ecran noir, le ciné zine de vos nuits blanches

Le port de Rotterdam en 1667

Courrier

Visionné le 31.03.98, Quartier Latin, Montréal
par VinCy

Le Film

L'Héritier

Précédé d'une rumeur fortement favorable, le film n'est pas dénué de charme: des acteurs impeccables, une reconstitution d'époque séduisante, une histoire poignante.
Karakter a la force de ces petits films qui offrent une importante dose d'émotion, un peu calculée.
Ce film néerlandais est un croisement entre un roman anglosaxon (le canevas du scénario) et un tableau d'école flammande.

Car il faut s'emballer pour ce père monstrueux, tyrannique, pathétique dans sa solitude, et apparemment insensible.
Il faut apprécier cette mère austère, grise, muette, froide. Typiquement protestante jusque dans la vertue et l'honnêteté.
Heureusement il y a la fougue d'un jeune ouvrier communiste et la lumière de la collègue de bureau.

Le portrait de la société, de ses clivages comme de ses injustices, est très bien dessiné. Cela tient tant d'une direction artistique superbe que de seconds-rôles signifiants.
Il est regrettable que Mike Van Diem n'est pas pris le risque d'une forme narrative plus originale qu'un simple interrogatoire policier pour raconter des flash-backs.
Le schéma du scénario est typiquement américain dans sa construction, y compris dans les rebondissements et les émotions un peu forcés. Alors que le film démarre très vite, et happe le spectateur dans l'intrigue, le drame s'étire au milieu du film, en se déroutant du personnage principal.

Là est la véritable réussite du film: le jeune fils. De sa naissance à son accomplissement, on suit le parcours du combattant de ce "bâtard" qui bascule entre rêve (l'évasion des livres, de la vie facile, du giron familial) et réalité (dettes, études, solitude).
On comprend tout à fait comment s'est construit son caractère, à force de rejet, d'échec, de défis et d'envies. Le jeune Fedja Van Huêt (un sosie de Robert Downey Jr) apporte son physique irrésistible comme son innocence feinte à un rôle central, écrasé par ses parents.

"Il faut tuer ses parents" pour mieux s'en libérer. Maxime connue, appliquée ici dès les premières minutes du film.
Un portrait qu'on aurait aimé moins soft, plus âpre, plus cynique.
Mais ne boudons pas notre plaisir: cette oeuvre sentimentale touche son but. Nous faire aimer ces destins. Mais pas forcément ces comportements.


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