Courrier Visionné le 11.11.97, Paris UCG Cité Ciné Les Halles Le Film Film de l'année 97

Spice Boys Les Britanniques ont une forte tradition dans le film dit social, et dans le genre de la comédie. John Cleese le rappelait encore il y a peu de temps: dans une comédie britannique, l'homme doit forcément baisser son pantalon. C'est une Trademark. The Full Monty est typiquement british. Avec un générique à la limite du cynisme (les vues de Sheffield au temps de sa prospérité économique) débouchant sur une zone sordide et totalement ravagée par l'ultra-libéralisme de Miss Maggie, le décor est planté. On pourra juste regretter que ce cynisme ne soit pas plus présent dans le film. Mais The Full Monty est avant tout un divertissement. Supérieur à Bean, moins subtil que 4 mariages et un enterrement, ce film de Peter Cattaneo appartient à cette catégorie de films-parfaits-pour-la-TV ayant connu la gloire en salles, tels The Snapper de Frears ou Chacun cherche son chat de Klapisch. Cinématographiquement, le film ne sort pas le grand jeu. La lumière est volontairement terne et grisâtre, la caméra semble banale, les plans se succèdent efficacement, comme des scénètes mettant en valeur un scénario bien écrit. La vraie richesse de The Full Monty est d'avoir su brosser des personnages quelconques, attachants, ayant chacun leur histoire. Autre atout, avoir su créer des situations "déjà vues" mais mécaniquement drôles. Pas forcément hilarantes. Souvent amusantes. Cependant, grâce à quelques scènes le film se transforme en Best of du sketch made in London (des Monty Pythons à Bean en passant par Benny Hill). Notamment celui où les protagonistes poireautent dans une agence pour l'emploi, entendent les premières notes d'un morceau de disco, et ne résistent pas à danser dessus. Le choix des singles contribue au plaisir rétro du film. Car il y a beaucoup de nostalgie, de sentiments dans ce film. Il s'agit d'un miroir dans lequel une certaine Angleterre se reflète. Mais l'Angleterre n'est pas la plus belle. Et les hommes ne sont plus les mâles d'antan. Ils perdent leur statut de chef de famille, de responsables, ils sont tous soumis à leurs femmes et aux vices de leurs femmes. Outre la honte qui les envahis, il y a le désespoir. Ils se rêvent beaux, riches et même célèbres. Ils sont à peine mignons, pauvres et paumés. The Full Monty montre très bien ce décalage entre le fantasme (autant féminin que masculin) et la réalité. Ce déclin de l'empire britannique vu à travers les yeux de ses victimes prouve à quel point la société de consommation nous a rendu névrosés et prêts à tout pour survivre et surtout assouvir des besoins créés par d'autres. C'est aussi un bel exemple de l'entreprenariat individuel, de la détermination et de la solidarité. En pleine époque Blair - normalement un homme de gauche - il était tout à fait logique que ce film, et son message, ait une telle résonnance en son pays. Admirablement servi par des comédiens au talent déjà reconnu, The Full Monty balance entre la légèreté de l'intrigue (6 hommes décident de jouer aux Chippendales) et le constat simple d'une société déstructurée. Volontairement positiviste, il est l'anti-thèse d'un autre film britannique sorti cette année: Nil by Mouth de Gary Oldman. Les deux faces d'une même Livre Sterling. Le Oldman est aussi dramatique et tragique que le Cattaneo semble funny et sexy. Loin d'être gonflé (y compris côté biceps ou slips), The Full Monty, petit budget, grosses recettes, fait passer un bon moment. Un peu comme une soirée au Lido. Un peu de chair, un peu de champagne. Euphorisant.