : au bout du couloir, il y a la boutique, temple mercantile où Ghibli compte les Yens par milliers.

la librairie du musée ghibli © vincy thomasOn y trouve de tout : du thermos "Totoro" à la maquette reproduisant un avion de Pocco Rosso, des T-shirts aux cartes postales, des porte-clefs aux miniatures, sans oublier les figurines, puzzles, vaisselle, et autres produits. Cela paraît très varié et pourtant, ça ne l'est pas. Les dessins animés les plus populaires en Occident, tels Mononoke, Chihiro et Le château ambulant sont très peu représentés. Le business de Ghibli s'effectue autour de Totoro, Kiki, Nausicaa et Ponyo. Il sera intéressant de voir si le nouveau film, The Wind Rises deviendra une réserve de produits dérivés...

Une ultime surprise sous le ciel de Tokyo

On a le choix alors entre se diriger vers le patio et grignoter ou boire quelque chose, à l'ombre des arbres. Ou monter encore plus haut. Une tourelle nous fait grimper sur le toit de la maison qui réserve une énorme surprise, la Tour Eiffel du lieu. Le robot géant du Château dans le ciel. Un employé du Musée, dont c'est la tâche, organise les séances : un par un, sans débordement, tout le monde y passe. Les appareils photos cliquent-claquent.

Robot bienveillant qui espère voir le musée s'agrandir. C'est dans les cartons, mais il y a encore quelques autorisations administratives à conclure (le terrain voisin, municipal, doit être acheté) et un financement à finaliser. C'est dans son intérêt : le Musée nous semble bien petit par rapport au potentiel qu'il possède. 12 ans après son ouverture, il attire plus de 650 000 visiteurs par an, dont 30 000 étrangers environ.

____________
Notre série estivale [Miyazaki/Ghibli]
Le Musée : Première partie et Deuxième partie
Avec ses projets, le Studio Ghibli entretient ses légendes
Le « Maître » au coeur d’une polémique politique
Son nouveau dessin animé séduit le Japon

le robot du Chateau dans le ciel au musée ghbli © vincy thomas

[Hayao Miyazaki / Ghibli] Ecran Noir visite le Musée Ghibli (2/3)

Posté par vincy, le 28 juillet 2013

maison ghibli musée ghibi © vincy thomasContinuons la visite de ce Musée Ghibli (voir le premier épisode). Arrivés au sous-sol par un long escalier en bois, les visiteurs ont deux options : la salle de projection et une immense pièce nommée "Beginning of the Movement". C'est la seule partie réellement muséale du lieu. La musique que l'on entend, "Musica del Museo" a été composée par Joe Isaishi.

A l'origine du mouvement. Dès l'entrée, comme un calendrier de l'avant, la (haute) maison Ghibli dévoile fenêtre par fenêtre treize images représentant chacune un film du studio, de Nausicaa au Royaume des Chats (2002). De là commence un parcours à travers les techniques de l'animation. Itinéraire pédagogique, ludique et merveilleux qui permet de remonter aux origines de l'animation et de comprendre comment elle se fabrique, de la façon la  plus traditionnelle à la plus sophistiquée.

- une boîte mécanique qui, en l'actionnant, met en mouvement nuages, arbres, moulin à vent, herbe et fleurs tandis que le personnage central, Mei, semble marcher...

- un zootrope, jouet optique en forme de boîte cylindrique, qui permet à une petite fille de sauter à la corde en treize dessins qui s'enchaînent.

- deux sortes de disques - l'Amazing Theater et Mirage - qui, en les tournant, reproduisent l'effet visuel du zootrope, mais à plat. Un autre zootrope (sous forme de tour cylindrique cette fois-ci nous donne l'illusion que des oiseaux s'envolent autour du robot du Château dans le ciel).

- La structure la plus impressionnante est sans aucun doute le zootrope en trois dimensions "Bouncing Totoro", composée de 7 rangées de 18 éléments (au maximum) soit un total de 347 figures . Première rangée : des petits lapins qui avancent, puis juste derrière Mei qui saute à la corde, devant un Totoro qui bondit avec son parapluie, etc... Au dessus de tous ces personnages, un chat-bus qui vole et encore au dessus un chat-chauve-sours qui plane... Lorsqu'il se met à tourner, le mouvement est hypnotique.  La synchronisation est d'une précision telle qu'on est soufflé par le travail minutieux des artisans de Ghibli.

bouncing totoro musée ghibli © vincy thomas

- La boîte panoramique comporte six tableaux où l'oeil apprend le principe tri-dimensionnel, autrement dit la profondeur de champ. De Princesse Mononoke aux mondes sous-marins en passant par le snack-bar de l'ogre et Mon Voisin Totoro, sept panneaux de verre peints, avec chacun des angles de lumières variés, s'enrichissent les uns les autres jusqu'à composer un tableau presque vivant alors qu'il est statique.

- Enfin, le visiteur peut comprendre le mécanisme du 24 images par seconde avec "Films Go Round", ou comment l'animation préhistorique est entrée dans le monde moderne. On peut ainsi regarder un court métrage finalisé, puis sans le son, sans le mixage, etc.

cabine de projection musée ghibli © vincy thomasLe cinéma. Il reste alors à aller voir la projection du film au Saturn Theater, où les spectateurs, munis d'un billet réservé à l'avance patientent docilement. La salle est colorée avec des fresques (notamment un soleil qui sourit à la lune au plafond) et des dessins bucoliques (imaginés par Sahshi Takaha). La cabine de projection a des allures de cabine téléphonique londonienne.

Trois court-métrages inédits, tous écrits et réalisés par Hayao Miyazaki, sont projetés selon les mois : La chasse à la baleine, La grande sortie de Koro et Mei et le bébé chat-bus. Ce dernier, que nous avons pu voir, est le plus populaire. C'est une suite (de 13 minutes) à Mon Voisin Totoro. L'histoire est simple : Mei récupère un bébé chat-bus qui, pour la remercier, va l'emmener dans un grand rassemblement où Totoro va la présenter au plus grand et vénérable des chat-bus. Totoro est d'ailleurs accueilli par une salve d'applaudissements lorsqu'il apparaît à l'écran.

Après la projection, il est temps de découvrir les autres étages de cette maison troglodytique...

________

Hier : Un musée réservé aux initiés et fans persévérants
Demain : Musée Ghibli, les ateliers de Miyazaki, et la machine à cash Ghibli

[Hayao Miyazaki / Ghibli] Ecran Noir visite le Musée Ghibli (1/3)

Posté par vincy, le 27 juillet 2013

l'entrée du musée ghibli © vincy thomasFinissons notre spécial Miyazaki/Ghibli avec un voyage en trois temps au sein du Musée Ghibli, dédié entièrement à l'oeuvre d'Hayao Miyazaki.

1. Les billets d'entrée. Pour aller au Musée Ghibli, à Tokyo, il y a d’abord l’obstacle des billets. Il faut les réserver à l’avance, soit à l’étranger, soit dans une supérette Lawson au Japon, mais pas toutes : celles équipées d’un système de billetterie Loppy, uniquement en japonais. Les captures d’écran n’aident pas à grand chose quand on est incapable d’écrire son nom en idéogrammes… Il faut compter sur la serviabilité des nippons pour passer toutes les étapes et comprendre le complexe système d’achat. Un billet vaut 1000 Yens (un peu moins de 8€).

Mais attention, il n’est valide que le jour et à l’heure indiquée sur le billet. Car tout le monde ne peut pas voir le Musée Ghibli d’Hayao Miyazaki : il faut être persévérant, déterminé, choisir longtemps à l’avance son heure de visite. Ainsi toutes les deux heures, six jours par semaine, un peu moins de 300 visiteurs déambulent dans cette drôle de maison, qu’il faut d’abord trouver.

2. Y aller. Car c’est le second obstacle : y aller. Il aurait été trop simple que ce Musée soit dans le centre de Tokyo. Les transports sont performants au Japon, et en moins de 20 mn, vous voilà à la station de Kichijoji, dans le quartier de Mitaka. De là il faut compter le même temps à pieds (la balade est agréable, à travers un parc) pour atteindre l'entrée un peu cachée du Musée (indiqué sporadiquement le long du parcours).

totoro au musée ghibli © vincy thomas3. Une fois trouvé, y entrer. Si l'on regarde le ciel, l'ombre d'un robot géant nous protège de quelconques machines volantes hostiles. Mais ce qui frappe avant tout c'est l'absence de guichet ou plutôt la présence de Totoro dès l'accueil. Car la star des nippons c'est bien lui. Il est à Ghibli ce que Mickey est à Disney, Bugs Bunny à la Warner, Shrek à DreamWorks. Le produit dérivé le plus vendu du Japon (hors manga comme One Piece ou Naruto) est une star.

Sous son guichet, on note les petites boules de suie (adorables en porte clefs) du Voyage de Chihiro.

Le bâtiment commence alors à se dévoiler : maison biscornue s'enfonçant dans le sol, avec quelques annexes pour un restaurant, et des arbres partout aux alentours.

Le Musée Ghibli n'est pas un parc d'attraction malgré les apparences. Mais ce n'est pas non plus un Musée au sens où un occidental l'entend. Mais ça on ne le sait pas avant d'y entrer, quand on nous donne le plan.

De tous âges et de tous pays, la cohorte de "Miyazakiphiles" entrent dans le lieu, tous curieux. Ici il faut descendre un escalier pour commencer la visite. Mais, on vous le précise bien d'emblée : après vous suivez le parcours que vous souhaitez, vous pouvez choisir escaliers, ascenseurs, passerelles, et surtout faîtes bien tout dans le désordre.

C'est important de le préciser : parce qu'en fait le Musée Ghibli est plutôt un mausolée... ludique.

________

Hier : Avec ses projets, le Studio Ghibli entretient ses légendes
Demain : Musée Ghibli, hommage à l'animation et court métrage inédit

Musée Ghibli © vincy thomas

[Hayao Miyazaki / Ghibli] Avec ses projets, le Studio Ghibli entretient ses légendes

Posté par vincy, le 25 juillet 2013

kaze tachinu
Deux films des Studios Ghibli, qui célèbrent leur 25e anniversaire, sortent en salles au Japon cette année. La semaine dernière, Hayao Miyazaki a ouvert le bal avec Kaze Tachinu (The Wind Rises). Et cet automne, Isao Takahata proposera Kaguya-hime no Monogatari (L'histoire de la princesse Kaguya).

Pour Miyazaki, Kaze Tachinu ne constitue en rien son dernier film. De son propre aveu dans des récentes interviews, ce n'est pas son oeuvre testamentaire, puisqu'il pense encore vivre un peu de temps... Certes on ne sait rien du prochain film du Maître, mais après tout Kaze Tachinu était au départ une simple suite à Porco Rosso!

Pour preuve de son activité, le Studio Ghibli est bien décidé à entretenir sa légende.

kiki la petite sorciereMême si le Studio n'en est pas le producteur, une version "en prises de vues réelles" de Kiki la petite sorcière est actuellement en tournage. Avec Totoro, Kiki et son chat sont les figurines et produits dérivés les plus vendus au Japon. Le film est réalisé par Takashi Shimizu et l'héroïne incarnée par Fuuka Koshiba. Il doit sortir au Japon au printemps prochain.

Ceci dit, le Studio est intéressé pour produire autre chose que des films animés, notamment des jeux vidéos et des livres, mais aussi des courts métrages. L'an dernier Ghibli a présenté son premier court en prises de vues réelles, A Giant God Warrior Appears In Tokyo, sorte de prequel de Nausicaa qui servait à promouvoir une exposition au Musée d'Art Contemporain de Tokyo. Certains évoquent déjà la possibilité d'un long métrage.

Et puis il y a aussi le prochain film du fils de Miyazaki, Goro, Hôjôki shiki d'après le célèbre roman de Yoshie Hotta.

miyazaki takahataEn attendant, le véritable événement est ailleurs. The Kingdom Of Dreams And Madness sera le premier documentaire sur le Studio Ghibli. Réalisé par Mami Sunada, il explore les coulisses de la société et suit la production des deux films de Miyazaki et Takahata. Au coeur de l'intrigue, trois monstres du cinéma japonais : les deux réalisateurs et le producteur Suzuki. Le film doit sortir dans les salles japonaises cet automne.

Hier : Le « Maître » au coeur d’une polémique politique
Demain : Visite du Musée Ghibli - 1/3

[Hayao Miyazaki / Ghibli] Le « Maître » au coeur d’une polémique politique

Posté par vincy, le 24 juillet 2013

kaze tachinu the wind rises miyazaki

La sortie de Kaze Tachinu (The Wind Rises) a été un succès au box office ce week-end au Japon. Pourtant, Hayao Miyazaki, vétéran de l'animation vénéré en son pays, a fait des vagues. Dans un entretien au journal du Studio Ghibli, le sien donc, Neppu, il a évoqué les femmes de réconfort, ces coréennes et autres femmes asiatiques (de 20 000 à 200 000 selon les estimations) qui ont été enlevées puis asservies pour devenir des prostituées destinées au militaires japonais.

Selon Miyazaki, le Japon n'en a pas fait assez pour réparer ce mal. Aussitôt, en plein week-end électoral (qui a donné la victoire aux conservateurs-nationalistes du Premier ministre), les réactions ont fusé. Le réalisateur a été taxé d''anti-Japonais'. Rien que ça.

C'est d'ailleurs ironique que certains Japonais s'offusquent des propos d'un artiste qui, comme l'écrivain Murakami, a toujours véhiculé des valeurs pacifistes et écologiques. C'est d'autant plus paradoxal dans ce cas que le nouveau dessin animé de Miyazaki ressuscite le héros de la seconde guerre mondiale Jiro Horikoshi, concepteur des avions de combats Mitsubishi A6M Zero.

Opposition politique

Mais le dessin animé est apparu pour certains comme une trahison à l'Histoire japonaise. Ses propos sur les femmes de réconfort n'ont pas arrangé les choses : "C'est une question de fierté pour un pays, il est nécessaire de demander pardon proprement et de payer pour les réparations." Les "ianfu", ces femmes de confort regroupées spécifiquement à des fins de prostitutions, n'ont toujours pas été dédommagées. Les politiciens Japonais et même l'Empereur se sont souvent publiquement excusés pour les crimes commis durant les guerre. Mais pour les femmes bafouées, et leurs descendants, le Japon a sous-évalué les montants. Pire l'actuel Premier ministre, Shinzo Abe, qui aime surfer sur les valeurs patriotiques et rêve que le Japon se remilitarise, avait déclaré en 2007 : "Le fait est qu'il n'y a pas de preuve qu'il y avait eu usage de contrainte." Au nom de l'honneur du pays, le révisionnisme est de mise, alors que les USA réclament que le Japon reconnaisse "formellement", en  s'excusant et en acceptant "sa responsabilité historique d'une façon claire et sans équivoque pour la contrainte employée par ses militaires afin de forcer des femmes à l'esclavage sexuel pendant la guerre."

Autant dire que les Japonais ne sont pas encore prêts à s'amender. Dans la même interview, Miyazaki évoque aussi les disputes territoriales sur certaines îles avec les voisins coréens et chinois, menaçant la paix dans la région. Il propose même que ces îlots soient gérés conjointement par les pays qui les réclament! De quoi énerver le parti au pouvoir qui en a fait un enjeu stratégique, politique et diplomatique. Mais Miyazaki se situe ailleurs : du côté de ceux qui ne veulent pas voir une guerre éclater de nouveau. A 72 ans, né en plein conflit mondial, ayant grandit dans l'après Hiroshima (et Nagazaki), le Maître continue de vouloir réconcilier les Japonais avec leur histoire et leur environnement. Et certains, d'ailleurs, l'acclament pour ses prises de position. Mais ils sont rares et beaucoup lui ordonnent de s'arrêter et de se contenter de réaliser des films...

Hier : Kaze Tachinu, son nouveau dessin animé séduit le Japon
Demain : Les projets du Studio Ghibli

[Hayao Miyazaki / Ghibli] Son nouveau dessin animé séduit le Japon

Posté par vincy, le 23 juillet 2013

kaze tachinu the wind rises miyazaki

Le nouveau film d'Hayao Miyazaki, Kaze Tachinu (The Wind Rises), est sorti ce week-end dans les salles japonaises. L'occasion pour Ecran Noir de vous offrir une série d'articles autour de ce nouveau film, du studio Ghibli et pour ce week-end, une visite du Musée Ghibli, à Tokyo.

Événement toujours très attendu, le dessin animé n'a pas déçu son distributeur, Toho. Avec 747 451 entrées durant ses deux premiers jours d'exploitation, le film a récolté 9,66 millions de $. C'est un peu moins que Ponyo, le précédent film de Miyazaki en 2008. Mais au final, le film devrait largement dépasser les 100 millions de $ de recettes, soit, de très loin, le plus gros succès au Japon cette année.

Côté critiques, globalement l'avis est favorable, même si Kaze Tachinu n'atteindrait pas le niveau d'excellence de Princesse Mononoke et du Voyage de Chihiro. Beaucoup de journalistes ont fait le lien avec un autre film du Maître, Porco Rosso (1992). Les avis les plus positifs louaient l'inspiration et l'onirisme de l'ensemble. Mélo larmoyant à l'ancienne, le drame historique a séduit les adultes... mais pas les enfants si l'on en croit les premières réactions à la sorties des salles. Les petits nippons, qui ont têté du Totoro dès la naissance (une véritable idole là bas), n'ont pas retrouvé de personnages iconiques dans ce film, dont la narration semble trop complexe pour eux.

Demain : le vétéran Myazaki au coeur d'une polémique politique.


Bande annonce de Kaze Tachinu

Le Studio Ghibli prépare le grand retour d’Isao Takahata

Posté par vincy, le 24 décembre 2012

Isao Takahata, 77 ans, va sortir l'été prochain son nouveau long-métrage animé : Kaguya hime no monogatari (L'histoire de la princesse Kaguya). C'est sa première réalisation depuis Mes voisins les Yamada, en 1999.

Pour le Studio Ghibli, 2013 sera donc une année faste. Pour la première fois depuis 1988, Hayao Miyazaki et Isao Takahata sortiront un film la même année puisque le premier sera à l'affiche cet été avec Kaze Tachinu (Le vent s'est levé). A l'époque Mon voisin Totoro se confrontait au Tombeau des lucioles. Takahata est avec Miyazaki le cofondateur du Studio. Directeur musical, producteur, scénariste, il a souvent collaboré aux oeuvres de son associé.

Révélé en 1968 avec Horus, prince du Soleil, Isao Takahata a également réalisé des films comme Kié la petite peste et Pompoko. Le cinéaste avoue être influencé par le néoréalisme italien, la nouvelle vague française, la poésie de Jacques Prévert et admire les dessins animés de Michel Ocelot, dont il a assuré les traductions japonaises. Takahata avait révélé qu'il travaillait à ce film lors du 62e Festival du Film de Locarno, alors qu'il participait à une conférence avec le créateur de Kirikou.

Son nouveau film est l'adaptation d'un conte très populaire nippon du Xe siècle, Le conte de la Princesse Kaguya, plus connu sous le nom du Conte du coupeur de bambou. Il a déjà été transposé au cinéma (par Kon Ichikawa en 1987), en ballet, en pièce de théâtre... L'histoire est celle d'un bébé découvert dans une forêt de bambous et élevé par un coupeur de bambous. En grandissant, elle devient une magnifique femme et s'aperçoit qu’elle est l’héritière du royaume de la lune. Le conte est le premier de toute l'histoire de l'humanité à faire le lien entre la Terre et la Lune.