Courrier
Visionné le 14.02.97, Quartier Latin, Montréal
S.O.F.
|
Chienne de vie
Barry Levinson a tourné ce film en 29 jours, en urgence, parce que son autre film, Sphere était retardé.
Avec De Niro comme co-producteur, Mark Knopfler à la musique, et un script politico-satyrique, il signe l'un de ses meilleurs films.
Une dénonciation bien moins lourde que Mad City sur l'impact des médias. Mais ce qui surprend le plus est le parallèle avec la réalité. L'actualité rejoint la fiction.
Wag the Dog (Des hommes d'influences) démontre étapes par étapes comment se construit un fait divers, un fait qui fait diversion plus exactement, afin de manipuler les médias et donc l'opinon.
On part donc du principe que ce qui est dit à la TV est la vérité. Le seul contre-pouvoir à cette "vérité" est la sécurité (nationale). Nous sommes perpétuellement surveillés (écoutes, caméras, satellites).
Bref nous ne savons rien. Pire nous gobons les mises en scène, la publicité, les slogans, les coups marketing. Le Président n'est plus qu'un produit. La politique, du show business. Et nous des spectateurs allant payer (voter) pour nous divertir.
Et que préférons nous? Une rumeur sur une histoire pédophile ou une menace de guerre avec héros en otage à la clé?
Alors que l'administration Clinton est la proie d'une affaire sexuelle avec une stagiaire, l'Amérique semble décider à vouloir faire La Guerre du Golf 2.
Exactement ce qu'il se passe ici. On part d'un scandale à peine amorcé (un harcèlement d'une jeune fille dans la Maison Blanche) et on arrive à une guerre virtuelle avec l'Albanie.
"Dans les coulisses de nos grandes démocraties, ceux qui tirent les ficelles ne sont pas toujours ceux que l'on pense...". Ainsi commence le film. Une analyse du pouvoir effarante basée sur un script délicieux (plein d'humour, divertissant).
La réalisation sobre s'efface devant la prestation des deux monstres sacrés que sont Dustin Hoffman en producteur positiviste et sans conscience politique, et Robert de Niro en calculateur et fidèle à la raison d'état.
Leurs deux interprétations écrasent les autres, sans tomber dans le piège de la performance ou du duel.
La manipulation est superbement montée. A chaque fois que l'on frôle l'invraisemblable, on se remémore des exemples concrets.
Comme à Hollywood, rien n'est impossible. Levinson prouve que le schéma démocratique américain est un leurre. Que l'on ne peut pas sauver le monde, mais on peut essayer.
Juste en restant vigilent. Wag the dog est à ce titre un garde-fou intelligent et brillant. On croit à de la politique fiction, et en fait on voit (on vit) un reality show.
|