L'Ecolo, l'atome et la caméra
"Les événements et les actions qui sont encore trop grands pour être conçus par l'homme."
Ghünter Anders (à propos des explosiosn d'Hiroshima et Nagazaki)
Loin de nous la volonté d'analyser en profondeur le lien entre la puissance du lobby nucléaire, le
discours militant écologique et la représentation des deux par le cinéma.
D'abord, il y a trop peu d'exemples, de films, pour pouvoir élaborer une thèse. Cependant, la
conjoncture aide : l'actualité politique, la production de films sur le sujet, tout participe à des
perceptions différentes, des images influentes, des décalages entre l'évolution de l'opinion et les
idées véhiculées.
L'absence de vert.
L'écologie est peu présente dans le cinéma en tant que discours politique et traitement
dramaturgique. La Télévision y a trouvé beaucoup plus de matières à ses sujets de fictions. Depuis
quelques années, Hollywood y a puisé quelques idées. Les nouveaux films catastrophes font écho
à un discours plus environnementaliste que simplement alarmiste (comme ce fut le cas dans les
années 70). Erin Brockovich ou A Civil Action - qui traitent de la pollution de l'eau dans les deux
cas - sont de bons exemples mélangeant la mission (écolo), la justice (toujours des avocats) et la
menace (sur une communauté). Certains cinéastes comme Redford ou Sayles font de la Nature
une thématique privilégiée, sans verser dans le simplisme de la vie aux champs ou le retour aux
sources. Des films comme ceux d'Herzog, Costner, Boorman se sont souciés de la place de la
nature dans le message de leurs films. De même la plupart des films animaliers (Gorilles dans la
brume) sont déterminés à préserver certaines espèces. La science fiction n'hésite pas à être
moraliste sur les terriens du passé que nous sommes pour eux (Star Trek). Princesse Mononoke et
de nombreux mangas (dans Goldorak, préserver la terre était une sorte de crédo à la série) en font
leur cause manichéenne (entre ceux qui détruisent et ceux qui respectent). On retrouve ce message
dans les productions de Jacques Perrin (Le Peuple Migrateur, Microcosmos). Il y a aussi quelques
menaces bactériologiques (Alerte, 12 monkeys). Mais le cinéma est plus pollueur (la 406 de Taxi
n'est certainement pas électrique) que soucieux de la couche d'ozone et de l'air qu'on respire. La
pollution n'est pas un sujet de script, même si elle fait bien plus de morts que la violence (voire la
thèse de Bowling for Columbine). Ceci dit, le méchant dans Men In Black II est un alien qui ose
abuser de l'ozone comme « nourriture ». Et Kathleen Turner joue les Serial Mom quand une
voisine ne trie pas ses déchets.
Einstein et cie...
A contrario, le cinéma, pas trop écolo donc, se laisse séduire par l'une des découvertes majeures
du siècle passé : le nucléaire. Autrement dit le Satan des "verts". Les films ont raconté l'histoire des
savants (Les Palmes de Mr Schultz, A Beautiful Mind). Puis celui de l'armement. Fat Man et
Little Boy sont le nom des deux premières bombes nucléaires, et un film avec Paul Newman. Le
nucléaire fait figure de second rôle récurrent dans les films de guerre ou d'espionnage
post-deuxième guerre mondiale, plus rarement dans les films historiques (Thirteen days et la crise
de Cuba par exemple). Parfois, les centrales font figurantes, en arrière plan, pour signifier le
progrès (en Chine) ou la misère (en Europe). Seule la série animée des Simpsons parvient à s'n
amuser, faisant succéder une série de catastrophes et illustrant un certain amateurisme grâce à la
maladresse de Homer Simpson, employé à la centrale de Springfield. Cela reste une exception. Car
le cinéma n'a jamais voulu plaisanter avec l'atomique. Kubrick est parvenu à équilibrer le discours
critique, le registre burlesque et la folie d'une guerre nucléaire. Dans la lignée de l'héritage
d'Einstein, Stanley Kubrick, et son Doctor Strangelove (Docteur Follamour), arme une bombe,
montre un champignon qui n'a rien d'hallucinogène et prouve la folie absurde de l'homme en ces
temps de guerre froide. D'une découverte scientifique géniale, on a aboutit à un carnage possible.
C'est ce qui semble fasciner le cinéma...
Une menace atôme.
Pour le 7ème Art, le nucléaire est une menace : globale ou terroriste, humaine et incontrôlable. Pas
de déchets. Juste un mot qui permet de faire fonctionner un suspens. On divise les menaces en
trois catégories : les incidents d'exploitation (Le syndrome chinois, Meltdown at Three Mile
Island), la bombe nucléaire qui n'explose pas (Dr.No, War Games), la bombe nucléaire qui explose
(Dr Strangelove, Armageddon).
L'énergie nucléaire est rarement critiquée dans les films. Le débat nrétant pas simple, un scénario
peut difficilement le rendre concis et clair. Après les explosions d'Hiroshima et Nagasaki,
l'humanité a su qu'elle était capable de s'exterminer en masse. Ajoutées à l'Holocauste, ces deux
bombes ont entraîné l'Homme vers un sentiment de peur relativement irrationnel (ce qui entraîne
une surconsommation compensatoire). Mais cette pression militaire sur laquelle s'est fondée la
guerre froide entre les deux blocs n'avait jamais trouvé d'écho dans le quotidien des petits
humains. L'exploitation de l'atome pour son électricité était sans doute aussi passionnante que
l'observation du vol des canards sauvages. Jusqu'au Syndrôme Chinois, avec Jane Fonda, Jack
Lemmon et Michael Douglas. Le film est devenu populaire non pas à cause de sa qualité (scénario
intelligent mais réalisation moyenne) mais grâce au hasard de l'actualité. Quelques jours après sa
sortie, la centrale de Three Mile Island près de Philadelphie explosa. En pleine crise pétrolière,
alors que les mouvements écologistes et hippies déclinent, le film devient vite un symbole pour les
anti-nucléaire. Si ce film a précédé un accident dévastateur, d'autres incidents ont inspiré des
scripts. C'est le cas de Godzilla qui commence démagogiquement avec les essais nucléaires
français en Polynésie Française et transforme un animal en affreux monstre !
Exploser ou ne pas exploser
Mais le nucléaire reste une bombe aux yeux des cinéastes. Une ogive qui peut être lancée par un
avion (Broken Arrow), un sous-marin (A la poursuite d'Octobre rouge), ou un satellite (Space
Cowboys). Une menace qui plane, qui bluffe, qui se déclenche. Mais qui explose rarement. Dans
les James Bond, le décompte s'arrête à 007 (Goldfinger). Elle demeure une star du genre ; les
producteurs de James Bond l'ont utilisée à chaque fois dans les récents films avec Pierce Brosnan.
Depuis quelques années, cependant, l'arme nucléaire se balade dans des valises ou dans les mains
de terroristes. Elle devient un objet de convoitise au marché noir. Dans True Lies, The
Peacemaker, ou encore Bad Company, le nucléaire se marchande comme la dope ou les faux
dollars.
Elle n'explose que rarement. Dans Hiroshima mon amour, on en voit les effets. Dans Terminator
2, on assiste à une simulation (effroyable) de la destruction de Los Angeles. Dans certains cas, elle
sauve le monde (Armageddon, Deep Impact) . Chez Imamura, elle conclut un film. Dans La
Somme de toutes les peurs, elle se mute en virus : capable d'être transportée, reproduite, et pire
d'exploser n'importe où.
La terreur ne provient plus des état majors dans le cadre d'une guerre de puissances, mais
d'individus incontrôlables, qui veulent soit de l'argent, soit défendre une cause. Bizarrement, il y a
prolifération depuis quelques années, en tout cas au cinéma.
Le syndrome du sensationnel
On serait tenter d'malgamer l'ensemble : le nucléaire serait ainsi considéré comme nocif,
dangereux. Après tout, il détruit des vies, et devient une arme suprême capable de circuler dans
n'importe quelles mains (normalement seuls 5 pays oint accès au feu nucléaire). A partir de cette
idée, Hollywood a souvent brodé des films à faire peur. Le discours écologique, la recherche
scientifique, ou encore l'énergie autour de l'atome, bref tout aspect rationnel autour de cette
découverte, ont peu de place dans le cinéma. Le pragmatisme n'est pas une bonne recette pour le
Box Office. Ce n'est pas là que l'image trouve sa force. Il fallait faire du nucléaire le Mal, comme
on le fit des indiens exterminés, avant de se repentir.
Le 7ème Art a donc trouvé une vision emblématique pour une telle puissance de destruction :
l'Apocalypse (biblique). Cette vision de fin du monde, due à la bêtise humaine, se retrouve
résumée dans la première version de La Planète des Singes. Comme pour nous rappeler qu'il ne
faut pas jouer avec le feu. Prométhée en sait quelque chose...
Vincy