RIHL 2010 : le cinéma continue de refléter un monde perturbé

Posté par Benjamin, le 12 décembre 2010

Aux Rencontres internationales Henri Langlois cette année, les réalisateurs font preuve d’un grand engagement politique voire social. Ils abordent des sujets d’actualité difficiles tels que le terrorisme (London Transfer, photo, suédois), l’exclusion des immigrés clandestins (Mort par suffocation, allemand), le retour de la guerre en Irak (Cigarette Candy, américain) mais aussi d’autres sujets comme le viol (Solstice, anglais) ou l’infanticide (Narben im beton, allemand).

A priori, que ces jeunes cinéastes se frottent à des sujets sensibles, cela n’a rien d’exceptionnel mais ils le font bien, en choisissant de très bons acteurs, en donnant à voir soit une grande émotion soit un absurde des plus total.

Le réalisateur de London Transfer, Roozbeh Behtaji, choisit une situation simple, un homme en transit entre deux aéroports cherche des toilettes à tout prix dans Londres. Avec sa valise à la poignée cassée et sa tête de « terroriste », il est difficile pour lui de trouver de l’aide. On le rejette, on se méfie de lui, on le surveille bien qu’il soit suédois. La peur de l’autre, la peur d’une menace qui a été instaurée depuis des années dans beaucoup de pays occidentaux parasitent tout simplement la relation entre les individus. Ainsi, une situation aussi simple que celle de vouloir aller aux toilettes révèle des tensions et des problèmes disproportionnés.

Narben im beton (de Juliane Engelmann) et Solstice (de David Stoddart) choisissent le camp des femmes. Femmes comme être vulnérables et abandonnées qui sont reléguées aux rôles de mère et de réceptacle des pulsions sexuelles de l’homme. Femme au foyer et femme objet. Mais, elles essayent par tous les moyens d’échapper à cette emprise, cela finit souvent tragiquement : suicide, infanticide. Mais il y aura peut-être un jour nouveau qui viendra pour elle, que ce soit dans l’austérité d’une banlieue allemande ou dans les somptueux paysages embrumés d’Ecosse.

Mort par suffocation est l’un des meilleurs films de la compétition parce qu’il a un début et une fin (croyez moi c’est déjà très bien car beaucoup de réalisateurs trouvent une idée de départ mais n’ont aucune idée pour la conclusion !) et un véritable enjeu. Visar Morena, le réalisateur, utilise un sujet déjà bien traité au cinéma, celui de l’immigration (il suffit de voir Welcome de Philippe Lioret en France) mais il parvient à installer une véritable tension - un couple d’immigrés erre dans la rue, la femme enceinte, perd beaucoup de sang, son mari part chercher de l’aide mais se fait arrêter par la police qui ne veut rien entendre - et il réussit à pointer du doigt l’immense fossé entre les autorités et les immigrés. Un homme qui crie, qui résiste, qui fait du grabuge est forcément coupable, une menace qu’il faut vite éradiquée. Mais ce peut être aussi un homme soucieux pour sa femme qui se vide de son sang, seule dans une rue.

Mort par suffocation se finit de la plus tragique des façons. Par son rythme, par ses images, par le jeu des acteurs, par son découpage, le film est une véritable claque. La mondialisation c’est la peur de l’autre et le renfermement sur soi.

Beaucoup des films en compétition à Poitiers cette année ont montré des personnages isolés, abandonnés, délaissés par la société. Un état du monde pas très brillant et une vision quelque peu désespérée du XXIème siècle.