ecran noir, le ciné zine de vos nuits blanches

des icebergs

Courrier

Visionné le 23.12.97, Montréal Le Parisien

Le site Titanic

Hier ne meurt jamais

Il exite 3 dimensions dans ce nouveau film de James Cameron. L'histoire d'Amour, l'Histoire tout court, et la métaphore. Cette dernière donne tout son relief à la partie émergée de l'iceberg, dont généralement on ne retient qu'une chose, certes impressionnante, le coût "titanesque" du film.
Le scénario, signé Cameron, a un air de déjà vu. Une histoire entre Roméo et Juliette et Autant en emporte le vent. Le caractère de Rose est proche de celui de Scarlett. Battante, étouffée dans ses corsets, elle cherche à se libérer d'un milieu de préjugés, et semble attirer par l'originalité et la normalité.
On retrouve ici les couples de cinéma d'antan, sans ambiguïté sexuelle, jeunes et frais, beaux et romantiques. Les dialogues peuvent même souligner cette naïveté (sans guimauve), ne cherchant jamais à dépasser le simple niveau du premier degré.
Certains personnages en souffrent, avec un tempérament unidimensionnel. Le film fait donc la part belle aux deux rôles les mieux écrits, les plus fouillés, ceux de Leonardo DiCaprio et de Kate Winslet.
Couple totalement crédible, acteurs doués, ils entraînent dans ce tourbillon de la vie, leurs vibrations, leurs coups de coeur, leur folie très consciente. Et méritent en cela les louanges reçus depuis quelques semaines.

On comprend pourquoi Cameron filme aujourd'hui cette histoire d'amour. Tout juste marié, il rend une fois de plus un hommage appuyé à la Femme. Rose est ici aussi forte et vulnérable, dure et faillible, que Sigourney Weaver dans Aliens, Linda Hamilton dans Terminator ou Jamie Lee Curtis dans True Lies.
Mais comme dans ses autres films, il décalque cette histoire de premier plan, sur un arrière plan très différent. Celui-ci est historique. La catastrophe du Titanic. Qui nous est expliquée scientifiquement - froidement - et cinématographiquement.
Ultra-esthétique (avec des références au vidéo-clips de la fin des années 80), l'oeuvre est techniquement parfaite et magnifique. La machine nous est décrite sous toutes ses coutures, à tous ces niveaux: ouvriers, passagers de troisième classe, passagers de première classe, équipage.
Les détails semblent si réels qu'on s'immerge naturellement dans cette traversée de 1912.
Bien sûr le montage très nerveux de Cameron rythme avec habileté un scénario riche en suspens. L'oeuvre apparaît donc fluide, étonnament légère. Le temps ne s'arrête pas.

Mais la grande réussite de Titanic reste les effets spéciaux. A la fois invisibles, car on ne perçoit pas, et omniprésents, ils bluffent le spectateur. C'est sans doute là que se joue la victoire de cette aventure. Outre l'expérience de Cameron en la matière, celui-ci intègre le numérique au service de l'histoire, et non l'inverse. Un exploit qu'il convient de mentionner. Ici l'effet est transparent, car le scénario et les acteurs le dominent.
A part quelques mouvements de caméras alourdissant la présentation du paquebot, Cameron a épuré au maximum ses plans. Et son cadrage est même parfois brillant. On regrettera qu'il n'ait pas imaginé certaines transitions plus visuelles.
De même il est étonnant que Cameron ait poussé le classicisme jusqu'à écrire une histoire narrative où une grand mère raconte ses souvenirs.

Il ne faudrait pas omettre tout ce que le réalisateur a voulu nous expliquer à travers ce feu d'artifice. Le spectacle expose une machine qui est reine, réputée insubmersible, apogée du progrès de la révolution industrielle.
Pourtant Cameron a un triple discours: la fracture sociale entre les classes (qui perdure aujourd'hui), l'éloge du féminisme et surtout la confiance de l'homme envers ses inventions. A trop faire confiance dans la meilleure des technologies, à sacrifier des canots de sauvetages au nom de la rentabilité, l'Homme s'est retrouvé face à une mini-apocalypse. Une justice immanente.
Et cette réflexion pourrait très bien se retransposer de nos jours avec la Génétique ou l'Informatique. Cette vraie métaphore, peut être prophétique, fait de Titanic un film bien plus que romanesque.

Perfectionniste, l'oeuvre est divertissante, tragique, belle. Une qualité de haut calibre avec des séquences totalement étourdissantes et vertigineuses. Un grand spectacle accessible à tous.
Sublime, le film n'a ni le coté politique, ni le côté humain d'Amistad. Titanic est un film d'amour et d'eau fraîche. Celle de l'Atlantique Nord. Il nous raconte comment des centaines de personnes ont péri à cause de la plus belle invention de l'homme à date.

On en oublie la période contemporaine qui pourtant symbolise bien notre intelligence sectaire, notre besoin des machines, notre faculté à mépriser notre mémoire.
Véritable écho à Abyss, Titanic est le film le plus achevé de James Cameron. Son chef d'oeuvre d'où se dégage une rare puissance. Oscar, vous avez dit Oscar?


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