ecran noir, le ciné zine de vos nuits blanches

Docteur Freud

Courrier

Visionné le 24.01.98, Quartier Latin Montréal

Le Film
Woody Allen

Etat Désuni

Ahurissant cet Harry. Il se plaint d'être en panne d'inspiration alors que son imagination ne va pas plus loin que ses histoires de cul, ou celles de ses proches.
Cette mauvaise foi, ajouté à la lâcheté et au cynisme du personnage (sans parler de la libido), entraîne Harry dans un capharnaüm de situations de comédie où sa vie croise sa fiction.

Ce cru 98 de Mister Allen est avant tout cocasse, burlesque. Parodiant son propre personnage (voire sa propre personnalité tellement il y a fusion du faux moi et du vrai je), Allen nous livre un formidable numéro à la première personne du singulier. Egotrip. Vertige du nombril.
Un dévoreur de cachet, un buveur d'alcools forts, un angoissé urbain. Et toujours quelques références: Le 7ème sceau de Bergman ou Star Wars de Lucas par exemple.
Ce film est un hommage au montage, et assez proche du Smocking/No Smocking de Resnais dans le traitement de la narration. Les images se répètent, les acteurs sont flous, les scènes fictives et réelles se reflètent, les histoires se dédoublent.

Dans l'air du temps ce Deconstructing Harry offre quelques piques hilarantes: sur la sexualité de Clinton, sur les politiciens français, sur la religion juive (et ses excès).
Servi par un casting hystérique, Woody se paie les jambes de Demi Moore, la silhouette chaleureuse d'Elisabeth Shue, et un Robin Williams flou.
Le film culmine dans l'absurde lors de la descente aux enfers (avec quelques coups de griffes à chaque passage) avec les duettistes Allen et Critsal.
Une oeuvre donc assez originale, mais qui ne dépasse pas le stade de la comédie et de l'introspection allenienne - un genre en soi. Le scénario comporte quelques facilités voire même du ridicule.

On sent cette paranoïa qui fait souffrir Woody. On devine le détraqué à la moindre contradiction. On voit bien ce désordre engendré par sa panique de la vie, de l'amour, son incapacité à grandir ou murir.
Le film réussit même à montrer une fois de plus (après Bullets over Broadway) les affres du créateur. Les malheurs de l'artiste. Et cet absolu besoin de vivre pour pouvoir écrire. Sans vécu, pas d'écriture.
Telle est la morale de cette histoire. La fusion entre Art et Vie est au centre des préoccupations du prolifique cinéaste New Yorkais. Comme la peur de la mort. Après le mélange cinéma-réalité (La rose pourpre), c'est un écrivain qui est hanté par ses propres personnages.
Mais comme le dit Harry - "je fais une overdose de moi-même" - le film frôle le culte de la personnalité à l'extrême. Et tourne en rond, autour de son sexe, malgré quelques mots d'esprit.


Sommaire Ecran Noir / Films / Critiques / Cannes 39-98

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