ecran noir, le ciné zine de vos nuits blanches

Dumas père

Courrier

Visionné le 13.03.98, Le Parisien, Montréal

Le Film

Clin d'oeil à Brigitte Boucher, la copine d'un ami.
C'est elle qui tombe devant Léonardo dans la scène du bal.

Un fauteuil pour deux

Premier film ambitieux pour Randy Wallace. Ambitieux parce que cet Homme au masque de fer renoue avec un genre (le Cape et d'épées) et n'a rien d'un premier film.
La production est opulente, et perfectionniste à l'extrême: costumes, décors, casting, lumière... Dumas revisité par Hollywood.
Car il s'agit bien d'un film hollywoodien, avec tous ses défauts et de notoires qualités.
La réalité historique y est baffouée, le scénario est une interprétation libre du roman, sans un réel respect pour l'auteur, l'intrigue se laisse dominer par l'action. Quant à la réalisation, on peut la qualifier de quelconque.

A lire ce premier paragraphe, on pourrait croire le film raté. Or, l'objectif affiché du projet n'est pas de nous plonger dans une réflexion sociale sur la France de Louis XIV, mais bien de nous évader avec de belles femmes, de beaux duels, et des sentiments très nobles.
Le film n'est qu'un conte naïf, commençant par Il était une fois... Les dorures, les scènes illustratives (confinant parfois au cliché), les dialogues à l'eau de rose, nous voici immerger dans une belle histoire d'amour, de trahison, d'amitié et d'honneur. L'évasion à l'état pur.

L'homme au masque de fer est donc un divertissement superbe et réussi, rythmé et séduisant. Dommage qu'il ne soit pas en plus subtil et intelligent.
Les répliques humoristiques et les émotions presque "diet" ciblent assurément les adolescents. Nul n'est besoin de connaître, il suffira d'imaginer.
Sous ce superficiel, on notera un montage maîtrisé et plein de rebondissements. Là où le final du Bossu manquait de panache, celui-ci est un véritable feu d'artifice.

Dommage que le scénario n'arrive pas à équilibrer des douleurs trop excessives et des bonheurs bien trop légers pour être crédibles. Parfois, Wallace nous promène même dans un "soap-opera" à l'américaine.
Alors d'où vient notre plaisir?
Des personnages. Les 4 mousquetaires, dignes, vieillissants, fidèles, et séparés par leurs secrets, procurent au spectateur une jubilation de tous les instants. Le quatuor redevient le temps d'un film, légendaire. A l'unisson.
Le Roi soleil et L'homme au masque de fer, sont deux pôles qui s'aimantent et se rejettent. L'un cynique et cruel, imbus de son rôle, possédant totalement ses droits divins: "je veux et j'ordonne". L'autre, vulnérable, sensible, humaniste, souffrant.
Enfin les deux femmes, la Reine mère, s'effacant derrière ses souvenirs et ses pêchés. Et la jeune Christine, objet de convoitise qui conduira sans le savoir le Roi à sa perte.

Tout cela ne serait pas aussi harmonieux si le casting n'était pas aussi merveilleux. Depardieu, burlesque, Malkovich et Irons, habitant très bien leurs personnages ambigus, Gabriel Byrne, déchiré entre ses devoirs et sa raison.
Tous à la fois impassibles et faillibles. Si Godrèche et Parillaud n'apportent rien à leur jeu (Judith semble même échapper de Ridicule), il reste Léonardo Di Caprio dans un double rôle (le méchant et le gentil, un rêve d'acteur).
Il serait facile de le critiquer. Or, il fait face avec brio aux vétérans qui l'accompagnent. Mieux, il joue avec habileté les nuances de son double-rôle. Crédible, il prouve surtout qu'il a l'étoffe d'un roi, l'épaisseur d'un futur grand acteur.
Une fois de plus, il devrait conquérir les spectateurs.


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