ecran noir, le ciné zine de vos nuits blanches

les fleurs selon Chagall

Courrier

Visionné le 27.01.98, Centre Eaton Montréal

Ecran Rose
Sarah Polley

Racines

L'horticulture est un art qui mêle l'esthétisme à la rigueur d'une science. Le film débute sur cet apprentissage. Un jeune garçon apprend, récite, tente d'apprivoiser le bon geste. Les fleurs n'ont rien de mal.
Le film se divise en chapitres, en saisons. Il suspend le temps comme un adolescent peut pendre dans le vide...
The Hanging Garden commence par un mariage, celui de la soeur. Un mariage qui semble pitoyable tellement il ne recèle aucun éclat. Le réalisateur nous présente les personnages par petites touches. Un enfant agité, une grand mère sénile, une mère hyperactive, un père ivrogne et dépassé, un gendre trop beau(f).
Puis une voiture, rouge, symbole matérialiste par excellence, arrive chez ses provinciaux. L'homme qui en descend va se faire déshabiller par la caméra: pieds, cheveux, silhouette, regard...

Fitzgerald a repris le travail d'un impressioniste. Détaillant les branches qui lient chaque membre de la famille, déterrant les souvenirs qui hantent tout le monde.
Car la force de ce film sensible, touchant, réside dans son message. Si tous les "vices" (inceste, prostitution, homosexualité, alcoolisme, bondieuseries...) sont finalement atténués par l'humanisme des personnages, toute cette famille a subit un traumatisme collectif.
Lorsqu'un seul de ses membres tente de se suicider, c'est tout le groupe qui meurt. Et cette pendaison touche, hélas, au sublime, en montrant toutes ces belles plantes se fâner...

Surréaliste, le film l'est aussi. Comme pour aller au delà du réel, le réalisateur pousse l'imaginaire à exposer les démons du passé comme s'ils étaient encore vivants. On voit ainsi William enfant, adolescent (obèse) et jeune homme (bel homo). Ce dernier parfois regrette le premier et tente d'oublier le second. Mais les deux se présentent à sa mémoire, à sa vue. Et parfois à celle des autres.
Tout le monde est lié par un même fil. A défaut de se comprendre, les protagonistes cherchent à s'aimer, à ne pas trop souffrir. L'ambiance reste opressante, comme une promenade dans la jungle.
Le film raconte ainsi cette graine d'homme qui grandit, qui veut mourir, qui s'embellit, mis en pot ailleurs que dans cette province maritime, grisâtre.

The Hanging Garden réserve de multiples surprises au spectateur, grâce à un scénario précis et poétique. Les rôles sont très bien étudiés. Un fils assumant mal son obésité, attiré par son meilleur ami, soumis aux volontés des autres. Le père déboussolé, la soeur qui va devoir assumer la fonction de matriarche. La mère qui disparaît, voyant sa vie bousillée par trop d'altruisme. Et puis surtout ce gendre, partagé entre la soeur et le frère.
Reste alors un goût amer sur la cruauté de la vie. L'oeuvre semble aussi fragile qu'une fleur. Et montre à quel point nous dépendons de nos blessures, mais aussi de celles de nos proches. A quel point nos vies sont toutes enchaînées. Et cela sans verser dans le pathétique.
Ce qui explique surement les multiples prix et ovations reçus par ce Jardin des supplices. Et des délices.


Sommaire Ecran Noir / Films / Critiques / Cannes 39-98

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